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Breve - Page 17

  • Guerre et Amour

    Les spectateurs sont mis en condition, désorientés dès l’entrée, sans place assignée, appelés à une certaine participation… mais juste pour un temps avant de rentrer dans les rangs, là où parfois les acteurs feront irruption. En l’espèce le désordre créatif n’est que relatif. Ainsi de la remise en jeu du texte d’Heinrich von Kleist ? Comment écouter la voix de ce romantique allemand- une langue exaltée- et les charges furieuses de ses amazones revisitées au prisme de luttes féministes plus contemporaines? Du processus que l’on devine collectif accouche de la tension à défaut d'unité, avec des frictions créatrices, du corps et du rythme, de la nervosité. Un entre-deux à l’instar du dilemme post féministe de la reine Penthésilée, déchirée entre sa passion pour Achille- que souligne avec ironie des violons mélo hollywoodiens- et ses engagements (dans cette lecture) politiques. Tant mieux, de quoi se laisser emporter dans cette contradiction sans la résoudre, dans un champ de bataille indéterminé dessiné par une scénographie fébrile. Ça foisonne. Essais et erreurs: des morceaux de papiers collés sur la peau nue de Penthesilée, certain se greffent, d’autres tombent. Les considérations glaçantes sur la guérilla et la violence politique, je n’achète pas. Je préfère faire l’amour que la guerre. Méditer au rôle de la femme dans le monde de demain, des amazones à Mad Max 2015.

     Le Projet Penthesilée d’après Heinrich von Kleist mis en scène par Catherine Boscowitz vu le 15 mai au théâtre des quartiers d'Ivry. Jusqu'au 31 mai.

    Guy

  • Héros et monument

    La République peine à rassembler autour de ses valeurs et symboles-si ce n’est le temps d’un défilé. Cette cathédrale laïque, église puis Panthéon, est froide et imposante. On s’y sent petit, les danseurs s’installent modestes, d‘abord tête baissée en un hommage ou une prière. Rapport d’échelle, rapport de force incertain entre le monumental et l’humain, attente d’un dialogue entre le figé et le vivant, entre la pierre et la chair. Ils s’animent. 9 jeunes gens d’aujourd’hui-un peu de France ici- à danser ensemble, du moins tous rassemblés. Ils cohabitent en mouvements dans le même espace délimité au sol, un petit carré, si étriqué par rapport aux dimensions du lieu. Au bord sans cesse de se bousculer, ils débordent d'un vocabulaire moderne, urbain et urgent, affirment l’expression de personnalités qu’une même musique exalte. Au-delà de toutes leurs énergies, je guette les instants où les regards vont se croiser, les corps se frôler, s‘accepter,  s’encourager et échanger, où le collectif va se former. La porte s’ouvre, le moment vient.

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    Heroes, Prélude de Radhouane El Meddeb , vu au Panthéon le 15 avril dans le cadre de Monument en mouvement.

    le 27 mai prochain entreront au Panthéon 4 héros de la résistance: Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle Anthonioz, Germaine Tillion et Jean Zay

  • Ceci n'est pas un cirque

    Mais qu'est ce qui les lie donc, ces numéros de cabaret? Pas tant le boniment que l'électricité justement, l'énergie relancée par le groupe résident TNT, nerveux et punkisant, un sentiment d'hors du temps, l'ambiance déglinguée. Kader Diop bondit de Dakkar, Lalla Morte joue avec les sens et Antoine Delon joue avec  le feu, Justine Bernachon  emmène Lily Marlène en altitude, Laurent Friaioli fait voler les diabolos, et Yannick Garbolino réfute la pesanteur. Ce ne sont pas des numéros. Tous singuliers mais dans une même urgence qui m'emporte: plus que la prouesse ou le danger, s'expose la volonté d'ainsi survivre, d'exister avec nous malgré la morosité ambiante, une idée de la liberté. Le jongleur peut se planter, mais encouragé, il peut rebondir. J'applaudis le chant de Maria Fernanda de Caracas, et conspue le gouvernement du Venezula, où Amnesty International  dénonce torture et meurtres politiques.

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    le Cabaret Electrique , vu le 27 mars au cirque électrique.

    Guy

     http://www.amnesty.fr/Nos-campagnes/Crises-et-conflits-armes/Actualites/Un-apres-les-manifestations-au-Venezuela-les-victimes-attendent-justice-14635

    Photo Hervé Photograff avec l'aimable autorisation du cirque électrique.

     

  • Ondine décoiffée

    Trois coups et rideau qui se lève: la troupe se joue dès l’attaque des conventions du théâtre. Les acteurs forcent narquois sur l’emphase du phrasé à la Jouvet, sur les bruitages à vue dans ce 1er acte fait d’orage, de coup de foudre, de surnaturel et de l’érotisme des ondin(e)s à poils. Satire et hommage réconciliés, la langue de Giraudoux est rafraichie à grande eau et à coups d’audaces bien vues.  D’acte en acte, l’esthétique traverse les décennies et trompe fidèlement le texte pour mieux l’aimer, de la danse pop des sixties avec les spectateurs sur scène au mélodrame hollywoodien, et jusqu’au plus contemporain. Mais Ondine reste une ici féerie, naïveté assumée, sa poésie brille d’autant mieux après ce traitement au papier de verre et à l’électricité. L’exubérance mise en œuvre et la multiplicité des perspectives offertes ne nuit pas à la lisibilité de l’ensemble. Tout au contraire la fable de l’Ondine primitive confrontée avec son chevalier Hans à la société s‘enrichit ici, de la rêverie amoureuse va vers une médiation sur notre acceptation de l’autre, de l’étranger, sur la tolérance.

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    Ondine (demontée) d’après Jean Giraudoux, mis en scène par Armel Roussel, vu au théâtre de Vanves le 17 mars dans le cadre du focus Vanves/ Les Tanneurs.

    ce samedi encore

    Guy

    lire aussi: Ondine mis en scène par Numa Sadoul

    photo de Nathalie Borlee avac l’aimable autorisation d'artdanthé

  • The power of love

    Ce 8 mars c’est la journée de la femme, mais dans la pièce une journée particulière pour Sylvia enlevée par le Prince qui-coup de foudre- a jeté son dévolu sur elle. Un obstacle subsiste: Sylvia et Arlequin sont amoureux-enfin ils le croient tous deux. Une chose est sure: ils sont du même milieu. Tous-serviteurs et courtisans- complotent pour séparer Arlequin et Sylvia. Autour de ce canevas, toute la pièce danse sur le fil entre l’amour et le raisonnement. La langue est délicieuse, les sentiments cruels, la mise en scène respectueuse, le jeu équilibré. Ce qui me charme d’un côté, et me prépare à une lecture politique de la pièce.

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    Dans ce décor rouge cœur et velours, mais clos comme une cellule de prison vip, Flaminia mandaté par le Prince intrigue pour séduire Arlequin et détourner de lui Sylvia. Les premières tentatives de corruption sur Arlequin pour l"amadouer ont tourné court. Le prince de Marivaux non seulement ne veut pas user de violence, mais-avec un temps d’avance sur le Big Brother de Georges Orwell- veut être aimé. Et je dirais autant par Arlequin que par Sylvia. L’exercice du pouvoir passe donc ici par la séduction et la manipulation, les jeux de l’amour deviennent jeux de pouvoir, avec la même précision mathématique, étourdissants de virtuosité. Arlequin armé de son bon sens paysan se rebelle contre le carcan de conventions et les jeux de langage avec lesquels on veut le contrôler. Il marque même des points dans un brillant duel oratoire avec le Prince qui lui demande de céder sa place d’amoureux, en rappelant à celui-ci ses devoirs envers ses sujets. La stratégie du faible au fort. C’est Flaminia qui l’emporte sur lui, mais la jolie surprise est de comprendre celle-ci subtilement prise à son jeu. L’intrigante s’avoue dans ce jeu amoureux avec Arlequin autant vaincue que victorieuse. Merci de faire briller ces instants de sensibilité, sans occulter la richesse psychologique, et politique de la pièce.

    La Double Inconstance de Marivaux, mise en scène par René Loyon, vu le 8 mars à l’Atalante. Jusqu’au 29 mars.

    Guy

    Photo de Laurencine Lot avec l'aimable autorisation de la compagnie

  • Soldé

    Le théâtre à force de prétendre accomplir sa révolution en revient parfois à son point de départ, chargé de procédés et effets. La représentation du deuil est prétexte à dérision pour provoquer des rires mécaniques, suivi de chansons en chœurs pour jouer aussi sur l’émotion, la moindre action commentée pour verrouiller toute interprétation, des éclats et des pleurs peuvent passer pour de l’intensité, la platitude pour de la clarté, des pas pour de la danse, la mise en scène des conflits pour une réflexion politique, l’évocation de la pédophilie pour de l’audace, l’usage alterné de l’anglais et du français pour de l’internationalisme, l’accumulation visuelle pour de la densité, les vessies pour des lanternes, et un peu de neige prétend à toute la beauté de l’hiver. La mélodie du bonheur en amateur.

    Place du marché 76 mis en scène par Jan Lauwers, vu au théâtre de Genevilliers le 3 mars

    Guy

  • Mer agitée

    La Grèce se cherche aujourd’hui, Ulysse erre dans nos têtes vers Ithaque depuis des millénaires. Et l’Odyssée est ici aussi celle d’une compagnie qui monte coute que coute sa pièce en période de vaches maigres. Et-l’économie ne fait pas tout- y parvient malgré angoisses et égos. Les personnages attendus : Ulysse, Circé, Hermès, les marins transformés en cochons… sont rejoints par un protagoniste d’actualité:"la crise économique", qui veille aux restrictions budgétaires. C’est drôle quand même, bien enlevé, et qui plus est démocratique: les dix rôles sont tirés au sort entre les 10 acteurs. Ce soir main innocente, je me charge personnellement de leur passer le chapeau pour qu’ils y prennent les petits papiers. Je peux témoigner qu’il n’y a pas de trucage, et plus important que tous ensuite se donnent à fond dans leur personnage.  Contre vents et marées, le théâtre passe.

    Quant au Théâtre La Loge, dédiée à la jeune création, il peine a trouver son équilibre financier en période basse de subventions et lance un appel à contributions ici. 

    Circé, écrit et mis en scène par Natalie Beder vu à la Loge le 20 février.

    Guy

  • Inquiète

    D’abord elle chute, propulsée dans un espace sans dessus-dessous. Dans un monde d’après fait de vide inhospitalier, ruines qui lui inspirent ces fuites de bête traquée. Dans ce No man’s land survivent des brides de souvenirs: robe à fleurs et chaises renversées. J’imagine qu’elle s’y raccroche, y puise de l’énergie pour lutter et exister encore, par mouvements d’allers retour contrariés, où elle semble ramenée à son point de départ par d’invisibles fils. Soudain elle parle, sa voix reste sur le fil. Elle se perd yeux fermées, tombe et persiste à tomber. Le propos ici est grave, les mouvements forts et sans retenue. Je suis sensible à cette criante inquiétude. Parfois je la quitte pourtant-Il y a peut-être trop ici, encore à décanter, et il me faut accepter le sens du drame. Mais elle ose et offre l’intensité. Me fait apercevoir ces fragments d’absence qui surgissent, ces failles. Elle partage la recherche de l’invisible-sur scène il y a un angle mort, un trou noir- elle parait toujours au bord de s’y effacer, où de se fondre contre le mur, puis revenir avec une si forte présence. Elle réussit à mettre en scène l’impossibilité. Il y a-t-il de l’espoir ?

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    Ruines de Tatiana Julien et Marine de Missolz dansé par Tatania Julien, vu le 7 février à l’atelier de Paris Carolyn Carlson avec Faits d’hiver.

    Guy

    photo de Nina Flore Hernandez avec l'aimable autorisation du festival faits d'hiver

    lire aussi: la mort et l'extase

  • Fée Electricité

    Bloody Marie avait déjà la voix: elle vient de trouver un complice à 6 cordes de métal un son à l'unisson, qui colore de blues ses textes, les agite d’électricité. Il y est question d’amour beaucoup, voire de passion, même de sexe un peu, avant tout de liberté. Les chansons ouvrent l’espace pour respirer dans le décor du quotidien, quitte à le déchirer. La mythologie est rock ‘n roll, et le chant comédie, les personnages de Marie aiment, souffrent et luttent, rendent coup pour coup, mais savent s’abandonner garde baissée. L’insolence est là, d’éternelle ado et l’envie d’en découdre, la confiance vient peu à peu pour se lâcher, long live Bloody Marie.

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    Concert de Marie Delmarès (Chant et textes) et Mehdi Sfaxi (Guitare électrique, lap-steel, grosse caisse, chant) vus et entendus au Chat Noir le 8 février.

    Guy

    photo avec l'aimable autorisation de Marie Delmares

  • Osez le boulevard

    « T’as vu c’est un triomphe! » « Oui, mais la pièce n’était pas censée faire rire… «  jugent deux voisins inconnus. Si cela était vrai, ce serait dommage. On regretterait que cette entreprise théâtrale se borne à révéler froidement les mécanismes du genre, ou se contente de divertir.  La force de Ciel mon placard est de fonctionner excellemment à ces différents degrés.

    La pièce suit la pente naturelle du théâtre de boulevard, qui souvent tend vers sa propre caricature par la recherche frénétique des effets, mais Nicole Genovese l’emmène plus loin encore.  Et franchit les limites de ce genre où il n’est finalement question que des normes de l’économie de la libido, de dérèglements, et au final de retour à l’ordre. Dans l’intérêt suprême de la famille, l’inévitable adultère doit rester sous contrôle. Maitresses et amants retourneront in fine dans le placard. Les mensonges et quiproquo s’enchaineront certes  crescendo, avant de résoudre in extremis en pirouettes improbables jusqu’au retour à la normale. Mais ici point. Pour commencer il y a deux papas, la femme clame ses infidélités et n’hésitera pas pourtant à trucider belle maman pour s’assurer un alibi mondain. Tout est à l’avenant (et hilarant). Ne reste que le mensonge sans enjeux. Mireille la bonne- une ennemie de classe dans un théâtre bourgeois ? - est le seul des personnages à dire la vérité, elle doit être exécutée. Dans le final les masques de maitres libidineux, policier demeuré, majordome dépassé, gamine délurée (et cantatrice finlandaise) tombent sur le vide. Pas de résolution. Il y a quelque chose délicieusement subversif à se vautrer intelligemment dans ce genre à contre-courant de l’intellectualisme, traité ici avec un amour évident mais avec encore plus de perversité. Le travail poétique effectué ici sur le langage permet de mettre à nu les clichés et implicites, à coup d’images absurdes et de belles audace. La mise en scène, avec robes criardes et décors délavés- c’était pas mieux avant !- évite l'hystérie et s'appuie sur le non-sens comme cet acteur qui se repose contre un mur inexistant. Les procédés dévoilés fonctionnent avec bonheur à ce 3° degré.

    C’était Ciel ! mon placard, de Nicole Genovese mis en scène par Claude Vanessa, crée à La Loge, vu à la MPAA, programmé au Théâtre de Vanves le 22 mai 2015

    Guy