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Breve - Page 19

  • Sous l'hommage

    Et si les personnages de Jérôme Bosch s'animaient sous nos yeux ? promet la feuille de salle. Rien ne se passe évidemment comme cela: je reçois des sensations plus subtiles au défi d'un plateau nu, loin du foisonnement pictural, je reçois fasciné des suggestions. Maxence Rey me fait penser le lien qui se récrée entre nous et le peintre d'il y a 600 ans. Comment combler cette distance, des croyances du moyen age de Bosch aux nôtres? Quelles peurs et quelles fascinations animent chez nous ces artistes, celui d'hier et celle d'aujourd'hui? La monstruosité, la perte de l'humanité? La danse de Maxence Rey est trop pensée pour tomber dans le piège de l’imitation. La danseuse se fait batracienne oui, mais à peine, puis après papillon. Des clins d’œils, mais il y a plus à voir qu'un défilé de formes: elle évoque plutôt en dedans, par touches, par légères déformations. Ose soudain un rapport intense avec cette lumière qui tombe du ciel pour l'écraser, tandis que sous les tréteaux, dans les les ténèbres grouillent des homoncules. La chorégraphe s'approprie l'hommage pour poursuivre- je crois- un projet sous jacent à ses pièces précédentes- les bois de l'ombre et Sous ma peau- le surgissement inattendu de l'étrange et du grotesque, de l'inquiétant.

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    Curiosities de Maxence Rey, vu le 7 novembre au Avis de Turbulence du théâtre de l'étoile du nord , programmé jusqu'au samedi 8 novembre.

     Guy 

    photo de Ben Nienhuis avec l'aimable autorisation de la compagnie

  • L'amour n'a pas d'âge

    Ondine, de Jean Giraudoux, est cette année une vieille dame de 75 ans. Qui n'est pourtant pas censée vieillir au de de ses 15 ans, il est bien temps de lui rendre l'âge du rôle, sa candeur et ses longs cheveux blonds en prime. C'est fait, et bien fait, avec les Enfants Terribles- et vrais ados- mis en scène par Numa Sadoul. La naïade émerge de ce bain de jouvence en grande forme, en pleine innocence. L'amour, le grand amour, est dans les jeunes cœurs donc possible, et dans ce monde forcement impossible. Le ton de la tragédie est pourtant ici évité au profit de la légèreté. Ainsi le jeu exaspère les ridicules et hypocrisies de la Cour à force de masques et de burlesque. Bien joué pour rafraîchir ce que la pièce pourrait avoir de surannée dans ce contexte médiéval. Et souligner son intemporalité et son actualité: les rapports ingrats et immatures de la société avec la nature qui la nourrit et l'abreuve.
     
    Ondine de Jean Giraudoux mis en scène par Numa Sadoul, vu au Théâtre de Ménilmontant le 1 novembre.
     
    Guy

  • Sauvages

    Jeudi est à nouveau joué jeudi prochain à Micadanse dans le cadre du festival ZOA (du 4 au 10 octobre, aussi avec Eva Klimackova, Mohamed El Khatib, Malika Djardi Muriel Bourdeau). Voici ce que j'écrivais le 24 mai dernier à la création de la pièce.

    Corps juste de glaise, elles s’étreignent. Entre ces deux pas même l’espace pour glisser une hésitation, ni la plus mince des réserves. Des déesses instantanées. J’ai rarement vu sur scène des corps si proches, en leur harmonie, comme avant toute différentiation sexuelle. Jumelles, elles se découvrent par gestes ou se confortent, intenses et apaisées pourtant. Car innocentes? Dès lors tout semble libre, beau et possible. Exit les Juliettes de la version de travail vue au Génrateur, et bienvenue les Eves de bien avant, ici surtout sans serpent. Le propos est épuré, la danse resserrée et généreuse, et il ne s’agit pas ici d’une leçon de philosophie, juste un cadeau, pour rêver. A l’assaut d’un portique- comme un clin d’œil ironique à un certain monolithe- elles s’y hissent et s’envolent comme des anges couverts de poussière et de boue. Peut-être nos corps sont-ils ainsi, espiègles affamés et curieux de tout, avant un jour de s’alourdir, avant de tomber.

    KATALIN PATKAÏ - JEUDI from Rencontres chorégraphiques on Vimeo.

    Jeudi de Katalin Patkaï avec la collaboration d'Ugo Dehaes, dansé par Katalin Patkaï et Justine Bernachon, le 18 mai à la Parole Errante dans le cadre des Rencontres chorégraphiques internationales de Seine saint Denis.

    Guy

    lire aussi: Roméo et Juliette

  • Médusé

    Etna... S’agirait-il d’un volcan, qui couverait sous la cendre? Pas d’explosion. Mais une tension. La danseuse dessine à pas lents son chemin, marche dans un rêve, marche sur des œufs - le sol pourrait bien être aussi brulant que les pensées. C’est justement qu’elle est nue, là, vue, presque immobile que tout peut commencer à s’effacer, à devenir impossible, sous des lumières troubles une énigme. D’une pièce à l’autre dénudée, Camille Mutel ne laisse jamais planer deux fois le même mystère. La chair ici ne pourrait être palpable, réelle, mais serait abstraite et sublimée comme une image pâle: figure d’androgyne, corps frêle, minceur fragile, sexe stylisé. Un ensemble de purs signes, que des images vidéo viennent contredire avec une couche de masculinité. Peu de mouvements, somnambules, comme pour nous perdre. Elle tend vers l’asymptote, à force de s’exposer emmène le regard jusqu’à sa périphérie, qu’il y glisse, y laisse en suspens toute son intacte intensité.

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    Etna de Camille Mutel , vu le 26 septembre aux plateaux de du cdc du val de marne.

    Guy

    photo par Anne Violane Tisserand avec l'aimable autorisation de la compagnie.

    Etna ! (teaser) from Compagnie Li (luo) on Vimeo.

  • Epuisé

    Il est encore, maintenant, question d’épuisement, dans ce que  je vois et ressens, l'évocation de nos corps fatigués. Ceux des danseurs se forcent jusqu'aux limites en un marathon de près d’une heure. Un double face à face dénudé, à une cadence soutenue sans s’autoriser de ruptures. Les deux couples vont jusqu’au bout de l’épuisement des postures. Tout est passé en revue. Sans imposer d’emblée de gravité, les premiers échanges se balancent  ludiques, mutins, avec des évocations de danses de salon, et le catalogue entier déroulé à l’absurde des positions amoureuses, jusqu’à littéralement prendre son pied. Rien de très nouveau, c’est vrai dans ce parti pris, mais quelque chose qui se révèle à force dans le rythme continu des corps nus, obligés de déjouer en fin de course la fatigue par de brèves accélérations et ralentissements. Encore. Pourquoi à ce prix continuer ? A-t-on le choix? Si on perçoit au commencement plus de mouvement que de texture, l’épreuve sculpte en fin de courses les corps en sueurs. Ma lassitude est complice.  

    Guy

    Hodworks d’Adrienne Hod , le 26 septembre à la Maison des Arts de Créteil dans le cadre des présentations professionnelles des Plateaux du CDC du Val de Marne.

    Guy

  • Egaré

    Les mots se cherchent et créent l’hésitation, l’espace, la respiration. Dans cet espace flou chacun trouve sa place, se glisse dans le labyrinthe. Le minotaure y joue à cache- cache de salle en salle. Chaque fois la pièce y gagne en surprises et densité. Cet espace imaginaire se matérialise spectaculairement: une grande bâche gonflée d’air où errent les performeurs. Viviana Moin est un guide cocasse et poétique qui aime nous y égarer. Chemin faisant, en recherche d'identité, on retrouve dedans tant de plaisirs. Des morceaux de mythologies qui nous sont communes, suggérées à l’économie, par allusions, par touches incongrues: comme une banane tient lieu en guise de cornes de taureau. Des appels sans réponses, des chansons improbables et des danses inattendues. Toujours généreuses. Comme le piano (à la Christo), c’est emballé.   

    C’était Minotaure 75 de Viviana Moin avec Viviana Moin, Samuel Buckman et Pierre Courcelle au théâtre de Vanves avec le festival Jerk Off

  • Contes pour demain soir

    Any-ko ? Maahh… Il y a bien des morales à tirer de l’histoire du baobab généreux. Quand on sera grand. Pour l'instant nous sommes des enfants yeux grands ouverts et bouche bée autour d’un feu virtuel, quelques contes avant le sommeil. L’Afrique rêvée s’évade hors des siècles et des frontières, avec les habits, les couleurs et les voix de là-bas, force concentrée dans le corps du conteur pour une heure ce soir dans une cave parisienne, mes oreilles qui voyagent dans le New York des années 60, lorsque les envolées à la flute pastorale de Bobo Guinee soutenues par le dozo n'goni et le chant de Fouma Traoré me renvoient aux échanges entre Eric Dolphy et MacCoy Tyner. Il était une fois les animaux qui parlent, les démons et les princesses, aujourd’hui dictateurs et taxis à moteurs, tout est hors du temps, mais avec une histoire, une raison à révéler, pour qui accepte d’écouter, être charmant, et encourager Fouma le conteur. Il transmet. Puis là où il a pris le conte, il le repose.

     

    conte,fouma traoré

    Contes du Burkina Faso, et chants, de Fouma Traoré, avec Bobo Guinee le 17 juillet au restaurant Waly Fay, en soutien du festival Bobo-Dioulasso.

    http://www.kisskissbankbank.com/festival-soleil-des-enfants

    Guy

    Merci à Perrine pour le Baobab

  • Premier degré

    Orson Welles a écrit qu’il  préférer voir des pièces de théâtre interprétées dans des langues qu’il ne comprenait pas : il pouvait ainsi mieux apprécier le jeu des acteurs.  Ainsi ce soir Waterproof n’a ni queue ni tête.  Tant mieux, j’en suis d’autant plus libre. Les faits: il s’agit sur un mode plutôt badin, peut-être opportun, d’un anniversaire (celui des 5 ans du lieu ?). Trois candidats s’activent (mais pour quoi ?) : chants, poésie, récits décalés,  un tir de barrage de loufoquerie et d’indétermination. Je pense à aux nombreux appelés et aux peu d’élus dans cette voie, je pense à l'actualité mais je ne pense pas vouloir interpréter plus avant par là. L’arbitre lâche des diagnostics en forme de non-sens, ouvre des crevasses, mais je ne veux pas réfléchir à l’incommunicabilité. C’est drôle et je veux juste gouter un peu de légèreté.   

    Waterproof du collectif Hubris mis en scène par Raouf Raïs, vu à la Loge le 3 juillet 2014, dans le cadre du Summer of loge jusqu’au 19 juillet.

    Le festival continue du 15 au 7 juillet avec Sophie de Christine Armanger et Les Cahiers du Connemara de Laurent Bazin.

  • A la folie

    Au premier plan de cette performance collective surgit la folie qui traverse le corps de Céline Angèle. J’emploie le mot folie, car résonnent aussi en moi des images vues il y a peu à l’occasion de l‘exposition (1) consacrée au professeur Charcot (1825-1863), père de la neurologie et de la psychiatrie. Images documentaires de ses patient(e)s hystériques, œuvres plastiques contemporaines d’Ernest Pignon Ernest consacrées aux extases des mystiques. J’y vois plus que les similitudes-voulues ou non- dans les gestes et postures: corps qui s’arcboutent, tensions, convulsions, fulgurances, contractures… Ce qui s’offre à voir, ici, et là, c’est l’instant où le masque de la normalité se déchire, lorsqu’apparait l’irrépressible, l’irréprimé, l’invisible, ce qui ébranle toutes les convenances. Cet instant est court, fragile, important, comme un indispensable accident. Un instant que je recherche toujours à voir sur la scène. Et qui me permet ce soir de mesurer ce que doit au butoh le développement de ma propre sensibilité de spectateur.

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    Ombres internes mis en scène par Jean Daniel Fricker, vu à l’espace culturel Bertin Poiré le 6 juin dans le cadre du festival Butoh

    Guy

    (1)Charcot, une vie avec l’image du 14 mai au 9 juillet 2014
    Église Saint-Louis, Pitié-Salpêtrière, 83, bd de l’hôpital, 75013 Paris

  • Outrage au lecteur

    Vous ne lirez pas ici de critique de la pièce Outrage au public. Ni même d’avis, de note, de résumé, d’analyse, d’évocation, de ressenti… D’ailleurs pour quelle raison lisez-vous cette entrée du blog?  Par habitude, par hasard, en recherche de pièces à voir, en raison d’un intérêt particulier pour l’auteur, le metteur en scène, le lieu? Ou êtes-vous le compagnon d’une des actrices? Même l’une des actrices? Peut-être avez-vous déjà vu la pièce à la Loge. Désirez-vous alors être conforté dans vos impressions, ou voulez-vous les confronter, les remettre en question? Recherchez-vous ici des significations que vous ne seriez pas parvenu sur le moment à comprendre, sinon à construire? Recherchez-vous dans le doute, quelque permission de juger dans un sens ou dans un autre? Ou des stimuli pour tenter de revivre certaines sensations vécues durant la représentation? Si vous n’avez pas vu la pièce, il vous est cependant difficile d’ignorer qu’elle ne s’appuie sur aucune narration, mais qu'elle repose sur un texte en forme d’interrogation sur la forme théâtrale et sur la relation, peut-être intense, qui va s’établir entre vous et les interprètes. Mais ces informations ne peuvent vous permettre de vous faire une idée de la forme de cette performance, de sa consistance, de la manière dont elle va vous provoquer, avec quels effets. Ces lignes lues, vous restez donc avec toute la liberté, l’entière responsabilité, d’aller voir la pièce à la Loge, et de vivre cette expérience en toute indépendance.

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    Outrage au public, de Peter Handke, mis e scène par Joachim Salinger, vu à la Loge le 29 mai. Représenté du 3 au 6 juin.

    Guy