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Un Soir Ou Un Autre - Page 17

  • Tous artistes?

    Tout semble hors de contrôle et c’est plutôt intrigant, cela donne envie de travailler plus son attention pour organiser un sens à tous les actes proposés çà et là, les recoller. David Noir s’affaire, stimule ses performeurs amateurs à coups de musique, de lumières et d’images: toiles de maitre, photos d’histoire et d’actualité. Il les harangue sans violence. Sans les diriger. Son mantra est de laisser venir, ne pas mentir: pas évident. A nous (spectateurs?) il explique, en faisant rallumer les lumières, nous faisons déjà aussi partie de ce processus, qu’il n’existe plus dans cet espace du Générateur de murs qui se dresseraient entre les uns et les autres, pas de différences. Trois jeunes femmes lui donnent raison en se levant, et s’offrent, nous offrent, du mouvement. Que peut-il naitre d’états particuliers et d’interactions, sans convention ni discipline? Il y a des micros. Les paroles tentent mais les révoltes retombent, les dialogues s’alourdissent de malentendus. Les corps s’avèrent plus sincères, plus parlants. Je vois comme une mer qui dort et sur laquelle parfois se lève une bourrasque qui me décoiffe. L’improvisation se libère quand volent quelques chemises et culottes. Mais mon heure n’est pas venue de me jeter dans la bataille pour danser à poil, un jour peut-être.

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    Le lendemain l’ambiance est clair-obscur, plus feutrée, partout des feuilles et des crayons. Trois beaux modèles féminins sont. Cette fois la proposition est de les dessiner. Les spectateurs et artistes semblent d’inégale productivité. Je tente. Le trait trahit, les doigts ne courent pas comme le regard et la pensée. L’esprit encore dans la lecture du livre de Numa Sadoul avec Jean Giraud, je rêve à l’épure de ses dessins. Comment évoquer, le trouble d’une pose, la plénitude d’une courbe, l’idée de perfection? Le rapport incertain avec un corps conscient d’être scruté? Qu’exprime-t-il, ce corps, immobile, dans des rapports subtils avec les lumières, avec les images vidéos, et quand en me déplaçant je change la perspective? Comment dire la tension ou l’abandon, de lentes mutations, la surprise d’actions soudaines. Même les mots peinent. Renoncer et juste regarder? Sur une table il y a de la terre glaise, j’en reviens aux petits personnages des ateliers de mon enfance. Je sculpte des seins. Mais peut-être l’art est-il né ainsi?

     Iconicum- performance animée par David Noir, Bodyin, le corps d’Alice de Sarah Cassenti au les 10 et 11 octobre au Genérateur de Gentilly dans le cadre de Frasq,

    Guy

    Frasq continue le 17 octobre avec les 24 heures de la performance.

     

  • Tous nos Moebius

    Chacun a son Gir, ou son Moebius, bien à lui. Si tout le monde est censé avoir lu au moins un Blueberry dans sa vie, d’autres ont d’abord exploré les Jardins d’Edena ou le Garage Hermétique. Chacun d’entre nous se souvient de sa propre porte d’entrée parmi des centaines possibles dans cette œuvre multiforme: le Spectre aux balles d’or dévoré durant l’enfance, ou une image particulièrement belle de L’Incal, ou encore, s’agissant des admirateurs les plus tardifs, des grands formats vus à l’exposition de la Fondation Cartier. Autant de relations fortes et particulières du lecteur avec le créateur de BD.

    Tous ces Gir, Giraud, Moeb’ ou Moebius, Numa Sadoul nous permet de les rencontrer grâce à ces libres conversations menées à des décennies d’intervalle tout au long de 40 ans d’amitié, jusqu’aux derniers mois de la vie de Jean Henri Gaston Giraud (1938-2012). Je ne connais pas d'équivalent dans le domaine biographique à cette entreprise de longue haleine, le résultat est évidement riche d'informations, et d'émotions. On parle bien sur beaucoup dans ce livre des œuvres, depuis l'apprentissage jusqu’aux ultimes parutions dont les Inside Moebius sardoniques et introspectifs qui ne cèdent en rien en modernité aux graphic novels de ses cadets. Il y est question des processus de création, mais tout autant, indissociablement, de l’homme. De ses évolutions, de ses contradictions qui inévitablement s’accusent lorsque l’interviewer revient sur un sujet abordé 20 ans avant, avec bienveillance… mais sans complaisance. Le livre est donc heureusement complexe et désordonné, sans tentative artificielle de simplification. Dans la tension complice de ces échanges nous est montré un Giraud qui crée, doute, cherche, dont la quête de sens, de discipline et d’utopies peut le jeter dans les bras du premier gourou venu, ou sous les influences plus heureuses de maitres comme Jijé ou Jodorowsky. Sa trajectoire l’amène de Fontenay à Montrouge… en passant par le Mexique, Tahiti et L.A.. L’artiste mute de même, toujours surprenant, brouille les genres et oscille entre les styles. Il multiplie les collaborations comme autant d’expériences de Charlier jusqu’à Van Hamme ou Stan Lee en passant par Ridley Scott et Luc Besson. Et va et vient entre ligne claire et réalisme pointilleux, technique rigoureuse et création instinctive, il combine, mélange. Mais le trait de tous ces Gir et Moebius, miraculeusement, reste toujours reconnaissable…

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    J’ai deux petits dessins originaux, l’un signé Gir et l’autre Moebius, dont je n’ai vu l’équivalent dans aucun album, et je veux fermement croire qu’il n’en existe aucun au monde qui leur soit identique. Le bouquin de Numa Sadoul prouve aujourd’hui comment un artiste-tout simplement un homme- peut s’autoriser à sans cesse changer, tout en restant lui-même, original et vrai.

    Docteur Moebius et Mister Gir- Entretiens avec Jean Giraud, un livre illustré de Numa Sadoul chez Casterman. En librairie le 14 octobre.

  • Eyes wide shut

    Eléonore Didier, encore, va ailleurs, retient de la danse l’expérience, pourquoi pas alors? D'abord oser la rencontre, un plus un, le reste suit. Fermer les yeux et s’abandonner. D’abord tout effacer. Être seul pour être tout. Ne plus rien voir pour tout voir, les autres sens aux aguets: ouïe, odorat, goût, toucher. L’artiste qui m’avait accueilli a disparu en son apparence, tout ce qui me sollicite émane d’une autre présence. Les signaux que celle-ci émet m’atteignent, à tous niveaux, de tous côtés. J’absorbe, je crée, je mange, je réponds. Mon esprit construit, rationalité abdiquée. L’espace prend de la densité, autour et à l’intérieur, le temps prend de la légèreté. Manipulé et libre, autre et intime, je danse dans l’immobilité.  

    Colaboratoire Continental performance par Eléonore Didier pour un spectateur, vécu le 10 octobre au Générateur de Gentilly dans le cadre de Frasq. Prochaines et dernières séances le mercredi 24 octobre.

    Guy

  • Laetitia fait grincer Artdanthé

    Cette galerie de portraits provoque moins frontalement que ne le faisait le «One woman show» de Lætitia Dosch, mais le propos est tout aussi noir. Et ce nouveau genre tout autant renouvelé par l’exercice. Même intensité, parti-pris ici d’aller directement explorer le fond des personnages, sans s’attarder au détour du contexte, ni le temps d’installer des situations potentiellement comiques, d’énoncer les fiches d’identité. En reste une forme de vérité amère et fulgurante, mimiques, intonations et attitudes croquées à l’épure. Lætitia Dosch frappe et zappe, laisse dans le flou le hors champs. Son humilité par rapport à ses sujets me touche, et ainsi malgré la cruauté du trait son empathie pour ces personnages inégalement sympathiques, le plus souvent malades et pathétiques. Ils décrivent une époque inquiète, à la dérive.  

    Un Album de et par Laetitia Dosch en collaboration avec Yuval Rozman , vu au Théatre de Vanves le 1 octobre 2015.

    Guy

    lire aussi ici.

  • Moi, mes corRRRrpines, à l'instant où ça s'arrête

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    Moi, mes corRRRrpines, à l'instant où ça s'arrête, performance d'Eléonore Didier le 26 septembre au Potager du Roi dans le cadre de Plastique Danse Flore.

    Photos G.D. droits réservés

    lire aussi: Eleonore Didier

  • Belle déprime

    Cette pièce n’est-elle pas très noire-ou est-ce moi-même qui suis déprimé ? Ce soir, plongée tout droit dans le sujet désabusé de la perte d’intérêt pour le travail, avec par le plus grand des hasards le cas d’un chorégraphe démotivé. Son entêtement à rater mieux. Mais si l’humour est la politesse du désespoir, l’art du décalage est ce qui sublime la pièce d’Aude Lachaise. Brouillage des frontières pour une proposition étiquetée danse où l’on n’arrête pas de parler, intrusion du modern jazz dans le genre contemporain, quasi-synchronisation entre les voix des uns et les corps des autres, dérapage contrôlé d’un récitatif d’une précision chirurgicale en une comédie musicale métaphysique et exubérante. C’est délicieux. L’understatement joue à cache-cache avec l’affect, l’angoisse s’évacue en danse jusqu’à l’épuisement des corps, avec de belles surprises visuelles. La déprime adulte dérive en de savoureux moments de régression infantile. Bien heureusement : Aude Lachaise pratique un art d’une insoutenable légèreté.

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    En souvenir de l’indien d’Aude Lachaise , vu le 24 septembre 2015 à l’Atelier de Paris Carolyn Carlson dans le cadre des Plateaux.

    Guy

    Photo par Sarah Oyserman avec l'aimable autorisation de la compagnie.

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  • Touchés

    Du peu nait l’attention, du presque rien. Juste cette femme, tasse et soucoupe à la main. Un mouvement du poignée s’amplifie, un faux tremblement qui résonnera dans le silence comme un solo de caisse claire. Toujours le même jeu de la représentation, nous sommes tendus et impatients, affamés de spectaculaire et de compréhension, à vouloir extraire la signification de l’apparent insignifiant. Mais nous échouons à anticiper à chaque fois ce qui va se transformer, se développer, et comment. D’un objet-une peau de bête- la performeuse va épuiser les possibilités, dialoguer, lui porter une intensité d’attention, même d’empathie, qui nous gagne. La nudité sans affect constitue sans doute l’évènement le plus prévisible de la performance, parachevant la prise de pouvoir sur l’auditoire capté. Mais au lieu du bleu de Klein elle s’abolit de noir.

    GiselaHochuli.m4v from sarina scheidegger on Vimeo.

    In touch with M.O., performance de Gisela Hochuli au Centre Culturel Suisse le 19 septembre 2015 dans le cadre du festival Extra Ball

     Guy

  • La séquence du spectateur

    Flirt… Qui peut nier que dans la relation entre acteur et spectateur il s’agit avant tout de séduction? Ces divins animaux font de cette relation la matière même de la pièce… ce qui n’est pas sans risque d’auto centrisme. Mais tout commence en douceur, la relation s’engage à reculons. Le tract rendu comiquement palpable avec murmures, mouvements de rideaux et de pudeur, mais soudain abolie, quand le 4ème mur se solidifie devant les coulisses. Aparté: la pianiste nous observe et prend de note: je me méfie. L’embarras change de camp quand les comédiens entreprennent de nous interroger. Chacun des spectateurs bien sur espère que cela va tomber sur son voisin. Raté: comme souvent je n’y coupe pas. Mais je ne m’en sors pas trop mal, non? Preuve est déjà faite que la relation se joue ce soir dans les deux sens, se construit et prend substance, émotion, sans le secours de la fiction. Les performances des 4 acteurs nous prennent ensuite à contrepied, entre rire et malaise, avant que d’en comprendre la cohérence : cela fait du bien de plus chercher à plaire, d’être affreux, sales et méchants. La séduction est bien déconstruite, avant d’être tendrement raccommodée. La pianiste lit ses notes, nous avons bel et bien été observés, tels qu'actifs tout du long, par postures, réactions. Ils nous invitent à rester et ne jamais partir, comment résister à une telle déclaration d’amour?

     

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    Flirt, conçu et mis en scène par Florian Pautasso, vu à Mains d’œuvres le 17 septembre 2015, jusqu’au 26 septembre.

    Guy

    lire aussi show funèbre et la tour de la défense

    photo avec l'aimable autorisation de la maison jaune

  • Reflexions à propos de l'art de Maki Watanabe

    Je suis spectateur attentif du travail de Maki Watanabe depuis bientôt 10 ans. Sans m'en lasser. Où ce travail nous mène-t-il? Je sais au moins, j'en suis persuadé, que ce travail gagne toujours en intensité. Quelle œuvre ce travail construit-il? Pour elle la danseuse sur le chemin de son art, pour moi le spectateur dans mes perceptions et dans ma compréhension, sachant que chacune de ses performance est improvisée, et présente autant de résistance à l'analyse qu'elle suscite l'émotion? L'improvisation ne ramène pas t-elle chaque fois tout à zéro? L'expérience, dans le sens d’expérimentation, est-elle compatible avec l'expérience dans le sens de savoir accumulé? Dans le travail de Maki, la simplicité des moyens engagés est évidente. Avant tout le corps en jeu, souvent en l'absence de lumières, de son, de paroles, de scénographie, de scénario. Le corps prêt à se meurtrir s'enlaidir, s'exposer nu, se mettre en danger. En des performances décivilisées, que l'on considérerait comme instinctives. Ce que je comprends du buto, j'en parle puisque Maki Watanabe revendique comme maitre Kazuo Ohno, ce que j'en ressens, c'est un rapport entre visible et invisible. Une capacité de mettre à à jour ce qui est caché, réprimé, de fortes et douloureuses vérités.

    Ici l'intensité vient de ce que l'éphémère de la performance est portée à son plus haut point sensible, à un point de perfection, en un don sans retenue à l'ici et à l'instant. Chaque performance cristallise cette rencontre unique entre l'artiste et le lieu. Chaque lieu est différent, ainsi chaque performance. Hier, au 6B, Maki Watanabe s'immerge dans le canal saint Denis, semble prête à s'y noyer. Surement pas une provocation, mais une évidence, une nécessité dictée par le territoire, le paysage. La dimension spectaculaire, voire déstabilisante de cet acte est évidente. Quel sens y prêter? On peut relier ce que l'on a vu hier aux images d'une actualité tragique. Je vois dans cette performance une mise en évidence de la situation de l’irréductible étranger, de l'autre vis à vis du territoire, vis à vis du monde, de ses efforts répétés pour s'y intégrer, s'y fondre.

    Comment l’œuvre de Maki Watanabe d'une performance à l'autre se construit-elle? Peut-être dans cette confrontation entre le corps et le lieu qui se répète d'une manière de plus en plus expérimentée dans de nouveaux territoires.

    Guy

     

  • Maki Watanabe au 6B le 29 aout 2015

     

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