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  • Marion Ballester, la femme à la tête de vache.

    La scène est construite d'un rectangle de cartons, à plat. Mais on en reste là. Ou pas beaucoup plus loin. L'image pourrait être forte, riche de développements, on s'attend à une explication, même juste à une piste. Non. Cela reste flou, autant que la bande son est nette (Grâce à Alain Buffard, on connaît Joy Division). Yuval Pick  n'émerge pas de ce qui au sol devient sa prison, nous communique vaguement une sensation d'étouffement, mais nous en laisse nous évader, trop loin. Il enchaîne une succession de rudes tentatives d'élévations(évasions?) et de chutes. Non sans souffle. Mais lutte-t-il contre l'ivresse, contre lui-même, contre le monde? Contre les cartons? Qui toujours l'attirent au sol? On ne sait. Et on a l'impression d'attendre quelque chose qui ne vient jamais.

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    La femme d'après a une tête de vache. Depuis les salades vivantes de Jesus Sevari, on évolue du végétal au ruminant. La bête nous considère de ses yeux vides, et se promène, au son des cloches, animale et maniérée. D'une gestuelle bovine et précise en talons rouges aiguilles. Effet masque: on prête à la tête taxidermée et inerte tout les états d'émotion que le corps fait jouer. L'expérience est envoûtante et cocasse, bien qu'on ne comprenne pas très bien en quoi il s'agit d'un portrait de l'interprète, Marion Ballester. Ou alors, un portrait très, très loin ancré dans l'imaginaire. Puis la minotaure dépose sa tête, pour tout changer. La danse semble ensuite partir des épaules, pour une déambulation qui se transforme en une belle course, intrigante et graduée, un récit sans redites. Étourdi par le crescendo de la bande son, signée Denis Gambiez  qui nous plonge au coeur de la respiration remixée de la danseuse, de ses halètements et autres bruits organiques. L'effet est, à y repenser, tout à fait impudique.

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    C'était Living in pieces ♥♥, de Yuval Pick, puis From...ages mains tenant  ♥♥♥♥ de Osman Khelili avec Marion Ballester, à Micadanses avec le festival Faits d'Hiver.

    Guy

    Merci à Faits d'hiver pour la photo de Marion Ballester.

  • Aux Antipodes

    C’est la question du regard posé sur l’artiste étranger. Le considère-t-on en fonction de son héritage culturel, ou selon son universalité qu’il porte? Faits d’hivers invite cette année des chorégraphes d’Australie, avec la complicité d’Angela Conquet. Mais sont-ils représentatifs des courants qui traversent leur pays, ou le choix de la programmation répond-il à nos attentes de public parisien ?

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    Phoebe Robinson, l’interprète de Transit de Sandra Parker, s’installe en donnant l’impression d’être nulle part, donc partout chez elle. Avec des gestes à l’affut, qui se cherchent, comme pour se saisir d’instants cachés. Explorations de soi de la pulpe des doigts, vers le front, la main, le bras: le corps se mesure à son envergure, se définit, se réarticule. Je suis étonné de la pulsation impalpable mais si présente qui règle ses mouvements. Les yeux aussi, intenses, semblent en recherche. Sur l’écran derrière elle les nuages passent et restent le gris, le bleu. Comme chez nous, comme ailleurs. La danse s’interroge encore dans une douce solitude. Apparait alors l’image d’un arbre aux antipodes. C’est un contexte, presque déjà d’un continent, au son d’une musique de pionniers. Les mouvements se taisent, le corps est coi, ils reprennent, cassés. Je vois des mouvements universels, mais aussi un dialogue avec l’immensité autour d’elle, dans un pays à explorer.

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    D’où semble venir Matthew Day, peroxydé des cheveux aux baskets? Il s’agite de mouvements répétitifs, les muscles pris de tremblements nerveux, s’installe dans un inconfort instable. Je retrouve dans son opiniâtreté à s’écarter des chemins bien tracés et à rendre au corps son étrangeté la même obstination sourde que met en œuvre la portugaise Sofia Fitas. D’une position tordue à l’autre, dans un parcours malade, les transitions sont imperceptibles. Il joue avec nos nerfs, on comprend qu’il n’y pas d’issue, sauf à ce qu’il nous entraine dans sa folie. Il nous fascine et nous enferme. Abstraite des grands espaces, la danse se concentre dans la psychée.

    C’était Transit de Sandra Parker avec Phoebe Robinson et Cannibal de Matthew Day, vu à Micadanses dans le cadre du festival faits d’hiver.

     Guy

    Photos d'Almory Culvenor (1) et d'Heindrun Lohr avec l'aimable autorisation de faits d'hiver.

     

  • Demain

    Les fêtes de fin d'année, c'était juste un mauvais moment à passer. L'année reprend, avec les bonnes résolutions de janvier:

     

    Avez vous des suggestions à me faire?

    Guy

  • Aprés le Diable

    Comment se révèle-t-elle, cette étrangeté en nous, cette monstruosité, que Maxence Rey fouille de pièce en pièce? On ne croit plus au diable et en ses tentations, mais l'inexpliqué toujours nous inquiète, le point mort de notre rationalité, l'incontrôlé. C'est par le corps des interprètes qu'il surgit ici, entre grotesque et beauté. Ceux ci nous font toucher du doigt cet instant paniqué de la transformation, où la résistance abdique. De la fête de village selon Rubens à la la fête techno, le mouvement traverse les époques. Les pulsions se libèrent avec force, les visages grimacent, les ventres s'agitent et se tendent, les sens s'ouvrent, les regards s'aiguisent, avides. Quelques frôlements, des gestes francs, et explosent des orgasmes raides et muets. Les poses sont convulsées et les cris libérés, loin de la tête les bassins dansent. Dans sa troublante viscéralité, l'œuvre parait sévère jusqu'à ce que la drôlerie l'emporte, culminant irrésistiblement en une chanson folklorique réinventée.

    Teaser - LE MOULIN DES TENTATIONS - Cie Betula Lenta - Maxence Rey from Romain Kosellek on Vimeo.

    Le Moulin des tentations de Maxence Rey vu le 6 février au CDC-Atelier de Paris-Carolyn Carlson dans le cadre de faits d'hiver.

    Guy

  • Ensembles

    Seules contre le monde? Seules mais deux, ensembles. Sans besoin d'explications, la présence de ces femmes installe une évidence. Quelques gestes, une tension. Je ne parviens à comprendre cette immédiateté, je la reçois. En état d'alerte, entre elles l'espace se fait dense, chargé d'émotions duales, de déhanchements entêtés, de balancements nerveux et d'attentes. La violence sourd sans démonstrations. Le cœur bat au rythme d'une ballade cruelle. Que fuient-elles? Je crois que la tension se résout peu à peu en abandons et enlacements. Paix retrouvée, sensualité: leurs cheveux longs et libres volent au vent.

    danse,micadanses,nicole moussoux et patrick bonté

    Vice Versa de Nicole Mossoux et Patrick Bonté, vu le 19 septembre 2016 à Micadanses dans le cadre de Bien Faits.

    Guy

    P.S. et à la même soirée , reprise d'Etna de Camille Mutel vu il y a 2 ans et raconté ici

    et des variations libératrices sur Blanc de Vania Vaneau (lire ici et)

    photo de Mikha Wajnrych avec l'aimable autorisation de Micadanses

     

  • Dégenré

    Comment la percevons nous, cette danse, à nous troubler?  Cette danse serait en potentialités, toute en choix. Virile ou féminine, selon. Nue ou maquillée, les danseurs barbus ou glabres, en robes ou costumes, leurs mouvements secs ou enveloppants, doux ou brutaux, nos regards complices ou distants. S'habille-t-elle de stéréotypes et d'implicites? Quand se dévoile-t-elle vraiment? Que se permet-elle, que nous permet-elle de voir et de vouloir? Notre regard a-t-il un genre? Des préjugés, des intentions plaquées. Maria Montero joue avec mes perception, me questionne. A la fin le moine est fait, déshabillé.
     

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    Men's Day, de Maria Montero à l'Etoile du Nord , le 30 octobre 2018, dans le cadre des festivals Zoa-Zône d'occupation artistique, et Avis de turbulence.
     
    Guy
     
     
  • Carlotta Ikeda: trop

    Les images font profusion en un défilé grotesque. Bariolées et somptueuses, monstrueuses.

     

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    En une débauche d'extravagances baroques, qui se succédent à la manière de numéros de cabaret: humanités caricaturées qui s'agitent à terre, excroissances sophistiqués, féminités débordantes, sumos à mamelles, fleurs animales et sensualités vénéneuses, troupeau de poules reniflantes et enervées, jeunesses nippones essouflées ou danseuses de french cancan encanaillées....C'est virtuose, mordant et drôle, d'une approche singulière, ebouriffant, et trop. Il suffit que Carlotta Ikeda revienne, quelques minutes, seule en toile kaki, pour faire beaucoup avec peu. Pour évoquer le comos avec un simple ballon. Magnifique. Puis ne laisse que des regrets. La suite sature, le trop plein accouche de la vacuité. 

    Deux troupes issues du mouvement Buto remplissent encore les salles en France: Sankai Juku  d'Ushio Amagatsu et Ariadone de Carlotta Ikeda Dirigées par deux chorégraphes de la même génération, la première des deux compagnies étant exclusivement masculine, la seconde exclusivement féminine. Mais Ariadone semble s'orienter vers la théatralité et le grotesque, Sankai Juku se concentrant en une danse empreinte de mysticisme. Les deux tendances agitent depuis le début le mouvement buto, et cette ambivalence s'affiche dans le titre de cette piece: Uchuu (univers en japonais) Cabaret. Mais ce soir la balance penche trop lourdement du coté du second terme.

    C'était donc Uchuu-Cabaret de Carlotta Ikeda , au théatre Silvia Monfort, avec le festival faits d'hiver.

    Guy

    photo par "Lot" avec l'aimable autorisation de Faits d'Hiver

    Lire aussi: Paris Art

  • 4.48: Sarah Kane en vie?

    Le suicide est un acte essentiellement paradoxal. Dans 4.48 Psychose, Sarah Kane dit cela on ne peut mieux: "I have become so depressed by the fact of my mortality that I have decided to commit suicide."Elle mettra effectivement fin à ses jours en 1999 dans un hôpital. A l'âge de 28 ans. Les 4. 48.jpgraisons du geste telles qu'exprimées par le personnage dans la piece ne pourront être jamais les bonnes- plutôt ce ne seront sans doute pas les vraies. Mais pourtant tout est là, avoué à vif, ressenti: en ce qu'il dit et ce qu'il ne dit pas, 4.48 est donc un classique immédiat et posthume. Qu'il est possible de massacrer à force de distance. Ou de porter à un niveau rare de beauté et de desespérance à force de crudité. Ici, et même avec gravité, la mise en scène fait jaillir au jour tout ce qu'il y a d'insolent, de vif, de drôle, d'amoureux dans le texte. C'est un choix intéressant, au coeur même des contradictions de cet appel à l'aide ou cet adieu vindicatif au médecin, au père, à l'amant, à Dieu. L'interprétation se fait à deux voix avec de précieux moments de silence où les corps se mettent en danger. Se livrent à quelque chose entre une danse de mort et une danse de séduction, une concession aux pulsions du sexe et de la vie. On en douterait de l'issue.

    C'était 4.48 Psychose de Sarah Kane, mis en scène par Benjamin Tanguy, avec Jennifer Dapilly et Clémence Labatut, au Théatre des deux Rèves. Lundi et mardi encore.

    Guy

  • Unger et Ferron: Short, cygnes, poupées

    A la lecture, les intentions énoncées par les plumitifs d' Etant Donné pour ce Show Case Trilogie paraissent un poil sérieuses et auto-centrées ("Explorer les notions constitutives du spectacle: l'idée de la beauté, l'idée du temps, l'idée de vacuité"). Elles laissent craindre un pensum sur la représentation représentée. Mais, soulagement, les chorégraphes mettent ces intentions sur le tapis avec une fraîcheur bienvenue.

    Démonstration faite avec l'attaque de Let's Dance. Le tapis blanc immaculé apparaît comme un gouffre un peu effrayant dans lequel nos trois danseurs n'osent s'engager, avant de trouver un moyen- joliment enfantin- de d'y risquer. On a vu manière plus ennuyeuse de remettre en perspective l'espace scénique. C'est autant de distance ironique partagée vis à vis de ce qui pourra s'y dérouler ensuite: l'attaque en règle d'un morceau de choix de la matière-répertoire. Tchaikovsky en prend pour son grade, les irréprochables figures classiques en ressortent blessées à mort, même si les cygnes bougent encore. Les décalages sont parfois nets- des gags musicaux dans un esprit cartoon-, parfois installés avec plus de légèreté. Même si on atteint pas les sommets pince-sans-rire qu'ont explorés les Delgado-Fuchs. Mais dans ce jeu, très précis et élaboré, des quatre coins, la jubilation se fait complice. On pense un peu à la phrase de Charles B. (1821-1867) : "Le génie est l'enfance douée d'organes adultes pour s'exprimer".

    En seconde position, Laps est le type même de la pièce urticante. D'un coté il est toujours intéressant de s'intéresser au temps, de l'autre on reste tout de même très loin de Saint Augustin. D'un coté le sous-titre est remarquable-"solo pour un danseur en short"-, de l'autre on se dit, passées presque cinq minutes de course sur place, que les plaisanteries les plus courtes sont les moins longues. D'un coté on a rarement vu sur scène quelque chose d'aussi sublimement laid que les chaussettes rouges et jaunes de Jerôme Ferron, de l'autre l'usage répété de l'aquarium apparaît d'une gratuité assez lassante. D'un coté il est approprié que Ravel soit la seconde victime, avec un bolero qui ne semble ne jamais commencer, de l'autre la performance ne semble pas parvenir à résoudre la difficulté qu'il y a à montrer l'attente tout en s'interdisant de suggérer plus que le commencement d'autre chose.

    De Beauté plastique, on a déja parlé ici l'an dernier de manière raisonnée. Non sans mérite car les belles Frédérique Unger et Emily Mézière n'arrêtent pas de déshabiller, ce qui trouble un peu le recul critique. Mais ce qui ne nous distrait pas, il est vrai, du sujet en lui même: l'expérience de la beauté. La pièce gagne encore en cohérence quand ici elle conclue la trilogie: la saturation de notre espace de vision par les poupées (style) barbies prend une nouvelle force en vis à vis du vide aveuglant du tout début. Et la performance en froide efficacité: cette fois pas plus de 3 poupées renversées. La pièce persiste à être la plus construite et équilibrée des trois, et même la plus féroce. Pour autant  l'ensemble reste cohérent et ludique. Quitte sans doute à risquer, pour cette raison même, plus d'un procés en superficialité et insignifiance... Acquitté!

    C'était Show Case trilogie: Let's Dance..., Laps (solo pour un danseur en short), et Beauté Plastique, de et par Jérome Jerôme Ferron et Frédérike Unger (Etant Donné), avec aussi  Emily Mézières, à Micadances, avec le festival Faits d'hiver

    Guy

  • Anne Hirth: en attente

    Les décors et costumes ont la patine d'un théâtre qu'on imagine d'avant la fin des années soixante. En route pour un voyage dans le temps, stricte cravate, robe à fleurs, papiers peints et toile cirée. Pour observer trois personnages, contraints dans le même espace, peu à leur aise, comme enfermés dans une salle d'attente. Trois personnages mutiques, dont les pré-relations resteront non définies, ce qui est délicieusement exaspérant. Oublié ce prologue qu'on a entrevu par une fenêtre du décor: un temps d'ivresse, de musique et de convivialité. La fête est bien finie, la fête entre eux trois n'a même sans doute jamais existé. La parole aussi s'est tarie, réduite au strict utilitaire. Ils ne parlent que pour demander du feu. Ce n'est pas que nos personnages ne veulent pas communiquer-chacun manifeste en permanence la conscience de la proximité de l'autre-, c'est plutôt que quelque chose les en empêche. Quelque chose d'indéterminé, quelque part entre le pathologique et le social. L'enfer, une fois de plus, c'est les autres, et le temps s'est arrêté. Résultat: sont en début seuls montrés ici les moments qui n'existent pas vraiment, du moins dramatiquement. Qui existent surtout par leur durée. Les moments insignifiants, les moments d'observation, les moments d'hésitation, les moments d'inaction. Les autres moments, les moments qui restent, entre les moments forts. Des moments non faits, ou faits plus de vraie vie que de théâtre. Mais c'est tout l'art d'Anne Hirth  de faire que l'exercice existe lui-même théâtralement, subtil et sarcastique, et que cet exercice soit tout sauf ennuyeux. 

    On ne peut pas ne pas communiquer, les personnages interagissent. Les gestes, devenu réflexes, hors contexte, perdent sens. Les frontières de la coexistence sociales se font poreuses. Dans cet espace aux règles sans raisons, les mouvements dérapent, imprévus, s'emballent peu à peu, jusqu'à la rudesse. Empoignades sans pitié dans la queue pour les toilettes. Au bord de la névrose, l'absurde s'insinue. Les enjeux se font flous. Les positions se renversent. La cabine de douche devient fumoir, et le fumeur cul par dessus tête. Coup de théâtre: une femme dans le placard. Rien de vaudevillesque, il s'agit plutôt une survivante. Une non vivante. Égarée. De quoi mettre en évidence l'incapacité des trois autres médusés de rassembler, de faire groupe, pour résoudre l'énigme. Mais tôt ou tard l'impossibilité d'être se résout par la danse, l'espace est reconquit poétiquement, comme en une évasion qui s'engourdirait en rêve. Autour de la femme sortie du placard, le groupe se fait. La parole réussit enfin à renaître, dans la bouche de cette femme, submergée par des souvenirs d'enfance, comme somnambule, qui avance ainsi dans la belle ivresse d'un mouvement continu, rhabillée à chaque pas d'une nouvelle robe par ses compagnons.

    C'était Wait Here for futher instructions ♥♥ d'Anne Hirth-Büro für Zeit + raum, avec Blandine Costaz, Daniel Bausch, Jürg Plüss, Ellen Schiess, à la Halle aux Cuirs de la Villette avec 100 dessus dessous.

    Guy