Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Hamlet à temps

    Ils ont tous un peu plus ou un peu moins de 30 ans, pas trop de temps à perdre, et Shakespeare pourrait avoir écrit la pièce pour eux pas plus tard qu'hier, ou c'est tout comme, avec Sweet Dreams à fond dans la scène d'introduction. Un Hamlet à jouer au pas de course (deux heures maximum): en toute fidelité l'histoire à la fois simple et compliquée d'un jeune homme confronté à toute la difficulté d'être un homme dans un monde de vieux. Où les fils n'en finissent pas de porter les crimes et malédictions de leurs fantômes et ainés, dommage pour l'amour avorté entre Ophélie et Hamlet en pleine dep', autant de fumée dans la tête que sur la scène. Romain Cottard dans ce rôle titre, surprenant et efflanqué entraîne la pièce de rebond en rebond, de la bouffonerie à l'interrogation existencielle jusqu'au To Be,etc... dépoussièré. Avec énergie, toute la troupe prend possession de l'espace, scène et salle confondue, ne gaspille pas un temps précieux en entrées et sorties, ponctue le drame en chorégraphies vigoureuses et rock' n' roll.

    C'est souvent gonflé, rarement forcé (sauf lorsque ces jeunes ont un peu de mal à être crédibles à entreprendre de jouer les vieux trop comme des vieux). L'histoire est racontée dans l'urgence mais avec intelligibilité, dans toute la profondeur de ses mises en abyme. Si riche, vive et crue qu'elle n'a pas besoin d'être modernisée pou être d'aujourd'hui (lorsque le fossoyeur traite Yorik de fils de pute... c'est bien dans le texte!).

    C'était Hamlet, de W.S. , m.e.s. par Igor Mendjisky, au théatre Mouffetard, jusqu'au 19 mars.

    Guy

  • Dans le donjon

    La danseuse nous surprend d'en haut suspendue dans un filet, les intentions annoncées à ce niveau sont radicales et border line: soumettre le corps à des contraintes et pressions, vers l'inédit et l'expérimentation, au delà de la douleur. Mais vite la réalisation retombe avec la pesanteur ras le regard au niveau d'images sado maso au premier degré, parasitées par des archétypes évidents. Comment autrement considérer cette jeune femme presque nue et attachée, suspendue par la taille, les mains, par les pieds? La proposition peine à se délier de ce poids, de cette difficulté. Sans porter de jugement, je me sens ici vite de trop. A terre la performeuse tirée par une corde lutte et chute- avec intensité telle qu'on peut un instant la partager-mais laisse le procéder s'épuiser. Un bombardement de chaussons de danse revient élargir tardivement le propos à la condition physique de l'artiste, juste pour laisser regretter ce qui aurait pu être.

    C'était Contraintes et Pressions d'Aureline Roy, à la salle Panopée du Théatre de Vanves, dans le cadre du festival Artdanthé.

    Guy

    Lire aussi: Danzine

  • Manifester

    ...Pour la suite, nous sommes précipités dans le monde, dans la société. Un danseur bondit parmi nous, crie. Dans ses mots mis bout à bout toute la confusion du monde. Noms forts, mais en désordre, d'hommes politiques, de marques mondiales, de peuples revoltés... On est interpellé, mais si quelque chose est  partagé ici, c'est surtout la difficulté de prendre du recul, de lier. Puis l'espace de jeu se réorganise de manière plus tranchée en un grand carré et nous tout autour. Le corps premier, essentiel et nu de la première partie a laissé définitivement la place à un corps politique, collectif. Philosophiquement, c'est une évolution qui fait sens. Et le manifeste alors dansé ne manque pas de force. Mais m'indispose par son militantisme paradoxal: symboles de paix sur les habits et musique martiale surchargée de roulements de tambours. "Let the sunshine" entonné à coté de poses d'arts martiaux, et défilé de majorettes radicales. A quel degré recevoir ce que la danse exprime ici authentiquement de colère et d'indignation? J'ai l'impression d'être invité à partir parader avec eux avec une mitrailette dans la jungle en treillis. Tout cela finit sous les ovations avec "Imagine" de Lennon, choix ambigu et symptomatique.

    C'était Ce dont nous sommes faits de Lia Rodrigues dans la salle Panopée du Théatre de Vanves, dans le cadre du festival Artdanthé.

    Guy

    le début ici

  • Etre (ensemble?)

    En une j'ai vu deux pièces. La première de retour vers les origines. Le regard invité à retrouver de l'innocence. Au milieu de l'espace: nous tous assis à terre et pas de son. Dans un coin de la salle, la lumière se concentre sur un corps en son parfait dépouillement. L'attention se focalise sur cet être revélé, libéré par la lenteur, simple, dans la vérité de la peau, de la chair. Jusqu'à nous permettre de nous libérer nous-même comme par l'effet d'une salutaire amnésie, à pouvoir oublier d'être la partie d'un tout. A connaitre alors la sensation d'une remise en zéro et de nouveaux matins. Les danseurs se succédent, les transitions de l'un au groupe nous accompagnent en douceur. Au tout début un homme, puis deux femmes qui n'en font qu'une en pure sensualité, aprés deux hommes quasi jumeaux chacun penché pour devenir le pont de l'autre. Tous les huit ensemble à la fin. A chacune de ces étapes du voyage de l'identité à la relation, tout n'est que souffles légers mais sans molesse, messages sereins mais force contenue. C'est beau comme cela doit l'être. Nudité rime ici avec humanité. Nous sommes à chaque pause mis nous-même mis en mouvement, poliment et fermement, pour regagner une nouvelle  place de spectateur...

    Quand le groupe (des danseurs) existe enfin, il met paisiblement en évidence- debout, allongé sur le dos, à plat ventre, de face, de dos, de profil, tête en bas- les différences des corps et des apparences et l'égalité des âmes, pour toutes les couleurs de peau, et sexes, tailles, corpulence, complexion, pilosité... C'est une belle démonstration éloignée de toute la trivialité d'un effet Benneton. Conclusion en queue de poisson: les danseurs sont soudain agités de tremblements, entreprennent une migration par reptation, superbes et vulnérables se frayent un chemin nu (1) parmi nous, par dessus, par dessous, de tous les cotés, partagent au plus près innocence et fraîcheur...

    A suivre...

    C'était Ce dont nous sommes faits de Lia Rodrigues dans la salle Panopée du Théatre de Vanves, dans le cadre du festival Artdanthé.

    Guy 

    (1) la pièce a été crée en, 2000, donc bien avant Parterre

  • Sex, Drugs & Rock 'n Roll

    Sex, drugs & rock n' roll. En d'autres mots: outrance et tragédie, et déja tout serait dit, de l'épuisement du corps des stars à force de porter en eux le plus noir de nos rêves. Mais notre vision de cette cérémonie se trouve ce soir renouvellé. Ailleurs avec de beaux décalages, entre la scrupuleuse minutie dans les allusions aux vies, morts et postures des personnages vécus/joués par Jim Morrison, Kurt Cobain, une scrupuleuse reconstitution des gestes...et une étrange distance posée dans le traitement de la danse, osée par des appartés à froid, d'une respectueuse ironie. Pour montrer la rock star dans sa pure essence, qui s'accomplirait non dans le leurre de l'acte artistique- le chant, la musique- mais dans l'être qu'on lui prête. Tout vit par le corps de la danseuse, juste appuyée sur quelques symbôles, cuir sixties, t-shirt grunge, ampli Marshall, pied de micro... et la bande son.

     

     

    La fumée blanche nous emporte de l'autre coté. La rumeur, les premiers accords d'un morceau familier. Laissent s'imposer la forte présence de la danseuse, dans l'art d'abord de n'être là qu'à peine. Mais cette présence, de qui est elle? La transe, la course haletante-Let's Run-pourraient être celles d'une ado qui se la jouerait toute seule dans sa chambre, la musique des Doors à fond dans son Ipod, et qui s'enivrerait à se vivre un autre/une autre si rebelle. Kataline Patkai raconte- c'est  plutôt Jim Morrison invoqué qui raconte par sa voix-qu'enfant, il sentit l'âme d'un indien-qui venait de mourir dans un accident- prendre possession de lui, pour ne jamais plus le quitter, depuis. En la matière il n'est ici question de doubles et de fantômes, de sacrifices, d'incarnation et de réincarnations, de volontés que d'autres doivent endosser. Ainsi plus tard- c'est sans doute le moment le plus déchirant de la pièce- Kataline en Kurt Cobain, une fois énumérée la litanie de ses addictions, laisse des bras étrangers mais comme sortis de son corps accomplir les gestes de la drogue et de la mort, sans que le soi ne resiste. Une autre a pris sa place, dont il faut porter le poid.

    La rock star se montre hermaphrodite, prête à satisfaire dans l'imaginaire la fusion des désirs des fans de tous les bords. La pièce est trés sexuée. La danseuse, dans la peau ici de trois hommes mais sans abdiquer sa féminité, fait danser de mouvements de bassin le micro-light my fire. Poitrine nue, laisse surgir un bras-braquemard de sa braguette, pour troubler la distance entre les genres. La première création de Kataline Patakai était intitulée X'XY. Depuis, avec une sourde intelligence, d'une pièce à l'autre et sans dévier, le programme est suivi. Et c'est cela aussi qui me fait porter 3 ans aprés sa création un regard neuf et épaté sur cette partie d'un tout. 

     

    C'était Rock Identity de et avec Kataline Patkai (et Celine Debyser) à la Loge.

    Guy

    videos par Vincent Jeannot

  • Madame pleure

    Pourquoi ne pas montrer des scènes d'amour comme des scènes de meurtre, et des scènes de meurtre comme des scènes d'amour (1)? Et ici s'attaquer au comique de Feydeau comme à un drame psychologique, à commencer par la scène de ménage, dans cet espace petit comme une boite dont la noirceur semble prête à déteindre sur la pièce.

    feu la mere de madame.jpg

    Sans pitié, ce traité d'un jeune couple déja en désagrégation, avec la bonne en témoin irrésistiblement ahuri et impuissant des stratégies de communication conjugales en action. La charge comique s'impose mais sur un fond grinçant pimenté de quelques grammes de crudité. Un coup de sonnette retenti dans la nuit-jamais bon signe, le plus drôle peut commencer avec l'annonce de la mort de la mère de madame, comme la réalisation d'un voeu inavouable de monsieur. L'affiche pleure, il faut de la ruse et de l'énergie dans le jeu pour faire rire avec des larmes. Au delà des répliques et quiproquo, le résultat est réjouissant et décapant comme du Copi. Et bien trop court à la dernière peripétie, les éclats de joie devant le malheur d'autrui sont alors d'une rare ferocité.

    C'était Feu la mère de madame, de Feydeau, par la compagnie InfraKtus, mise en scène de Françoua Garrigues avec Adélaïde Bon, Paul Bouffartigue, Adrien Cauchetier et Aurore Monicard, à l'Akteon. (jusqu'au 7 avril)

    Guy 

     (1) François Truffaut à propos d'Hitchcock.

    dessin de Toma Emmanuelli avec l'aimable autorisation d'InfraKtus