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  • HS (Épilogue aux entretiens avec Katalin Patkaï)

    Quand Katalin Patkaï crée HS en février dernier au Générateur, il me faut un peu de temps pour prendre conscience qu'il s'agit en un sens de la conclusion de nos entretiens initiés pas loin de deux ans auparavant. Je me demandais pourquoi cela avait pris tant de temps, même après sur des heures d'enregistrements plus d'heures encore de transcription, de collage et de rédaction pour tenter d'être plus fidèle que le texte. Puis le projet qui reste en pause, passé en arrière-plan des vies et envies de l'une et de l'autre. Enfin à l'approche de la création d'HS, K. qui revient, relit et corrige sans rien censurer, juste les formes et rien du fond. Car il y avait là pour elle bien plus qu'un moyen de promotion: une nécessité de sincérité qui tenait à la pièce ... Plutôt j'ai pris conscience que les entretiens en constituaient la préparation. Non seulement parce que cette pièce en gestation, K. m'en parlait tout au long des entretiens, même quand nous n'avons pas Ernesto dans les pattes. Non seulement en raison de la logique qui venait peu à peu au jour dans ce cheminement artistique, partant des pièces au sujet du genre, des femmes, des mères (M.I.L.F.), de l'innocence (Jeudi), jusqu'à l'aboutissement d'aujourd'hui. Je comprends maintenant que parler sans retenir faisait partie du travail de création d' HS. Il fallait ce temps là. Ce que K. livre sur scène avec cette pièce est la chose la plus intime qui soit: le fruit de sa chair, et l'amour le plus absolu qui puisse exister. L'enfant. La mise en scène, les textes, la drôlerie, ne peuvent faire diversion, masquer ce fait. Le travail de mise en scène est ici nécessaire, il n'est pas essentiel. Ce travail dessine juste un cadre autour de ce qui est important, au vrai travail, celui de l'accouchement. L'enfant chahute, s'échappe des jupes de sa mère, prend son vélo, roule son chemin autour de nous et fait exploser le cadre de la scène. Il grandit déjà et bientôt cet instant ne sera plus. Ni la pièce. Tout fuit, incertain. C'est cela le plus important et après cela il n'y a plus de secret qui tienne en paroles, ou sur scène K. où ose, dit son age- plus fort que de se mettre à poil- parle de son père. Des proches la lisent et la comprennent mieux. De mon coté, il me faut un peu de temps. Attendre quelques semaines plus tard, de revoir K., et comprendre. Sans doute comprend-elle de son coté qu' HS, dans sa radicalité, comme un don impudique qui porte en lui sa fin, sera peu compris. Mais il suffira qu'il soit assez aimé.

    HS créé par Katalin Patkaï le au Générateur de Gentilly dans le cadre de Faits d'hiver, sera joué à nouveau au Regard du Cygne le mardi 22 mars à 14h30 dans le cadre du festival Signes de Printemps

    Guy

  • Le jaune et le blanc

    Je retrouve ici à ce point de son avancée un même projet, mais ce soir d'une autre manière, allant du rouge d'avant au blanc, du clair obscur à la pleine lumière, de la chair à l'épure, de la suggestion à la démonstration. Camille Mutel, d'évidence, poursuit dans ses pièces la recherche asymptotique des zones dérobées de l'érotisme, se confrontant à la possibilité, ou non, de représenter le désir jusqu'à son assouvissement. A cette étape, loin de l'onirisme d'Etna- dernière pièce en date- l'audace suit d'autres chemins. La proposition de ce soir fait tout autant écho au travail récent de la chorégraphe dans le cadre de (Nou) dirigé par Matthieu Hocquemiller qu'à ses propres créations. Le décor mental du Japon est posé, non seulement par les images urbaines d'Osamu Kanemura, mais dans le mode même de la pièce, sa respiration. Est-ce ici le pays de Mishima plutôt que celui d'Hijikata? La rencontre des deux corps dénudés des danseurs se tente dans un cérémonial érotique méticuleux, qui épuise tous les usages que l'on peut faire des œufs. Étrange alliance de crudité et de délicatesse, que la voix inattendue, organique, d'une chanteuse vient troubler à contre courant. Je songe aux créations précédentes, et aux sentiments d'irrépressibles surgissements qu'elles inspiraient, et je reviens ici face à une proposition plus mise à distance, plus cérébrale, mais qui appelle à la connivence. Le travail se donne à voir: travail sur le temps étiré du rituel avec la préparation minutieuse des accessoires, travail sur l'espace et la lumière, qui souligne le vide consistant entre les êtres jusqu'au rapprochement des dermes, travail sur le mouvement des 2 corps qui matérialise les dynamiques de l'attraction, de l'hésitation et de la rencontre. Le jeu de correspondances est dense: rencontre du masculin et du féminin comme du jaune et du blanc de l'œuf, symbolisme de cet objet et évocation de l'oiseau dans la danse, rôle détourné du chant qui relaye l'indicible....

    Je vois là un objet artistique neuf et surprenant, beau et glacé cependant, qui ose mais en inspirant un sentiment de contrôle. Qui me paraitrait presque trop sérieux s'il n'y avait dans l’œil et sur les lèvres des interprètes cette étincelle de plaisir et d'ironie.

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    Rencontre avec Camille Mutel autour de la création Go, go, go, said the bird (human kind cannot bear very much reality) from micadanses - Faits d'hiver on Vimeo.

    Go, go,go, said the bird (human kind cannot bear very much reality de Camille Mutel , vu le 8 février au Générateur de Gentilly avec le festival Faits d'Hiver.

    Guy

    photo de Paolo Porto avec l'aimable autorisation de la compagnie

  • Premier degré

    Orson Welles a écrit qu’il  préférer voir des pièces de théâtre interprétées dans des langues qu’il ne comprenait pas : il pouvait ainsi mieux apprécier le jeu des acteurs.  Ainsi ce soir Waterproof n’a ni queue ni tête.  Tant mieux, j’en suis d’autant plus libre. Les faits: il s’agit sur un mode plutôt badin, peut-être opportun, d’un anniversaire (celui des 5 ans du lieu ?). Trois candidats s’activent (mais pour quoi ?) : chants, poésie, récits décalés,  un tir de barrage de loufoquerie et d’indétermination. Je pense à aux nombreux appelés et aux peu d’élus dans cette voie, je pense à l'actualité mais je ne pense pas vouloir interpréter plus avant par là. L’arbitre lâche des diagnostics en forme de non-sens, ouvre des crevasses, mais je ne veux pas réfléchir à l’incommunicabilité. C’est drôle et je veux juste gouter un peu de légèreté.   

    Waterproof du collectif Hubris mis en scène par Raouf Raïs, vu à la Loge le 3 juillet 2014, dans le cadre du Summer of loge jusqu’au 19 juillet.

    Le festival continue du 15 au 7 juillet avec Sophie de Christine Armanger et Les Cahiers du Connemara de Laurent Bazin.

  • Toujours ensemble

    Ensemble? Pas de siège pour le public dans cette salle, nous partageons l’espace de plain-pied avec les artistes, cherchons notre place avec eux. Les danseurs posent au sol une mer de plastique, l’agitent de vagues. Tempête. Je sens les coups de vent. Il n’y a plus rien qui tienne. Une femme s’y aventure, est ballotée d’une rive à l’autre, perd pied, ruisselle, lutte en vain, corps chahuté. La scène est violente, poignante, directe. Forte avec peu. La femme est nue, je pense au dénuement. Elle se noie, je pense aux migrants. Elle est rejetée par les autres des deux côtés, je pense à tous ceux qui ne trouvent pas de place. D’autres lui succèdent sur cet océan, les uns contre les autres, mais s’épuisent en courses et luttes intimes et fratricides, éperdues, sans raison. La dernière scène nous apaise, quand les danseurs nous font nous lever pour disposer partout dans la salle des ballons d’eau-nous redéfinissons ainsi l’espace avec eau. Puis ils rampent pour les éclater. Ils se regroupent, tribu de chair, nous autour d’eux. Le monde retrouve un peu de paix.

     

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    Pindorama de Lia Rodrigues, vu le 21 novembre au théâtre de la cité internationale avec le festival d’automne à Paris. Jusqu’au 26 novembre, puis au 104 du 28 au 30 novembre et à L’apostrophe le 3 décembre.

    Guy

    photo par sammi_landweer avec l'aimable autorisation du T.C.I.

    Sur le blog, à propos de Ce dont nous sommes fait.

    Et à propos de Pororoca

    Lire aussi Rosita Boisseau dans le Monde

  • Baudelaire: l'éternel procés

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    Baudelaire est à terre. A genoux, défait, prostré, il fouille sa plaie du tranchant de ses mots, pendant que de l’ombre, émerge une future mariée. Sans visage, inaccessible. Sa montée silencieuse répond à l’implacable descente au cœur de l’âme dévastée de Baudelaire, dont la litanie déchire un silence devenu palpable. La blancheur virginale de sa robe est portée par l’acquiescement muet du fond noir. Le noir neutre de l’institutionnel, de la morale, celui de la décence. Derrière des paravents, les ombres jetées de la bêtise et de l’hypocrisie, sur fond gris. Au premier plan, Baudelaire lumineux se détache de l’obscurité qui emprunte ici au noir de l’exigence. Celui de l’absolu, de la solitude et du dépouillement. A ses côtés, juste une petite table,  pour l’élégance. Entre ces deux conceptions du noir, deux cubes de scène pour le décalage permanent des niveaux de discours, car on ne s’adresse au poète que de haut. La justice d’abord, par le biais du procureur Pinard, puis les institutions, à travers « la jeune file assassin de l’art », celée sous son voile nuptial. La société, ses pairs, en groupes de vautours, toujours de biais. La pièce, emportée par un texte implacable prend toutes les allures d’une mise à mort. Le dialogue entre le procureur et le poète, celles d’un duel impossible, entre création et morale. Jeté hors la loi, hors le monde dans sa solitude et son isolement, le poète expie, vulnérable, presque enfantin dans sa souffrance.

    C'était Le Procés des Fleurs du Mal de Philippe Blondeau, mis en scène par Georges Zaragoza, avec les Compagnons d’Eleusis au Théâtre Municipal d’Epinal, vendredi 9 mars, dans le cadre du printemps des poètes, 150 ans après les faits.

    Isabelle Viéville Degeorges

  • Something in between- (voire bien au delà)

    On aime les lieux qui ressemblent à tout sauf à des salles de spectacles: dans cette catégorie Les Voutes méritent une mention spéciale . Allez y, vous comprendrez.

    Donc un lieu improbable et adequat pour y présenter du Buto. S'il s'agit encore vraiment de Buto, mais qu'importe. Présenté par "In Between" compagnie transnationale et européenne.

    "Bacon R'us" pour commencer. 3 figures chacune isolée sous une voute, jeux d'ombres et de sonorités, improbables interactions. Mais la vraie surprise vient de Claude Parle.Qu'on avait déjà vu, en d'autres lieux, soutenir Moeno.Annoncé comme musicien, il s'impose ici comme performer. Au naturel. D'abord en une création de Francis Bacon incarnée, en relief, débordante. Puis qui fait subir des traitements extrêmes à son accordéon. Une présence énorme. Qui focalise l'attention. Les deux autres (vrais) danseurs ont beau se tordre, c'est injuste mais rien n'y fait.

    Pour "In between" en seconde partie, Claude Parle s'abstient, et en un sens tant mieux. 4 danseurs pour représenter la folie, en 4 trajectoires simultanées. Le dispositif est saisissant, les interprètes assument tous les risques de l'expérimentation et du débordement.

    Tout au long d'un voyage intense pour peu que l'on accepte de les accompagner. Pour retrouver, au delà des codes bien connus-corps défigurés et lenteur torturée- l'esprit du Buto.

    Pour de vrai.

    Guy

    P.S. Cet évènement préludait au 7° festival de de danse Buto à partir du 6 juin. A l 'Espace culturel Bertin Poirée, bien sur.

     

  • Manifester

    ...Pour la suite, nous sommes précipités dans le monde, dans la société. Un danseur bondit parmi nous, crie. Dans ses mots mis bout à bout toute la confusion du monde. Noms forts, mais en désordre, d'hommes politiques, de marques mondiales, de peuples revoltés... On est interpellé, mais si quelque chose est  partagé ici, c'est surtout la difficulté de prendre du recul, de lier. Puis l'espace de jeu se réorganise de manière plus tranchée en un grand carré et nous tout autour. Le corps premier, essentiel et nu de la première partie a laissé définitivement la place à un corps politique, collectif. Philosophiquement, c'est une évolution qui fait sens. Et le manifeste alors dansé ne manque pas de force. Mais m'indispose par son militantisme paradoxal: symboles de paix sur les habits et musique martiale surchargée de roulements de tambours. "Let the sunshine" entonné à coté de poses d'arts martiaux, et défilé de majorettes radicales. A quel degré recevoir ce que la danse exprime ici authentiquement de colère et d'indignation? J'ai l'impression d'être invité à partir parader avec eux avec une mitrailette dans la jungle en treillis. Tout cela finit sous les ovations avec "Imagine" de Lennon, choix ambigu et symptomatique.

    C'était Ce dont nous sommes faits de Lia Rodrigues dans la salle Panopée du Théatre de Vanves, dans le cadre du festival Artdanthé.

    Guy

    le début ici

  • Le code a changé

    Ils dansent et jouent, mais leur jeu obéit à des règles aléatoires. Sur un plateau noir, dont l'image est projetée au mur, sont à intervalles réguliers par les uns ou les autres posés des objets: lettres, bonshommes, canards, voitures... A ces consignes codées et inattendues obéissent les danseurs, les musiciens et l'éclairagiste. On revoit ainsi souvent de mêmes séquences revenir, réagencées différement. De tels procédés les oulipiens ont fait un usage jubilatoire en littérature. Ces derniers s'éfforçaient à partir de contraintes inextricables de restituer aux oeuvres ainsi produites mouvement et sens. Mais ce soir, le code m'est inintelligible. Je ne comprends rien aux symboles posés sur le plateau. Je ne comprends pas l'enjeu d'obéir à ces consignes, ou de les détourner, et rien non plus ou résultat. A la matière dansée, riches en frictions, je pourrais m'intéresser, mais le cadre me rebute. En matière de danse, je suis pourtant rarement en demande d'explications, ni rationaliste à tout prix. Mais ce soir il y a un sens caché à l'aide d'un procédé élaboré et j'y suis étranger. Je me sens franchement de trop, frustré de sens.

    C'était Sur Faces, de Julien Monty et Michaël Pomero, au Colombier de Bagnolet, dans le cadre du festival Jamai(s) Vu!s

    Guy

  • In-Contro d'Erika Zueneli: Duel et gestes

    Mère et fille ? Sœurs ? Amies ? Amantes ? Quoiqu’il en soit, assises en chien de faïence, et bien des comptes à régler, de toute évidence. Campés des deux cotés de la table, les regards d’abord s’affrontent, couteaux dans les yeux.

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    En silence la tension glisse vers la danse, encore retenue, vite en vivacité. Les deux elles ne vont pas abattre toutes leurs cartes d’emblée. Les visages restent impassibles et les bouches closes, les corps dialoguent et s’affrontent à coups de messages connivents. Avec des gestes articulés autour de la table et des deux chaises, pour qu'elles en glissent parfois, s’en éloignent souvent, toujours pour y revenir, comme pour se disputer le seul territoire qui soit synonyme de pouvoir. Les victoires sont précaires et les situations s’inversent, le duo passe en revue toute la gamme de la relation, en complémentarité ou domination, positions up et down, escalades et dérobades, élans ou indifférence, réconciliations et coups fourrés, dépendance ou affectivité étouffante, abandon ou regrets, tendresse ou cruauté. Sans que rien ne soit appuyé, tout en subtilité et tout en gestes, sans un mot ou presque.

     

    C’est acide et drôle, c’est surprenant, c'est stimulant, c’est créatif, c’est de la danse contemporaine. 

     

    C’était In-Contro d’  Erika Zueneli, avec Erika Zueneli et Kataline Patkai, au théâtre de l'étoile du nord, avec le festival Faits d’Hiver.

     

    Guy

     

    Photo par Vincent Jeannot, avec l'aimable autorisation d'Erika Zueneli

     

    P.S. : le même soir, autour d'une autre table, il y avait Solides Lisboa

  • Etcha Dvornik, matérialisée.

    Résolue et corporelle, sans rien s'épargner. Acharnée. Seule contre elle même, Etcha Dvornik  fait le choix du solo, juste soutenu d’extraits vidéo. Quoiqu’on puisse après en penser, on doit reconnaître qu'à la différence de l’épisode précédent et autour des mêmes thèmes, son propos s’en retrouve méchamment concentré. L'étrangère, déplacée. Aveugle pour commencer, puis qui existe à force d'une répétition obstinée des mêmes gestes, frottements névrotiques ou mouvements amples à respirer, entre grâce et grotesque. Quelques moments d'absence succombent à une sur-présence charnelle, qui touche à l’obscénité gesticulatoire, obsessionnelle. Pendant ce temps sur l'écran du fond, irréelle et éthérée, la jeune Daphnée Favreliere parle en images comme dans un film français des années 70. C'est délicieusement désuet et ça sonne justement faux. Sur scène Etcha Dvornik en rajoute à l'inverse dans le trivial et le vrai, manie les bottes de paille, bêle à s'humilier, casse assiettes et oeufs crus, et re-danse du début. Toujours encore pourtant en code de représentation. Le corps est à la fois cruellement concret et cruement incorrect, matière vive frottée d'oignons, jusqu’à l'exposition cynique. Pour un résultat embarrassant et singulier.

     

    C'était, en juillet dernier,  Alpe! Alpe ! ou le cri du cochon dans la nuit d'hiver III: l'absence, de et avec Etcha Dvornik, Daphné Favreliere et vidéo, à Gare au théatre, pour Nous n'irons pas à Avignon.

    Guy