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danse - Page 16

  • Manifester

    ...Pour la suite, nous sommes précipités dans le monde, dans la société. Un danseur bondit parmi nous, crie. Dans ses mots mis bout à bout toute la confusion du monde. Noms forts, mais en désordre, d'hommes politiques, de marques mondiales, de peuples revoltés... On est interpellé, mais si quelque chose est  partagé ici, c'est surtout la difficulté de prendre du recul, de lier. Puis l'espace de jeu se réorganise de manière plus tranchée en un grand carré et nous tout autour. Le corps premier, essentiel et nu de la première partie a laissé définitivement la place à un corps politique, collectif. Philosophiquement, c'est une évolution qui fait sens. Et le manifeste alors dansé ne manque pas de force. Mais m'indispose par son militantisme paradoxal: symboles de paix sur les habits et musique martiale surchargée de roulements de tambours. "Let the sunshine" entonné à coté de poses d'arts martiaux, et défilé de majorettes radicales. A quel degré recevoir ce que la danse exprime ici authentiquement de colère et d'indignation? J'ai l'impression d'être invité à partir parader avec eux avec une mitrailette dans la jungle en treillis. Tout cela finit sous les ovations avec "Imagine" de Lennon, choix ambigu et symptomatique.

    C'était Ce dont nous sommes faits de Lia Rodrigues dans la salle Panopée du Théatre de Vanves, dans le cadre du festival Artdanthé.

    Guy

    le début ici

  • Etre (ensemble?)

    En une j'ai vu deux pièces. La première de retour vers les origines. Le regard invité à retrouver de l'innocence. Au milieu de l'espace: nous tous assis à terre et pas de son. Dans un coin de la salle, la lumière se concentre sur un corps en son parfait dépouillement. L'attention se focalise sur cet être revélé, libéré par la lenteur, simple, dans la vérité de la peau, de la chair. Jusqu'à nous permettre de nous libérer nous-même comme par l'effet d'une salutaire amnésie, à pouvoir oublier d'être la partie d'un tout. A connaitre alors la sensation d'une remise en zéro et de nouveaux matins. Les danseurs se succédent, les transitions de l'un au groupe nous accompagnent en douceur. Au tout début un homme, puis deux femmes qui n'en font qu'une en pure sensualité, aprés deux hommes quasi jumeaux chacun penché pour devenir le pont de l'autre. Tous les huit ensemble à la fin. A chacune de ces étapes du voyage de l'identité à la relation, tout n'est que souffles légers mais sans molesse, messages sereins mais force contenue. C'est beau comme cela doit l'être. Nudité rime ici avec humanité. Nous sommes à chaque pause mis nous-même mis en mouvement, poliment et fermement, pour regagner une nouvelle  place de spectateur...

    Quand le groupe (des danseurs) existe enfin, il met paisiblement en évidence- debout, allongé sur le dos, à plat ventre, de face, de dos, de profil, tête en bas- les différences des corps et des apparences et l'égalité des âmes, pour toutes les couleurs de peau, et sexes, tailles, corpulence, complexion, pilosité... C'est une belle démonstration éloignée de toute la trivialité d'un effet Benneton. Conclusion en queue de poisson: les danseurs sont soudain agités de tremblements, entreprennent une migration par reptation, superbes et vulnérables se frayent un chemin nu (1) parmi nous, par dessus, par dessous, de tous les cotés, partagent au plus près innocence et fraîcheur...

    A suivre...

    C'était Ce dont nous sommes faits de Lia Rodrigues dans la salle Panopée du Théatre de Vanves, dans le cadre du festival Artdanthé.

    Guy 

    (1) la pièce a été crée en, 2000, donc bien avant Parterre

  • Le réel et le reste

    Damien Chardonnet-Darmaillacq  (on écrira D.C.D.) débriefe sur le plateau de  Bla Bla Bla ou Approche latérale des paradigmes discursifs à caractère persuasifs ou promotionnels (on écrira Bla Bla Bla) son expérience de collaborateur de Ségolène Royal. Forcement un bel effet d’annonce- c’est la saison- qui attire sur Bla Bla Bla l’attention  de l’A.F.P., du Point, du Figaro….  Une telle exposition médiatique est hors normes en matière de danse, performance ou théâtre contemporain dans un festival émergeant. Mais celui qui viendrait ce soir pour les confidences ou le sensationnel repartirait déçu. Ni règlement de compte, ni déballage, tout juste quelques piques, moins dirigées vers la candidate de 2007 que vers le milieu des politiques en général: mesquineries, bassesses et baronneries.

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    Il s’agit plutôt ce soir de la chronique d’un désenchantement. Là où les choses commencent à m’intéresser c’est que cette désillusion politique, qui mène D.C.D. jusqu’à la démission de ses fonction n’est pas vraiment dite. Du moins elle n’est pas expliquée. D.C.D. ,sur le ton posé et poli du gendre parfait sorti de sciences- po, dans un français impeccable et littéraire, enchaîne les anecdotes de campagne en France profonde et les réflexions désabusées, mais en ne s’attaquant jamais vraiment  lui-même au pourquoi, ni au cœur du sujet. Stratégie ou pudeur, son réel, son vécu, se décode dans ce que l’on voit à coté. Dans le télescopage des actions des performeurs sur la scène. Avec un homme politique (Yvonnick Muller), plus que convaincant en costume de circonstance et en charge du discours générique. Des argumentaires saturés de vides assurés et d’arguments interchangeables. Tout dans la pose et dans le ton. A en rire et pleurer, et dans le même temps l'émetteur est assez convaincant dans la communication analogique pour qu’on se surprenne avec des pulsions pavloviennes de se précipiter aux urnes.  

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    Dans une surenchère du rêve et de la P.N.L. , une démonstratrice de télé achat en robe rouge moulante nous vante dans le même temps un mixer jusqu’à l’orgasme. Une danseuse muette et masquée tente de calculer le dénominateur commun de leurs gestes, un gars travesti s’improvise première dame. Confronté à ces juxtapositions fécondes-même si tout ne me semble pas toujours raccord- j’en oublie vite le seul cas Ségolène. La réflexion s’élargit. Ce documentaire imaginaire est heureusement participatif, la profusion de niveaux nous remue plutôt que de vouloir démontrer. C'est loufoque le plus souvent, plus grave possiblement. Que les discours soient vrais ou non, il devient difficile de les distinguer. Avec les mêmes effets populistes qu'au début Y.M. nous délivre un très beau speech en v.o. d'Obama. Comme dans le vrai, la forme emporte le fond dans la confusion, vers l’impossibilité de l’engagement, même si D.C.D. ne tranche lui-même pas vraiment. Peut-on rester pur dans l’action ? C’est vieux comme l’homme, à vos stylos ! Le thème d’Indisciplines est  cette année « changer le monde ? » Ce soir la réponse est plutôt non, et bien dans l’air du temps. Si la question était : « peut-on représenter le réel autrement », la question serait « oui » évidemment.

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    C’est à une autre Reconstitution que nous invite Garance Dor. A celle d’une performance passée, à Artdanthé. Bien évidemment la carte n’est pas le territoire, et la reconstitution n’est pas la représentation. Elle n'est pas non plus le réel vraiment, j’y réfléchirais en relisant le texte de Roland Barthes (et à propos de France Gall) distribué pour l’occasion. Quoiqu’il en soit la reconstitution se déroule insaisissable avec un sens aigu de l’ellipse, sans temps mort malgré le parti pris de ne pas asséner de temps fort, et un humour léger, léger, dans le bon sens du terme. Nous sommes invités, si cela est par principe possible, à reproduire nous aussi la performance qui a du avoir lieu l’an dernier (mais alors avec de faux volontaires). Nous écoutons la version abrégée de l’abécédaire vécu de la vie des artistes, mise en perspective de leur condition, avec la conviction soudaine que tout est vrai. Tout cela pour ne pas dire vraiment le sujet de la performance à l'origine, nous sommes gentiment décontenancés, mais est ce important ? Prolongement de cette logique particulière: des vrais ( ?) volontaires sont invités à accomplir des actions impossibles qui en deviennent poétiques, c’est la tentative qui nous émeut. A la fin on éteint le lapin et on boit un verre, assez heureux.

    C'était  Bla Bla Bla ou Approche latérale des paradigmDamien Chardonnet-Darmaillacq  

     

    es discursifs à caractère persuasifs ou promotionnels de

    et Reconstitution de Garance Dor

    vu au festival Indiscplines, proposé par Sabrina Weldman  et présenté auDansoir jusqu'au 11 février. 

    Guy 

    photos par Elise Colette avec l'aimable autorisation de D.C.D.

    photo de Samantha Gil avec l'aimable autorisation de Garance Dor

     

  • Quand j'entends le mot culture,...

    Colt python 357 Magnum, carabine a bascule à air comprimé Gamo, Glock 17, Beretta 75 auto KWV, Kalashnikov AK 47, Smith and Wesson 45, alarme portable Prévenson, Taser TW11, bombes lacrymogènes, pistolets jouets à amorce et à bouchon, Sophie la girafe (?), rubboards, plaques tonnerres, sifflets de police, appeaux d'oiseaux, corne de brumes... ce sont quelques-uns parmi la trentaine d'instruments non conventionnels et plutôt menaçants maniés par les musiciens de la création chorégraphique de Geisha Fontaine et Pierre Cottreau, Ne pas toucher aux oeuvres.

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    Pour autant, personne ne peut être vraiment surpris: programmes et dossiers de presse annoncent la couleur. La stratégie d'annonce et de promotion de l'oeuvre met en avant des visuels intrigants et explicites sur ce point: les musiciens mettront en joue autant qu'en jeu les danseurs. Le teasing est efficace, le sujet annoncé fort, et du coup les attentes de beaucoup de spectateurs d'ors et déja aiguisées vers une politisation de l'exposé, vers de potentielles allégories de la situation précaire des artistes dans un environnement hostile...

    Qu'est il fait de ces attentes? La seule que je me suis moi-même autorisée à s'exprimer n'est pas déçue: la pièce-même si l'idée de départ est un peu déflorée par le teasing- dépasse en originalité d'approche et créativité la grande majorité de ce qu'on peut voir sur scène. C'était déja le cas avec Une Piece Mécanique,et les deux propositions ont aussi ceci en commun de remettre en question l'acte de danser: les interprêtes y sont chaque fois placés dans des situations incertaines. Hier contraints de retrouver leur place au milieu des robots en mouvement, ce soir confrontés à des musiciens armés. La danse chaque fois non seulement y survit, mais s'adapte et s'y développe de manière innattendue, par des correspondances inédites avec les composantes du contexte.

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    En commençant par déjouer les attentes trop évidentes. Si les quatre musiciens prennent place d'abord, occupent le terrain martialement, ce sont ensuite les cinq danseurs-parmi lesquels je reconnait Sophie Demeyer- qui commandent de leur gestes les premieres mesures de la musique. Le rapport conventionnel musique/danse ainsi inversé, aussi le rapport persecuteurs/victimes auxquel on aurait pu s'attendre. Tout évoluera de manière ambigue et surprenante, de ces interactions visuelles et sonores entre les deux camps en présence. Oppositions vestimentaires également, entre les musiciens habillés stricts et les danseurs en jean et T-shirt, inversion ponctuelles des rôles par mise en mouvement des musiciens ou appropriation de percussions par les danseurs. On devine, suggérées avec humour à froid, des stratégies complexes, sacrifices offerts et provocations, actions et réactions, regards lourds de sens, rapports de force, toujours incertains et souvent renversés, de suggestion, violence seduction, manipulation...

    Si ce plaisir interprétatif est intellectuel, j'en goute un autre plus esthétique et sensuel, celui liée à la pure musique. Celle-ci est bien sur essentiellement percussive, se joue des contraintes du choix des instruments, garde puissance et expressivité, sur un registre qui s'étend du claquement discret aux détonations plus franches. Toutes les cartouches ne sont pas grillées dés le début, des surprises réservées jusqu'à la fin dans l'utilisation des objets. Les musiciens devant leurs partitions, veillent avec leurs armes à l'exécution de l'oeuvre musicale autant que celle des danseurs. Ou est ce un effet dramatique de mise en scène, cette précision représentée avec beaucoup d'ostensation pour nous faire imaginer par opposition la fiction d'une danse plus libre, laissée à l'initiative de de corps qui ruseraient et s'affirmeraient par rapport à ce cadre rigide? En revanche mon intérêt se laisse distraire aux moments où la musique laisse du répit et la danse livrée à elle-même, moments me paraissant vagues et répétitifs, d'enlevage de vêtements. et ré-habillages. Un troisième niveau m'échappe, mais sans doute sans dommages: de savantes références, musicales et chorégraphiques. Pour moi la jubilation l'emporte pourtant, même si je commets l'erreur de discuter immédiatement à la sortie avec d'autres spectateurs plus réservés, et déçus dans leur attentes, qui auraient préféré une oeuvre plus affirmée dans sa signification. Je dois leur concéder que malgré les armes manipulées ce soir il y a plus de bruit que de danger. Nous avons été prudemment avertis de nous boucher les oreilles si nécéssaire, et aucun spectateur n'a été bléssé durant le spectacle.

    C'était Ne pas toucher aux oeuvres.Geisha Fontaine et Pierre Cottreau, création musicale de Francesco Filidei, à l' Auditorium Saint Germain, en ouverture du festival Faits d'hiver.

    Guy

    Lire aussi: Danzine

    photo (Pierre Cottreau) avant l'aimable autorisation de la compagnie)

  • Des regrets: le cabinet des figures

    Mais à quoi bon? Ou va-t-on? Et aprés?... Que me reste-t-il de cette heure formelle, découpée en parcelles, par passages réguliers du noir à la lumière, avec deux corps morcélés sur fond géométrique, le tout égalisé par un bourdonnement hypnotique? Le temps d'un inventaire méthodique, millimétré, de centaines de postures, de points de vue. Je suis gagné par le même desintérêt qu'à la vision de la pièce de Charmatz consacrée à Cunnigham. Témoin d'une étape peut-être obligée dans l'évolution de la chorégraphe, mais que partage-t-elle avec moi, avec nous? Quelques instants d'amusements, de bizarre? Des poses "figure" cachée, dos en métaorphose, m'évoquent le travail de Sofia Fitas avant de s'en éloigner. Les dernières minutes, avec un duo presque de marionettes, font regretter ce qui aurait pu être, espérer ce qui sera peut-être.

    C'était le Cabinet des figures de Vanessa Le Mat, au Centre National de la Danse

    Guy

  • Danse entravée

    Le pari est risqué que de pratiquer une danse sous contrainte, ici littéralement: c'est-à-dire jambes, ou bras, liés. Oui, je distingue bien un effort vers des gestes nouveaux. Mais la danse me semble rester prisonnière, comme si la créativité ne parvenait pas à totalement se libérer de ces chaînes volontaires. Pour commencer, une sirène se meut par bond de carpes. Surprend. Se trouve de nouveaux chemins, mais qui toujours ressemblent à d’impossibles évasions, jusqu’à s’épuiser. Son regard prend le relais, son corps ruse, tronc, joue avec nos perceptions, va nous faire puiser dans nos banques d’images sociales. La danseuse commence à nous attirer jusqu’à nous faire accepter de nouvelles anormalités, aussi tendres que des images de Freaks, apprivoisées par l’acte artistique. Mais l’idée s’enlise peu à peu, frustration. La deuxième femme a les bras entravés, ses talons hauts et sa cambrure font glisser notre perception d’elle vers un archétype de femme objet. Là encore, dans l’inconnu des gestes, mais rassemblées autour des repères plus convenus- symboliques, vestimentaires- s’impose une image possible, celle- quelque part entre vulnérabilité et séduction -d’une prisonnière. Puis je la perds.

    C’était Inedito de Luigia Riva, au colombier de Bagnolet.

    Guy

  • Danse en puzzle

    D’abord une entrée. Puis une sortie. Entrée à nouveau. Fausse sortie. Encore ainsi de suite. Sans raccords jusqu’à en sourire. Mais chaque action décrite au mur, en sous-titres. Avec des déphasages, des descriptions menteuses, à diverger de plus en plus. A n’en croire que ses yeux ? Des jeux déjà avec les nerfs, mais la danse qui y trouve son chemin, l’air de ne pas y toucher. Vite drôle et chic, presque pédagogique. L’une des deux en combi moulante, l’autre en robe panthère. L’une grande, l’autre moins. Sur les deux notre attention focalisée, la salle très silencieuse, comme rarement concentrée, mais sans impatiences. Un joli jeu de cache- cache pour tout de suite résumer.

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    En abandon, humour, décontracté. Comme un dialogue entre elles, qu’on devrait deviner, avec les non dits au milieu. Illustré d’événements minuscules, accumulés, gravitant autour du sujet (l'entre d'eux?): de soli en miroirs, d’actions simples et d’autres moins. Accompagné de tout ce qui peut être autour communiqué, tous moyens confondus, par inventaire de procédés: le bruit du vent, et des corps alors emportés, même un nu impromptu, instantané, des accords de guitare emphatiques, voire des lumières à se faire remarquer, ou des ombres coquines, des films d’errances bucoliques, à la poursuite de deux folles et une biche, des petits mystères et de la fumée verte, « Frère Jacques » entonné à coups de balles de tennis, des grands écarts, de lentes figures, des impertinences en patins à roulettes. Autant d’instants à saisir, à déguster. Le tout à regarder sans faim, léger. Un puzzle libre, sans grand tout à rassembler.

    C’était long Long Short Long Short d’Alix Eynaudi & Agata Maszkiewicz, à la Ménagerie de Verre avec le festival Inaccoutumées.

    Guy

    Photo par Vincent Tirmache avec l'aimable autorisation de la Ménagerie de Verre

  • Viviana et Viviana

    Rêve et mystère… On est à nouveau aspiré à la recherche de Madame Gonzalez, ce soir au milieu des étranges images de l’exposition consacrée à Moebius. Le créateur de bandes dessinées a-t-il été associé à la programmation de ces soirées nomades? Il semble que l’univers de Viviana Moin communique avec le sien par de troublantes coïncidences. Les imaginaires s’ensemencent, ouverts. Dés l’apparition de ce corps hybride, en transformation et mouvance. Deux apparences entremêlées, vraies et sociales: c'est-à-dire en dessous la chair crue et à vue, par dessus le costume merveilleux, ridicule, extravagant. Cette robe en morceaux veut briller argentée, et ainsi l’incroyable perruque, comme en un impossible retour à la grâce et l’innocence de l’enfance.

     75173_454544464692_670589692_5168528_8273950_n.jpgViviana Moin sait tout oser. Le corps se renverse en souvenirs de figures de ballerine, transformé par des mouvements émouvants de lenteur puis de soudaines et feintes maladresses, impudique se retourne comme un ruban. Il se déplace et nous emmène dans l’espace et dans le temps, dans un va et vient entre Paris ici et là bas Buenos Aires. Entre maintenant et le temps flou d’il y a plus de 30 ans. La voix, irrésistiblement naïve et hésitante, ouvre un portail trans-dimensionnel, dans une belle connivence, une machine à remonter le temps. La fragilité offerte est une force qui balaie les résistances. Le « Je » de la narratrice emporte auteur, interprète, personnage dans les mêmes transfigurations. L’hypnagogie s’étend, le songe suit. Tout est possible maintenant dans la logique forte de l’inconscient: pas de hasard mais des surprises, des rires, et des enchantements. D’un seul trait épuré, d’une phrase, nait un possible, d’un coté le plein et de l’autre le vide, en surgit pour nous submerger toute la matière du récit. Madame Gonzalez, qui jouait du piano au cours de danse, du jour au lendemain a disparu. D’évidence un coup des extra-terrestres, également responsables de la fêlure du carreau cassé sur le chemin de l’école. On est sur le coup convaincu que dans l’Argentine des années 70, il ne pouvait y avoir d’autres explications. L’œil de l’enfant, comme celui de l’artiste voit l’invisible, préfère construire des évidences cosmiques. Le tragique jamais loin, la mort derrière le rideau.

    La parole à la fin se tarit, les mystères plus entiers que jamais et le corps plus dénudé, qui s’abandonne aux origines, à la transe d’une extraordinaire danse chamanique, vers la vérité, vers son origine ré-imaginée au son des flutes andines.

    C’était Ou est passée Madame Gonzalez? de et avec Viviana Moin, dans le cadre des soirées nomades de l’exposition trans-formes consacrée à Moebius, à la fondation Cartier.

    Un premier état de la pièce, Madame Gonzalez au Piano, a été créé en février 2010 au Dansoir dans le cadre du festival Indisciplines (voir le texte et les photos de Jérôme Delatour-images de Danse).

    Guy

    Lire aussi à propos de Billy, d’Espiral, et de Montre moi ta Pina , et aussi à propos des danseuses qui parlent.

    Photo de répétition (X) avec l’aimable autorisation de Viviana Moin

  • Danse et démons

    C'est dans la convulsion des derniers instants que tout se précipite et se rassemble. Dans un vertige où tout prend (non une logique) mais force et sens, au paroxysme d’un tourbillon. La danse, d’abord enfermée dans un solo en boucle  (A Conspiracy), s’est mise à contaminer tout l’espace autour d’elle, s’est propagée, par cercles successifs, de danseurs en danseurs, en expansion irréversible, par décharges, par déferlements de sons et sensations, par brusques possessions. Notre espace d’observateur est emporté, balayé, les fantômes parmi nous libérés. Le moment est saisissant, effrayant à dire vrai.

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    C’est dans ce dénouement en débordement que se justifie et trouve une cohérence ce qui a précédé, vécu jusque là comme un patchwork déroutant  de danses (vues ou nouvelles), et théâtre, poésie, musique, performance: une étrange carte blanche(1). A commencer par ce long prélude qui sur le coup paraissait fastidieux: trois femmes, dont les robes lugubres et cérémonieuses contrastaient avec les poitrines dénudées, une combinaison comme sacrée. Elles semblaient devoir tournoyer lentement pour l’éternité au son des trois mêmes notes, tandis que trois sorcières de Macbeth lançaient leurs malédictions. C’était, rétrospectivement, un rituel, un envoutement. Aussi une manière de nous faire accepter le principe de répétitions et de subtiles variations comme moyen de faire apparaitre ce qui sinon resterait caché, la mise en œuvre d’une transe au ralenti, diluée. Circulaire également, la lutte ensuite de ces deux guerriers presque nus. Les corps s’attaquaient l’un l’autre en contacts exacerbés, leurs gestes accumulés, saturés, dans un combat d’abord à mort dont la violence s’épuisait peu à peu, en ralentissements, pour se transformer en étreintes amoureuses. Dans cette répétition de mouvements pouvait donc changer la signification de l'ensemble. Par contraste, le corps avait tout à fait disparu de la partie qui suivait: une pure évocation de l’invisible sous trois angles, tentée via trois sensations. La musique de Philippe Glass interprétée au piano, la voix portant la poésie d’Emily Dickinson, les images floues d’un film fantomatique (de Xavier Baërt). Durant cette absence le temps encore s’étirait. On en venait enfin à la dernière histoire, celle de la folie d’un prince- d’un fou-shakespearien(Lionel Hoche), condamné halluciné à répéter encore et encore mots et gestes, enfin à s’en libérer tout en nous entrainant avec lui dans ce cycle. Nous avons été invités à deviner toute cette soirée des recits de fantômes et de disparitions, d’exorcismes enfin.  On peut comprendre ainsi le final, sur une variation d’Amazing Grace. Mais ne sommes- nous pas à notre tour,invités à danser, pris au piège, sommes nous vraiment libérés de ces démons? Je retrouve surtout, au terme de cette soirée rétrospective, ce qui me fascine dans l’art d’Alban Richard: la faculté de faire naitre des émotions brutes de la rigueur et géométrie des formes.

    C’était Shake that Devil d’Alban Richard, au CDC Paris Réseau.

    Guy

    (1) bien que le déroulé de la soirée ai été quelque peu ralenti et dispersé par le parti-pris de la partager entre quatre lieux reliés par des trajets en car: l'Atelier de Paris Carolyn Carlson, le studio Le Regard du Cygne, L'étoile du nord et Micadanses. L'initiative a pour avantage de nous informer que ces structures constituent désormais un centre de développement chorégraphique en réseau (c'est surement une excellente chose), mais aussi pour inconvénient de nous faire mesurer toute la congestion de la circulation routière à Paris et petite couronne...

    photo de Vincent Jeannot avec l'aimable autorisation de la compagnie.

    lire aussi As far as et lointain

    et à lire en anglais...

  • Les arbres et la forêt

    La forme d'un arbre signifie un arbre, deux arbres un bois, et trois arbres une forêt... C'est ce que nous explique aprés coup, en japonais, la calligraphe Saiso Shimada. Un monsieur sorti des rangs du public s'improvise avec brio traducteur pour partager avec nous ces dits. Le signe écrit évoque donc l'objet en lui même, son apparence et son essence à la fois, sa place dans l'harmonie naturelle, mais étions-nous beaucoup dans le public à le comprendre ainsi, alors qu'au terme d'une longue méditation dans un silence d'une blanche perfection, sur le papier couché au sol la caligraphe jetait son geste? Le pinceau- une grande brosse, presque un balai- plongé une seule fois dans le sceau, puis son bras qui danse pour lâcher en quelques mouvements la lourdeur noire de l'encre sur le papier immaculé, sans retours ni regrets. A partir de ces idéogrammes, que je ne sais pas lire, surgit donc la Forêt, puis s'étend la Décomposition, enfin se lève l'Aurore. 

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    L'encre posée, ces forces naturelles s'incarnent dans le corps de la danseuse Moeno Wakamatsu. Je la regarde portée par ces trois improvisations, sans alors connaitre leur signification, mais pour au moins ressentir et deviner que des forces cachées la traversent douloureusement, sa lenteur en est l'écoute exacerbée. Je vois cette femme sans alors deviner la forêt écrite et dansée, pourtant déja évidentes des cycles d'inéductables agonies et de miraculeuses renaissances, son ombre tendue sur les feuilles blanches, des terribles affaissements, son bras tendu vers l'infini, puis tout revient comme avant dans le tout. Moeno dessine de son corps dans l'espace des signes tout autant enigmatiques et fascinants que le pinceau sur le papier, j'en accepte d'abord les mystères tout comme j'en accueille plus tard le sens.

    " Je ne vois pas la femme cachée dans la forêt", tel est le titre de la toute prochaine pièce de Perrine Valli. La chorégraphe est revenue d'une résidence au Japon, mais je ne sais si elle s'intéresse aux idéogrammes. Nous sommes quelques-uns à qui Perrine, à l'initiative de Mains d'Oeuvres, ouvre cette répétition, pour ensuite recueillir nos impressions. Il est prématuré de parler ici sur le fond de ce que nous voyons de cette pièce en pleine éclosion, avec ses belles promesses et encore ses fragilités. Mais il me sera, je l'espère, pardonné d'évoquer la discussion qui suit, significative. Nous découvrons en effet durant cet échange toute la distance qui reste à ce stade entre ce que chacun a vu et ce que Perrine a voulu montrer. La chorégraphe a pris garde à ne pas trop appuyer ses effets. Trop?  Beaucoup d'images, de références artistiques ou sociologiques, de situations, de jeux de rôles, fruits d'une réflexion ambitieuse et complexe, m'ont échappé, ainsi qu'à d'autres invités. Nous n'avons pas vraiment vu la femme dans cette forêt de gestes, du moins la femme comme elle voulait apparaitre. Sans pour autant que cette méconnaissance, comme lorsque j'étais confronté aux idéogrammes de Saiso Shimada, ne m'empêche de vivre avec un grand plaisir l'expérience de cette représentation, porté par le flux des images et la cohérence et la beauté de la chorégraphie, quitte à imaginer le reste....Et j'aurai pu en rester à cette perception, sans les explications de Perrine. Mais cette pièce telle que je l'ai vue n'existe déja plus. Il est clair que Perrine- il s'agit de sa quatrième création je crois- se défie de plus en plus de tout exces d'esthétisme pour privilégier le sens. Je sais que la pièce va être améliorée, plus cohérente et plus forte, mais j'éprouve pourtant un dernier regret à l'idée de la clarification qui va être entreprise. La matière en tout cas est là- le sujet est ici la femme, et non la forêt-et il reste le temps nécéssaire à la chorégraphe pour ces ajustements, faire en sorte que le spectateur perçoive tout ce qui lui est proposé, tout en gardant sa part de liberté, sa respiration. Je suis curieux de bientôt découvrir le résultat final- en espérant retrouver ma spontanéité de spectateur- pense aussi à toutes les pièces prématurées qui n'ont pu à l'inverse de celle-ci murir fautes de regards, à ce que je n'ai pas vu et à leurs intentions perdues...

     

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    C'était une rencontre entre Saiso Shimada et Moeno wakamatsu à l' Espace culturel Bertin Poiré, et une étape de travail de "Je ne vois pas la femme caché dans la forêt" de Perrine Valli qui sera créé à Mains d'Oeuvres le 22 novembre.

    Guy

    Lire aussi: images de danse

    image: la mer par Saiso Shimada