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Breve - Page 21

  • Le discours et la danse

    Présentations de "work in progress", ouvertures d’étapes de création, discussions en bord de scène avec les chorégraphes, créateurs lumière, musiciens et interprètes… Je ne sais pas ce qu’en retirent les artistes, mais j’y trouve mon compte en tant que spectateur. Pas tant que les échanges ne me réservent de grandes révélations, mais ils enrichissent mes premiers ressentis.  Ces expériences me confirment- avec toutes les réserves d’usage s’agissant de créations encore « fragiles »- qu’il n’est d’œuvres prometteuses qu’avec des idées fortes au départ, spécifiques et en urgence.

    Telle chorégraphe raconte avoir voulu montrer des corps (qu'"on oublierait dans notre société"), explorer des mouvements… Ambitions très générales, et je n’ai rien vu de plus dans l’extrait de sa création que ce que j’ai pu voir 10 fois par an auparavant, je reste sur l’impression d’avoir assisté à un cour de yoga avec des éclairages en plus.

    A l’inverse, Bleuène Madelaine creuse des intentions fermes. Elle travaille sur les figures de l’idiot, et du zombie, cite ses sources littéraires. Et avant qu’elle ne nous parle pour s’expliquer, j’avais été accroché par ses silly walks assymétriques, l’intensité de son regard et l’imprévisibilité de ses gestes, son humour discret, l’âpreté de son approche, à ce stade si rugueuse sans éclairage ni sons. J’avais été ému, avais vu les tentatives d’un corps inadapté pour s’imposer dans l’espace social. Création et commentaires sont raccords.

    Amorce (étape de travail) de Bleuène Madelaine , vu le 15 janvier dans le cadre des soirées Open Space programmées par Jean François Munier à l’Etoile du Nord.

    Guy

  • Elle nous brûle

    A ses pieds un fouillis de bande magnétiques ou de pellicule, matériau hautement inflammable, trop plein de mémoire et fils brisés, matière noire de rêves noyés. Le texte est orphelin (d’orpheline ?). Texte, sans auteur, s’il n’est improvisé hautement imprévisible, torrentiel,  irrépressible. Ce texte surgit sans préavis, s’enivre de coq à l’âne et d’associations libres, révèle névroses familiales et pulsions, sur l’inconscient, et le notre, le couvercle est arraché. L’actrice s’évade d’un nez de Cyrano, le corps se laisse posséder de tous ces personnages, s’enroule dans la pellicule, dessine de gestes une histoire plus de sens que de logique. Soudain le père surgit, la performance me déborde jamais vue, Marie Payen me sidère d’intelligence, de justesse et d’intensité.

    jEbRûLE de Marie Payen vu au théâtre de Vanves le 14 janvier.

    Guy

  • Marée Noire

    Nous les observons d’en haut, eux dans leur fosse, telles des espèces protégées. En maillots et serviettes, ils semblent plongés dans un sommeil mortifère, corps en villégiature écrasés de soleil. La vacuité en péril, instantané d’un quart d’heure avant l’éruption de Pompéi.  Soudain un grand bruit : la pluie noire tombe sans préavis. Au loin une fanfare joue pour un enterrement. En bas pas d’issue. Ils tournent sous l’averse. On sent que rien ne sera comme avant. Deux hommes s’affrontent, les trajectoires sont contrariées, la place mesurée. Le noir contamine l’espace, sans retour. La matière permet de nouveaux dessins à même le sol blanc et des rituels  autour d’un corps inanimé. Les gestes deviennent écriture, en de belles variations, qui ne laissent que peu d’espoir.

     

    Black Out de Philippe Saire vu le 6 décembre 2013 au Théâtre National de Chaillot

    Guy

  • Triangle d'amoureuses

    On n’écrira jamais assez de pièces pour tenter de comprendre le cœur des femmes, le sujet est inépuisable, l’interrogation sans fin. Si trois personnages féminins prennent ce soir la parole pour évoquer la mémoire du poète – leur amant commun- celui-ci ne prend jamais chair,. C’est d’elles-mêmes dont elles parlent, leurs désirs qui s’explorent. Et cela, en tant que spectacle,  fonctionne bien…Est –ce précisément par ce qui est évité ? Amener des surprises à chaque scène, en évitant effets et excès. Faire exister ces trois femmes, mais sans caricaturer. Exprimer par le texte un lyrisme en demi -teinte mais laissant les cœurs rester aussi mystérieux que les pages blanches du testament du poète. C’est bien ainsi.

    Incroyable, irraisonné, impossible baiser de et m.e.s par Florian Pautasso, à la Loge jusqu’au 20 décembre  

    Guy

  • Viscéral

    Heure de la sieste, heure de digérer. Manque de sommeil. C’est dur d’émerger. Sur scène une étrange forme, matière molle, sans limites, envahissante. Comme un cocon qui pèse, un tube digestif textile. De dedans, la vie l’agite, grouille, informulée. Le son poisse, angoisse. Malaise viscéral. Dans la salle deux enfants pleurent. Sur scène, de la masse une main émerge, le corps suit. Libéré ou expulsé. La chenille vomie hors du cocon. Elle s’agite, née trop tôt dénudée. Vacille, par petits soubresauts qui sur la chair font des vagues. Vulnérable, elle cherche sa place. Elle danse malgré, de l’inconscient vers le révélé, me fascine. Je reste englué.

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    Last lost lust (extrait) de et avec Mathilde Monfreux, avec des scupltures d’Elizabeth Saint-Jalmes, vu aux journées Danse Dense au théâtre au fil de l’eau.

    Guy

    photo de Cyril Leclerc avec son aimable autorisation.

    last lost lust from carole on Vimeo.

  • Toujours ensemble

    Ensemble? Pas de siège pour le public dans cette salle, nous partageons l’espace de plain-pied avec les artistes, cherchons notre place avec eux. Les danseurs posent au sol une mer de plastique, l’agitent de vagues. Tempête. Je sens les coups de vent. Il n’y a plus rien qui tienne. Une femme s’y aventure, est ballotée d’une rive à l’autre, perd pied, ruisselle, lutte en vain, corps chahuté. La scène est violente, poignante, directe. Forte avec peu. La femme est nue, je pense au dénuement. Elle se noie, je pense aux migrants. Elle est rejetée par les autres des deux côtés, je pense à tous ceux qui ne trouvent pas de place. D’autres lui succèdent sur cet océan, les uns contre les autres, mais s’épuisent en courses et luttes intimes et fratricides, éperdues, sans raison. La dernière scène nous apaise, quand les danseurs nous font nous lever pour disposer partout dans la salle des ballons d’eau-nous redéfinissons ainsi l’espace avec eau. Puis ils rampent pour les éclater. Ils se regroupent, tribu de chair, nous autour d’eux. Le monde retrouve un peu de paix.

     

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    Pindorama de Lia Rodrigues, vu le 21 novembre au théâtre de la cité internationale avec le festival d’automne à Paris. Jusqu’au 26 novembre, puis au 104 du 28 au 30 novembre et à L’apostrophe le 3 décembre.

    Guy

    photo par sammi_landweer avec l'aimable autorisation du T.C.I.

    Sur le blog, à propos de Ce dont nous sommes fait.

    Et à propos de Pororoca

    Lire aussi Rosita Boisseau dans le Monde

  • Paysage théatral

    théatre de genevilliers,théâtre,philippe quesnes

    Sur ambiance de crépuscule, les artistes arrivent avec bagages en résidence au Swamp Club. No man’s land éloigné de tout, de la société. Bien accueillis, et sotto voce, ils semblent résignés à ne s’y étonner de rien, à en oublier ce qu’ils sont venus créer. De mystérieuses menaces rodent pourtant à l’extérieur (le monde réel ?): bruitages anxiogènes, plan d’urgence et tout le monde bien à l’abri dans le tunnel, dehors fumées couleur radioactivité. Tandis, tout le long, qu’un quatuor à corde commémore Schubert et Chostakovitch, tel l’orchestre du Titanic. S’il s’agit d’une métaphore de la situation des artistes, le constat est bien dépressif,  bien qu’égayé de dialogues réalistes et ahuris que l’on devine issus d’improvisations. C’est discrètement drôle, ouaté de brume, et désengagé, impeccablement esthétique en arrière fond, mais lent, lent… On dirait les Chiens de Navarre au ralenti, et surtout lorsque un comédien apparaît en costume de taupe géante. Le monde fume, bonne nuit.

    Swamp Club de Philippe Quesne au T2G- Théâtre de Gennevilliers, jusqu’au 17 novembre.

    Guy

    photo de  Martin Argyroglo avec l'aimable autorisation du T2G

  • Juliette et Juliette

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    Bulles à mâcher, bulles à claquer, pyjama rose et poses en douceurs, pas si loin l’enfance, mais bientôt le temps de se rencontrer. Elles s’évaluent nues, surprises et chairs à claquer, explorations en miroirs. Masculines, féminines, du portique tombent des choses molles, couleurs passées, des dessous où s’y glisser, s’y déguiser. Elles s’élèvent, flottent comme des bulles de savon, Juliette au balcon et Roméo réinventée, oiseaux moqueurs, cochons pendus et beautés détendues. Billie Holiday chante en prélude à une belle nuit d’automne, je digresse, et je régresse, je me régale lorsque Katalin Patkaï affine encore son ironie, son ton. Douce piquante, elle enchante.

     katalin patkai,danse,le générateur

    Etape de création de Roméo et Juliette (titre provisoire) de Katalin Patkaï et Ugo Dehaes avec Katalin Patkai et Justine Bernachon,vu au Générateur de Gentilly dans le 19 octobre dans le cadre du festival Frasq.

    Guy

    Photos (droits réservés) avec l'aimable autorisation de la compagnie.

  • Aveuglé

    A travers l’effraction de l’oubli, je la voyais émerger des origines, ce nu(e) muet la découvre futuriste, forme frêle projetée dans un avenir glacé. Avec la même intensité, la même etrangeté. Sa nudité m’aveugle, et les lumières qui explosent en flashs, déchirent l’obscur, bien plus vite que nos pensées et font fuir les épileptiques. Lentement des torsions l’étirent encore, impudique, le corps scanné d’un laser vert. Pour l’identifier, la cataloguer, la réduire ? Impossible bien sûr, l’insaisissable s’enfuit vers l’asymptote de la nudité.

     danse,camille mutel,etoile du nord

    Nu(e) muet de Camille Mutel, vu le 18 octobre au théatre de l’étoile du nord.

    Guy 

    Photo (droits réservés) avec l'aimable autorisation de la compagnie Li Luo

  • Une visite

    C’est une maison parmi tant d’autres, dans les rues désertes de Pantin la nuit. Une femme, prête pour la fête, nous invite à y rentrer. Nous sommes quinze, ou un peu plus, à explorer sans trop oser, comme des invités polis, de pièces en pièces, et rencontrer  les étranges habitantes, comme celle qui dans la cuisine en petite tenue goute sa soupe, ou celle qui danse sur le balcon. Dans le jardin, celle-ci en robe blanche de débutante, éclairée de guirlandes, lente, jette sur moi son dévolu, me dévore des yeux, s’approche, me tend le bras, je joue le jeu, nous partons. Dans le salon, doucement, ensemble nous dansons, je suis rentré dans ce rêve éveillé, sans savoir où je vais. Sous la fête, sous la musique, une impression de tragique. Que se passe-t-il dans la salle de bain ? Alors qu'au 1er étage, celle-là me donne à lire à haute voix quelques lignes de Peter Hanke. Pourquoi ? Mais tout autant pourquoi refuserais-je ? Je lis avec application, sans le temps de comprendre. Qu'entendent les autres? Ceci est une vraie maison, et elles y semblent chez elles, depuis longtemps, c’est faux évidemment, la fête continue sur un autre plan, nous sortons.

    Prêt(e) à d'Elsa Foucaud, Deborah Weber, Béatrice Aubazac, Julie Métatairie, quelque part à Pantin dans le cadre de la soirée Hors Lits région parisienne du 23 octobre.

     Guy