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danse - Page 19

  • Le code a changé

    Ils dansent et jouent, mais leur jeu obéit à des règles aléatoires. Sur un plateau noir, dont l'image est projetée au mur, sont à intervalles réguliers par les uns ou les autres posés des objets: lettres, bonshommes, canards, voitures... A ces consignes codées et inattendues obéissent les danseurs, les musiciens et l'éclairagiste. On revoit ainsi souvent de mêmes séquences revenir, réagencées différement. De tels procédés les oulipiens ont fait un usage jubilatoire en littérature. Ces derniers s'éfforçaient à partir de contraintes inextricables de restituer aux oeuvres ainsi produites mouvement et sens. Mais ce soir, le code m'est inintelligible. Je ne comprends rien aux symboles posés sur le plateau. Je ne comprends pas l'enjeu d'obéir à ces consignes, ou de les détourner, et rien non plus ou résultat. A la matière dansée, riches en frictions, je pourrais m'intéresser, mais le cadre me rebute. En matière de danse, je suis pourtant rarement en demande d'explications, ni rationaliste à tout prix. Mais ce soir il y a un sens caché à l'aide d'un procédé élaboré et j'y suis étranger. Je me sens franchement de trop, frustré de sens.

    C'était Sur Faces, de Julien Monty et Michaël Pomero, au Colombier de Bagnolet, dans le cadre du festival Jamai(s) Vu!s

    Guy

  • Des regrets: Blanche Neige de Preljocaj

    Les vrais gens sont heureux: rappels, bravos et ovation, joie et felicité, et pour moi un grand moment de solitude: je me sens cerné. Avec la mauvaise conscience de ne pas avoir aimé, de faire ainsi insulte aux braves gens, rejeté vers l'elitisme, bunkerisé dans le snobisme.

     

    Blanche Neige 5 @ JC Carbonne .jpg

    Mais, malgré toute ma bonne volonté, agacé dès les premières scènes: le grand bal au palais avec tous les figurants, danse de salon avec le roi, les courtisans et la princesse, et même les méchants. Méchants en noir, gentils en blanc. C'est peut-être cela qui me gêne, cette lisibilité organisée à l'extrême, cette narration transparente et aussi le soucis permanent d'en mettre plein les yeux. Dans le même temps je me sens mal à l'aise de reprocher à Preljocaj de vouloir être compris à tout prix. N'empêche, me reviennent les images de shows à Disneyland, aussi explicites: d'autres princesses dans d'autres ballets, et des méchants tout aussi visiblement méchants, avec la différence que chez Disney on peut manger ou lire en regardant. Partant de là, toute cette belle danse, je ne parviens pas à m'y intéresser, je ne vois que le clinquant des costumes de J.P. Gaultier, les beaux décors et les belles diagonales, les effets de fumée, et la maîtrise éprouvée des artifices. Tel le miroir avec les reflets vivants, un vieux truc de music hall, déja usé chez les Marx Brothers et même par Max Linder encore avant. La musique de Mahler est omniprésente, dramatisation redondante, sans respiration. Je vois qu'évidence, et nulle profondeur. Preljocaj pourtant semble s'intéresser à l'exploration des contes et des mythes- je me souviens du Stonehedge d'il y a deux ans- j'attends en vain qu'il cherche la clef pour ouvrir avec moi des portes interdites, me fasse entrevoir des choses troublantes dans l'obscurité de l'inconscient (peut-être suis je le seul à attendre, les autres spectateurs se contentant du "Beau" et je ne peux pas le leur reprocher). Dommage. Avec Blanche Neige et sa marâtre, il y a à faire et explorer (Walser l'a déja fait). Sur le mode allusif on a droit ici tout au plus quelques coquineries, l'air de ne pas y toucher: l'attirail SM de la méchante reine et de ses esclaves en catwomen (cage, cuirs et fouets), une blanche neige courte vêtue qui doit se faire respecter par ses nains, la cruelle traque collective de la biche dans la forêt. On s'arrête là dans le genre émoustillant et tant mieux, on en a soupé avec Ann Liv Young. Je goute une consolation en conclusion, comme dans la pièce d'Howard Baker la reine danse dans ses petits souliers chauffés à blanc, et nous replonge un court moment dans les obscurs mystères du conte. Mais peu importe, comme avec Pietragalla  (plus audacieuse à tout prendre) presque tout le monde est content. Pas moi, non par tant par snobisme que parceque sans doute m'ennuient les histoires trop évidentes.

    C'était Blanche Neige d'Angelin Preljocaj au Theâtre National de Chaillot.

    Guy

    photo de JC Carbonne avec l'aimable autorisation du théatre de Chaillot

     

  • Elle et le vide

    Mon ami François a vu barbara Fuchs, il m'écrit:

    Organisation du temps et de l'espace ? La trame des post-it, évidente, pour l'espace ; l'organisation du temps suggérée par la voix-off qui au début égrène les nombres comme une horloge scande les secondes et les minutes, et ensuite lit les messages des post-it, supports de souvenirs, repères du passé et de l'avenir.

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    Sortir de la trame imposée ? Le quadrillage impose ses repères orthonormés, des règles pour les déplacements mais la danseuse y crée un trou, une aberration dans le bel ordonnancement géométrique, où son mouvement sera peu à peu plus libre. Elle se retire même hors de la matrice pendant un moment mais pour y rencontrer un autre obstacle, le mur, vertical celui-là. Une zone libérée au sein de la trame sera le point de départ d'un mouvement devenu horizontal, moins heurté, créé par un corps devenu nu, plus malléable, plus courbe, ignorant les post-its auparavant repoussoirs.

    Identité ? Virtuel ? Qui est cette femme devant nous ?  Barbara, un personnage robotisé au regard d'un bleu lointain, un body-builder, un personnage aux multiples parures, une femme soumise au cycle menstruel, un être asexué au corps contorsionné comme dans un tableau de Bacon, une créature animale à l'enveloppe-jupe se muant en une infinité de formes ?

    Les éléments naturels ? Le vent, l'eau des rivières , le piaillement des oiseaux que l'on imagine dans une campagne idéale n'ont pas disparu. Peut-être qu'un souvenir finalement. Peut-être un ailleurs. Peut-être là vraiment. Peut-être une perturbation.

    François

    Je dirais aussi: ....Au sol mille cinq cent post-it, inévitablement pour se souvenir de quelque chose, mais de quoi au juste? De consignes inutiles, de résolutions oubliables... Elle me semble régressive, en dérive d'identitée, caractères sexuels effacés, remplacés par des signes muets. Elle effacée jusqu'à une enfance incertaine, à tenir sa jupe et marcher en évitant de à chaque pas de marcher sur ces post-it.,  A terre elle dessine un espace vierge, dans une mémoire trouée. ne subsiste que le corps dépouillé, qui joue à cache cache avec la nudité. Cette danse est assez oppressante et honnête. Où est elle enfermée? 

    C'était It de Barbara Fuchs au Colombier dans le cadre du festival "Jamai(s) vu!

    Le festival continue mardi et mercredi avec Julien Monty et Michael Pomero au Colombier à Bagnolet (reservations 01 43 60 72 81) 

    Guy 

  • Pina c'est moi

    Pina es tu là? C'est Viviana Moin qui vend la mèche: hantée dans sa loge par d'intimidants revenants, de Fellini au Che- mais de Pina point. Ces fantômes la distraient d'enfiler sa belle robe style Pina à temps et nous épargnent un hommage trop convenu.

     

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    C'est que les trente artistes ou plus qui viennent ici évoquer Pina Bausch, finissent par parler surtout d'eux. C'est normal, c'est tant mieux. Le deuil rassemble. Fait aller de l'avant. C'est à cela que servent les enterrements. Que les biens vivants puissent se partager les dépouilles des disparus, leurs images, leurs rêves, leurs trésors et leurs idées. Fouiller les placards pour en ressortir beaux souvenirs et costumes inattendus, s'en parer, tous se retrouver, pleurer un coup et finir en fous rires. Pour commencer avec Kataline Patkaï emplumée, qui me fait franchement rire pour la première fois. Julien Lacroix teinte l'humour vers le noir, laisse au crabe le dernier mot. Guesch Patti en fait fort et peu, ne chante pas. Chacun est d'abord fidèle à lui-même. Andrea Sitter valse avec la pudeur et le ridicule, et l'enjouement feint. Marie Jo Faggiannelli danse avec ses fleurs. Yves Noël Genod fait semblant d'improviser, et parle d'Yves Noël Genod. Thomas Lebrun est digne, superbe et hilarant. L'allusion en reste au jeu de mots, avec Gaël Depauw qui gouaille et tient des pines. Adrien Béal souligne ironiquement la fuite des souvenirs. D'autres artistes, plus visuellement, parfois gravement, dessinent le modèle d'un seul trait: un geste délié, le port altier d'une robe...un sceau d'eau renversé... Les exercices, hétéroclites, s'enchaînent sans se contredire ni se heurter. L'effet est moins crispé que celui produits par arrêts sur images que proposait Boris Charmatz pour évoquer Cunningham. Les minutes tombent à plat parfois, sans porter à conséquence: au suivant ! Mais ces quatre minutes pour chacun suffisent pour nous entraîner dans une vision, souvent. On oublie les noms, on confond joyeusement, tout cela finit  par former le portrait chinois, brouillon et vivant, non de madame P.B. mais d'une génération qui ne renie pas ses influences et cet héritage particulier. Et se transformer en un hommage mérité au travail et à la programmation de José Alfarroba, initiateur de la soirée et patron d'Artdanthé. Ici il y a encore 2/3 ans il n'y avait pas foule, ce soir on ne pourrait plus mettre un œuf. Le deuil est passé, c'est des artistes vivants, de l'avenir, dont on se soucie maintenant. Parmi tous ceux qui ensemble reviennent saluer, un beau bébé essaie d'ouvrir les yeux.

    C'était PINA B. vue par... [Montre-moi (ta) Pina] avec Nabih Amaraoui & Matthieu Burner / Adrien Béal / Lucie Berelowitsch / Jeanne Candel / Josselin Carré / Cédric Charron & Annabelle Chambon / Raphaël Cottin / Herman Diephuis / Marie-Jo Faggiannelli / Geisha Fontaine & Pierre Cottreau / Ami Garmon / Mr X & Mr J / Marta Izquierdo-Muñoz / Thomas Lebrun / Leonard & Jeroen / Kataline Patkaï / Clément Layes & Jasna Layes-Vinovrsky / Yves-Noël Genod / Waldemar Kretchkowsky / Fabrice Lambert / Julien Lacroix / Mylène Lauzon / Viviana Moin / Thomas Quillardet / Ellen Rijk / Gaël Sesboué / Andréa Sitter / Arpad Schilling / Collectif TV, Isabelle Catalan, Guesh Patti, ... au théatre de Vanves , en ouverture du festival Artdanthé.

    Guy

    Photo de Jerome Delatour

    lire aussi Images de danse

  • Un arbre caché par la forêt

    C'est d'abord incertain, curieux, et vite c'est trop, saturé. Un arbre tourne, dexaxé, autour de lui des créatures s'affolent. Je ne comprends pas dans quelle direction. Des espèces menacées? Je goûte au déphasage audacieux entre gestes free et bruits ralentis. Et à la beauté de la procession d'une armée en retraite, de groupes sculptés, d'histoires de peuples oubliés. Mais c'est long, dans le genre mélange d'étoffes, bricolage coloré, profusion visuelle, je préfère Pan de Lionel Hoche. Dehors il pleut, cette agitation ne réchauffe pas le plateau. Surtout j'ai la sensation de ne jamais réussir à m'installer dans une continuité, comme si les chorégraphes n'avaient pas su renoncer à toutes les improvisations tentées en création, les réagencer. Je me réveille aux assauts rapprochés dans nos rangs de Brigitte Asselineau, mais qui ne peuvent me réchauffer. Cette oeuvre déborde de matériaux, surchargée, peut-être assez pour faire 3 pièces, trop pour une seule. L'écriture n'est pas dégraissée, je reste de glace.

    C'était Des arbres sur la banquise de Serge Ricci et Fabien Almakievicks, au Théatre Paris Villette, dans le cadre de Faits D'Hiver.

    Guy

  • L'arbre Hélé

    Atsushi Takenuchi dansait et Claude Parle y était:

    Une sorte de spore géante en marche vers on ne sait quel impensable destin ...

    C'est l'image qui naît sous nos yeux au début de la performance d'Atsushi ...

    Avec des sons évanescents, des approximations de naissance, des tentatives de constructions ...

    Puis, calmement, après d'innombrables formes circulaires, ondulatoires, en tous cas cycliques, une forme de tige, de support semble se fixer là, au centre du plateau et s'ancrer dans une élévation tout aussi improbable que l'émergence du début ...

     Et là, petit à  petit, une incroyable métamorphose semble s'opérer ... Un vrai tronc, une vraie forme apparaissent ensemble avec la musique qui peu à peu prend corps et se structure ...

    Un tronc bourgeonnant, ramifiant, d'où une ébauche de branches s'élève puis se détache ...

    Progressivement, en effet, ces branches semblent s'épauler elles mêmes, s'affranchir du support qui les porte pour évoluer par leur force propre...

     C'est alors que, par la musique, on assiste à une sorte de tissage, d'entrelacement de ces branches, comme des lianes qui s'entrelacent à elles même jusqu'à en devenir impénétrables.

    S'entrelaçant à la musique en un ferme canevas qui s'érige en un splendide sous bois d'où semble filtrer d'impossibles soleils appelant l'homme, appelant l'espèce à l'image (人/類 :nin/gen) ...

    Une lutte s'enge alors entre verticalité et territorialité, entre branches et racines, entre l'air et la terre ...

    C'est d'un fruit recueilli dans sa consistance poudreuse que viendra le salut ...

    Il essaime, il envahit l'espace dispersé aux souffles des vents, il finit par retomber et envahir sa source même, divin pollen s'autofécondant, métamorphosant l'arbre en une sculpture hors de l'espace et du temps pour atteindre à l'essence même de l'arbre desséché, pétrifié au bord de l'abîme tel un guetteur ultime, une vigie intragalactique qui nous empêcherait de sombrer dans la folie qui sans cesse nous menace ...

    texte de Claude Parle à propos de Atsushi Takenuchi - HA-NE NO KI (L’arbre ailé) à Bertin Poiré

  • Chaud!

    On pourrait se croire dans une salle de danse: au centre deux blues brothers, le blanc et le noir, qui assurent en costard et lunettes, noeux pap', impec'. Ils bougent à l'économie, multiplient les fausses entrées et vraies sorties. Plus qu'un message ou un état ou un récit, c'est l'apparence érigée en art. Ne pas trop en faire, et l'air de ne pas se fatiguer, cool avant tout cool, tout dans la sape et la classe.

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    Ils s'approuvent et se renforcent du regard. Et font le show, efficaces et performants, se dépensent en danses afro, « coupé-décalé » et « warba » en lent, vitesse normale, accélérée. On est content et eux très contents d'eux? Ostensiblement, trop, mais la bonne humeur déborde et se communique à nous, mécanique. Jusqu à un certain point seulement. C'est-à-dire jusqu'à l'épuisement, thématique et physique, lorsque que cela se détraque, lasse, fatigue. Ils font le show, frénétiques, et on est emballé jusqu'à ce que cela s'emballe de trop, vers nous les projecteurs retournés. Pourquoi à un certain point, la magie spectaculaire doit elle s'évaporer. La question est habillement posée, drôlement, avec d'intéressantes correspondances avec « Paul est mort ? » vu dans le festival deux jours plus tard.

    Ce soir, le show est cassé. La rivalité, la jalousie s'insinue, entre les deux danseurs, sourires forcés et couteaux tirés, regards en coin, crocs en jambes et coups fourrés. Les gnons volent bas. Ca rigole plus entre les frères ennemis, on pourrait croire pour de vrai. Mais on a jamais rejoint la réalité. Artifice de théâtre, le sang n'a pas vraiment coulé. De là le show reprend ses droits. Poussé dans ses limites le noir danse magique et épate le blanc, qui se nourrit de ses mouvements. Enfin c'est champagne et musiques douces, derrière une facade bling-bling, un monde s'écroule.

     C'était ShowTime, de Philippe Ménard, avec Philippe Ménard et Boukary Sere, au théâtre de l'étoile du nord dans le cadre de faits d'hiver.

     Guy

     Photo par Christian Rausch

     

  • And then, they were three...

    Au Theatre de la Cité internationale, on pourrait s'imaginer dans une salle de concert des sixties, mais en faisant preuve de beaucoup de bonne volonté, et d'un singulier sens de l'abstraction.

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    Une batterie suffit. Installée au centre de la scène, surélevée, en attente. D'abord- puisque Paul serait mort- elle tient la place d'un absent. Surtout est un symbole elliptique et efficace, sans devoir être un instrument, dont on pourrait jouer, vraiment. Qui d'ailleurs se souciait qu'en play-back à la télévision, les groupes d'alors faisaient semblant? Et les trois garçons sans guitare et en mouvement ne cherchent pas à ressembler aux quatre vrais Beatles, plutôt se figent en caricatures grinçantes. Herman Diephuis applique ici à cette matière d'imagerie (pop)ulaire- les pochettes de disques et photos de promo des fab four- la méthode reproductive déjà éprouvé sur les tableaux des maîtres flamands. Essaie d'agencer ces images arrêtées, de pose en pose. Explorer ce qui peut vivre entre elles, quels mouvements. Dans une démarche voisine de celle de Boris Charmatz (50 ans de danse), pour se heurter à certaines des mêmes difficultés. De front et en connivence, de quoi nourrir intérêt ou exaspération, c'est selon. Les cascades s'enchaînent, qui surjouent comme selon les modèles d'époque la joie de vivre, l'excentricité, la rebellion temperée, l'entertaiment à tout prix. Tout en dehors, rien en dedans. Jusqu'à l'épuisement. Les grimaces tentent de survivre au-delà du temps limite, drôles ou lassantes, savoureuses ou ennuyeuses. « Paul est mort ? » est un spectacle triste, forcement. Savoureux également. Qui se médite plus qu'il ne s'apprécie sur le moment.

    Herman Diephuis montre en quoi un concert n'est pas un concert, ou n'est pas qu'un concert au sens où on l'entend. Les gestes du concert disent quelque chose de plus que la musique, ou à coté. S'émancipent. Comme les gesticulations de Xavier Le Roy en chef d'Orchestre n'interprétant pas le Sacre du Printemps. « Paul est mort », c'est la rumeur qui faisait flores parmi les fans à la fin des années soixante. En tout cas ce soir plane une absence. Est-ce une métaphore de l'art sacrifié en commerce, réduit à la promotion? La musique de Lennon et Mac Cartney, omniprésente, répétée, banalisée, saturée, semble du coup absente, désincarnée. Les gestes à force d'appui et de répétition se vident de leur sens, de même que les bruits de foule noient les chansons. Vers la fin: l'échappée. Paul est mort, un deuil enneigé. Un faux Ringo tente un solo, silencieux bientôt, il faut remballer.

    C'était  Paul est mort ? d'Herman Diephuis, au Théatre de la Cité Internationale, avec le festival « Faits d'Hiver ».

    Guy

     photo par Alain Julien avec l'aimable autorisation du T.C.I.

    A lire ici, sur les croisements scène/musique:

    Tracks

    A Love Supreme

  • L'une danse, l'autre pas

    Au Point Ephémère, au bord du canal Saint Martin, on se retrouve dans une salle de concert de rock, une vraie. Sur scène un peu de magie enfumée, et des objets rituels, obligés: une guitare, des micros, des spots, des amplis. 

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    Deux femmes: l'une joue, l'autre danse. Elles chantent. Elles se reflètent et se ressemblent. Les rôles troublés. On est placé hors des cadres esthétiques de la danse, pour y revenir par subtils glissements. Ceci est un concert, ceci n'est pas un concert. Les yeux de la danseuse se perdent dans la musique, hypnotique, qui évoque en boucles, effets et superpositions quelque chose du Robert Fripp des 70's. Désir et innocence semblent s'étirer en corps et notes, avec des gestes au ralenti, qui s'évanouissent, d'une douceur émerveillés, des gestes d'enfants. Cela ressemble à un morceau, mais conçu pour être vu, aussi languissant et suggestif qu'une chanson de Twins Peaks de David Lynch. Qui a toute la fragilité d'un travail en cours, d'un parfum délicat encore au bord de s'évaporer, dont on se demande avec curiosité s'il tiendra ou non sur la peau. On vit cette expérience de répétition ouverte avec curiosité, les thèmes ne sont que suggérés et indécis dans cette mise en ambiance évanescente, encore en reverie. D'autant plus que le parti pris s'en tient au minimalisme, dans l'exploration-évoquation d'une seule émotion par morceau. Cet après-midi "Innocence" et "Heaven",  deux "pistes" d'un album en devenir. D'autres sont en gestation, plus âpres sans doute, plus remuants, à propos de révolte ou d'enfermement.

    C'était une étape de création de Tracks par Sarah Degraeve et Christelle Sery (musique) au Point Ephémère.

    Guy

    photo par Jérome Delatour avec l'aimable autorisation de Sara Degraeve

  • !Kung Filage

    !Kung Solo est présenté les 12 et 13 janvier à Mains d'Oeuvres dans le cadre du festival Faits d'Hiver.
    l'article qui suit a été mis en ligne le 8 janvier.
    La piece se file, le temps plus lentement, lui-même ne s'enfuit même plus du tout quand tous les mouvements se figent. Qui voire revient deux ans avant. Ce !Kung Solo est d'abord pour moi le souvenir de Paris Possible, en plus net désormais, et plus coloré.

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    La répétition de ce soir à Mains d'Oeuvre est grande ouverte: nous sommes une bonne vingtaine. Le hasard place assise à mes cotés, Eléonore Didier: il y a matière à sourire et à s'interroger-à défaut de penétrer ses pensées- en surprenant du coin de l'oeil ses gestes et ses mimiques muettes, ses réactions attentives aux actions de son interpréte: Mathilde Lapostolle. Celle dernière qui reprend le rôle dansé jusqu'alors par la chorégraphe elle-même, plutôt transpose, parait solidifier ce qui errait jusqu'à présent dans le territoire de la recherche, de l'incertain. Du soi à l'interprète, quelque chose échappe à l'intime, s'objectivise, comme un manuscrit que l'on voit enfin imprimé en livre. Par moment Eléonore sourit ou se fige, trépigne lorsque-deductivement-quelque chose ne file pas comme pévu. Se découvre-t-elle en double, sa disparation organisée, ce nouveau corps installé dans ses pensées? A un moment les yeux de Mathilde Lapostolle semblent noyés, braqués vers Eléonore qui alors plisse les siens. Les deux femmes semblent alors se scruter, de prunelle à prunelle. Du souvenir brut chair sur béton, dépouillé, de Point Ephémère , à la répétition de ce soir, le background s'est théatralisé; tapis vert pomme, jaune vif les chaussettes et frou-frous. La réprésentation est plus fantaisiste que le chantier. Mais l'échelle est restée. Eléonore, Mathilde: on pourrait d'abord confondre l'une et l'autre, corps planqué sous la doudoune, tête sous la capuche, visage sous les cheveux. Les mouvements pourtant ont ce soir quelque chose de plus définitifs, nets, dansés. Même quand elle retombe au repos, aprés être retombée plusieurs fois de suite comme si elle tentait de retomber toujours plus bas en vain, dans ce repos ou ce renoncement qui semble désormais interprété. Je jubile de revoir autrement ce moment provocateur (mais ce soir joué devant un public d'avance bienveillant). Je suis certain que, les prochaines fois, beaucoup en seront exaspérés. Le temps de la création a beau avoir laissé la place à celui de la réprésentation, il garde cette qualité d'indécision. Je retrouve aussi- agencées différement-d'autres pièces du mécano, d'autres matériaux. Déja vue, cette partie de jambes en l'air solitaire, d'une narquoise indécence, la tête qui s'entête à heurter le carton, et le corps mu par l'absent, corps muet et assymétrique, passif. Plus loin l'énergie épuisée, recroquevillée, le désir agite les seuls doigts, comme un premier ou dernier chatouillement. Toujours ces tentatives pour se glisser dans les interstices, y disparaitre, en autruche sous le tapis, sous le plastique. Il y a tous ces instants pour longtemps, et l'absence omniprésente. Mais pour en revenir sans cesse à un corps trivial et matériel, d'un humour incertain. D'autres passages réinterprétés semblent se préter à de nouveaux sens. Mathilde nue dans le rôle d'Eléonore- mais les photographes frustrés pour ce soir des instants les plus photogéniques, et drôles aussi- se dédouble elle-même sur la scène en photographe et modèle, rive son oeil à l'objectif, prend des poses inquiètes habillée de cartons, crée des images à foison, se refugie dedans comme sur un bateau de fortune, pour partir ailleurs. Cette piece me parle du temps qui passe, de pensées fugaces et plutôt inavouables, de l'insaisissable, du possible et de renoncement. Mais avant de partir -moi-même préssé, attendu ailleurs- je regarde chorégraphe et interprête dans ce processus, l'une dépossédée, l'autre captive, toutes deux frêles et volontaires. Cette sourde obstination à matérialiser les mêmes obsessions en art et gestes fait le jeu de mon regard, de ma mémoire de spectateur.

    C'éait une répétition de !Kung Solo d'Eléonore Didier avec Mathilde Lapostolle, à Mains d'Oeuvres. Guy

    Photo de Camille Muret (dossier de presse de Mains d'Oeuvres)

    Ici les photos de Vincent Jeannot-Photodanse et Jerôme Delatour- Images de danse.