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Un Soir Ou Un Autre - Page 10

  • Signaux forts

    Évoquer l'autisme et d'autres troubles mentaux, c'est le projet du solo de Sophie Blet. Le savoir change tout de mon regard, me guide dans ce que je perçois de cette danse, des apparents désordres qui s'y manifestent. L'être ici semble multiple, ses mouvements singuliers. Mais, au rebours des premières apparences, je peux y lire une cohérence. Le corps s'exprime fulgurant, en expressions de nécessités, autant de tentatives à vif de communiquer une souffrance réprimée. Intentions tenues: le langage articulé ici avec pudeur, en équilibre délicat entre l'étrangeté et la justesse, évite les pièges de la sensiblerie. Esquisse le dessin de l'hypersensibilité, renforcée par la  musique et vidéo: sur des surfaces blanches et froissées, comme tourmentées, sont projetées des sensations de fournaise. Ces murs de papiers seront fait pour être déchirés et franchis.

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    Cette expérience particulière me renvoie à la constante difficulté de percevoir ce que, non verbalement, la danse exprime, et ce qu'elle seule exprime. Rester en état d'écoute, pour recevoir, faiblement ou de plein fouet, ces signaux, les traduire, les reconstituer, se les approprier. Ou hélas s'agacer des redites dans le vocabulaire, échouer dans les malentendus, même dans une froide incompréhension. Comment jamais la danse réussit elle à communiquer avec nous?
     
    A-tique de Sophie Blet vu en fin de résidence le 23 juin à Micadanses
     
    Guy
     
    photo de Pauline Pénelon avec l'aimable autorisation de la compagnie
  • Harmonies

    Vernissage? Je n'aime pas ce mot sage qui fige et limite, tant ici la peinture vit et déborde, libre. Les toiles de Bernard Bousquet vibrent de couleurs et de générosité. En très grand format, avec des ondes qui se prolongent tout autour. Les performeurs font se matérialiser cette énergie, sans rien en retenir. Jean François Pauvros peint l'espace sonore de teintes élémentaires sans temporalité qui contrastent avant de se mélanger, il soulage soudain la tension d'une toute simple mélodie. Éléonore Didier est à la fois corps et support, raccord, juste toile moins nue que bariolée, en retenue, sans plus besoin d'agir mais plutôt d'être ici en belle harmonie. Simplement tout rend heureux.
     

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    Performance de Bernard Bousquet (peintures), Jean François Pauvros (Guitare) Eléonore Didier (danse) au Générateur de Gentillly le 27 juin. L'exposition de Bernard Bousquet est visible jusqu'au 9 juillet
     
    Guy
     
    Plus de photos ici, qui rendent mieux justice aux couleurs : Album flickr du Générateur
     
     
  • L'amant de Lol V. Stein

    Dire Duras est un risque tant cette langue en impose. "Rapture", inspirée du "Ravissement de LOL V. Stein" parvient à échapper à la langue de Duras, à cette monumentalité. Elle y échappe, mais vers quelque chose de tout autant interrogatif et désespéré. Au fond, une forme de fidelité. Ce qui dit sur scène est repris littéralement du texte de l'auteur ne résonne plus vraiment comme tel, appartient maintenant à la pièce. Et la pièce s'échappe également en s'ouvrant à une toute autre histoire d'oubli, l'histoire d'un père malade, douloureuse différemment. Reste l'indétermination. Sur la scène nue, il n' a pas de lieux, juste les idées des lieux, exprimés par des surtitres, par la frontière d'un rideau, de même que T-Beach n'est que le signe de Trouville sur mer. Dans cette épure, tout l'autour est indéterminé. Ainsi dans l'intensité des regards et l'engagement des corps, on en revient à l'essentiel, l'obsession de situations que les personnages sont condamnés à revivre dans le flou de leurs souvenirs. Est ce là une définition de la folie? J'en suis affecté.

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    Un autre soir: l'amant. Dans un lieu particulier: ce café, associatif, à Pantin, dans le soir qui tombe, ni volets ni rideaux, sans séparation entre le dehors et le dedans. Un monologue. Le choix fait cette fois est celui de la fidélité au texte du roman, mais qu'il faut faire exister. que nous l'acceptions. L'actrice se tait, sourit, crée le silence. Elle est belle. Entre de longues pauses, le texte va la rechercher. Quand il est prêt. Ce texte au passé, mais fort et vrai. Alors l'actrice se met parmi nous en mouvement et nous l'apporte. En face de moi une jeune femme témoigne d'une exceptionnelle attention, immergée, sa concentration est contagieuse. Pourtant, quand le personnage raconte qu'elle faisait l'amour tout en recevant tous les bruits, les odeurs, les ombres et lueurs de la ville à travers les persiennes, nous mêmes spectateurs attentifs et justement perméables percevons les allés et venues au dehors du café, tout ce réel, et parfois l'actrice elle-même s'interrompt pour les observer. S'en imprégner? Certains préfèrent alors fermer les yeux. Mais les souvenirs n'arrêtent pas la marche du temps.
     

    duras,mains d'oeuvres,yves noel genod,pas si loin,noëmi ksicova,yuika hokama

     
    Rapture, d'après Marguerite Duras, mis en scène par Noëmi Ksicova, vu à Mains d'Oeuvres le 13 juin
    L'amant d'après Marguerite Duras interprété par Yuika Hokama mis en scène par Yves Noël Genod, vu à Pas si loin le 16 juin
     
    Guy
     
    1ere photo de Jérome Pierson avec l'aimable autorisation de Mains d'Oeuvres
    2eme photo GD
     
  • Déconstruction

    C'est donc minimaliste, obsessionnel, assumé comme tel. Je comprends vite qu'il ne me sera offert dans la pièce d'Ayelen Parolin que des variations, l'exploration de niveaux d'intensité. Les deux danseurs travaillent à l'unisson, en aller-retour des bras et oscillation du buste, bassins rivés. Dans l'économie du mètre carré au sol. Je peux me laisser enivrer par ces répétitions, ces dérapages trés contrôlés, portés par les martellements rythmiques, les accords, les clusters de la pianistes, ses effets percussifs. Cette apreté ne me déplait pas. Je peux me placer à ce niveau très sensoriel, tenter d'y rester perché, et en même temps ressentir de l'empathie vis à vis de la dépense physique des danseurs, bien mise en visibilité.
    Mais je réfléchis... Et je lis la feuille de salle, constate les efforts du rédacteur pour mettre en rapport la pièce avec "la condition humaine, soumise aux impératifs d'efficacité et de rentabilité". Et je prends alors conscience d'être moi même un peu fatigué de chercher encore et toujours du sens à toutes ces pièces minimalistes et répétitives, qui se ressemblent un peu, et dont les plaisirs s'évanouissent vite. Je retombe.
     
     
    Et, au même programme, Jan Martens. Quel télescopage! Sans crier gare, Jan Martens renverse par terre tout l'édifice spectaculaire. Le performer commence à s'installer désinvolte avant la fin de l'entracte, lumières allumées, consulte son son mur facebook et fait ses selfies, le tout projeté sur grand écran. Puis benoitement, il rédige au clavier ses 13 objectifs pour sa performance de la soirée: être provocateur, classique, minimalisme.... Nous avons beau être en période électorale, lui tiendra toutes ses promesses.  En usant d'un humour un peu potache mais réjouissant, d'une approche chorégraphique fraiche, d'une honnêteté radicale: il s'affaire seul à la danse, au son et aux lumières, c'est strictement entre lui et nous. L'exercice est radical et salutaire, les mécanismes de la scène mis à nu. Ce n'est surement pas l'effet recherché (et dans d'autres pièces Jan Martens a autant qu'Ayelen Parolin sacrifié au minimalisme et à l'épuisement du geste) mais il m'est ensuite difficile de repenser à la performance précédente avec sérieux.
     

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    Hérétiques d'Ayelen Parolin et Ode to the attempt de Jan Martens vu au théâtre de la Ville le 7 juin 2017
     
    Guy
     
    photo de Ode to the attempt par Phile Deprez avec l'aimable autorisation de la compagnie
     
  • Jamais vu?

     
    Ils sont jeunes, très jeunes, tous jeunes, autant les spectateurs que les performeurs, organisateurs, qui circulent tous rôles alternés sur les trois étages de la soirée. Avec le droit d'essayer, de sauter sans filet, de se planter, de grandir, et tout à coup de poser là des moments parfaits. Est-ce là de l'alchimie? Il ne s'agit pas de génération spontanée, et tant mieux. La Ville en feu désacralise en beauté Stravinsky, démonté depuis ses soubassements très sexués jusqu'à un chant à la hauteur.  Il ne suffit pas, il n'est pas nécessaire, d'être insolent. Juste par exemple se souvenir de l'enfance, commencer par faire rouler une petite voiture: Cover, dansé en duo sensible, est présenté comme un projet basé sur la reproduction de spectacles passés, et il me semble pourtant assister à quelque chose de neuf et enthousiasmant... Autre exercice d'appropriation: les chanteurs de FARF is another se livrent, avec toute la distance de la voix off, à un exercice de reprises qui transcende la vacuité. J'ai même droit à l'intimité d'un selfie-karaoké (pour découvrir, que France Gall, c'est très horizontal), et il ne s'agit pas de prise de risque. Parce que ce n'est pas grave. Parce qu'ici c'est ailleurs. Un espace plus habitable qu'habité, mais vierge pour accueillir en un projet ouvert l'imaginaire de ces propositions. Ni intimidant, ni usé. Bien sur, les "lieux" que l'on connait, ouvrent leurs portes eux aussi, ils ont leurs générosités et prennent leurs risques. Mais est-ce jamais assez? Et ici il y a le sentiment que tout s'autorise, se détend. Que c'est possible.
     
     
     
    Chimique(s) #2 conçu par  Moïra Dalant et Marine Colard, vu le 2 juin, avec:
    - FARF IS ANOTHER de et avec Valentine Basse et Gregor Daronian Kirchner
    - COVER de et avec Elsa Michaud et Gabriel Gauthier
    - Le Sacre du Printemps du collectif La Ville en Feu - avec Garance Silve, Alex Bouchni, Louise Buléon Kayser, Giula Dussollier, Simon Peretti, Maxime Bizet, Thomas Bleton, Justine Dibling, Marius Barthaux, Agathe De Wispelaere, Myriam Jarmache, Juliet Doucet et Jean Hostache
    - Fake Nature de Ana Monteiro - avec Ana Monteiro et Moïra Dalant
    - Le Tir Sacré séquence duo - avec Sylvain Ollivier et Marine Colard
    - Installation ROOM#2 du Collectif Les abattoirs, par Anaïs Morisset, Marine Colard et Moïra Dalant
     
    Guy

  • Pas froid aux yeux

    Tirée à quatre épingles, on lui donnerait le bon Dieu sans confession... avant qu'elle ne déchaine toute la force de ce monologue frénétique et sacrilège, à classer triple X. L'affaire a commencé en douceur. Le phrasé de Stéphanie Aflalo est millimétré. Fausses hésitations et silences calculés qui sèment le trouble, petites ambiguïtés, légers abandons. Il faut cela: le texte de Georges Bataille est à contenir avant de le libérer, un torrent à canaliser pour en garder tout le débit. Et il arrivera un beau moment où la comédienne se laissera de tout son corps chavirer, portée par la violence érotique ainsi libérée. Maitrise de la distance dans le jeu, ce sera drôle aussi: tout le joyeux et le grotesque de ce récit obscène, et donc aveuglant, est mis à nu, par les excès mêmes de ses transgressions. Stefanie Aflalo remet du beau désordre dans Bataille.
     

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    Histoire de l'œil d'après Georges Bataille par Stéphanie Aflalo, vu à la Loge le vendredi 19 mai 2017.
     
    Guy
     
    photo (droits réservés) avec l'aimable autorisation de la Loge
  • Ici d'ailleurs

     
    La musique souffle où elle veut, migre du Brésil à l'Uruguay, s'envole de Londres aux clubs de jazz new-yorkais. Elle nous en revient métissée, pour se poser juste le temps d'une soirée ici entre amis, riche de rythmes d'ailleurs et de mélodies partagées. Elle transporte odeurs et souvenirs, du pianiste Horace Silver qui évoque son père venu du Cap Vert, des lendemains de carnaval à Rio, des mélancolies milongas et tangos. La guitare danse, la voix se lève et le sax nous caresse. C'est tout sauf une musique de salon, même si jouée en appartement, mais une musique qui nous ouvre pour parler ici avec ceux qui viennent d'ailleurs.
     
     
    Gianfranco Grompone (sax tenor), Javier Pizzaro Cerda (guitare) , Carolina Parodi (chant), chez Marie B. le 20 mai 2017.
     
    Guy
     

  • Eclairages

    La lumière renoncée, comment ce corps sur scène nait-il à notre conscience? Il se fait deviner, dessiné d'ombres, fractionné dans cette obscurité presque parfaite. C'est la partition musicale, toute en tension, qui en continuité l'entoure, qui tout du long souligne sa présence. Ce corps s'impose dense pourtant, beau et puissant. Avec une chair masquée de noir même, que soulève une respiration souterraine, en des poses essentielles. Pré-historique,cette femme mue ou nait. Le solo est grave et sobre, entêté. Il suscite en moi des pensées obscures et étonnées, mes mots posés à l'aveugle sur le carnet se perdent. Indéchiffrés. D'où elle est, la danseuse nous voit-elle distinctement tenter de la deviner?
     
    Mais je ne vois rien ou presque de la proposition suivante, aveuglé par une lumière stroboscopique et vive, je le regrette. L'instinct de survie l'emporte: je ferme les yeux. Il y a là peut-être, à terre, un personnage nu et innocent, grandissant dans le cocon de nappes sonores qui vont et viennent.
     
    C'était Palimpseste 17 4, aventure electro-acoustique avec Capture de Maite Soler (Danse) et Florent Colautti (musique), et Essor mélancolique de Denis Sanglard (danse) et Blas Payri (musique), au théâtre du temps.
     
    Guy
     
  • Folk Dance

    Les peaux de bêtes ont la respiration profonde, la mémoire longue. En émerge un corps qui revient de loin, nourri des traditions. Prêt à toutes les insolences et métamorphoses. II lui faut d'abord se prêter à un rite de passage, se grimer de noir. Laurence Pages évoque l'esprit de la samba et du carnaval. Et ouvre le moment festif où tout serait permis, l'identité collective, le folklore ravivé. Pourrait-on la suivre, à son exemple oser se transformer? Ses mutations sont spectaculaires, son corps engagé, humaine et animale, prête à mordre ou griffer, ours ou bélier. Masculine ou féminin en sa semi nudité, lutteur moustachu et belliqueux, ou en sensualité débordante. Là où elle me trouble, c'est par ce balancement joyeux entre transe et connivence, comme une shaman d'occident.

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    Pour qui tu te prends de Laurence Pagès, vu en présentation professionnelle au Centre National de la Danse le 28 avril 2017
     
    Guy
     
    photo de Maïa Jannel avec l'aimable autorisation de la compagnie
  • De Tokyo à Paris

    Au rythme de ce soir je ne pourrai bientôt plus m'étonner de rien. Tout m'est délicieusement incongru.
    L'affiche est bariolée, surchargée de beaucoup de noms pour moi tous inconnus. Le festival entier est importé du pays 18010344_1384526504920175_2549349666346440660_n.jpgdu soleil levant, mais plonge coté obscur de l'underground. Attaque brute ce soir: le saxophoniste éructe free tandis qu'un couple se livre à une démonstration savante de Kinbaku. La femme s'élève encordée sur la musique groupe de jazz Cosmos report (allusion à Weather Report? Peut être dans son incarnation la plus sauvage). Et les propositions se suivent, variées, en sets de vingt minutes qui évitent de lasser. Jamais de ma vie je n'avais écouté du glam-punk japonais. Avec Sister Paul, ça c'est fait.18057678_1384524868253672_5998410155620722714_n.jpg Comme dans tous les duos électriques qui suivent, la batterie cogne binaire, avec une énergie revigorante et les amplis saturent. The Tug aussi décape les oreilles en structures basiques, Reiko Nagayama les apaise avec des accents folks, avant que Kokkei no door ne remette des décibels. je suis évidemment frustré de tout ce qui m'échappe, en néophyte, de ces expressions de (contre)culture, amusé de reconnaitre les avatars des courants musicaux anglo-saxon, du folk au rock, avec chaque fois une couche en plus. Est-ce un contresens de croire que ce plus est fait en grande partie d'extravagance, de fantaisie, de second degré? Mais 18336995_10210561621415227_1305883010_n.jpglorsque, sur la musique de Kuri, glissent des danseuses vêtues des peintures de Ibuki Kuramochi, pas besoin de traduction.
     
    C'est une soirée du festival Paint Your Teeth in Paris #2 (Festival japonais alternatif ) organisé par l'association Art Levant , le 21 avril au DOC
    il y avait cette soirée là :
    - film "precut girl" (Eric Dinkian avec Karin Shibata) + shibari (de l'école des cordes)
    - Cosmos report : free jazz + Niels Mestre (guitare élecrique) + shibari
    - Sister Paul : punk
    - Bonkichi (Reiko Nagayama) : folk personnel
    - The Tug : rock "garage"
    - Kokkei no door : hardrock "fantasy"
    - Ibuki Kuramochi + Kuri (accompagnement musical) + Léozane Wachs + Laureline Mialon (danse)

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    Guy
     
    Photos avec l'aimable autorisation de Sylvain Kodama