En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.
Olivier Py fait du théatre pour les enfants comme on devrait le faire systématiquement: avec autant de respect que s'agissant de théatre destiné aux adultes. Ce qui implique, pour commencer, de ne rien cacher aux jeunes spectateurs de la cruauté du monde. Donc ne rien édulcorer de la violence des contes de Grimm: ici le meunier, abusé par le diable, coupe de sa hache les mains de sa fille.
Sans ne jamais laisser tout à fait oublier qu'il s'agit d'une représentation: la belle scènographie se montre comme telle, avec des miroirs, des décors tournants, des trétaux, et des centaines d'ampoules. Dans la voix des acteurs le recit est autant conté que joué. Chanté souvent, avec les couleurs de complainte des cuivres et de l'accordeon. Le diable entonne" Que la guerre est jolie", les enfants, qui ne sont pas idiots, ne sont pas dupes non plus. L'art: "c'est de dire d'un mot la mort avec la joie". Un ange gardien veille sur la fille du meunier, surtout l'espoir la porte. Pour qu'à la fin chaque chose revienne à sa place- au théatre même les mains peuvent repousser- pour montrer aux enfants que la violence qui est montrée et dite, peut être surmontée.
C'était La jeune Fille, le diable et le moulin d'aprés les frères Grimm, adapté et mis en scène par Olivier Py, musique de Stéphane Leach, décor, costume et maquilllages de Pierre André Weitz. Avec Celine Chéénne, Samuel Churin, Sylvie Magand, Thomas Matalou, Antoine Philippot, Benjamin Ritter.
A l'Odeon (Ateliers Berthier), jusqu'au 18 janvier, en alternance avec 2 autres contes. A partir de 7 ans.
Ils sont affreux, sales, pas méchants pour autant. Nus et beaux en prologue, juste pour un instant. Puis franchement moches après, habillés S.D.F.. De fringues dépareillées, accumulées comme pour lutter contre le gel de janvier. Ou de seuls sous-vêtements hideux.
Ainsi à l’évidence fragiles et vrais, leurs corps de jeunes, leurs corps de vieux. Et bien contourné, le piège de la nudité. Pour pauvres accessoires (à l'opposé du dispositif très élaboré vu dans une autre tentative de théâtre sans texte): poubelles, sac plastiques et caddies -que l'on préfère ici ce soir d'hiver plutôt qu'une nuit d'été. C'est bien: l'humanité est libérée du superbe, peut respirer un peu. Plus obligée de performer (au sens économique), pour mettre le spectateur face au plaisir de la performance (au sens anglo saxon du terme). Acteurs et public sont séparés par une barrière symbolique: un ruban plastique tel ceux utilisés pour délimiter le lieu d'un accident ou d'un crime, ou pour isoler un chantier. On est donc protégé de leur contagion, tout de même ici forcé de les regarder, alors que dans la rue l'on peut éviter de voir ceux qui comme eux maintenant dorment sur des cartons... La crise est passée, ils persistent. Et ronflent en prime. Puis la vie les agite, de gestes et de sons. Faire du théâtre sans texte, c'est ici s'amuser à tricher un peu, sur les bords, à force d'exclamations, d'onomatopées, de langues étrangères, d'improvisations, de chansons (1). Les individus sont loin d'être muets et la voix elle-même devient le message, pour ouvrir vers l'essentiel. Même, ce théâtre est toujours au bord de lui-même, rigolard et ému. Avec des acteurs qui semblent venir d'ailleurs, déformatés: une acrobate, un ancien caviste, un ancien prof d'art plastique... qui offrent fausse maladresse et vraie tendresse, inattendus et imparfaits. Les corps se montrent tout autant burlesques que furieux, passent du coq à l'âne, rient, pleurent, paradent, crânent, s'amusent, se disputent, accouchent, exagèrent, se cherchent, se trouvent, se tuent. Les personnages peuvent devenir féroces aussi, attablés pour un festin dont une femme est le plat. Soulagement : elle s’échappe en acrobaties et contorsions, mieux vaut être livrée en spectacle que littéralement dévorée. Morale: les corps ne sont jamais emphatiques: révoltés et ironiques jusque dans l'agonie... En conclusion une belle vengeance: les corps morts et parfaits des mannequins sont brocardés, maculés de peinture pour leur prêter un peu d'humanité, mais que la pluie emporte.
C'était Le Corps Furieux de Jean Michel Rabeux, avec Elena Antsiferova, Corinne Cicolari, Georges Edmont, Juliette Flipo, Kate France, Marc Mérigot, Laurent Nennig, Franco Senica. A la MC 93 Bobigny, jusqu'au 27 janvier.
Photos de Denis Arlot, avec l'aimable autorisation de la compagnie Jean Michel Rabeux
(1) C'est regrettable, mais un peu dans la tendance de l'époque, que les chansons ne soient pas citées sur la feuille de salle. Quand même, on a cru identifier: Istanbul Constantinople de Dario Moreno, Comme un petit coquelicot de Mouloudji Rock' roll suicide de Davide Bowie, un blue peut être des Rolling Stone, Raindrops Keep fallin' on my head de Burt Bacharach en v.f. et a capella... Et une déchirante compilation de chanson française 70/80: ballade des gens heureux, Le chanteur, Ou sont les femmes, j'ai encore révé d'elle, la cage des oiseaux...
La salle est comble pour Okada, avec la présence d'une importante minorité asiatique. Japonaise, on présume. Ce qui n'est pas le cas de ma voisine de gauche, elle plutôt gênée par le phrasé japonais surtitré.
Pas tant par le fait que la pièce soit jouée dans une langue étrangère- ma voisine, très parisienne, a l'habitude- mais par quelque chose d'indéterminé qui revient toujours dans la musique et le rythme des monologues, et dialogues. Une scansion courte, régulière, sans que ma voisine puisse apprécier ce qui dans ce ton serait ou non affecté, par rapport aux normes d'une discussion japonaise. Ma voisine cherche des correspondances dans les mots répétés en sur-titres, échoue. Alors comment voient-ils, entendent-ils cette pièce, les japonais autour de nous? On pourrait supposer qu'ils vivent en ce moment les mêmes sensations que nous-mêmes, quand ici-même nous regardions Le début de l'A. (de Pascal Rambert, le directeur du théâtre de Gennevilliers). Quand nous regardions la version française, pas l'adaptation japonaise surtitrée. Dans la mesure où la mise en scène partage le même parti pris de minimalisme. Mais l'analogie a ses limites: dans Le début de l'A. le jeu était retenu, milimétré, mais tout de même incarné. Ce soir les acteurs rentrent sur scéne sans jouer, puis racontent qu'ils racontent. Et ils bougent. Je repense à un autre voisin- ce soir absent- mais quelques mois avant séduit par le langage de leurs gestes. Cette gestuelle des acteurs est déconnectée du récit. Les mouvements hésitent, en déséquilibre, ânonnent, se repêtent. Avant- arrière. Debout-assis. Devant-derrière. Je comprends l'intention, je ne saisis pas le sens. C'est à dire que je conçois qu'il y ait là une manière d'envisager différement les rapports entre corps et texte, mais je ne ressens aucune des correspondances qui pourraient être initiées. Ma voisine de gauche en est presque oppressée, ressent ces mouvements comme étriqués, à l'échèlle de l'espace confiné de la chambre de Love Hotel dont il est question dans le récit.
A l'entracte ma voisine de gauche- quand j'écris "ma voisine de gauche", c'est un raccourci: il faut comprendre "la voisine qui est assise à ma gauche", sans aucune implication politique- lit le programme: Okada raconte qu'il a assisté, le jour de l'offensive de la coalition contre l'Irak, à un concert, comme le font les personnages de la pièce. Mais l'auteur écrit que la suite est fictive, dés le moment où la fille et le garçon qui se sont rencontré au concert s'enferment tous deux pour cinq jours dans un love hotel. Ma voisine, pragmatique, suppose que l'écriture de la pièce à quelque chose à voir avec la frustration de l'auteur qui est donc rentré seul du concert. Bien vu. La frustration est un puissant moteur de création.
La pièce reprend. Avec les mots la même musique. Avec les mêmes balancements. Quelques instants d'assoupissement. Ma voisine veille...............................................Reveil. On reprend. Pour être honnête, il y a plus ici que l'histoire d'un couple qui se fait plaisir durant cinq jours en mars dans la chambre d'un love hotel. On saisit vite l'opposition montrée entre le vécu hédoniste d'une génération, et les échos de l'histoire, la guerre vue à la télévision, croisée par hasard lors d'une manifestation. La dilution du collectif dans l'individuel. Le constat est juste, et franchement déprimant. Toshiki Okada est-il le David Bobée japonais? On comprend vite le principe du récit, on en revient insensiblement à surtout en observer la forme. On s'y fait. Des répétitions qui bercent, les acteurs vont et viennent pour raconter, des points de vue variés sur les mêmes évènements. Mais on reste trés loin de Pirandello, même adapté en Rashomon. A force d'être médiocres, les personnages en deviennent attachants, et à leur exemple on oublie la guerre au dehors. L'évocation des chambres sans fenêtres du Love hotel influe sur notre perception du temps, nocturne et dilué. Dans toute la salle il y a un seul spectateur, qui rit tout au long. Il est absolument le seul à rire, il n'est pas asiatique et c'est mon voisin de droite. Ma voisine de gauche ne rit pas, elle rumine sa prochaine attaque. Prend note de la désinvolture très étudiée des lumières. D'une simplicité affectée, à l'image de tout le reste. Nous sortons, pensifs, et prenons quelques minutes et quelques discussion pour arrêter notre jugement. "Prétentieux" dit-elle. Le couperet est tombé.
Il faut oser (du moins d'un point de vue de parisien...). D'abord trouver Lieusaint, entre autoroute, lotissements et friches, entre Senart et Melun, oser braver les sens interdits et les rond-points, les panneaux attention travaux, s'accrocher à la certitude qu'il y a quelqu'un de vivant au bout du noir et du froid en se souvenant de la gentille voix au téléphone ("surtout ne rebroussez pas chemin"), ensuite éviter engins de chantiers, plots de beton, le long du chemin défoncé, chercher la "Serre" à la lueur des phares, les derniers mêtres acueilli par des guirlandes lumineuses, mais pas encore de lampions.
Il faut oser ensuite faire l'expérience du théâtre sans paroles, après avoir été le spectateur intéressé d'une danse parlée. Peut-on vraiment? D'abord plongé dans une ambiance de glapissements animaux, de fumée décomposée et d'odeurs de sciure. Puis le quatrième mur fait un retour spectaculaire: c'est un long mur circulaire, un grand enclos de bois, avec de larges meurtrières. Ils sont à l'intérieur. (1) Des corps dedans, nous à l'extérieur, des yeux. Il faut oser trouver sa place, et être libre d'en changer, ou y être obligé quand l'une de ces fenêtres brutalement est fermée. Oser s'approcher au plus prés des personnages, mais toujours séparé d'eux. Notre point de vue de spectateur en est efficacement renouvelé, et déja coupable, posé sur les étranges spécimens d'un zoo humain. Le dispositif scénique déjà suggère-plutôt impose-une interprétation d'ensemble: celle d'un groupe humain en vase clos. Condamné à répêter drames et situations, privé de langage et de sens. A-t-on jamais prété un dessein, une intention, à un tigre ou à un singe qui tourne en cage? Sont-ils enfermés là depuis longtemps? Le calendrier semble déchiré à la page d'une France d'avant les années soixante-dix: bistrot, casquette et bretelles, flipper, robes aux couleurs de rideaux délavés, pompe à essence, rutilances rouillées. L'eau qui croupit au sol, où surnagent des épaves, témoigne de la stagnation et de la decadence générale. Plus c'est crasseux et déglingué, plus cela parait vrai. Puis, à la reflexion, trop vrai pour vraiment l'être: plutôt parfaitement archétypal, aux couleurs recomposées de notre mémoire collective, comme s'agissant des reconstitutions d'époque dans les parcs d'attraction. Mais les parades sont ici bien sombres, violentes et fantasmées.
Que font-ils en rond, pieds dans l'eau, sous les lumières glauques? Rien de très beau quand le langage leur fait défaut. Rien de beau, moralement s'entend, esthétiquement c'est autre chose. Ne reste à cette humanité en boite, muette et avinée, que noirceurs, pulsions, et sales habitudes. Et quelques grammes d'amour noyés dans l'huile et la boue. Pour des scènes chocs et découpées dans le vif, qui capturent le regard, sans espoir d'évasion. Les cris s'entrechoquent mais les mots restent enfermés, les coups volent, les concupiscences suintent, les idiots rient, la pin-up se pâme par à-coups au flipper, la fille en bas résilles se languit, les faibles sont brutalisés et humiliés, des rondeurs humides et impudiques débordent d'un tub, les personnages boivent un coup et s'en mettent partout, ils se vautrent, se bagarrent, hurlent, tortillent du bide ou de la croupe, font les beaux, glissent et s'abiment dans la flotte, dansent un rock 'n roll abatardi, martyrisent les victimes, betifient pour noël, sortent un tank de sa bâche, et le coq empaillé, jouent à la guerre, se tuent. Tout s'enchaine et tourne, grotesque et désesperé, tout est fort et tout s'oublie vite. Avec la frustration de penser qu'on en garde bien moins que tout ce qui y a été mis. Les partis pris scéniques étant ce qu'ils sont, on a bien du mal à suivre la narration, ou à l'organiser nous même. Etrangement, nous sommes moins préparés à faire ce travail ce soir que lorsque nous regardons de la danse. Un travail à prolonger? Surement. Mais nous-mêmes tournons autour du mur, privé de langage nous aussi, pour un temps. Soudain, la palissade cède....
C'est bien joué. Elle nous a pris à contrepied: ni bal, ni danse ni tango, ou si peu, et tant de mots. Au pied des lettres, a one-woman show. Pour aborder des sujets dont la danse parle souvent mais presque tout aussi souvent sans en parler vraiment: l'amour et le désir. "Sexe", "cul"... les mots crus sont lachés, avec toutes leurs sonorités. Savourés avec gourmandise, decortiqués, avec une naïveté feinte mais quand même désarmante. De quoi faire ensuite accepter de la lucidité à haute dose.
Juste des mots joués: tout se tend et se developpe à partir de cette frustration initiale dont la danseuse s'amuse à nous distraire. Et y réussit. A force de pirouettes et reflets dans un oeil d'or. On écoute: seduit et agacé, amusé dans l'attente d'une danse qui ne vient toujours pas. Ou juste à l'improviste: à travers un self- portrait drolatique et pâmé d'Aude en Audition. Mais- rendons à Cesar ce qui est à Cesar- une fois le sujet bien posé, le corps revient dans le jeu, suit les mots, pour un traité des parties molles, une invitation à la contact improvisation. Texte et corps également maitrisés: deux visages de la séduction et un partout pour le score...La mayonnaise prend.
Mais a- t on parlé de Marlon Brando, sinon par allusion ? Ni Superman ni Don Juan, plutot son ombre, un invisible partenaire, nous sommes tous des Marlons.
C'était Marlon, de et avec Aude Lachaise, à Point Ephémère à Paris, sur les quais. Ce vendredi encore
Il y a la France d'en bas, des c.d. de Julio Eglesias et des secrétaires -comptables surexploitées, des bibelots sur les étagères et des napperons sur les tables, des catalogues de la Redoute et des portes verrouillées à triple tour, des déjà vieilles filles qui reviennent chez maman tous les dimanches, la France qui ne va pas au théâtre et part en voyage organisé, la France qui voit les années passer et ne sait pas ou ne sait plus comment rêver.
Et il y a la France branchée (à défaut de la France d'en haut), des intellos en surface- actrice médiocre et journaliste raté- qui s'enivre de suractivité, qui se doit de mépriser la France des ploucs afin d'oublier sa propre vacuité. Il faut choisir son camp.
Sur scène, la confrontation de ces deux France est cruellement drôle. Réjouissante et grinçante. Trop pleine d'attentes muettes d'un coté, violente de dédain et méchanceté de l'autre. Aurore Monicard, dans le premier de ces deux camps, étonne une fois de plus, en actrice des silences. Et des silences il y en a, autant que de moments de solitude, autant que de moments d'incommunicabilité avec les deux autres personnages: Françoua Garrigues et Sandra Moreno, qui jouent parfait à l'exact inverse dans le genre odieux et sur-agité. En sublimant les stéréotypes, tant il est clair qu'au cours de cette rencontre impossible les personnages eux-mêmes sont condamnés à jouer un rôle pour exister vis à vis des autres, pour exister tout court.
C'était Les Trompettes de la Mort, de Tilly , mis en scène par Thibault Joulié (Compagnie Infraktus) avec Françoua Garrigues, Aurore Monicard, Sandra Moreno. Au Centre d'Animation Les Halles - Le Marais. Jusqu'à vendredi.
Le rouge est mis, en trois bandes lumineuses d'annonces désynchronisés: des brèves d'humanité, pas gaies. Devant, sur podium, figée: Fany Catel-Chanet. C'est tout et cela est bien ainsi, dans un parti pris de simplicité qui ressemble à un défi. Approche au laser et qui évoque celle de Pascal Rambert , jusqu'à dans l'usage du même costume le plus neutre qui soit: jean et t-shirt blanc... mais pour une thématique tout à l'opposée. Pour dire l'adolescence, la solitude, les mensonges à soi-même.
L'attention se détourne d'abord des mots qui s'accumulent, allusifs, pour se focaliser fascinée sur l'actrice. Qui porte tout les risques. Seul(e). Elle est "David". Bouge au féminin, parle au masculin... ligne suivante: a-t-on envie de la voir nue? La réponse ne va pas de soi, tant l'actrice exprime une belle mais troublante, dangereuse androgynéité. Elle reste frêle, chuchote amplifiée, après s'emporte, voix déformée, le décor sonore et lumineux s'agite instable et pèse, les gestes frappent, durs et millimétrés. La pièce s'impose, forte et ramassée, autant que Cannibales nous semblait se disperser. Trés loin derrière toujours s'égrenne en courtes phrases la vie des autres, étrangère et dépourvue de sens. Les mots dits devant, dans cet espace de jeu confiné, se rassemblent pour constituer une fiction adolescente, mélangée et opposée à une réalité aux recoins sordides et ténébreux. On comprend qu'était nécessaire la plate naïveté de ces mots qui nous irritaient d'abord. Les mouvements suivent les poses de la vie revée d'une rock star. Fausses confidences, masques, omissions, fantasmes et aveux, mais Fanny-David s'abandonne ou se laisse deviner, insinue et livre ce qu'on ne voudrait surtout pas entendre. Donne à voir mais surtout l'ambiguité. On lit qui défile en arrière fond "Julie a un rapport compliqué avec son corps": devant on voit un corps qui se dévoile un peu plus en une beauté étrange, fragile et musculeuse, telle qu'on ne rencontre qu'en danse. Sa danse s'emballe, onaniste et désespérée.
Rassure toi, je te t'écris pas du train, mais du Parc Montsouris. Donc: tu sais que nous avons rarement l'occasion d'aller voir des spectacles ensemble. Déja, la dernière fois à Marseille, le Brecht que tu avais choisi n'était pas inoubliable. Hier, Kiss Me Quick m'a endormi. Je sais bien que tout l'intérêt du jeu est de prendre des risques, mais désolé, je crois que c'est toi qui porte la poisse... Dedans, Dehors, David vu vendredi en compagnie de notre amie Sarah, c'était beaucoup mieux (Ce préambule est aussi un pretexte pour rappeler que nous nous sommes tous réunis au TCI hier, on en reparlera plus tard). Et pourtant tu trouves bien en PACA (tout le temps et quand je n'y suis pas) des spectacles passionnants! Mais je ne t'en veux pas, on essaiera de faire mieux la prochaine fois.
Pour en revenir à hier à la Bastille, c'etait un gâchis. Pas besoin d'aller chercher loin les explications, l'idée de départ était périlleuse. Adapter à la scène des interviews de strip-teaseuses, ça n'était pas gagné. C'est dommage car beaucoup de soin était consacré à la mise en scène, à la scénographie, aux éclairages, à la vidéo, à la musique... mais le texte plombait le tout. On en revenait toujours à des confidences plates et languissantes entre deux mises à nue, pour un résultat qui n'avait pas beaucoup d'intérêt. Et lent...Le pire est que ce spectacle est de nature à nourrir les préjugés de tous ceux qui ricanent en nous disant que les pièces de théâtre contemporain ne sont que prétextes intellectuels pour montrer des seins et des fesses. Dans ce cas précis on est bien obligé de leur donner raison. Entre deux platitudes à propos de leur triste condition, ces dames nous resservent des numéros de strip-tease forain. Ne parlons pas de second degré ou de mise en perspective, c'est du cul, point final. Et comme par hasard, l'actrice la moins jeune des trois se dévoile le moins. On est exactement dans une logique de documentaire télévisé voyeur et misérabiliste: interview-vérité complaisante des pauvres travailleuses du nu, entrecoupés d'extraits d'effeuillage parce qu'il faut montrer de quoi on parle, dans un soit-disant souci informatif. Rappelle toi des sketchs de Nightshade: là au moins le thème du strip tease était traité pour ce qu'il était, la recherche artistique mise en oeuvre aboutissait à des résultats plus ou moins réussis, mais personne ne cherchait d'alibi. Et en fin de compte ce travail permettait une réflexion plus riche sur le phénomène.
Donc hier on s'est beaucoup ennuyé, et il sera également ennuyeux d'écrire chacun de notre coté la même chose, ou à peu prés. C'est quand même beaucoup plus intéressant quant nous ne sommes pas d'accord. Dans le cas de Kiss Me Quick, que peux tu écrire de très différent de ce que je viens de raconter en premier?... bon courage! Plus ennuyeux encore, si tu vas dans mon sens, cela pourrait donner l'impression que l'on se serait mis d'accord, quelle horreur! Reste un espoir, raconter à notre ami Jeromequ'il s'agit d'un spectacle de danse (en appuyant sur le coté visuel, les rapports entre strip tease et danse, et tout ce genre de chose,...), et le persuader d'aller voir, que par miracle il soit d'un avis différent. Ou, bien mieux, il y a surement des spectacteurs de Kiss Me Quick qui ont trouvé des raisons d'apprécier. Des gens ont applaudi hier. Qu'ils laissent ici des commentaires pour me prouver que j'ai tout faux!
C'était Kiss Me Quick m.e.s par Bruno Geslin, dramaturgie et texte d'Ishem Bailey à partir d'entretiens réalisés par Susan Meiselas. Au Théatre de la Bastille avec le Festival d'Automne à Paris. Jusqu'au 17 octobre.
Les mots naissent émerveillés, d'une simplicité qui ne laisse pas le choix. De même eux-deux sur scène: lui, elle, les rangées de néons dessus, le tapis blanc dessous, au milieu d'eux une moto rutilante de rouge. Ce n'est presque rien, c'est tout. C'est le début: ils s'aiment, ils parlent, mais ils ne bougent pas. Pétrifiés. Au commencement, yeux fermés. N'osant y croire. Parlent l'un de l'autre, parlent l'un à l'autre, séparés au coeur de juillet de Brooklyn à la place Clichy. Entre eux deux on entend l'avion qui décolle. Evidence: c'est dans l'espace du désir et de l'absence que naît le début de l'Amour. Qui n'a jamais eu la chance d'être-un peu!-séparé de l'être aimé n'a pu jouir de ces conditions idéales pour créer dans l'attente son image rêvée. Déjà, l'inquiétude est là, lancinante, de savoir que ce merveilleux commencement peut un jour s'achever. Par moments il n'y a rien d'autre à dire, que s'arreter et chantonner le début de l'A. Les sensations brûlantes deviennent des souvenirs aussitôt. D'un continent l'autre les mots baisent beaucoup, trés joyeusement, empressés, d'un rythme enivrant. Les corps ne se touchent pas, bougent à peine. Sauf un court moment, au milieu, undressing/dressing des deux pour au milieu un baiser nu qui n'en finit jamais- en vrai une minute ou deux? Au present comme l'amour. Puis chacun renvoyé à la place et dans les habits de l'autre. Ce cantique des cantiques post- moderne et cru défile avec grâce et d'un souffle. Jamais appuyé. L'émotion est portée par les légères nuances, en texte et jeu, sans lesquelles le tout ne pourrait former qu'un exercice plat. C'est si gonflé de parler d'amour, si exposé au ridicule et pourtant si indispensable. Ici, on y croit, parceque c'est lui, parceque c'est elle, parceque c'est nous, c'est notre histoire à tous. Tout simplement, je crois.
C'était Le Début de l'A. , écrit et mis en scène par Pascal Rambert, avec Alexandre Pavloff et Audrey Bonnet,créé à la comédie Française.
Vu au Théatre2genevilliers, jusqu'au 5 octobre. Et, puisque l'amour ne connait pas de frontières, à nouveau au t2g du 15 au 19 octobre avec Yuri Ogino et Hideki Nagai, en japonais et surtitres français.
Photos par Cosimo Mirco Magliocca, avec l'aimable autorisation du théâtre de Genevilliers
P.s. : le théatre2genevilliers est un lieu calme et accueillant, avec plein d'ordinateurs en libre service, qui font jouer de la musique à un pleyel dans une pièce à coté quand on touche le clavier.
...ce n'est pas parce qu'ils étaient mauvais, c'est parce que quelques blocages s'y sont opposés, et qu'il nous fallait garder aussi un peu de temps pour gagner de l'argent, réver, aimer... Ces spectacles on les évoquera quand même, histoire de laisser derrière nous mourir tous les regrets.
L'Ecole des maris et le Malade Imaginaire de Molière, mis en scène par J.L. Jeener: parce que les mises en scène de Jeener sont d'une si parfaite humilité, qu'on chercherait en vain à raconter sans tomber dans l'explication de texte. Comme on suppose que tout le monde connaît les pièces... Et comme on ne surprendra personne en révélant que Philippe Desboeuf est un parfait Argan... A voir au Théatre du Nord Ouest en alternance jusqu'à debut mars.
Shhhd'Abraham Gomez Rosales, adapté et mis en scène par Alexandre Blazy et Valentin Capron vu en juillet à Gare au théatre: parce qu'on était trop en manque de vacances pour réussir à écrire sur une proposition dont l'esthétique était assez éloignée de nos inclinaisons... mais c'était une proposition drôle et politiquement intéressante (et pourtant on ne parlait pas autant d'Edwige à l'époque). A voir actuellement à la Comedia
Omlett (trés librement) adapté d'Hamlet de Shakespeare et mis en scène par Maryline Klein,vu au même endroit. On en parlera pas plus pour des raisons éthiques: la caricature d'adversaires politiques sous la forme d'animaux, avec pour conséquense leur déshumanisation, est une dérive de type pré-fasciste (ou maoiste, c'est selon).
Rosaura de Brigitte Seth et Roser Montlo Guberna: qu'on a vu, revu (cette fois ci avec Artdanthé), et qu'on reverra tant qu'on pourra. En parler, ce serait l'enfermer, on ne peut pas.
Butonic de Yumi Fujitani, à Bertin Poirée, proposition en prise de risque d'une belle artiste en rupture de buto, mais que pour le coup on a eu du mal à suivre.
Bajo, feo y de madera de Luis Basiotto vu en juin à 100 dessus dessous: parce que la proposition, pas inintéressante, s'est trouvée malheureusement eclipsée dans notre espace mental un peu limité, par les créations plus polémisantes d'Allio-Weber et Miet Warlopvues durant la même soirée.
Le Sacre du Printemps par Eddy Maalem... vu en juillet au parc de la Villette. Un rendez vous manqué de l'avoir trop attendu? On a entendu Stravinsky mais on a pas vu l'Afrique... A revoir, une autre année sans doute.
Printemps futile dansé en février par Moeno Wakamatsu à la fond'action Boris Vian: parce qu'on avait deja écrit 7 notes à propos des performances de Moeno, et que Jerôme était plus frais sur ce beau sujet. Moeno danse les 17 et 18 octobre prochain au même endroit.