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danse - Page 23

  • Celine Angèle

    Un besoin viscéral de transmettre et partager brûlerait l'acteur. Sur le chemin de théâtre que j'ai emprunté pendant une dizaine d'années, j'ai toujours recherché un théâtre total où le langage puiserait sa vérité dans sa nécessité organique. Le Butô  m'est apparu en 2003, et s'est révélé correspondre à cette recherche, interpellant le spectateur à écouter depuis sa peau et respirer depuis son âme chacune des cellules du corps en scène, il ouvre le chemin vers la catharsis.

    Douze années de pratique de judo m'ont enseigné un engagement intégral du corps, portant en lui sa nécessité, dont le frémissement instinctif lui transmettrait un caractère imprévisible. Je retrouve au butô cette importance d'un corps libre et démultiplié, au service de son combat. Pour toute personne qui désire tendre vers toujours plus d'authenticité et de dépouillement, le butô offre une mise à nu des plus entières: revenir à l'être-corps, l'être organique, l'être sauvage, dépecé de son conditionnement social et de ses habitudes, s'abandonner à la respiration viscérale et tenter de se faire naître. Ne rien vouloir représenter: Devenir. Ne rien chercher à justifier: Etre.

    Cette danse évolue à travers les générations et les peuples qu'elle contamine. Avant de la mettre en scène, l'exigence de construire un corps. Suivre une pratique qui amène vers toujours plus de disponibilité et d'ouverture, où chaque expérience se révèle nourriture essentielle au corps traversé par la danse. Une exploration qui puise sa force dans son origine, son vécu, son souffle primordial et ainsi toucher l'universel. Une démarche honnête et consciente qui tend à embraser les corps, réveiller les consciences, et retrouver son cri, celui qui prend sa source dans la révolte d'un corps né de la terre. Le butô est une danse de la mémoire où la peau danse les sensations qui la traversent, où l'âme se souvient et délivre l'histoire de ses ancêtres, libère leurs voix et leur donne chair.

    J'ai dansé dans la performance « Prières » du groupe de Jean Daniel Fricker, dans les environs de Hampi, en Inde. Elle dura 6 semaines et 4 nuits. Pèlerins de la danse, nous avons vécu dans la naissance de chaque jour, où nous avons reçu du ciel son souffle, de la terre son sang, du vent sa prière. Auprès de Jean Daniel, j'approfondis ma recherche depuis plus de trois années. Nous travaillons à partir d'un corps-matériau, matière, en état d'urgence: n'être plus qu'une surface sensible et chercher à déceler la nécessité de sa danse, le mouvement naît de l'intérieur. A travers un laboratoire d'expériences directes ou de mémoires sensorielles, le corps, en éternelle mutation, s'imprègne de diverses qualités et matières. Traversée, la danse devient témoignage. Notre danse est aussi une exploration, une imprégnation de notre environnement quotidien ou lointain, une intégration du lieu et de l'espace, une perception cellulaire des éléments et du temps; un corps-réceptacle médiatisant ce qui le traverse, une exposition de corps en fusion.

    Le corps se fait instrument où résonne l'être humain touché dans sa chair la plus intime, dans ses silences et dans ses cris. L'espace devient extension du corps, lieu de rituel où se révèlent les métamorphoses de l'âme.

     Céline Angèle, 29 janvier 2009

    CELINE ANGELE passionnée de théâtre, tant à travers la force de la littérature classique, que l'engagement des auteurs contemporains, elle reçoit une formation en arts dramatiques et travaille sur Paris pendant une dizaine d'années. Double championne de france de judo et consciente de l'importance du corps chez l'acteur, elle mène une recherche sur la poétique du corps et son langage organique. Elle travaille un théâtre des extrêmes explorant le sublime et le monstrueux à travers l'univers d'œuvres diverses et variées, de Racine à Hugo, de Genet à Novarina, de Artaud à Kane. Un corps à la fois dense et sensible l'amène à rencontrer le butô, qu'elle pratique ces cinq dernières années avec de nombreux danseurs et danse pour différentes compagnies. Actuellement, elle poursuit sa recherche auprès de Jean Daniel Fricker en france et à l'étranger.

    http://celineangele.blogspot.com/ Jean Daniel Fricker  www.jonglorsion.com

    P.S. : Ce texte de Celine Angèle a été commandé pour un dossier buto à paraitre dans le web-magazine "Les petites feuilles" de l'association Art Levant.

    Guy

  • André Gingras: autopsie d'une performance

    Cette proposition, comment doit on la voir, où doit on la recevoir? On arrive curiosité toute aiguisée: Ardanthé a importé André Gingras pour ce soir seulement. Peu d'infos, hors un visuel ébouriffant. Dans cette salle toute nouvelle, électrique du retard et des travées surpeuplées, on est tendu d'attente....

    The Autopsy Project André Gingras photo 5 Ben van Duin.jpg

    Attentif à chacun des gestes, donc. Mais ces gestes vont-ils tous dans le même sens? A force ils nous font perplexe. Méfiant? Devant tout le grand jeu: du saut de l'ange à la nudité franche. Des sauts, des seins, des bonds. Les danseurs s'échauffent sur des échafaudages de trois mètres de haut, s'offrent sans filet. Une demoiselle en tenue de morgue est extraite d'un sac pour une partie de colin maillard en hauteur, et joue à nous faire peur. Impressionnant, mais cet athlétisme est à double tranchant. Semble suspect. Ce qu'on voit en cirque à la Villette semble souvent plus scénarisé. On regarde, mais on a du mal à s'abandonner, à se jetter soi-même dans le vide, tant on ne sait pas où on va. Plus tard on passe au sol, en mode urbain et hip hop....

    The Autopsy Project André Gingras photo 1b Ben van Duin.jpg

    Etc... Doit on tout décrire du reste, sans lier? Se cantonner à l'énumération? Rapporter les oppositions jouées entre corps inertes et corps réflexes? Et parler encore des fesses? Mais, tout voyeurisme mis à part, quelle utopie ces nudités peuvent elles dessiner? Celle d'une communauté primitive, ou post atomique? Cette question du sens apparaîrait sans doute sans importance, si la danse s'assumait en elle-même, hors de tout contexte. Mais il y a toutes ces ruptures de ton à la flamande: vidéo, séquences plus théâtrales, bavardages et chanson. Soudain muettes des chairs amollies sur arêtes métalliques: on laisse prendre et surprendre. Mais on zappe le reste, dispersé, surtout les situations de groupe: un lynchage qui tombe à plat, placé hors tension. Une autopsie qui n'apparaît comme telle qu'à force d'éclairage blafard. On cherche: doit on distinguer ici des rapports de pouvoirs? Voire, dés qu'il y a deux personnes ou plus ensemble, on peut y voir du pouvoir, forcement... Et un peu de ceci, et beaucoup de folie....

    Plus tard on aura lu Libé. Une fois, deux fois: pas plus avancé. Et ce soir là on a applaudi, toujours en réserve, ni énervé non plus. En pure reconnaissance de la belle énergie déployée, mais vers où? On avait finit d'attendre, ensuite, on a vite oublié. Qui dit mieux?

    C'était The Autopsy Project d'André Gingras. A Artdanthé

    Guy

    photos par Ben van Duin, avec l'aimable autorisation d'Artdanthé

     

  • Gyohei Zaitsu livre la danse à domicile

    "Je viens danser chez vous''
          - livraison de danse butô en domicile par Gyohei Zaitsu-


    Gyohei dans la rue.jpg

    Mesdames, Messieurs,


    En 2008, j'ai dansé une cinquantaine de lieux en plein air dans la ville de Paris, sous le nom du projet '' Une tache sur la terre de Paris''. 

    J'ai l'intention de continuer ce projet (car il y a encore des lieux qui me donnent envie de danser), mais je voudrais lancer un nouveau projet en même temps pour cette année 2009.

    Dans le projet '' Je viens danser chez vous'', je voudrais apporter mon corps dansant chez un individu (ou ailleurs, selon la demande) comme une livraison de toutes autres matières.

    Ca fonctionnera sur rendez-vous entre vous et moi, donc appelez-moi ou envoyez-moi un e-mail pour prendre rendez-vous si cela vous intéresse.

    Je viendrai danser pour une seule ou plusieurs personnes. Le prix de la livraison n'est pas défini. Il peut être payé selon vos moyens (l'argent, le repas, l'objet, e.t.c...).

    Je crois encore à la valeur de l'art vivant et de l'échange direct dans notre société. L'art vivant est souvent mis à part (dans les théâtres, expos, ou sous forme de spectacle de rue, e.t.c...), mais il pourrait apparître n'importe où.

    Si vous voulez voir autre chose que la télé ou le DVD à la maison, n'hésitez pas à me contacter, s'il vous plaît.

    Cordialement,

    Gyohei Zaitsu (danseur du Butô)  email
  • Jamai(s) vu!: vues d'europe(s)!

    Certains voyages offrent des images qui persistent, d'autres pas. On passe une demi-heure trop longue en Italie, en compagnie d'un duo qui semble vouloir nous en mettre plein la vue dans un style post ado et enflammé. Tout le catalogue y passe, démonstratif et clinquant. On oublie. Vérification faite, cette compagnie remplaçait une autre, italienne aussi, d'abord prévue au programme... les changements de destination de dernière minute ne sont pas toujours bienvenus.

    Kafard.JPG

     

    Bien plus troublante, l'incursion dans cette Europe qu'on appelait avant l'Europe de l'Est, dans le pays de Kafka, qui s'associe dans notre mémoire à des siècles d'histoire. Une métamorphose est en cours, suspendue dans la gêne. Table et lampe au plafond, le décor pourrait être celui d'une cave. La lumière est chiche. L'homme est prisonnier, au moins de lui-même. En position foetale, sur-sous-devant cette table, autour, son corps s'agite de gestes insectes, couvert de misère et de poudre. L'être est encombré, cherche à se dégager de son enveloppe, bascule dans la folie et le sordide, laisse effuser tous les symptômes du delirium tremens. S'expriment par sourbresaults toutes les hantises: morcellement, mutilation, evicération. La danse est agitée de terreurs renfermées. La civilisation ne réussit à s'exprimer qu'en bafouillements tels ceux d'un prisonnier politique, les vêtements embarrassent aussi, la séquence se finie nue et prostrée, l'âme un instant attirée par un rayon de lumière. On peut en discuter certains détails, en tous cas ce solo est ancré et intègre.

    On s'attarde aussi 10 minutes en France conceptuelle et parisienne, pour devenir le terrain d'une performance des Gens d'Uterpan qui reprend un extrait de leur avis d'audition. Ne consistant en rien d'autre que la début de la pièce vue ici du canadien Dave St Pierre (sans prétendre rechercher à qui revient la paternité de la chose), mais suivie de rien.

    Et on retrouve Sofia Fitas, et intacte toute son étrangeté, sa puissance d'évocation. Le regard est déprogrammé. De métamorphoses il est aussi question ici, mais trés loin de l'humain. Nous ne sommes pas au Portugal, ni en Europe, nous ne sommes plus dans un pays, ou alors celui de l'inconscient, nous sommes aprés, ou avant.

    C'était Paper-Wall de Giannalberto de Filippis, Der Cafard de Jan Komarek avec Honza Malik, Parterre des Gens d'Uterpan, Experimento 1 de Sofia Fitas. Au théâtre de Vanves, dans le cadre du festival jamai(s) vu!.

    Guy

    Jamai(s) vu! continue les mercredi 4, jeudi 6, samedi 7 fevrier, au Colombier de Bagnolet (01 43 60 72 81), avec Francoise Tartinville, Petra Fornayova, Lenka Bartunkova, Zufit Simon (France, Rép. tchèque, allemagne)...Pourquoi le "s" de jamais est il entre parenthèse?

    Photo (droits réservés) avec l'aimable autorisation de Jean François Munnier.

  • UBL: sous vos applaudissements!

    Ubl ose. Et pose des questions, qui ouvrent, béantes, troublent. En sautant sans précautions aux conclusions: saluts, applaudissements. Le grand moment de rencontre, l'offrande obligée, le pic d'émotion. Sauf qu'ici hors contexte. Evidé du contenu: sans rien avant.

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    Alors, que valent ces gestes encore? Les causes de la relation perdues, le phénomène nu, que voit-on ? Il y a t il encore une rencontre? Est ce nous- les spectateurs- projetés en image de synthèse, reduits aux postures, aux gestes mécaniques des applaudissements. Est-ce eux les artistes, qui n'offrent plus qu'eux-même? Reduits aux seuls saluts, à leur soif de reconnaissance, éperdue. Ivres de cette émotion et fragiles à se briser. La situation se décline, jouée, dansée, en nuances, du factice au paroxysme. Compris les efforts attendus du chauffeur du salle aux accroches éculées, là une demonstration d'une triste normalité. Tout s'emballe sans complaisances jusqu'au vacarme qui assourdit le sens. La répétition accélérée jusqu'à l'épuisement, l'artiste s'affaisse. Que reste-t-il, de ce qui se passe entre nous et eux ? Nous sommes déchargés de la mission d'applaudir nous mêmes les artistes tournés vers d'autres publics aux quatre coins de la scène. Nous considérons ces publics virtuels, renvoyés à une reflexion sur notre propre fonction de spectateurs. Sans réponses proposées: il n'y a d'autres commentaires que ceux dans les gestes et les mots de circonstances. Avec ironie et connivence. La performance est réduite jusqu'à l'os. Décapée, le resultat est décapant. Avec un goût amer, provoquant. Salutaire?

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    C'était Klap ! Klap ! de Christian Ubl, avec Fabrice Cattalono, Marion Mangin, Christian Ubl. Texte, scénario, et film de François Tessier, musique de Fabrice Cattalano. A Micadances, avec Faits d'hivers.

    Guy 

    Photos par Matthieu Barret avec l'aimable autorisation de la compagnie Cube.

    A lire: le tardorne, avec lequel cette piece entretient une relation particulière...

  • Carlotta Ikeda: trop

    Les images font profusion en un défilé grotesque. Bariolées et somptueuses, monstrueuses.

     

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    En une débauche d'extravagances baroques, qui se succédent à la manière de numéros de cabaret: humanités caricaturées qui s'agitent à terre, excroissances sophistiqués, féminités débordantes, sumos à mamelles, fleurs animales et sensualités vénéneuses, troupeau de poules reniflantes et enervées, jeunesses nippones essouflées ou danseuses de french cancan encanaillées....C'est virtuose, mordant et drôle, d'une approche singulière, ebouriffant, et trop. Il suffit que Carlotta Ikeda revienne, quelques minutes, seule en toile kaki, pour faire beaucoup avec peu. Pour évoquer le comos avec un simple ballon. Magnifique. Puis ne laisse que des regrets. La suite sature, le trop plein accouche de la vacuité. 

    Deux troupes issues du mouvement Buto remplissent encore les salles en France: Sankai Juku  d'Ushio Amagatsu et Ariadone de Carlotta Ikeda Dirigées par deux chorégraphes de la même génération, la première des deux compagnies étant exclusivement masculine, la seconde exclusivement féminine. Mais Ariadone semble s'orienter vers la théatralité et le grotesque, Sankai Juku se concentrant en une danse empreinte de mysticisme. Les deux tendances agitent depuis le début le mouvement buto, et cette ambivalence s'affiche dans le titre de cette piece: Uchuu (univers en japonais) Cabaret. Mais ce soir la balance penche trop lourdement du coté du second terme.

    C'était donc Uchuu-Cabaret de Carlotta Ikeda , au théatre Silvia Monfort, avec le festival faits d'hiver.

    Guy

    photo par "Lot" avec l'aimable autorisation de Faits d'Hiver

    Lire aussi: Paris Art

  • Looking for Paco: episode 7

    Looking for Paco: episode 7

    Regards sur la création de « Fresque, femmes regardant à gauche » par Paco Dècina et la compagnie Post-Retroguardia.

    Episode 7: Suite et fin...

    J-0, ou J moins quelques heures, Fresque se construit encore, jusqu'aux derniers instants. Dans un même mouvement précipité, mais inverse, ce journal se déstructure, aujourd'hui réduit à quelques notes décousues, dans l'urgence. Après il ne sera plus temps, ce récit n'aura plus lieu d'être dès ce soir à 20H30, quand débutera la première de la pièce. De toute évidence, ce journal de création n'aura rendu compte en rien de ce que sera bientôt Fresque dans le regard du le spectateur. Il aura juste permis de témoigner de choses vues avant. Ce soir c'est une autre histoire qui commence, que d'autres raconteront. Il y aura beaucoup de journalistes qui écriront des articles, sans doute enthousiastes comme pour les précédentes créations de Paco, on lira les réactions de Pascal, de Miss knife, qui ont prévu de venir, ... et les spectateurs discuteront!

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    Le travail se poursuit, depuis deux semaines, le samedi et dimanche compris. Paco et l'équipe, qui sont en résidence au T.C.I., disposent pour répéter de la salle dite la Galerie, où sera présentée la pièce. Un filage photo a lieu ce vendredi soir, et une générale dimanche. Cinq, six photographes sont installés au deux premiers rangs avec trépieds, appareils, objectifs énormes et interchangeables. Les cliquetis résonnent sans répit dans le noir. Je demande à la fin à Laurent Pailler combien de clichés environ il a pris... il me répond en espace mémoire.

    Il me faut un peu de temps pour identifier quelque chose de singulier: c'est que même à trois jours de l'échéance, on ne perçoit ici toujours ni énervement ni affolement. De la concentration, de la fatigue évidemment. Paco sort fumer plus souvent, mais son ton reste le même. Les danseurs souffrent en silence (Peut-être un peu plus que les autres: Jesus, qui répète chaque matin sa propre pièce, présentée à Ardanthé mercredi). Juste avant le filage tous les sept se referment en cercle ensemble, comme pour se réconforter en un énorme câlin. Puis le travail continue, encore. Sans interrompre le filage, Paco continue à donner des directives à voix haute, une fois celui ci fini Jesus essaye un nouveau costume, Frédéric modifie la musique, et ainsi de suite...

     

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    Je regarde le filage sans réussir à le voir vraiment, saturé des impressions des répétitions d'avant. Souvenirs que je ne parviens plus vraiment à remettre en place. En particulier, je n'en reviens pas de cette séquence qui semble se dérouler dans des thermes antiques, c'est Silvère qui me rappellera que je l'ai déjà vue répéter, par les seuls danseurs, en décembre. Je crois par instant percevoir la cohérence du tout, telle qu'elle était pensée bien avant que je ne vienne regarder les répétitions. Mais que seul un travail quotidien a amené jusqu'à cette forme, travail dont j'ai un peu été témoin. Video, lumières et musique lient la danse en un rêve éveillé, plein de mystères, d'émotions et d'absences. Mais je suis le dernier maintenant à pouvoir parler de ce qui apparaît, à la fois moderne et intemporel. Je saisis juste des brides de beauté, et j'envie ceux dont l'oeil sera vierge, lundi. J'y serais aussi. En attendant j'essaie de tout oublier, pour revenir neuf. 

    Ce journal est fini, dans quelques heures commence Fresque.

     Guy Degeorges

     Photo de Jerôme Delatour, les autres sont sur Images de danse.

     

    Un énorme merci à Paco Dècina et à toute la compagnie(1): Orin, Vincent, Chloé, Sylvère, Noriko, Jesus, Takashi, Frédéric, Laurent, Serge, et Catherine, pour leur gentillesse, leur transparence et leur disponibité durant ce projet. Merci à Marion et au T.C.I., et bien sur à Jérome , ainsi qu'à tous mes amis spect-acteurs pour leur aide et leurs encouragements.

     

     

    lire le prologue, l'épisode 1, l'épisode 2, l'épisode 3, l'épisode 4, l'épisode 5, l'épisode 6,  les bonus...

     

    P.S. Et spécialement pour les lecteurs de ce journal, et les admirateurs des photos de Jérome, le T.C.I. propose d'assister, pour un tarif à 8€50 (1) à la représentation de Fresque du 26 janvier, qui sera suivie d'une rencontre avec Paco Décina, et l'équipe artistique.

    Reservations au théatre 01 43 13 50 50, mot de passe "Blog". 

     

    (1) et bravo à Fréderique Chaveaux (images video) et Cathy Carnier (costumes) que je n'ai pas eu l'occasion de rencontrer.

  • In-Contro d'Erika Zueneli: Duel et gestes

    Mère et fille ? Sœurs ? Amies ? Amantes ? Quoiqu’il en soit, assises en chien de faïence, et bien des comptes à régler, de toute évidence. Campés des deux cotés de la table, les regards d’abord s’affrontent, couteaux dans les yeux.

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    En silence la tension glisse vers la danse, encore retenue, vite en vivacité. Les deux elles ne vont pas abattre toutes leurs cartes d’emblée. Les visages restent impassibles et les bouches closes, les corps dialoguent et s’affrontent à coups de messages connivents. Avec des gestes articulés autour de la table et des deux chaises, pour qu'elles en glissent parfois, s’en éloignent souvent, toujours pour y revenir, comme pour se disputer le seul territoire qui soit synonyme de pouvoir. Les victoires sont précaires et les situations s’inversent, le duo passe en revue toute la gamme de la relation, en complémentarité ou domination, positions up et down, escalades et dérobades, élans ou indifférence, réconciliations et coups fourrés, dépendance ou affectivité étouffante, abandon ou regrets, tendresse ou cruauté. Sans que rien ne soit appuyé, tout en subtilité et tout en gestes, sans un mot ou presque.

     

    C’est acide et drôle, c’est surprenant, c'est stimulant, c’est créatif, c’est de la danse contemporaine. 

     

    C’était In-Contro d’  Erika Zueneli, avec Erika Zueneli et Kataline Patkai, au théâtre de l'étoile du nord, avec le festival Faits d’Hiver.

     

    Guy

     

    Photo par Vincent Jeannot, avec l'aimable autorisation d'Erika Zueneli

     

    P.S. : le même soir, autour d'une autre table, il y avait Solides Lisboa

  • Looking for Paco: episode 5

    Regards sur la création de « Fresque, femmes regardant à gauche » par Paco Dècina et la compagnie Post-Retroguardia.

     

    Episode 5: Avant les vacances. 

     

    Le temps fuit. Demain commence déjà la toute dernière semaine de répétition de Fresque, avant la première du lundi 19 janvier, et il y a beaucoup à raconter. 

    Pour commencer: un retour en arrière, avant Noël et la nouvelle année. C'est un après-midi avant les vacances, à Micadanses. Le lieu semble désert, ou à peu prés, en tout cas pas très gai.. Paco n'est pas là, parti quelque part en province, pour la journée. Se passant de lui, les sept danseurs répètent, dans le studio May Be, cette salle de répétition qui est aussi utilisée pour certaines représentations de Faits d'hiver

     

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    Minutieusement, ils travaillent, progressent dans l'exécution de certaines séquences. En toute sérénité. A proprement parler, ils ne créent pas, ils affinent. Comblent certains vides, relient des gestes. Ce qu'au départ je recherchais reste insaisissable, décidément, mais pour me permettre de découvrir autre chose: ce que je vois en ce moment est spectaculaire. Mais d'une manière éphémère, qui plus tard s'estompera, quand la création sera achevée. Car je vois maintenant, en pleine lumière, toutes les performances physiques, les efforts, les prouesses athlétiques, les élans arrachés et la lutte contre la pesanteur, les impossibilités contournées centimètres par centimètres. Tout ce qui sûrement sera rendu invisible dans la pièce, dans son déroulement, pour qu'alors les mouvements puissent paraitre naturels, les corps emportés dans le flux de l'évidence et du récit. On verra alors les interprêtes sur la scène, mais le travail sera caché, à l'intérieur d'eux. Il n'est pas interdit de penser que certains danseurs en soient un peu frustrés... Mais pour le moment à Micadances tout se voit et tout est étonnant, d'une manière qui me renvoie à la conscience cruelle des limites de mon propre corps: Sylvère se tient à l'envers, finit en équilibre tout son poids sur l'épaule, s'appuyant à peine le long de Vincent. Il parait incroyable que des hommes de sa carrure, ou de celle d'Orin, puissent se mouvoir avec une telle agilité. Plus tard l'un des danseurs me confie qu'au fil des mois de répétitions, son organisation musculaire a finit par s'adapter aux contraintes propres à cette pièce, pour contrecarrer la fatigue. Takashi, un peu à l'écart, plus petit, se lance dans des mouvements très rapides, des mouvements de chats. Ici sont rassemblés deux asiatiques, une sud-américaine, quatre européenn(e)s qui ne se ressemblent pas: d'évidence il y a pas de physique imposé pour danser pour Paco. Les garçons avancent debout sur les mains, les trois filles ne sont pas en reste, tous se lancent dans des figures hip-hop. Tels de grands ados, voudraient-ils aujourd'hui m'en mettre plein la vue qu'ils ne feraient pas autrement. En l'absence de Paco, ils s'observent les uns les autres pour se conseiller. Chacun est à l'écoute, Noriko, qui parle rarement et plutôt en anglais, intervient pour rectifier une position de Silvère, et tous sont attentifs. Vu d'ici- mais je ne viens qu'une fois sur cent- ni tension, ni chefs, ni rivalités. Mais de la fatigue et des corps essoufflés, des enchaînements répétés dix fois et plus. Et des plaisanteries, tout le temps, et d'autant plus aux moments où l'effort est évident, ou la figure virtuose. Comme par pudeur, comme pour s'excuser d’avoir à se montrer, et même les uns aux autres, pour ne pas donner l’impression de vouloir en montrer trop. L'auto-dérision comme remède contre l'esprit de compétition? Même, ils rient souvent comme des enfants qui auraient réussi une pirouette. J'ai l'impression de me retrouver dans la cour de récré. Comme par exprès les filles répètent ensemble une scène et les garçons s'arrêtent, s'assoient pour les regarder et commenter, un rien sardoniques. Ensuite, les rôles sont inversés, les filles regardent les gaçons répeter. Puis tous se laissent retomber à plat le temps d'une pause, s'étirent et se massent, entament un grave débat pour décider qui demain matin va acheter des haribos. Jesus me propose un peu de la tortilla qu'elle conserve dans un tupperware, c'est appétissant mais je n'ai pas l'excuse de griller autant de calories qu'elle. Puis ils recommencent, et les plaisanteries de mêmes…

    Quelques jours plus tard, Jérôme m'écrit, tout excité, pour m'annoncer qu'il a retrouvé la partie manquante de la Fresque. Il la montrera à Paco... mais dans l'épisode d'après, au T.C.I.....

    Guy Degeorges

      

    Photo de Jerôme Delatour  (mais ici prise au studio Banca Li), les autres sont sur Images de danse.

    Merci à Paco Dècina et à la compagnie Post-Retroguardia, et au T.C.I..

     

    Le prochain épisode est diffusé ici, bientôt...

    En attendant, lire le prologue, l'épisode 1, l'épisode 2, l'épisode 3, l'épisode 4, l'épisode 6, episode 7 , les bonus...

     

    P.S. Et spécialement pour les lecteurs de ce journal, et les admirateurs des photos de Jérome, le Théatre de la Cité Internationale propose d'assister, pour un tarif à 8€50 (1) à la représentation de Fresque du 26 janvier, qui sera suivie d'une rencontre avec Paco Décina, et l'équipe artistique.

    Reservations au théatre 01 43 13 50 50, mot de passe "Blog". 

     

    (1) c'est le tarif le plus doux, sauf si vous avez moins de 12 ans.

  • Pina Bausch: light et bio

    On va présenter le flanc pour se faire lapider par les sectateurs de la grande prêtresse de Wuppertal, et Dieu sait s'ils sont nombreux.... Mais allons y quand même- et ce n'est pas pour le plaisir sacrilège de dénigrer la demi-déesse. Juste par dépit, par ennui...

    Il est tout beau et tout propre, euphorisant, le monde de Pina Baush. Suspendu en douceur dans une ère new age, avec un défilé de jeunes gens souriants et bien faits, c'est presque un défilé de mode. En horizon un mur végétal et une cascade d'eau- l'eau va beaucoup servir. Les belles robes aussi, assorties, pour bercer des nostalgies pastels. Donc les robes sur les danseuses sont bien vite mouillées, ensuite on aspergera les robes, plus tard on versera de l'eau dessus, pour suggérer de belles formes. Et oser une audace inoffensive. Toujours en douceur, et en rythme. Rien ne s'arrête jamais. Dans le flux continu de la musique, aussi ommniprésente que dans un centre commercial, non stop, equalisée dans les tons medium de l'easy listening. On a jamais le temps de s'ennuyer ni de s'interroger d'ailleurs, les interpretes rentrent et sortent en zapping, courent sans drames, voyagent valises à la main, on voyage avec eux du regard comme dans les rues d'un village Potemkine. Les corps sont harmonieux, tout sauf furieux. Chacun y va de son solo en joliesse, sourires obligatoires et imperturbés. A force, l'on sourit aussi, bercé par la musique. Tout est agréable, rien ne surprend vraiment, rien ne peut fâcher. Tout varie pour ne jamais lasser: flirts, clins d'oeil appuyés, beaux portés, déjeuner sur l'herbe, numéro de cirque avec les chaises, courses poursuites burlesques, et encore des robes mouillées...Tout s'évapore comme la fumée des cigarettes. On peut se laisser aller à passer une bonne soirée. Belles et radieuse, les femmes tournent comme des poupée, puis dansent dans les champs (de l'utopie?), comme le commente non sans auto-dérision une interprète. La pub a la vie dure, on a le sentiment de voir un interminable spot pour protections périodiques. 

    La feuille de salle entreprend de nous conforter en un modèle de tautologie satisfaite: le Théatre de la Ville invite Pina Bausch depuis des décénnies parce qu'elle est toujours venue, on a une chance comme nulle part ailleurs au monde, merci pour sa générosité, CQFD. Pina: c'est Pina. Et, toujours, tout Paris cherche des places. Mais le temps des rentiers est derrière nous. Ce spectacle date de 2000. Ou date-t-il de cette année? Ou de 90? Ou de 2015? Soyons juste: on croit souvent reconnaître des gestes mille fois samplés ensuite par des générations de chorégraphes. Pour celà, merci à elle. Mais ici, maintenant, le savoir faire ne finit par accoucher que de la joliesse et de la vacuité.

     C'était Wiesenland de Pina Bausch, avec beaucoup de danseurs et de danseuses, au Théatre de la Ville, jusqu'à bientôt.

    Guy