Bonsoir Marie,
Un grand merci pour ton incitation/invitation à découvir Soudain l'été dernier. Il me fallait bien ça: j'ai toujours un peu peur de Tennesse Williams. Il y a tout ce texte, si abondant, tellement qu'on a parfois l'impression que les acteurs en sont à se battre contre lui.
A un point qu'on se doute vite que tous ces mots, ces redites, ces accumulations, ont pour fonction de cacher la vérité plutôt que d'expliquer des enjeux et des situations. Et évidemment, le sujet de la pièce, c'est le secret. Les secrets, au delà du seul mystère du meurtre de Sébastien. Catherine- ton personnage, le témoin du drame- finira par réveler contre tous ceux qui refusent d'entendre cette vérité et veulent la faire taire, jusqu'à envisager de la lobotomiser. Il y a d'ailleurs une belle trouvaille de mise en scéne: ce jardin (secret) de Sebastien, au coeur de la maison, que tous admirent sans le voir: il est représenté sur scéne par un mur de lumière de coté, l'inconscient aveuglant hors de portée... Et d'ailleurs à part cela il n'y a pas besoin de beaucoup de décors, tout en sobriété. La piece, cruelle et concentrique, est entière construite pour préparer la révelation finale délivrée par Catherine, elle se rassemble autour de cette attente. On se console de ce qu'il y a d'un peu pesant et pas coupé dans la première partie en se disant que cela est sans doute nécéssaire. Puis tout s'accélère, enfin il y a ton monologue, trés logiquement dans cette construction dramatique une belle récompense. D'autant plus qu'en toute sincérité (il y en aura pour me croire complaisant, tant pis pour eux!), tu y es excellente. Trés émouvante. Tu réussis à ne pas quitter la fragilité de Catherine, sa folie, tout en installant une autorité dans ce recit précis et halluciné. (Catherine est-elle folle en raison de ce traumatisme, ou à cause du déni qu'elle subit depuis? ...) La scène donc est intense et en même temps d'un calme immense, presque en suspension, dans l'oeil du cyclone. On entend les oiseaux, on devine une lumière aveuglante, on voit sur cette plage ces enfants nus, noirs et malingres, on assiste au drame qui se prépare, cet avenir écrit, soudain au passé. En même temps, dans ce terrible récit tout n'est pas nommé, l'indicible au centre, le récit prend une telle force que toutes les interprétations ne sont pas épuisées, et résonnent encore à travers nos préoccupations contemporaines, prés de la brûlure des tabous... Alors tout commence! Heureux que vous ayez déja pleins d'articles, ici, là et là encore (ce dernier texte à déconseiller avant d'avoir vu la pièce:il en dit beaucoup trop), ma contribution est donc un peu décalée.
Plein de bises, Isabelle t'embrasse aussi, qui de même a adoré comme tu jouais, et me souffle "que les fumées de cigarettes dessinent un ciel noir et blanc digne d'un film de la MGM". Dernière chose: si tu peux me trouver des photos libres de droit, je prends volontiers.
P.S. pour qui d'autre me lit, c'est mis en scène par René Loyon, au Théatre de la Tempête, jusqu'au 13 décembre.
P.S. du 27/11 : photo d'Antonia Bozzi avec l'aimable autorisation de Marie D. , et à lire, l'article de Martine