On préfère, et de loin, Perrine Valli une fois qu'elle s'est débarrassée de ses poètes suisses, libérée de la poésie et du bruit. Pas tout à fait, car en raison de l'isolation très approximative des différentes salles de Mains d'oeuvres, il fallait ce soir un peu d'efforts pour imaginer le silence autour d'elle. Donc pas de musique, pas d'effet d'éclairage non plus, des habits d'un noir digne et discret, autant de manières de signifier d'entrée que l'on se situait ce soir dans l'austérité.
Pour une danse lente et prés du sol, à la rigueur toute géométrique, l'émotion contenue dans les yeux, et l'abandon de certains glissements. Interrogative aussi: les bras et jambes se transforment obstinément en aiguilles d'horloge pour ébaucher la mesure d'un temps rêveur et intime. Ici les équilibres et arrêts, tels ces brèves pauses face au public, pudiques, énigmatiques, prennent presque autant de valeur que les mouvements qui les lient. Économiques, presque jusqu'à l'agacement.
La pièce est courte, comme encore ébauchée. Elle laisse peut être un peu sur sa faim, à force de dédaigner crânement tous les effets faciles. Mais l'artiste est très jeune, et son histoire-on le pressent et on l'espère- en est à ses tous débuts. Et de ce premier essai on oubliera juste le titre: "Ma cabane au Canada".
Cette soirée découverte nous projetait ensuite, sur le plan de l'esthétique, à des années lumières de cette première partie sobre et introspective, en compagnie alors de Myriam Lefkowitz et Lise Casazza ( Cie Débribes).
Pour atterrir d'abord dans un baquet en compagnie de l'une des danseuses, inanimée. Pourquoi donc un baquet? Était-ce pour lui permettre de s'en extirper, toute nue sous son collant transparent, et bientôt sans collant du tout? C'était une raison aussi valable qu'une autre après tout.
"Et alors, qu'est qu'elle devient" ensuite, après cette naissance de Vénus, et une fois un peu rhabillée? Sa partenaire l'a rejointe, fébrile, et l'on comprend alors de quoi ce soir il s'agit: ces deux personnages sont très intéressés l'un par l'autre, et auront fort à faire pour se découvrir mutuellement.
Elles se livrent pour celà à une chorégraphie dynamique et inquiète, ni brouillonne ni confuse pour autant.
Maquillées en miroir, amantes ou jumelles, ou les deux à la fois, elles s'approchent l'une de l'autre, énervées, se croisent, se frôlent se heurtent, se considèrent, se touchent, se tâtent, se caressent, se maltraitent, s'agrippent par les plis de la peau et des vêtements, évoluent ensemble ou parallèlement, enlacées ou entravées l'une à l'autre, échangent les rôles, se soulèvent et se portent l'une l'autre et se laissent tomber brutalement. Tension, doutes, émois, ruptures. Malgré l'humour sous-jacent, plus de stupeur que de sensualité dans tout cela.
Autant dire que jusqu'au moment où elles retourneront choir ensemble dans le baquet originel, on n'aura guère eu le temps de s'ennuyer.
Ni ce soir, ni demain soir encore.
Guy
PS on a trouvé plein de belles photos ici , site qu'on là lui-même trouvé sur ce portail là