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danse - Page 17

  • Les Mystères de Montreuil

    Je n’irai pas cette année au Théâtre de la Ville, je préfère faire ma rentrée théâtrale à Montreuil : par un rendez vous à la sortie du métro. A cette sortie de la station Croix de Chauvaux, on devine presque à coup sûr qui vient pour la soirée de performances, ou qui simplement vit par ici. Le réseau, né à Montpellier, s’appelle hors-lits, essaime de ville en ville sans faire trop de bruit. J’en ai eu connaissance en découvrant la création de Thibaud Croisy. Ce soir, vingt-cinq arrivées plus tard, ensemble direction un appartement après l’autre pour dans chacun y retrouver un artiste. Les déambulations dans les rues de la ville rappellent d’agréables réminiscences d’école buissonnière. Ces incursions dans ces espaces privés, bulles invisibles dans la densité urbaine, semblent plus troublants que nos visites à force sans surprises dans les théâtres institutionnels. On rentre dans le secret des vieux immeubles ou des résidences, on suit les couloirs et on monte les escaliers, on franchit les portes, pour y envahir ensemble une chambre ou un salon.

    La danseuse Christina Towle nous accueille dans une pièce (un espace) remplie de ballons comme pour une fête d’anniversaire, pour une pièce (une proposition) qui se joue dans les rapports entre son corps et son souffle. Elle inspire et expire, avec le ballon à ses lèvres forme un nouveau système fait d’interdépendances, nous fait deviner dans l'équilibre de son corps les plus délicats ajustements, et peu à peu jusqu’aux plus spectaculaires. C’est harmonieux, sur le fil des nuances, et- pourquoi pas?- d’une candide sensualité. J'ai pourtant le sentiment que j’aurais pu apprécier exactement de la même façon cette proposition vue sur une scène, il y a en cet endroit sans doute juste un peu plus de présence.

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    Les deux performeurs visités avant elle, exploitent plus avant les ressources de ces lieux sans barrières, pour un soir à l’intersection de l’art et de la vie quotidienne. Gaspard Guibert nous fait un drôle d’escogriffe surexcité, et va vite au contact. Pas de quatrième mur (tout juste au plancher une bande adhésive): il en profite. Un coup de calva, la bise à l’une, à l'autre, et encore, puis à chacun d’entre nous jusqu’au dernier (il pique un peu), comme nous tous invités à une soirée entre potes. Avec des interpellations aussi déjantées et mécaniques que le pas de danse en rap à son entrée. Dans le semblant d’échange qu’il nous propose, il transforme en effets de style ses hésitations, rébondit sur nos timides réponses, les réitérations nerveuses tuent les significations, les récits loufoques et rébus fusent et se perdent en route pour faire monter la confusion, ses mots érratiques et sur son visage ses tics grossissent en miroir nos manies. Dans ses cinq mètres carrés ce garçon joue bien et à fond la situation, et avec une franche physicalité. Violentes gesticulations, imprévisibilité, espaces réduits, 25 spectateurs entassés: une piquante sensation de danger...

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    S’agissant de Nobody’s Home de Malena Beer, le titre annonce fidelement ce qui est tenté ici. Et abouti. Comment l’artiste peut elle devant nous, dans ce lieu privé, se montrer sans se montrer vraiment? Toujours présente mais en se cachant, elle et son corps à coté. Vu différemment. La danseuse joue avec nos perceptions, par légers décalages, surtout le visage toujours escamoté. Cela m’évoque par moment les travaux de Sofia Fitas, mais dans un contexte et sur un rythme bien différent. L’étrangeté nait de peu, d’une pomme de pin, du glissement de la robe et de pas en coté, de gestes différemment agencés… L’exercice est ardu dans la grande proximité avec nous que permet cette soirée, l’artiste n’élude pas la difficulté, vient errer dans nos rang. La semi-nudité n’y change rien: traits cachés et mouvements déformés son ensemble, son identité, continuent à nous échapper. Elle-même parait perdue, aveuglée, prisonnière, ne semble pas habiter dans cette pièce-même, ouvre la fenêtre en vain, échoue hagarde à s’évader contre les murs. Mais le titre peut signifier qu’elle ne s’habite pas elle-même non plus. L’exercice, étonnament, nous touche avec plus d'humour que de gravité, finit dans un beau paroxysme de courses, charges, chocs et chutes, aux limites du contrôle et de la raison.

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    C’était Horslits Montreuil, dans des appartements à Montreuil avec Sinon on fait comme ça(ou autrement) de Gaspard Guibert, Airtight de Christina Towle, Nobody’s home de Malena Beer. Et (non vu) Déconnexion d’Anne Donard et Aude Halary.

    Ce soir samedi encore, et complet je crois.

    Guy

    photo de Guillaume Bassinet, avec l'aimable autorisation de Christina Towles

  • Un Prophète

    Ce qui me fait venir à la Cartoucherie c’est la curiosité, le hasard d’avoir à la fois relu Jean Giraud, et vu « La Montagne Sacrée ». Pour une soirée à la croisée, où se rapprochent les disciplines dans une étrange promiscuité- danse, poésie, musique, peinture-autour de Jodorowsky, qui est un artiste indiscipliné. Quelqu’un à coté d’où on l’attend, surprenant dans la cohérence de ses œuvres et collaborations avec le Mime Marceau ou avec Moebius, de la poésie au cinéma et à la bande dessinée, de la psychanalyse à la magie et au tarot. L’homme charme dès l’entrée en scène, son essence même de charmer. Il parait ne pas avoir oublié d’avoir été un jour acteur, son pas insouciant des années, le sourire dévorant, la barbe enneigée de maitre et la voix rocailleuse, cabot et modeste. Ici sur scène pour bien plus que de lire des poèmes- mais au juste pourquoi faire ? - et l’air de pouvoir tout improviser, être aussi inattendu que notre attente même. Au cœur d’une profusion de sensations, le tout orchestré en liberté par Carolyn Carlson. Sur les tableaux partout les couleurs pleurent, gravitent autour de lui sept jeunesses dans une danse fluide, les musiciens font gémir des ombres. Le tout montre pour commencer plus de liberté que de profondeur, et les échanges d’abord par dessous. Jodorowsky lance des haikus, autant de traits qui touchent et s’évaporent, puis explore l’espace de tout autour, ceux qui partagent la scène. Carlson le tempère, son double sans un mot, moqueuse, son pôle opposé. De son bras elle dessine des réponses, d’un geste esquisse d’autres interrogations. Jodorowky délivre ses aphorismes, ni oracles ni vérités figées. En quelques mots sa voix enfle pour partager la condition humaine, le tragique, la violence et le sacré, le sacrifice de soi pour la quête de l’être. Alors des instants de tension, de gravité. Que soulignent les danses, les musiques et les tableaux en mouvement. Ou la voix s’apaise ironique, pour des instants de légèreté, tout renoncé. Mais aussitôt il renonce aux mots, reconnait leur vacuité pour aller toucher les corps, les corps d’abord et sa voix les caresse. Plus que lui c’est Carolyn Carlson qui semble être la sagesse même, la sagesse muette. Elle le suit, le défie, le cajole, le provoque, le taquine, le sublime et le démystifie. L’aide à rendre au public la sagesse que celui-ci lui prête, pour chacun puisse chercher son chemin. Tout ceci n’étant qu’un rêve, la peinture prête à se dissoudre et la danse oubliée, ni peur du vide, de la vie et de la mort, sans limites, jusqu’à un grand éclat de rire et un tendre pas de deux.

    C'était Poetry Event A partir des haïkus d’Alejandro Jodorowsky, tirés du recueil Les Pierres du Chemin. Danse: Carolyn Carlson, Interprétation Jacky Berger, Chinastu Kosakatani, Céline Maufroid Danseurs du Centre Chorégraphique National de Roubaix Nord-Pas de Calais Avec 7 danseuses du Conservatoire à Rayonnement Régional de la Ville de Paris
    Poèmes Alejandro Jodorowsky, Peintures Pascale Montandon. Au théatre du Soleil avec June Events.

    Guy

  • Vu avant avignon: Charmatz et Balibar, la danse en rémission

    publié le 16/11/2008

    D'abord il leur faut arracher la peau qui colle sur le sol, à défaut de celle qui recouvre muscles et os. 

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    Il leur faut gratter cette glue, ce placenta, avec les doigts, découvrir ce qui est caché dessous, le mettre à jour, ce qui est dedans aussi. C'est Boris Charmatz qui est à l'intérieur du camion, enfermé dans la boite, caché et montré à la fois, en tous cas déséquilibré, en danger, secoué en tous sens à faire sortir de lui tous les mots vrais. Ces minutes exacerbées, à elles seules valent tout. Le camion est conduit par Jeanne Balibar, ce camion est massif et sourd. A l'arrêt pesant à pousser comme les souvenirs oubliés. Une fois emballé, comme un taureau mécanique, aux phares aveugles, hors de contrôle à effrayer le premier rang, à dessiner des cercles vains et une chorégraphie lourde. Au volant Balibar dit les textes d'Hijikata, des textes qui creusent les origines, celles de l'existence autant que de la danse. Des textes durs, concrets, couverts de boue. Qui évoquent des corps souffrants, des corps boiteux, mous, arqués, crottés, malades, douloureux, pas glorieux. Les corps de Charmatz et Balibar sont blanchis et un peu nus, seule concession visuelle au buto, s'affalent l'un sur l'autre. Bien vulnérables et chétifs, s'offrent à la massivité du camion. "Les gestes morts qui sont dans mon corps je veux les faire mourir encore": ces mots et certains des gestes, encore en gestation, Charmatz les chantait déjà il y a quelques semaines . Il s'agit toujours et encore ici de mémoire, de refus des formes trop usées- abolies en une introduction "Boris brûle-t-il"-, et de recréation du spectaculaire. Ce soir en hommage aux mots d'un danseur, un hommage humble peut-être. Le résultat peut ne ressembler à rien, ou sembler déséquilibré, ou par certains aspects insatisfaisant, c'est qu'il est, toujours et encore, inédit et urticant.

    C'était La Danseuse Malade, chorégraphie de Boris Charmatz, avec Jeanne Balibar et Boris Charmatz, sur des textes de Tatsumi Hijikata, au théatre de la ville, avec le festival d'automne à Paris. C'était fini samedi.

    Guy

    A lire: bien culturel, et un témoignage décontenancé, Et (enfin!): Le Tadorne et Images de danse.

    photo par Fred Khim, avec l'aimable autorisation du festival d'automne à Paris.

  • Talk Show

    Trois blogueurs dialoguent suite à la pièce du chorégraphe Jérôme Bel, « The Show Must go on ».  Jérôme Delatour d'Images de Danse et Guy Degeorges d'Un soir ou un Autre assistèrent à la représentation au Théâtre de la Ville à Paris en mai 2010, Pascal Bély du Tadorne au Théâtre des Salins de Martigues en février 2005. Avec un étrange dénouement pour ce dernier...


    Jérôme Delatour : « The Show Must go on », de Jérôme Bel, est une pièce créée en 2001 que je devais avoir vue et qui, en effet, est importante. On l'associe à la "non-danse", un hypothétique courant de la danse contemporaine qui fait crier certains. Et encore plus quand la chose est interprétée, comme depuis 2007, par les danseurs du ballet de l'Opéra de Lyon !
    Aucune importance.

    Pascal Bély : C'était important. Le 4 février 2005, au Théâtre des Salins de Martigues, la salle est clairsemée. Dès les premières minutes du spectacle, la tension est palpable, alors que nous sommes plongés dans le noir, pour une attente interminable. A cette époque-là, je vais au spectacle pour me divertir et je ne saisis pas encore que la danse est un acte politique. Quand au courant de la « non-danse », j'en ignore son existence...

    Jérôme Delatour : Que voit-on ? Sur un plateau nu, 30 jeunes gens en habit de ville, dont seize garçons, debout face à nous, les bras ballants. Quand une chanson survient, ils dansent, quand elle s'arrête ils s'arrêtent. Les chansons se succèdent jusqu'à la fin, à la manière d'un jukebox.
    Les spectateurs qui s'en tiennent à ce premier degré de lecture sont évidemment déçus. Ceux qui admettent qu'un spectacle puisse être politique y voient une métaphore ; une métaphore du totalitarisme moderne, du fascisme libéral planétaire. Voilà des individus sans volonté qui obéissent au doigt et à l'oeil. C'est glaçant, parce qu'ils nous ressemblent trait pour trait. Oh ! plus d'uniformes ni de canons, plus de morts ni de larmes ; plus que jamais, l'horreur se joue en coulisses, à l'insu de notre plein gré.

    Guy Degeorges : Tu métaphorise, et c'est symptomatique. Tu réagis à ta façon. Tu n'as pas le choix.
    Plutot que de manipulation, je parlerai ici de provocation. Dans une logique de performance. Tu interprète à un niveau politique D'autres spectateurs du théâtre réagissaient selon leurs moyens propres: à voix haute, en chantant, riant, en écrivant des sms, etc... L'intérêt de cette proposition  est de créer une relation inhabituelle entre spectacles et spectateurs. Comme l'on dit souvent "le spectacle était dans la salle". Puisque Jérôme Bel prenait le parti de ne pas présenter de danse "dansée", ni signifiante, que de l'absence d'action ou de la danse pauvre et de refusait de répondre à toutes nos habituelles attentes. Je ne vais pas jouer le rôle du râleur ou du reac' de service. Il se passait des choses intéressantes. Une dame chantait très bien. Mais, à la vérité, je me suis ennuyé. Car la situation pouvait paraitre libératrice dans un premier mouvement, mais devenait au fond manipulatrice et enfermante. Nous perdons la possibilité de critiquer car nous sommes devenus partie prenante du spectacle. Il devient impossible de se situer "à l'extérieur" 

    Pascal Bély : Oui, pour la première fois, j'étais dedans. Et c'était là le plus extraordinaire. Pour la première fois, un chorégraphe m'interpellait : « tu fais partie du jeu ». Non que je puisse monter sur scène, mais que la danse était une interaction entre le spectateur et le danseur où circule ...le désir. Quelle découverte ! Je me souviens encore de la salle : des sifflets, des hurlements, des cris de joie. Je  m'enfonçais dans mon fauteuil, intimidé, joyeux, apeuré, ...Pour la première fois, je me sentais exister comme spectateur parce que j'étais TOUCHE et qu'un artiste venait chercher le « ça », le « surmoi » et tout le « tralala ».


    Jérôme Delatour : Jérôme Bel se livre à un exercice de manipulation malicieux. Il opère un choix ouvertement tendancieux dans l'immense réservoir des tubes planétaires, les détourne avec ironie. Chaque refrain devient un slogan, une injonction à faire, à être, à rêver, pense à notre place, nous berce, nous tue. La pop héritière de la fanfare militaire, et nous bons petits soldats de la consommation, marionnettes marchant au doigt et à l'oeil, le doigt sur la couture d'un jeans Diesel. Et post musicam, animal triste.

    Guy Degeorges : C'est cet aspect qui est douteux, jusqu'à toucher au procédé. Je cite la feuille de salle (complaisante comme toutes les feuilles de salle) "Le DJ enchaine les rengaines des quinze dernière années qui soudain se répandent en effluves de souvenirs et picotent au coin du cœur" Autrement dit, l'effet "radio nostalgie"?

    Pascal Bély : Il fallait ce procédé pour travailler la posture du spectateur. Qui n'a pas dansé sur ces tubes ? Qui n'a pas désiré en écoutant ces ritournelles ? Oui, cela picotait mais au-delà de cette sensation, il y a avait cette question : « que fais-tu là dans cette salle de spectacle ? ». C'est à partir de ce processus, que les spectateurs ont commencés à s'engueler dans la salle. « Mais ce n'est pas de la danse » me lance une femme furieuse ! Et moi, de lui répondre : « mais madame, la danse ce n'est pas que du mouvement ». Je me souviens encore de cette réponse ! Mais où étais-je allé chercher ça ?!

    Jérôme Delatour : Evidemment, la musique n'est pas en cause. Ni John Lennon ni Céline Dion, dont le crime essentiel serait la mièvrerie ou le bon sentiment (et la compatibilité totale avec la société mercantile), ne sont des dictateurs en puissance, mais celui qui exploite, organise, systémise, transforme leurs fleurs en pilules et en munitions. Qui est-il ? Où se cache-t-il ? C'est alors seulement qu'on le remarque, tapi dans la fosse d'orchestre. Une espèce d'Ubu de l'ombre qui passe les disques. Nous ne tenons qu'à un disque. Le DJ est un dieu, "Killing me softly with his song". Dieu est un DJ. A ce point de sa démonstration, Jérôme Bel lâche un peu les danseurs et se met à jouer insidieusement avec les nerfs du public.

    Guy Degeorges : Ca faisait un bout de temps qu'il jouait avec les nerfs...dépuis le début

    Jérôme Delatour : Oui, c'est bien de nous dont il s'agit dans cette pièce, au cas où nous ne voudrions pas l'avoir remarqué. Dès le début, histoire de nous conditionner, il nous avait plongés dans le noir en nous distillant des chansons entraînantes ou niaises. Soudain, lumière rouge et Piaf. Puis retour au noir complet avec "The Sounds of Silence" ("Hello, darkness my old friend...").

    Guy Degeorges : Avoue que les ficelles sont un peu grosses, et les jeux de mots faciles! "let the sun-shine": et la lumière monte, "Yellow Submarine": les danseurs disparaissent dans les cintres sous une lumière jaune, tout à l'avenant. On serait plus sévère en écoutant ça sur une scène de café-théâtre. Mais une fois de plus, on se situe hors tout jugement esthétique possible, hors de l'esthétique.   

    Pascal Bély : Oui, on est hors de l'esthétique. C'est au niveau du processus que l'on peut lire cette pièce, sinon c'est l'ennui assuré (quoique s'ennuyer est aussi un positionnement défensif). Bel ne vient chercher aucun savoir, mais intranquilise une posture, celle du spectateur, que bien des programmateurs ont confortablement installé dans un fauteuil moelleux. C'était la première fois que le public de Martigues vociférait de la sorte et ses cris étaient un acte politique. Je me souviens avoir fait le lien avec les protestations du public quand, en 2003 en Avignon, il n'avait pas eu ce qu'il voulait....

    Jérôme Delatour : Et rebelote. Chanson. Lumière. Silence. Noir. Chanson. Silence. Lumière. Ces méthodes ne vous rappellent rien ? Le public est électrique, désarçonné. Il voudrait maîtriser la chose, mais il est pris au piège. Alors ça trépigne, ça crie des bêtises, ça pianote sur les portables, ça prend des photos... Le premier qui publie sur Facebook a un prix !

    Guy Degeorges : Je l'ai fait, je l'ai fait! J'ai posté 50 commentaire sur facebook en direct et qu'ai je gagné? Rien du tout. A part avoir faire rire Pascal peut-être. Et ça m'occupait les doigts. Cette tentative pour me situer hors du jeu et inventer une nouvelle réaction était vouée à l'échec. J'étais manipulé; Dans ce contexte, tout comportement inhabituel devient légitime, récupéré, partie intégrante du système spectaculaire. Sur le coup cela m'irrite; mon premier réflexe est de dire "on m'a déjà fait le coup" du non-spectacle. J'ai eu la même réaction face à certaines propositions performatives (cf. les gens d'Uterpan). Sans que cela n'explique les raisons de mon irritation car je peux réagir favorablement à la répétition d'autres procédés spectaculaires...  

    Pascal Bély : En 2005, il n'y avait pas de Smartphone...

    Guy Degeorges: En refléchissant à ta réaction, lorsque que tu étais un "jeune" spectateur, cela n'implique-t-il pas que cette proposition n'a d'intérêt que pour un public relativement vierge, habitué à des codes de représentation plus conventionnel? Pourrais tu revoir cette piece?

    Pascal Bély : Encore aujourd'hui, en écrivant sur ce « show », l'émotion me submerge car c'est mon acte de naissance de « spect'acteur ». La revoir, serait de vivre un « dedans-dehors » jubilatoire.

    Jérôme Delatour : Ca reprend les refrains en cœur, ça sa dandine un peu, ça agite son portable à défaut de briquet (jamais vu autant de portables allumés), histoire de ne pas perdre la face.
    L'apprenti tortionnaire poursuit ses expérimentations. Que se passe-t-il si chacun emporte sa musique avec soi, casque aux oreilles ? Jérôme Bel a prévu le coup. Hé bien il ne se passe rien de plus.

    Guy Degeorges : Non il ne se passe jamais sur scène- c'est fait exprès, c'est le concept. Il se passe des choses dans le système salle-scène.

    Jérôme Delatour : Les individus ne sont pas libérés, juste isolés, en prise directe avec des pensées préfabriquées, emmurés dans le paradis artificiel des égos hypertrophiés. "Should I stay or should I go? » "I'm bad". "Je ne suis pas un héro". "J'adore". "I'm gonna live forever". "I've got the power".
    Entretemps, le DJ aura dansé lui aussi. Finalement, ce n'était qu'un sous-fifre. Mais alors, qui est le grand manipulateur ? Allons allons, nous nageons en pleine théorie du complot. Nous ne sommes manipulés que parce que nous le voulons bien. The Show must go on, sinon il nous faudrait regarder la réalité en face, avoir du courage, la volonté d'être et de faire quelque chose.
    Et si on essayait ? Ne serait-il pas grand temps de nous secouer, plutôt que de bouger notre anatomie ? 

    Guy Degeorges : You've got to move it, move it? C'est le mot de la fin, façon dessin animé ?

    Pascal Bély: « You've got to move it, move it ». En quittant le théâtre, je chante points serrés. « Mais pourquoi vas-tu au spectacle ? Pourquoi gueulaient-ils ? Je suis un spectateur. Je suis un spectateur ». Emancipé ? Le 22 mai 2005, je créais le Tadorne. Jérôme Bel, sans rien savoir de mon histoire, fut le premier chorégraphe à mettre le lien du blog sur son site.

  • Habiter

     

    On entend: "Je suis trés sélectif dans le choix des personnes que j'invite dans mon appartement, et qui peuvent ainsi me voir dans mon intimité"(1). Nous y sommes pourtant, chez lui, dix spectateurs, dont presque autant de parfaits inconnus. Sans qu'un mot n'aie été échangé entre nous et eux deux lors de notre entrée ensemble quelques minutes auparavant, il y a aussi assis ici Thibaud Croisy, l'auteur et occupant des lieux, et debout son interprête, Sophie Demeyer, nue maintenant.

    De quelle intimité s'agit-il, dans ce texte? Que nous est il ici offert à regarder, à part cette femme évidemment- mais qui parait déja ailleurs? La pièce est blanche et dépouillée, trés loin d'être vide cependant (Je pense au chapitre de La Vie mode d'emploide Georges Perec- qui n'a pas influencé Thibaud Croisy- où sont énumérées toutes les choses qui quand même restent dans un appartement quand il se retrouve vide de ses habitants). Dans cette pièce (supposée) habitée, nous pouvons voir un canapé brun, un coussin jaune, des étagères vides, une cheminée avec un exemplaire de Martine fait du théatre et un lecteur de cd, un coin cuisine avec four, plaque chauffante, évier, plan de travail, placard, lave-vaisselle lave linge et réfrigérateur, une casserole, une poubelle, un paquet de pâtes barilla, une table, et sur cette table quatre bouteilles de bière vides, un gâteau entamé, du papier, un tube d'aspirine, une assiette avec quelques restes de pâtes, des couverts, du papier, un cd, un morceau de pain, un torchon, des miettes et un cendrier plein. C'est peu- juste quelques reliefs d'activités insignifiantes- mais assez pour déja suggérer (qui donc d'ici tout à l'heure est parti, ou depuis plus longtemps?). Suggérer que dans cet espace se sont imprimées les traces d'invisibles présences. Mais les occulte pour le moment la présence plus qu'évidente, forte et intimidante, de cette jeune femme dénudée aux cheveux ras, on la reconnaît. Avant de posement se déshabiller, la femme a rangé tous les objets, effacé toutes les traces, les reliefs du repas: s'il est possible le moment est vierge. Dans cette petite pièce où nous cherchons notre place, cette jeune femme qui maintenant est nue est trés proche de nous, à portée de main, mais lointaine tout autant. Le visage impassible, sur un autre plan. Dans un autre temps? Peu à peu sa nudité se fond dans l'immobilité. Dans la neutralité. La peau une surface plane. La présence de l'auteur, à ce moment, pèse peu. Pas plus que nous-mêmes visiteurs il ne semble vraiment occuper les lieux. Sans plus de légitimité. A notre image, il observe la femme nue, retenu, et ne parle pas plus. Mais ensuite nous entendons sa voix, alors que la jeune femme, glisse le cd dans le lecteur. La femme reste lisse, mais d'autres présences s'esquissent au fil du récit que l'on entend, des noms d'occupants dont les traces ont survécu sur le papier d'actes notariés. Pour l'auteur et nouvel occupant, cet espace, même nu, ne peut pas être vierge. La femme, même nue, porte-t-elle de même une histoire en elle? La pièce se remplit, irrésistiblement, mais d'hypothèses nouvelles. Et son volume blanc de vides différents, emboités, à combler. L'auteur raconte qu'il a enquêté, déduit de pièces et de documents qu'une autre femme est morte, ici même dans cette pièce, il y a trés longtemps. C'est le début, ou la fin, d'une histoire qui ne sera jamais écrite, juste ouverte. Et jamais refermée? L'auteur raconte qu'un jour il fit l'amour ici par terre, à cet endroit même où mourut l'ancienne occupante, avec une quasi-inconnue. Dit il vrai? Pendant ce temps, la femme accomplit les gestes d'un quotidien iréel, s'allonge sur le canapé. Aprés prépare un repas. Toujours sans expression ni émotion. Ailleurs. Tout se déroule comme dans un film, silencieux, en noir en blanc somnambulique. Des gestes restent inexpliqués, des objets sous le canapé. La femme semble habitée. Bien qu'elle semble nous voir, parfois. Qui est elle? Ou que reproduit-elle? Est-elle le fantôme de l'autre femme morte plusieurs dizaines d'années auparavant, à l'endroit exact où nous sommes à la regarder? Et sommes-nous, nous-mêmes, à cet instant en cet endroit vraiment, dans l'appartement, ou des ombres également, échappés de nos vies évidentes? Nous ne le savons pas. Nous ne savons rien. Mais le repas achevé, la femme nue laisse la table dans l'état exact où nous l'avions trouvée en entrant. Les nouvelles traces qu'elle a posées devenues identiques aux précedentes. En vingt minutes la boucle est bouclée. Puis la jeune femme se rhabille, quitte avec l'auteur, sans un mot ni un salut, l'appartement. Ils disparaissent dans l'escalier. Reviendront ils nous hanter? ...Un blanc... Tous deux nous laissent donc seuls, dans l'appartement. Pour y faire quoi? Peut-être l'habiter, y trouver notre place, avec tous les autres occupants absents. Il ne se passe rien. Nous attendons un peu. Nous sortons.

    C'était Je pensais vierge mais en fait non, conçu par Thibaud Croisy et interprété par Sophie Demeyer, dans l'appartement de Thibaud Croisy, quelque part dans le XVIII° arrondissement de Paris.

    Guy

    (1) de mémoire.

    Lire et voir: Images de danse

    Photo de Jerome Delatour avec son aimable autorisation

  • Deux deconstructions

    Je suis ici sur l'invitation du blog du Forum du Blanc Mesnil, Ce lieu, j'aime y venir en avance pour y rester désoeuvré. Ici c'est ailleurs, d'ailleurs le lieu est excentré de la ville elle-même. Vu de trés loin se dresse comme un signal un ancien château d'eau, si haut qu'on ne peut le manquer, mais troué de fenêtres. Le théatre et la médiathèque dialoguent avec un bistrot et 2/3 commerces, l'ensemble encadre une grande esplanade, monumentale mais où l'on trouve sa place. Des jeunes y font ce que font habituellement les jeunes entre eux, en cette fin d'aprés midi nonchalante et encore caniculaire. Dans la médiathèque, une animatrice dévoile à mi-voix une expo. J'aime bien attendre ici, étranger, comme on attend un train dans une gare à ciel ouvert, pourquoi pas ici ne serait pas le centre du monde. Puis le théatre se peuple, nous rejoint un groupe scolaire, encore plus tard un car de parisiens curieux de cette soirée canadienne des Rencontres chorégraphiques internationales de Seine Saint Denis.

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    Dedans, Jean Sébastien Lourdais nous attend, inanimé. Puis nous surprend. Il se met en mouvement, mais pas de la manière que l'on attendrait d'un danseur, il va ailleurs (vers?). De ses membres dessine des angles bizarres, rebondit comme une gomme, fait oublier les enchaînements naturels, dysfonctionné. Nous recite de son corps un poème elastique. Il progresse sur la scène comme on ferait défiler un film à l'envers, et jamais à la "bonne vitesse". L'audace de sa démarche m'évoque Sofia Fitas, avec des techniques et résultats trés différents. Confronté à cela le public parait trés concentré, même les scolaires se font oublier. Pourquoi parfois se fait ainsi le silence, si parfait? Le hasard fait que je suis moi même trés fatigué, donc sans doute perméable à ce qui m'est présenté. Les lumières flottent. la musique se répète en nappes et boucles, laisse d'autres pensées s'insinuer. Une ombre blanche apparaît en écho sur le rideau. Les gestes s'accumulent à contre courant. Le danseur est inverse, comme étranger à lui-même. Regard déporté, sa danse décivilisée, l'on dirait réinventée d'un point zero, les inventions d'un mime originel. Il agit sur l'espace autour de lui. Quand cet espace se distend, je pense à Moebius. Les humeurs changent, s'invitent des impressions de hip-hop, de cette longue et étonnante deconstruction, l'humour n'est pas absent.

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    Lors de la seconde proposition, d'Ame Henderson, les surprises sont de tout autre nature. Nous sommes tous poliment mais fermement dirigés sur le plateau, à l'embarras de beaucoup. Je m'y ose en premier, d'autres restent un temps au bord, font embouteillage. Tout spectateur projeté sur une scène tendrait-il à s'éloigner de son centre? Pas grand chose à y voir en premier lieu: des objets sur une table, de supposés appareils, des tasses et verres. Puis parmi nous se révêlent des danseurs habillés en vrais gens. Comment les reconnaître ? A leurs gestes lents, à leurs yeux fermés? Rêvent-ils? Quand vient donc l'instant où ceux ci dansent vraiment? Le phénomène est contagieux, d'autres supposés innocents spectateurs se transforment plus tard en danseurs. Tous convergent au centre de la scène, autour de la table, et nous faisons cercle autour d'eux, comme quoi tôt ou tard tout finit par rentrer dans l'ordre. Nous sommes d'ailleurs bientôt invité à retourner nous assoir dans la salle. La suite nous est livrée en kit: une danse pauvre mais humble, qui me semble autogérée. Si on en a l'energie, on peut penser ce qu'il font comme la naissance et l'évolution d'un système. Les danseurs s'observent les uns les autres, autour de la table leur mutisme détonne. ils nous interpellent pour nous mettre en garde contre de mystérieux dangers. Le groupe semble en mutation, vers le "bouger ensemble", encore trés approximatif. Avec, au moins, un grand sens du collectif: ils se mettent à huit pour tenir un appareil et nous photographier. Le concept est flou, ne reste qu'à le définir nous même. Ou sinon s'ennuyer ferme, jusqu'a la fin je reste sur ma faim.

    C'était Vers de Jean-Sebastien Lourdais et Relay de Public recordings d'Ame Henderson, au Forum du Blanc Mesnil, dans le cadre des Rencontres Internationales de Seine Saint Denis.

    Guy

    Et, changement de thême: le 12 juin je reviens voir Magma, ici même.

    photos de Frédéric Péloquin (Vers) et Omer Yukseker (Relay) avec l'aimable autorisation du forum du blanc mesnil

  • Quand Florence regarde Viviana...

    Début de soirée: c'est un plaisir de partager un moment avec Florence et sa famille. Florence est une amie d'avant retrouvée depuis peu. Nous faisons ensuite le chemin jusqu'à L'étoile du nord, pour le festival Jet Lag, sans même à avoir, en partant de chez elle, à changer de trottoir. Florence, curieuse et cultivée, est peu familière avec la danse contemporaine. Bien que donc voisine, elle vient ce soir à L'Etoile pour la première fois. Et endosse avec un sourire entendu le costume de la candide. Cela m'enthousiasme de lui proposer cette découverte. Dans le même mouvement, je comprends à quel point son regard peut être pour moi déstabilisant. Déja, à essayer de lui expliquer ce que Viviana Moin est susceptible de faire sur scène, je m'embrouille, je me perds dans l'anecdote. J'ai l'impression de vendre ou de sur-jouer. Partager ce qu'on aime, c'est déja s'exposer. Avec plus de vulnérabilité que derrière un clavier.

    En première partie: Claudia Gradinger. Pour dix minutes d'extraits de sa nouvelle pièce. A l'énoncé du titre et à la vue des objets sur le plateau, difficile d'ignorer qu'il s'agit tout le temps de la Suisse, au moins en toile de de fond. Pour le reste, ce que dit prudemment Florence à l'entracte cristallise mes impressions encore destructurées, mon ressenti qui flotte. Florence reconnait les qualités physiques de la danseuse, et tout ce qui relève du pur mouvement. Mais s'ennuie de la profusion d'accessoires, de mots et de symboles, sans être parvenu à y trouver de la lisibilité. Florence s'amuse bientôt d'entendre une personne du metier formuler grosso modo la même analyse. Pour ma part, j'espère que la piece vue intégralement aurait laissé un souvenir plus construit.

     

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    Ensuite... L'entrée en scène de Viviana Moinbalaye toute rationalité. Et toute convention spectaculaire. Viviana est habillée d'un collant rose, d'un chapeau importé d'un folklore suspect, et d'un dispositif improbable qui évoque un soutien-gorge. Elle n'a peur de rien. Ca passe ou ça casse. Sur un ton entendu, elle fait allusion à de mystérieux évenements. Cocasses et effrayants. Fait d'une simple allusion exister des personnages bizarres . Puis  s'abandonne à une danse frénétique, s'offre en sacrifice dans un rituel trafiqué... Je n'ose jeter un regard de biais à mon amie et voisine de fauteuil. A tort: plus tard Florence me racontera avoir été emportée, aprés quelques secondes d'incrédulité, dans le monde singulier de Viviana, avec ses connivences hallucinées et imaginaires à tiroirs. Peut-être est-ce la voix de Viviana qui déjoue les résistances, pour nous faire accepter des implicites absurdes, des évidences retournées. L'énergie sans retenue aussi nous emporte dans le mouvement, de cette rencontre avec une licorne bleue pour des accouplements frénétiques et compliqués. Ce dont je ne discute pas encore avec Florence, car je n'en prendrai vraiment conscience en ces termes que deux ou trois jours plus tard, c'est toute la cohérence du travail de Viviana, de pièce en pièce, dans la suggestion de nouvelles mythologies, artificielles, partagées, "mondialisées". Pourquoi cela me semble-t-il si important d'entreprendre cette construction maintenant? Plus enthousiasmant en tout cas, que sur les scènes la pandémie de danses dépressives.

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    Mais pour le moment la licorne fait sécession en deux complices, et cela m'évoque irrésistiblement (de Fred) le petit Cirque. Une fois les acteurs décostumés, se montre désormais l'histoire du spectacle en train de se faire. Jusqu'à la remise en question de la possibilité même du spectacle, suspendu entre un tout convaincu, et juste des élements accumulés auxquels certains personnages ne croiraient plus. Ce parti-pris est périlleux. Me laisse sur le fil. Cela peut être vu comme de l'à peu prês improvisé, de la désinvolture. Deux, trois spectateurs ainsi nous abandonnent. Florence reste, heureusement. Suit une séquence de marionnettes, dans un délicat équilibre entre fiction (les poupées) et commentaires (les acteurs). Il y a dans le texte des fulgurances, et des outrages dans les gestes. Par instants je m'amuse, d'autres instants je m'ennuie. C'est Florence qui me rattrape, car je l'entends qui rie. La suite réconcilie, et rassemble les personnages au bord de la démission, pour une chanson hilarante avec guitare et castagnettes. Pour conclure dans une recherche de ce que peuvent être les limites acceptables de la performance, la recherche du danger: Viviana saigne-t-elle? 

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    C'est la sortie. Seul je digererais tranquillement, mais à cet instant j'en suis reduit au doute: Florence me rassure. Ou se montre d'une politesse extrème. Entreprend une analyse complête et amusée de la chose, descriptive, accepte le souvenir des sensations plutôt que la stricte recherche du sens, insiste sur ce qui l'a surpris. Réussit à me convaincre que je peux ne pas être le seul à m'emerveiller de propositions incongrues telles celle ci. Je sais et je dis que la création est jeune de quelque semaines seulement, et, inutilement, lui cherche presque des excuses, plutôt que de revenir sur son intelligence et sa vitalité. Je dis-ou est-ce Florence? Je ne sais plus...- que plus travaillée cette pièce eut peut-être perdu de sa force. Quelque jours plus tard je pense l'inverse, que le meilleur est à venir, il faudra qu'on en rediscute... 

    C'était MON COUCOU, TELL ET MA SUISSE [EXTRAIT - CREATION ] de CLAUDIA GRADINGER et ESPIRAL - CREATION -  de VIVIANA MOIN  avec Arnaud Saury et Laure Mathis (réalisation de la licorne de G. Kortsarz.) à L'étoile du nord.

    Guy

    photos (D.R.) avec l'aimable autorisation de Viviana Moin

    a LIRE AUSSI: LE TADORNE

  • Je pense comme une fille enlève sa robe de Perrine Valli: un débat virtuel

    A l'occasion de la représentation par Perrine Valli de Je pense comme une fille enlève sa robe, le mercredi 19 mai 2010 au Centre Culturel Suisse, retour sur les échanges entre Jérôme Delatour, Pascal Bely et moi-même apres la création de la pièce à Mains d'Oeuvres (mis en ligne sur nos blogs début 3 fevrier 2009):

     

    Guy : J’hésite…J’ai été plutôt déconcerté. Sans trouver la bonne approche pour regarder cette proposition. Le sujet annoncé-la prostitution- est fort et particulier. Un sujet à risque !

     

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    Mais ce qu’on voit au début semble étranger à ce thème: une danse lente dans la lignée de ce qu’on a déjà vu de Perrine Valli (des poses bras tendus comme sur la photo qui illustre le site de Mains d’œuvres). On s’y fait …avant de découvrir des tableaux qui nous ramènent au thème central: les deux interprètes lourdement maquillées, la danseuse confrontée au déferlement de ces petits hommes virtuels...Je m’y suis un peu égaré, malgré les itinéraires dessinés en sparadraps pointillés… )

      

    Jérôme : Il est vrai qu'on est loin de la prostitution réelle. C'est plus une idée de la prostitution, un fantasme de prostitution chez une jeune femme d'aujourd'hui. Rien de sordide ici. En fait, la pièce de Perrine Valli parle de bien d'autres choses. Elle est toute d'ambivalences et de miroirs: la gémellité de la pure et de la pute ; les pointillés formant chemin et frontière ; les petits bonshommes pouvant symboliser des clients - c'est l'interprétation de Rosita Boisseau dans sa critique du Monde - mais aussi des enfants, un désir d'enfants. La bande son, qui laisse percer des cris juvéniles, va dans ce sens, et la scène est aussi belle que légère, enfantine elle aussi, presque allègre. Cette scène peut aussi renvoyer à la représentation de Nout, la déesse egyptienne au corps étoilé (la voûte céleste, en somme) qui avale le soleil le soir et l'enfante au matin !

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    Guy : Cela m’a plutôt évoqué des images de space invaders. A chacun ses références…

     

    Jérome : Je te rejoins sur la cohabitation étrange d'une danse abstraite, où l'on reconnaît que Perrine Valli est encore très fortement influencée par la gestuelle sémaphorique de Cindy van Acker (dans Obvie, par exemple), et d'une narration.

     

    Guy: Mais dans l’ensemble, c’est tellement différent de ce que Perrine Valli a présenté précédemment-il faut signaler qu’il s’agit d’une toute jeune chorégraphe et interprète- qu’il s’agit presque d’une première pièce…

     

    Jérôme : Pour ma part, j'apprécie que Perrine s'engage sur cette voie moins aride. De plus, sa pièce est parfaitement rythmée, et ponctuée par de simplissimes, mais très efficaces mises au noir, qui délimitent une succession de saynètes.

     

    Pascal. : Nous pourrions échanger encore longtemps sur le propos de cette œuvre. Elle n’en manque pas mais entre- t- elle en résonance ? Les idées fusent, tel un brainstorming entre artistes inspirés par la question. La multiplication des espaces, des symboles ne créée pas la cohérence. Tout s’additionne sans se relier. L’escalade dans le propos métaphorique sature et ne permet plus aux corps de relier les symboles. La danse de Perrine Valli met au même niveau images, utilisation de l’adhésif et mouvement comme si le corps prostitué était langage au même titre qu’une statue ou un tableau. C’est une danse totalement « contaminée » par une esthétique de l’art contemporain alors que la danse est en soi un propos. En osant filer la métaphore, le spectateur enfile les tableaux, sans plaisir, en attendant que cela finisse.

     

    Jérôme : Je ne comprends pas pourquoi ce que tu appelles art contemporain devrait s'arrêter aux portes de la danse. Du reste il n'en a jamais été ainsi : le spectacle vivant a toujours fait appel à l'art de son temps pour habiller ses artistes et la scène. Le dispositif scénographique de Perrine Valli est d'ailleurs d'une sobriété exemplaire. J'aime cette simplicité. Enfin, au risque de paraître te reprendre point par point, les tableaux ne s'additionnent pas mais se succèdent bel et bien. L'adhésif sert de fil conducteur et marque une progression, un dévoilement. De même que l'on découvre peu à peu que les jumelles du début, unies par leurs postiches, sont deux femmes tout à fait différentes.

    Il y a aussi cet homme absent, qui rappelle de manière frappante celui de Solides Lisboa (Eléonore Didier - les deux pièces se rejoignent d'ailleurs sur de très nombreux points, jusqu'à troubler ; nous y reviendrons peut-être), peut aussi bien incarner le client ou le compagnon idéal.

     

    Guy : Je ne vois dans le rapprochement avec Solides Lisboa que des coïncidences. On peut trouver trois points communs: la table, la nudité, la lenteur... Pour commencer on voit beaucoup de tables (Cf In-Contro !) en ce moment de même qu’on voyait beaucoup de perruques l'an dernier.. Disons que c'est fortuit ! Ensuite : la nudité, son emploi était difficilement évitable compte tenu du sujet. Cette nudité est traitée avec maîtrise et pudeur, allusive, quand les deux femmes avancent du même pas, l'une l'ombre nue et cachée de l'autre.

     

    Quant à la lenteur elle me pose problème. La lenteur…Autant la lenteur me parait consubstantielle au projet d'Eléonore Didier, autant ici plutôt je la subis. Sans forcement pouvoir l’expliciter. Ce que tu appelles des mises au noir, je les ressens comme des blancs entre des passages signifiants, des interstices qui se sont pas forcement raccords.

    Trop longs ces moments consacrés à arracher les rubans, bouger la table, des moments hors de la danse. La même lenteur mais utilitaire et démonstrative qui m’a gêné chez Marcela Levi.

    Je rejoins Pascal là-dessus: il y a beaucoup de matière, et parfois forte et évocatrice. Mais trop accumulée, l'articulation ne semble pas encore maîtrisée. La cohérence ne s'impose vraiment qu’assez tard dans le déroulement de la pièce.3226880734_71fd11bb49_b[1].jpg


    Jérôme : Avec Solides, Liboa, il s'agit bien de coïncidence, et elle me frappe lorsqu'elle va jusqu'à ce point. Tu oublies la place de l'homme : dans les deux pièces, chorégraphiées par des femmes, il est réduit à un figurant sans visage. La table d'Eléonore et de Perrine n'est pas celle d'In Contro: chez l'une comme chez l'autre, on porte cette table et on se couche sur elle. Le bruit d'ambiance, capté dans la rue, revient également dans les deux pièces. Ici la nudité n'avait, à mon avis, rien d'obligatoire. Elle ne renvoie pas tant à la prostitution (qui n'est guère compatible avec la pudeur que tu soulignes) qu'à une façon de s'exprimer en tant que femme d'aujourd'hui. A mon sens, les nombreux points communs de ces deux pièces a priori tout à fait indépendantes livrent un témoignage concordant sur la sensibilité féminine contemporaine ; et elles sont très intéressantes à ce titre. Que signifie, chez ces jeunes femmes, cet homme absent ? Une attente, une revendication, une déception ? Je suis un homme, elles m'interpellent. Quant à la lenteur, elle m'a moins frappé que son caractère cérémoniel, presque religieux : une série d'actes convenus à l'avance est exécutée avec précision et en silence. La danse elle-même n'est pas lente. On peut inverser la hiérarchie que tu établis : pour moi, c'est la danse qui fonctionne comme interstice, ou plutôt intermède, de ce que tu nommes interstice, et que je considère au contraire comme la trame dramatique de la pièce. Nous sommes dans des procédés classiques du théâtre.

      

    Pascal : Je n’ai jamais attendu de la danse qu’elle fasse une démonstration. Or, Perrine Valli raconte, démontre, va ici puis là, occupe la scène, le mur, la coulisse. C’est fatigant cette manière si démonstrative de concevoir l’art chorégraphique ! Le tout s’étire sans que l’on puisse à aucun moment se raccrocher à une émotion, à une image poétique, à un geste, un mouvement.

     

    Guy: Il y a quand même des images auxquelles on peut se raccrocher !

     

    Pascal: Tout est maîtrisé jusqu’à délimiter la scène de façon quasi obsessionnelle avec un adhésif pour ne produire que des cases. Il y a dans cette œuvre un contrôle de l’imaginaire assez effrayant qui positionne le spectateur à devoir apprendre une esthétique sur un sujet sensible et tabou. Une façon assez élégante de signifier au spectateur que la danse peut faire aussi « ennuyeux » qu’un classique au théâtre ! Au fond : je pense que ce spectacle n’est pas destiné à un public de danse (il suffisait de l’observer pendant le spectacle !). Mais qu’est-ce qu’un public de danse ? Je ne sais pas. En fait, j’aurais bien vu cette œuvre à la biennale de Lyon d’Art Contemporain ou à la documenta de Kassel.

     

    Jérome : J'avoue que tu me vois perplexe. Objectivement, Perrine danse 50 % du temps... pour les 50 % restants, on peut appeler cela de la performance… est-ce si rare ou étranger à la danse contemporaine actuelle ? En un mot, je n'ai pas vu de spécificité particulière à la pièce de Perrine dans ce domaine. Aurais-tu dit du Paso doble de Nadj qu'il était envahi par l'art contemporain ?

     

    Guy : conclusions ?

     

    Pascal : Et si cette œuvre s’inscrivait-elle dans une articulation avec d’autres arts (vidéo, photo, danse, musique)? C’est peut-être cette articulation qui me pose problème. Et à regarder les photos prises par Jérome, j’ai comme l’intuition qu’il est un des acteurs de cette pièce, en tant que photographe et bloggeur! Perrine a réussi à lui faire épouser son propos…

     

    Jérome: Nous aurions pu poursuivre sur cette question de l'art contemporain, et il avait  d'autres choses que je n'ai pas pu dire sur les thèmes abordés par la pièce. Ce qui est vrai, c'est que la photographie rapproche sans doute des danseurs. On suit leurs mouvements physiquement avec l'appareil photo. En regardant dans le viseur, la vision est plus resserrée, plus intime. On est aussi plus sensible, sans doute, à la beauté formelle. Maintenant, cela dépend quand même aussi de la pièce.


     

    C'était un débat virtuel au sujet de Je Pense Comme Une Fille enlève sa robe de Perrine Valli, avec Perrine Valli et Jennifer Bon, présenté à Mains d’œuvres dans le cadre du festival Faits d’hiver.

     

    Echanges par courriels entre Pascal Bely (Le Tadorne) Jerome Delatour (Images de danse), et Guy Degeorges (Un Soir Ou Un Autre), postsynchronisés par Guy.

     

    Photos de Jérôme Delatour.

    Lire la présentation de Mains d'Oeuvres et Rosita Boisseau dans Le Monde

     

     

  • Bain de jouvence

    Cette salle si grande à Chaillot souvent pèse de trop d'attente, ce plateau que trop de danseurs envahissent comme des armées, et des souvenirs hérissés de déceptions incrédules. Mais ce soir je suis comme ce petit garçon qui à la sortie de la pièce de Carolyn Carlson confie à sa mère: " J'ai bien aimé mais j'ai rien compris". Je suppose qu'il a ignoré ce qui était ce soir le plus oubliable et le plus explicite: les récitatifs explicatifs-des développements durants- pour plutôt s'abandonner aux sensations, s'y plonger comme dans l'oubli. "Eau": c'est le titre et le thème, cet élement est présent plus dans le souffle et l'esprit que par allusions précises. Même si l'eau se dresse en arrière-fond, captée dans les images d'Alain Fleischer, miroir de nos rêves. Et devant juste un petit bassin, presque à deviner: une Vénus y naît. Les poncifs et recifs évités, les danseurs d'abord heurtent des gestes saccadés, loins d'un symbolisme trop évident.

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    Poursuites, énergie, transformations, méditations, les lignes courent inattendues. On lit que la création fût partagée avec les danseurs- beaucoup de pièces s'échouent ainsi- mais ici leurs mouvements se prolongent ensemble. Les répétitions des sons m'appaisent, les couleurs me réconcilient aussi. Je pense aux musiques d'Alain Kremsky. Je crois reconnaitre Jodorowsky. L'imaginaire s'écoule, s'écume. Des chevelures ondoient et pleuvent. La pièce me semble- mais pourquoi?-irrésistiblement féminine, fait s'entremêler douceur et aprété, reconciliés en poésie. Le tout me fait renoncer à l'impatience. Apprivoisé.

    Il y a une belle convergence de générosité et d'inspiration entre Carolyn Carlson, le musicien Jody Talbot-flux et reflux, vagues renaissantes, de cordes, piano et vibraphones- et le plasticien Alain Fleischer qui plonge les mouvements en images qui respirent. Alain Fleisher est également photographe, écrivain. Ce qu'Isabelle(1) écrivait à propos de son roman pourrait tout autant être inspiré par ce que je vois ce soir: Fleischer navigue dans cette immobilité, en quête d'une étoile remontée du fond des eaux, et, « dans ce silence, l'histoire ne cesse de se dérouler à grand fracas. ». Ainsi, celle-ci, arrêtée, est explorée par cet accroc au tissu du temps par lequel s'écoule ce qui les lie alors l'un à l'autre dans le jeu muet des âmes : l'attente, l'interrogation, la soumission, l'abandon. Architecte de l'eau, archéologue de l'intervalle, de l'entre- deux, des flux souterrains de l'âme au monde, du passage d'un monde à l'autre, Fleischer voyage au cœur de l'ambivalence et de l'immersion dans les profondeurs de l'autre. Il distille, précipite, laisse sourdre, goutte à  goutte, submerge, inonde, ralentit, évapore, mélange. On baigne dans le liquide amniotique de sa pensée, dans l'humide douceur des plaies, dans la moiteur du sexe. (1)

    C'était Eau de Carolyn Carlson, musique de Jody Talbot, images et dispositif d'Alain Fleischer, au Théatre National de Chaillot.

    Guy

    (1) Isabelle Vieville Degeorges dans La Revue Littéraire N°32  (éditions Léo Scheer), à propos de l'Ascenceur d'Alain Fleischer (édition Le Cherche Midi)

    photo de Fréderic Lovino avec l'aimable autorisation du Théatre National de Chaillot

  • Petites notes décousues

    Petites formes cousues, mercredi, trois performances qui s'emboitent miraculeusement. D'abord Maxence Rey : j'avais vu une étape des Bois de l'Ombre à Mains d'œuvres. Tout a changé. Son registre s'est étendu. De la sérénité. Maxence balance vers la sensualité. La chaise a disparu au profit d'un cube. Sa robe, d'un noir de soirée. Des centaines de bougies tremblent. Leur lumière dansante grêle Maxence de taches de lune. L'image d'une cérémonie secrète. Toujours les jambes qui se plient, se déplient. Je prête aux gestes des sens mystérieux. Elle feint d'elle-même s'y perdre, et se considérer, ébahie, agitée. Belle bande son. On s'y croirait (mais où ? je ne sais). Effets de robe et de jambes. Ruades imprévues. Montée de l'inquiétude.

    Mathilde Lapostolle a dansé (danse encore ?) avec Carlotta Ikeda. En a retenu le sens de la comédie. Du grotesque. Ne cherche pas à le cacher. Elle est blanchie. Danse en cercle. Tend vers une maladresse juvénile. Titube. A deux pas de la chute. Yeux perdus.  Une lourde robe, lacets et cerceaux. Repose jambes soulevées, sur le dos. Du post buto. Enfantin et excentrique. Je suis plutôt ému. « c'était exprès pour toi », plaisante à la sortie, Eléonore Didier - qui programme le festival; (Depuis un bout de temps Eléonore élude mes questions sur les influences buto dans ses propres pièces !)

    Ensuite : Muriel Bourdeau, venue au pied levé. D'abord cette longue séquence vidéo. La danseuse en boucle dans l'escalier (Tiens, Jérôme en a déjà parlé). Et la danseuse en vrai. Allongée, plus ou moins vêtue. La suite, dans une semi obscurité est nerveuse. Une performance brouillonne et excédée. Une chaise, un amas de collants. On devine qu'elle les déchire: un bruit effrayant. C'est laconique et déjà d'une violence qui me tétanise. Fausses peaux, malmenées, etirées. Elle s'en habille, s'en lie. Prisonnière (mais de quoi au juste ?). Puis s'en libère, avec autant de rage. Face à nous presque invisible,  impudique par suggestion. Lumière. Habillée d'un jean. Massacre au rouge à lèvre. Surchargé. De la fureur sans bruit. La féminité assassinée. Une claque. Est cela, l'autoportrait ? Il y a longtemps que je n'avais pas vu quelque chose d'aussi fort, et « authentique ». Brut, inachevé ? J'y repense le lendemain en écoutant Irene Di Dio dire « c'est la dernière fois que je mets du rouge à lèvres », elle aussi torse nu. Mais j'en garde un souvenir beaucoup moins convaincu, d'un bout à bout pas abouti.

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    Ce jeudi je vois d'abord deux performances d'Anne Catherine Nicoladzé. Plus difficile d'en parler. Plus subtil. Elle rentre subrepticement en représentation. A choisit la salle de concert plutôt que le studio de danse. On dirait un échauffement qui devient une pièce. L'espace s'habite peu à peu. Le rythme s'installe. Obstiné. Autour d'une table. D'un coup c'est convainquant, soudain dense. Le son aussi. Ses glissements, frottements, amplifiés. J'aime cette monté en puissance. Quant à la seconde pièce ou intervient A.C.N, sur une proposition de Come Belain...Comment dire ? Cela ne ressemble à rien de déjà vu jusqu'ici. Un humour ravageur avec une chair incongrue. Je préfère laisser la surprise aux prochains spectateurs..qui seront attentifs au titre.

    Ensuite l'échelle revient. J'attends cette pièce avec impatience. LaiSSeRVenir d'Eleonore Didier est interprété aujourd'hui par Ikue Nakagawa (vue il a peu dans la pièce de Rambert à Gennevilliers, dont il faudra tôt ou tard que je parle, et ce ne sera pas facile). E.D. à tout prix veut transmettre ses soli. Mathilde Lapostolle a déjà interprété celui-ci. Mais Mathilde ressemble (plus ou moins) à Eléonore, alors que les physiques d'Eléonore et de Ikue sont à l'opposé. il est fascinant de voir cette dernière habiter ce solo, dans les vêtements d'une autre. La pièce en devient plus nerveuse, moins placide. De la brusquerie, à fleur de peau, là où il y avait de l'abandon. C'est fascinant. Le temps s'écoule différemment...pas trés bien pour certains: à la sortie une spectatrice explose d'indignation et dénonce ce qu'elle appelle de la prétention. Je peux comprendre ce qu'elle ressent. Mais pour moi il s'agit de sensations partagées, de nuances, plus que jamais. Je reviendrai lundi soir peut-être, trop tard pour Tracks, et Slim.

    C'était Les bois de l'ombre de Maxence Rey, Tumblewed de Mathilde Lapostolle, Autoportrait (version courte)* de Muriel Bourdeau,  Ce projet-là d'Anne Catherine Nicoladzé et Corpophonie de Come Delain et Anne Catherine Nicoldazé, LAISSERVENIR d'Eléonore Didier, Mona Lisa Song d'irene Di Dio.

    A Point Ephèmere dans le cadre du festival Petites Formes Cousues, jusqu'à lundi.

    Guy

    * On ;-) me rapelle lundi qu'Autoportrait a été créé au Dansoir à l'occasion du festival Indisciplines!

    photo (Anne Catherine Nicoladze) de Jérome Delatour

    Voir, par Jérome Delatour, les photos de Mathilde Lapostolle, et Anne Catherine Nicoladzé