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Un Soir Ou Un Autre - Page 13

  • Duos

    L'enjeu évident de ce festival En Chair et en Son est de découvrir sur quel terrain se rencontrent danseurs de buto et musiciens contemporains. Durant cette session du samedi après midi, l'un des duos s'impose avec autorité. En progression dans l'intensité, le vétéran Masaki Iwana danse entre deux genres sexuels, grotesque et magnifique, s'approchant par sursauts de la rupture sans jamais l'atteindre. Les couches de sons posées par Michel Titin-Schnaider l'y accompagnent parfaitement en exacerbation, se font de plus en plus lancinantes pour muter vers percussions de métaux et piano virtuels.
    Mais aussi dans la collaboration entre la chorégraphe Laura Oriol et le compositeur Tomonari Higaki, je perçois quelque chose d'exemplaire. Tout est résonance et équilibre, sobriété. Les sons cristallins et économes convergent avec la retenue des gestes qui font écho, autour des vases d'eau pure au sol. La lumière qui baigne son visage est aussi contraste avec l'obscurité autour d'elle. Ses paupières tremblent, l'agitation est souterraine. Peu à voir. On devine. Ici est capturé dans cet équilibre, dans cette simplicité quelque chose d'essentiel dans la danse buto: le paradoxe d'un art qui semble moins se soucier de sa propre représentation que d'être la manifestation d'une intériorité.

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    la vie de ladyboy Ivan Ilitch de Masaki Iwana et Michel Titin Schnaider et La Plus lente, la plus que piano de Laura Oriol et Tomoari Higaki vus le 8 octobre 2016 dans le cadre du festival en Chair et en Son au Cube 
     
    Guy
     
    Photo par Jéremie Lortic avec l'aimable autorisation de Laura Oriol
  • 100 % poésie

    Au Générateur on souffle 10 bougies. Anne Dreyfuss y invite la poésie sous toutes ses formes. C'est exactement de cela dont il s'agit ici, de la poésie à nous faire voyager loin dans ce lieu. A commencer avec les images loufoques, mobiles et hallucinées des scopitones... Puis surprend, poétique à laisser bouche bée, la rencontre de tous crins, ceux du violon réputé civilisé de Théo Ceccaldi, ceux du cheval dompté mais puissant, si puissant. L'amazone, Netty Radvanyi est posée sereine, le cheval impose son incroyable présence, si beaux tous deux, liés. Le peintre Vincent Fortemps revient aux origines: l'argile sur leurs corps nous ramène loin en arrière. Sous la projection d'images brouillées le cheval devient zèbre, et nous explorons des cavernes inconscientes.
     
     

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    Jean François Pauvros et Didier Malherbe nous offrent de la musique qui devient poésie, de l'inédit, toutes textures brassées. On peut, incrédule, les regarder, l'un caché sous ses cheveux, qui parle à travers sa guitare et attaque les cordes sous tous les angles, l'autre, coloré, qui souffle dans tous ses instruments d'ici et surtout d'ailleurs. Ou l'on peut s'étendre yeux clos et voyager-ici c'est un lieu on l'on se pose où l'on veut- pour vivre autrement les paysages que racontent les deux voyageurs. Il y volent très haut en improvisations. Ils dialoguent en liberté, en vibrations électriques et acoustiques, chants et loufoquerie, et nous emmènent, en exotisme ou dans des lieux paisibles. Le tissu de mes pensées effiloche,comme les notes elles vont et viennent où elles veulent.
     

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    C'était la Nuit blanche au Générateur en ouverture de Frasq, avec Les scopitones de Laurent Melon, À tous crins avec Théo Ceccaldi, Netty Radvanyi, Vincent Fortemps et Arto, le concert de Jean François Pauvros et Didier Malherbe, et (pas vu) C.O.L.O. de Bino Sauitzvy & Cyril Combes.
     
    Guy
     
    Frasq, le festival de la performance continue jusqu'au 22 octobre.
     
    photos GD

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  • Faut-il brûler Edmonde?

    Pas de mystères: la pièce de Christine Armanger est assez chargée d'images fortes, assez subtile et intelligente dans sa construction pour fâcher tout le monde. Des cathos chatouilleux qui apprécieront modérément de se faire accueillir par Ève maniant l'encensoir, aux anticléricaux militants qui lui reprocheront de ne pas clairement bouffer du curé, et trouveront suspect qu'elle connaisse son missel jusqu'au bout des doigts. Ou certains, par miracle, plutôt que de faire la queue pour en lapider l'auteur, recevront la pièce sans y plaquer leurs attentes et là où elle peut les mener: vers des territoires qui dérangent, et de libres interprétations.
     

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    Cette vie des martyrs à rebrousse poils déroute, sa construction à double niveau n'y est pas pour rien. Un étage pédagogique vidéo, animé sur un ton badin mais avec érudition, pour instruire sur la vie des saints. Et une évocation en direct par l’interprète, sensible, plastique et charnelle, des tourments de Saint Sébastien, Sainte Agathe, sainte Lucie... D'un coté un humour féroce et isolent, de la distanciation, de l'autre la fusion entre le sacré et l'érotisme. Sur scène s'incarne en extases ou souffrances le corps de Christine Armanger. Sur l'écran, son avatar virtuel- Edmonde Gogotte- déroule des tutoriels You Tube d'imitation des martyrs en Do-It-Yourself. L'une est sainte... mais l'autre ne l'est pas moins. Là, précisément, s'articule la pièce. En faisant dialoguer, en réponses aux mêmes aspirations à la transcendance, les figures passées de la tradition chrétienne, et les nouvelles idoles virtuelles pour qui les like tiennent lieu d'adoration. Nos doubles imaginaires d'hier et d'aujourd'hui. Avec une égale acuité et cruauté: en explorant chez les figures d'hier les ambiguïtés entre douleur et extase, le sort réservé au corps des femmes... En montrant aujourd'hui le martyr numérique subi par l'avatar, d'autant plus injurié et "bashé" dès qu'il dérange qu'il a été porté aux nues auparavant. C'est le sort virtuel que dans la pièce subit Edmonde. J'ose une prière pour que l'œuvre de Christine Armanger soit mieux reçue malgré sa radicalité.
     

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    Edmonde et autres saint(e)s - partie 1, de Christine Armanger, vu le 22 septembre à Micadanses dans le cadre de Bien faits!.
     
    Guy
     
    photos de Salim Santa Lucia avec l'aimable autorisation de la compagnie Louve

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  • Ensembles

    Seules contre le monde? Seules mais deux, ensembles. Sans besoin d'explications, la présence de ces femmes installe une évidence. Quelques gestes, une tension. Je ne parviens à comprendre cette immédiateté, je la reçois. En état d'alerte, entre elles l'espace se fait dense, chargé d'émotions duales, de déhanchements entêtés, de balancements nerveux et d'attentes. La violence sourd sans démonstrations. Le cœur bat au rythme d'une ballade cruelle. Que fuient-elles? Je crois que la tension se résout peu à peu en abandons et enlacements. Paix retrouvée, sensualité: leurs cheveux longs et libres volent au vent.

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    Vice Versa de Nicole Mossoux et Patrick Bonté, vu le 19 septembre 2016 à Micadanses dans le cadre de Bien Faits.

    Guy

    P.S. et à la même soirée , reprise d'Etna de Camille Mutel vu il y a 2 ans et raconté ici

    et des variations libératrices sur Blanc de Vania Vaneau (lire ici et)

    photo de Mikha Wajnrych avec l'aimable autorisation de Micadanses

     

  • Des mutations

    Discuter avec des gens à poils, cela parait assez rapidement tout naturel, pour peu qu'on se laisse emporter par le sujet de conversation. Mais on discute avec eux, ou on les regarde: cela dépend à quel moment ils en sont de leur évolution. Cela dépend du moment où l'on rentre cette grande salle, comme à une exposition permanente.  
    A cet instant, ils en sont tous à l'état d'animaux, jamais sur leurs deux pieds, témoignant d'une brutalité paisible, d'une tranquille impudeur. Ils se promènent à un train de félin, avec les tics de l'instinct, regards flous et ventres qui tremblent. Ils se frottent et se frôlent entre eux, nous autour comme des voyeurs au zoo. Subtilement d'autres moments les emmènent plus vers l'humain. Toujours sans textes ni contexte. Mouvements collectifs, poses académiques. Faute de mots, j'ose un croquis.
    Et plus tard, arrivés au bout d'une mutation, ils se lèvent. Ils se présentent et viennent à notre rencontre, toujours nus mais extraits de la représentation, pour discuter. Les sujets-l'amour, l'apprentissage...- sont universels et balisés: la rencontre peut se produire. Les conversations s'animent, on entend des rires. Ou parfois ça ne prend pas. Dans tous les cas, on a pris conscience, ou non, que d'autres spectateurs nous regardent parler avec eux. Nous sommes inclus dans la performance. Ou simplement on nous regarde regarder.
    C'est long, quatre heures, ou plus, ou moins, le temps d'être là, ou pas. De remettre le regard à zéro. D'entrer, sortir, s'assoir, se lever, bouger, partir prendre un café, c'est un temps volé à sa productivité, du temps perdu pour en gagner. J'essaie tout: assis, debout, accroupi, sérieux avec le carnet, affalé et la vue renversée, déambulant... Comme 95 % des gens, qui sont adossés aux murs, groupés, je n'ose pas le centre. Allez: tout juste un ou deux mètres à l"écart. Vite surpris, comme par une marée qui monte, au milieu d'une migration de corps qui glissent autour moi vers leur alignement.

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    Les danseurs se relaient, à une vingtaine, pour en permanence être une douzaine en actions. J'essaie de deviner qui parmi nous est d'entre d'eux, va se déshabiller dans quelques minutes et changer de situation. je me trompe parfois. Mais il parait qu'il a des intrus. Je me trompe aussi, lorsque je lie conversation avec cette spectatrice, qui me dit entre autres que la pièce ne parle que de changements, qui est convaincue de la bienveillance avec laquelle les spectateurs accueillent les danseurs. Quelques minutes plus tard, je la surprends, une fois déshabillée, dans l'autre communauté.
    Avec le temps s'impose une évidence: les corps s'égalisent aux regards en une même sérénité: hommes ou femmes, jeunes ou vieux, gros ou maigres, pâles ou foncés, ils convergent vers une même beauté, digne et qui ignore les canons. Ils proclament la démocratie de la nudité. 
    Avant la fin- c'est à dire quand j'ai décidé de partir- se dresse une forêt de bras et de jambes, poussés d'un terreau de corps en fusion, en une seule respiration. C'est beau. Apaisant. C'est effectivement la fin de quelque chose- mais ce n'est pas grave- ou son commencement.Une de-évolution, quand sont épuisés tous les sujets de conversation.

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    Temporary Title de Xavier Le roy au Centre Georges Pompidou le 15 septembre 2016
     
    Guy

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  • Vestiges de l'amour

    Faut-il que certains performeurs prennent leurs performances tant au sérieux,  au risque qu'elles paraissent emmerdantes?
    Ce n'est pas un 4° mur qui se dresse ce soir, c'est une muraille. Confronté au stress,  même s'il s'agit d'un stress bien modeste, de me projeter, de trouver ma place, de comprendre l'inédit, bref d'être spectateur, je ne suis pas encouragé. A notre attention pas un signe, gestes économiques et utilitaires, nudité sévère, visages fermés, actions méticuleuses: j'assiste à une affaire privée entre les performeurs et leurs accessoires.
    je sais que l'équation est compliquée à équilibrer, entre création et spectaculaire. Je ne peux pas reprocher à Simone Aughterlony de manque d'engagement: impression de l'empreinte de son corps au sol, prise de son propre sang, inflammation d'un papier pour produire de la cendre... elle ne s'économise pas pour produire la matière première . Le résultat-œuvre maculée par ces "vestiges"- valait -il une telle dépense, ou était-ce le processus qui était important? Je n'y ai pas participé, imaginaire bloqué.
     
    Dirty vestiges  de Simone Aughterlony & Michael Günzburger au Centre culturel suisse dans le cadre d'extra-ball.
     
    Guy

  • Sous les soleils noirs

    Perrine Valli manipule les symboles avec légèreté, l'air sage de ne pas y toucher, juste les poser là, mais de tout leur poids, à nous d'en tirer des conséquences. Elle, constante dans l'économie sereine de ses gestes, en une géométrie apaisante et assurée. Ni affect ni effet de crescendo. Pourtant, il y a une transe, portée par la monotonie d'un thème percussif, lente mais même lancinante. A la manière d'une cérémonie, la pièce s'irrigue  d'un texte d'Artaud qui relate la danse du tutuguri: rite du soleil noir chez les indiens de la sierra taahuma. Ce point de départ imprime la scénographie: un cercle formé par six croix, ici formés de papiers où s’inscrivent des mots relatifs à Dieu. Cette inspiration installe un mystère qui ne pourra être résolu. Mais quand six danseuses rejoignent la chorégraphe- pour atteindre le nombre de participants de la cérémonie indienne, s'installe en toute évidence une puissante sororité. Leur ronde sans fin m'enivre. Ensemble elles font forme avec force, brisent le cercle des mots religieux, dispersent ces papiers comme autant d'injonctions, elles détachent leurs cheveux. A cet instant, j'ai le sentiment que Perrine Valli me parle de libération.

    La danse du Tutuguri de Perrine Valli, vu le 10 septembre 2016 au Centre Culturel Suisse dans le cadre du festival Extra ball.

    Guy

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  • Corps poésie

    Une phrase écrite ce soir sur un morceau de papier fait la danse, en poésie spontanée. Le mot lu s'allonge et renait incarné. Il vit, il dit: regarder la lumière avec notre part d'ombre, regarder l'ombre avec notre part de lumière. Je vois chacun des deux danseurs être dans l'instant en toute sobriété, se mouvoir vers l'essentiel. Leur intensité concentrée dans ce lieu, ils ne montrent rien pour montrer. Le corps semble un piège d'où s'extraire, l'énergie bondit et se heurte aux murs, tombe, s'abime en habits noirs. La dynamique est bien plus noire que celle qu'ils enclenchent lorrsqu'ils dansent en plein en plein air, en harmonie avec le paysage. Ici, le lieu semble hostilité. A les voir, je ne sais s'il faut espérer. Comment vivre une impossibilité d'être jusqu'à l'extase, et toutes ses contradictions. Qu'est ce qui s'est effacé en nous?
     
    Diptyque avec une ombre- performances solo de Jean Daniel Fricker & Céline Angèle vu le 7 juin à l'Espace Culturel Bertin Poirée.
     
    Guy

  • les fondamentaux du funk

    Le festival Jazz en baie n'annule rien de notre été-merci!-, dresse sa tente entre mer et Normandie avec ce soir le plaisir d'un rhythm & blues sans reprises ni redites.  
    Devant, la chanteuse Toni Green fait le job et vibre black et soul bien que sans surprises, solide caution US from Memphis, Tennesse. Surtout le groupe Malted Milk de Nantes ne sonne pas moins authentique. Le tempo tourne implacable, la rythmique propulsée par une batterie binaire et sans fioritures. On danse et je m'enivre. Du grand art exécuté avec une rigueur hypnotique, pour magnifier ce funk en costume cravate: un pas à droite, un pas à gauche. Tous tendus et impeccables, quand il le faut les cuivres donnent leurs coups de fouet, l'orgue gronde et déborde. Enfin le leader et guitariste Arnaud Fradin prouve l'évidence du blues: pas une note inutile.
     

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    Toni Green & Malted Milk au festival Jazz en baie à Carolle Plage le 7 aout 2016.
     
    Guy
  • Machine sensible

    L'accueil est vibratoire, avec des sensations aiguës et noires: des corps en rupture posés ça et là. Absorbés en intra-performances, plus en dedans qu'en représentation, au bord d'un contact intime avec nous spectateurs. Transition: ils convergent pour faire forme ensemble, créent des contours tremblants, genres brouillés. Les émotions fusent, mais creusées à revers, moins en langages articulés qu'en attitudes et manifestations brutes, la culture fragmentée en souvenirs. L'expression se réinvente. Des nudités surgissent, brusques et morcelées. Soutenues par des boucles musicales et des invitations murmurées, les séquences s'enchainent lancinantes. Peu à peu, je vois autrement, et peut-être au delà. La chorégraphie est poignante et rugueuse- elle ne ment pas- l'œuvre collective, furieuse et généreuse. Jusqu'à l'invitation à la danse.
     
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    Réel Machine par le collectif corps collectif vu à Mains D’œuvres le 24/06/2016. 
     
    Guy
     
    photo par Dominique Sécher avec l'aimable autorisation du collectif