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  • La jeune Fille, le diable et le moulin: le théatre résilient de Py

    Olivier Py fait du théatre pour les enfants comme on devrait le faire systématiquement: avec autant de respect que s'agissant de théatre destiné aux adultes. Ce qui implique, pour commencer, de ne rien cacher aux jeunes spectateurs de la cruauté du monde. Donc ne rien édulcorer de la violence des contes de Grimm: ici le meunier, abusé par le diable, coupe de sa hache les mains de sa fille.

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    Sans ne jamais laisser tout à fait oublier qu'il s'agit d'une représentation: la belle scènographie se montre comme telle, avec des miroirs, des décors tournants, des trétaux, et des centaines d'ampoules. Dans la voix des acteurs le recit est autant conté que joué. Chanté souvent, avec les couleurs de complainte des cuivres et de l'accordeon. Le diable entonne" Que la guerre est jolie", les enfants, qui ne sont pas idiots, ne sont pas dupes non plus. L'art: "c'est de dire d'un mot la mort avec la joie". Un ange gardien veille sur la fille du meunier, surtout l'espoir la porte. Pour qu'à la fin chaque chose revienne à sa place- au théatre même les mains peuvent repousser- pour montrer aux enfants que la violence qui est montrée et dite, peut être surmontée.

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    C'était La jeune Fille, le diable et le moulin d'aprés les frères Grimm, adapté et mis en scène par Olivier Py, musique de Stéphane Leach, décor, costume et maquilllages de Pierre André Weitz. Avec Celine Chéénne, Samuel Churin, Sylvie Magand, Thomas Matalou, Antoine Philippot, Benjamin Ritter.

    A l'Odeon (Ateliers Berthier), jusqu'au 18 janvier, en alternance avec 2 autres contes. A partir de 7 ans.

    Guy

    Photos d'Alain Fonteray avec l'aimable autorisation du théatre de l'Odéon

  • Looking for Paco: episode 5

    Regards sur la création de « Fresque, femmes regardant à gauche » par Paco Dècina et la compagnie Post-Retroguardia.

     

    Episode 5: Avant les vacances. 

     

    Le temps fuit. Demain commence déjà la toute dernière semaine de répétition de Fresque, avant la première du lundi 19 janvier, et il y a beaucoup à raconter. 

    Pour commencer: un retour en arrière, avant Noël et la nouvelle année. C'est un après-midi avant les vacances, à Micadanses. Le lieu semble désert, ou à peu prés, en tout cas pas très gai.. Paco n'est pas là, parti quelque part en province, pour la journée. Se passant de lui, les sept danseurs répètent, dans le studio May Be, cette salle de répétition qui est aussi utilisée pour certaines représentations de Faits d'hiver

     

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    Minutieusement, ils travaillent, progressent dans l'exécution de certaines séquences. En toute sérénité. A proprement parler, ils ne créent pas, ils affinent. Comblent certains vides, relient des gestes. Ce qu'au départ je recherchais reste insaisissable, décidément, mais pour me permettre de découvrir autre chose: ce que je vois en ce moment est spectaculaire. Mais d'une manière éphémère, qui plus tard s'estompera, quand la création sera achevée. Car je vois maintenant, en pleine lumière, toutes les performances physiques, les efforts, les prouesses athlétiques, les élans arrachés et la lutte contre la pesanteur, les impossibilités contournées centimètres par centimètres. Tout ce qui sûrement sera rendu invisible dans la pièce, dans son déroulement, pour qu'alors les mouvements puissent paraitre naturels, les corps emportés dans le flux de l'évidence et du récit. On verra alors les interprêtes sur la scène, mais le travail sera caché, à l'intérieur d'eux. Il n'est pas interdit de penser que certains danseurs en soient un peu frustrés... Mais pour le moment à Micadances tout se voit et tout est étonnant, d'une manière qui me renvoie à la conscience cruelle des limites de mon propre corps: Sylvère se tient à l'envers, finit en équilibre tout son poids sur l'épaule, s'appuyant à peine le long de Vincent. Il parait incroyable que des hommes de sa carrure, ou de celle d'Orin, puissent se mouvoir avec une telle agilité. Plus tard l'un des danseurs me confie qu'au fil des mois de répétitions, son organisation musculaire a finit par s'adapter aux contraintes propres à cette pièce, pour contrecarrer la fatigue. Takashi, un peu à l'écart, plus petit, se lance dans des mouvements très rapides, des mouvements de chats. Ici sont rassemblés deux asiatiques, une sud-américaine, quatre européenn(e)s qui ne se ressemblent pas: d'évidence il y a pas de physique imposé pour danser pour Paco. Les garçons avancent debout sur les mains, les trois filles ne sont pas en reste, tous se lancent dans des figures hip-hop. Tels de grands ados, voudraient-ils aujourd'hui m'en mettre plein la vue qu'ils ne feraient pas autrement. En l'absence de Paco, ils s'observent les uns les autres pour se conseiller. Chacun est à l'écoute, Noriko, qui parle rarement et plutôt en anglais, intervient pour rectifier une position de Silvère, et tous sont attentifs. Vu d'ici- mais je ne viens qu'une fois sur cent- ni tension, ni chefs, ni rivalités. Mais de la fatigue et des corps essoufflés, des enchaînements répétés dix fois et plus. Et des plaisanteries, tout le temps, et d'autant plus aux moments où l'effort est évident, ou la figure virtuose. Comme par pudeur, comme pour s'excuser d’avoir à se montrer, et même les uns aux autres, pour ne pas donner l’impression de vouloir en montrer trop. L'auto-dérision comme remède contre l'esprit de compétition? Même, ils rient souvent comme des enfants qui auraient réussi une pirouette. J'ai l'impression de me retrouver dans la cour de récré. Comme par exprès les filles répètent ensemble une scène et les garçons s'arrêtent, s'assoient pour les regarder et commenter, un rien sardoniques. Ensuite, les rôles sont inversés, les filles regardent les gaçons répeter. Puis tous se laissent retomber à plat le temps d'une pause, s'étirent et se massent, entament un grave débat pour décider qui demain matin va acheter des haribos. Jesus me propose un peu de la tortilla qu'elle conserve dans un tupperware, c'est appétissant mais je n'ai pas l'excuse de griller autant de calories qu'elle. Puis ils recommencent, et les plaisanteries de mêmes…

    Quelques jours plus tard, Jérôme m'écrit, tout excité, pour m'annoncer qu'il a retrouvé la partie manquante de la Fresque. Il la montrera à Paco... mais dans l'épisode d'après, au T.C.I.....

    Guy Degeorges

      

    Photo de Jerôme Delatour  (mais ici prise au studio Banca Li), les autres sont sur Images de danse.

    Merci à Paco Dècina et à la compagnie Post-Retroguardia, et au T.C.I..

     

    Le prochain épisode est diffusé ici, bientôt...

    En attendant, lire le prologue, l'épisode 1, l'épisode 2, l'épisode 3, l'épisode 4, l'épisode 6, episode 7 , les bonus...

     

    P.S. Et spécialement pour les lecteurs de ce journal, et les admirateurs des photos de Jérome, le Théatre de la Cité Internationale propose d'assister, pour un tarif à 8€50 (1) à la représentation de Fresque du 26 janvier, qui sera suivie d'une rencontre avec Paco Décina, et l'équipe artistique.

    Reservations au théatre 01 43 13 50 50, mot de passe "Blog". 

     

    (1) c'est le tarif le plus doux, sauf si vous avez moins de 12 ans.

  • Pina Bausch: light et bio

    On va présenter le flanc pour se faire lapider par les sectateurs de la grande prêtresse de Wuppertal, et Dieu sait s'ils sont nombreux.... Mais allons y quand même- et ce n'est pas pour le plaisir sacrilège de dénigrer la demi-déesse. Juste par dépit, par ennui...

    Il est tout beau et tout propre, euphorisant, le monde de Pina Baush. Suspendu en douceur dans une ère new age, avec un défilé de jeunes gens souriants et bien faits, c'est presque un défilé de mode. En horizon un mur végétal et une cascade d'eau- l'eau va beaucoup servir. Les belles robes aussi, assorties, pour bercer des nostalgies pastels. Donc les robes sur les danseuses sont bien vite mouillées, ensuite on aspergera les robes, plus tard on versera de l'eau dessus, pour suggérer de belles formes. Et oser une audace inoffensive. Toujours en douceur, et en rythme. Rien ne s'arrête jamais. Dans le flux continu de la musique, aussi ommniprésente que dans un centre commercial, non stop, equalisée dans les tons medium de l'easy listening. On a jamais le temps de s'ennuyer ni de s'interroger d'ailleurs, les interpretes rentrent et sortent en zapping, courent sans drames, voyagent valises à la main, on voyage avec eux du regard comme dans les rues d'un village Potemkine. Les corps sont harmonieux, tout sauf furieux. Chacun y va de son solo en joliesse, sourires obligatoires et imperturbés. A force, l'on sourit aussi, bercé par la musique. Tout est agréable, rien ne surprend vraiment, rien ne peut fâcher. Tout varie pour ne jamais lasser: flirts, clins d'oeil appuyés, beaux portés, déjeuner sur l'herbe, numéro de cirque avec les chaises, courses poursuites burlesques, et encore des robes mouillées...Tout s'évapore comme la fumée des cigarettes. On peut se laisser aller à passer une bonne soirée. Belles et radieuse, les femmes tournent comme des poupée, puis dansent dans les champs (de l'utopie?), comme le commente non sans auto-dérision une interprète. La pub a la vie dure, on a le sentiment de voir un interminable spot pour protections périodiques. 

    La feuille de salle entreprend de nous conforter en un modèle de tautologie satisfaite: le Théatre de la Ville invite Pina Bausch depuis des décénnies parce qu'elle est toujours venue, on a une chance comme nulle part ailleurs au monde, merci pour sa générosité, CQFD. Pina: c'est Pina. Et, toujours, tout Paris cherche des places. Mais le temps des rentiers est derrière nous. Ce spectacle date de 2000. Ou date-t-il de cette année? Ou de 90? Ou de 2015? Soyons juste: on croit souvent reconnaître des gestes mille fois samplés ensuite par des générations de chorégraphes. Pour celà, merci à elle. Mais ici, maintenant, le savoir faire ne finit par accoucher que de la joliesse et de la vacuité.

     C'était Wiesenland de Pina Bausch, avec beaucoup de danseurs et de danseuses, au Théatre de la Ville, jusqu'à bientôt.

    Guy

  • Le Corps Furieux de Rabeux: affreux, sales, émouvants

    Ils sont affreux, sales, pas méchants pour autant. Nus et beaux en prologue, juste pour un instant. Puis franchement moches après, habillés S.D.F.. De fringues dépareillées, accumulées comme pour lutter contre le gel de janvier. Ou de seuls sous-vêtements hideux. 

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    Ainsi à l’évidence fragiles et vrais, leurs corps de jeunes, leurs corps de vieux. Et bien contourné, le piège de la nudité. Pour pauvres accessoires (à l'opposé du dispositif très élaboré vu dans une autre tentative de théâtre sans texte): poubelles, sac plastiques et caddies -que l'on préfère ici ce soir d'hiver plutôt qu'une nuit d'été. C'est bien: l'humanité est libérée du superbe, peut respirer un peu. Plus obligée de performer (au sens économique), pour mettre le spectateur face au plaisir de la performance (au sens anglo saxon du terme). Acteurs et public sont séparés par une barrière symbolique: un ruban plastique tel ceux utilisés pour délimiter le lieu d'un accident ou d'un crime, ou pour isoler un chantier. On est donc protégé de leur contagion, tout de même ici forcé de les regarder, alors que dans la rue l'on peut éviter de voir ceux qui comme eux maintenant dorment sur des cartons... La crise est passée, ils persistent. Et ronflent en prime. Puis la vie les agite, de gestes et de sons. Faire du théâtre sans texte, c'est ici s'amuser à tricher un peu, sur les bords, à force d'exclamations, d'onomatopées, de langues étrangères, d'improvisations, de chansons (1). Les individus sont loin d'être muets et la voix elle-même devient le message, pour ouvrir vers l'essentiel. Même, ce théâtre est toujours au bord de lui-même, rigolard et ému. Avec des acteurs qui semblent venir d'ailleurs, déformatés: une acrobate, un ancien caviste, un ancien prof d'art plastique... qui offrent fausse maladresse et vraie tendresse, inattendus et imparfaits. Les corps se montrent tout autant burlesques que furieux, passent du coq à l'âne, rient, pleurent, paradent, crânent, s'amusent, se disputent, accouchent, exagèrent, se cherchent, se trouvent, se tuent. Les personnages peuvent devenir féroces aussi, attablés pour un festin dont une femme est le plat. Soulagement : elle s’échappe en acrobaties et contorsions, mieux vaut être livrée en spectacle que littéralement dévorée. Morale: les corps ne sont jamais emphatiques: révoltés et ironiques jusque dans l'agonie... En conclusion une belle vengeance: les corps morts et parfaits des mannequins sont brocardés, maculés de peinture pour leur prêter un peu d'humanité, mais que la pluie emporte.

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    C'était Le Corps Furieux de Jean Michel Rabeux, avec Elena Antsiferova, Corinne Cicolari, Georges Edmont, Juliette Flipo, Kate France, Marc Mérigot, Laurent Nennig, Franco Senica. A la MC 93 Bobigny, jusqu'au 27 janvier.

    Guy Degeorges 

    A lire: le spectateur turbulent et neigeàtokyo

    Photos de Denis Arlot, avec l'aimable autorisation de la compagnie Jean Michel Rabeux

    (1) C'est regrettable, mais un peu dans la tendance de l'époque, que les chansons ne soient pas citées sur la feuille de salle. Quand même, on a cru identifier: Istanbul Constantinople de Dario Moreno, Comme un petit coquelicot de Mouloudji Rock' roll suicide de Davide Bowie, un blue peut être des Rolling Stone, Raindrops Keep fallin' on my head de Burt Bacharach en v.f. et a capella... Et une déchirante compilation de chanson française 70/80: ballade des gens heureux, Le chanteur, Ou sont les femmes, j'ai encore révé d'elle, la cage des oiseaux...