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Breve - Page 20

  • Medecine blues

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    Je suis le grand zombie, roi des zoulous, chante une fois encore Dr John ce soir, la voix éraillée qui revient d’on ne sait où, un crâne posé sur son piano, avec gris-gris et amulettes vaudous. Mais la magie noire ne dit pas tout de ses résurrections. Bien sûr,  l’homme a survécu à tout, aux excès et à l’héroïne, aux prisons de Louisiane où « la peau blanche mais l’âme d’un noir » il se lie à vie avec Charles Neville et ses frères, à la rixe qui le laisse blessé d’une balle dans l’index et incapable de tenir sa guitare quelques années. Jusqu’ à la série Treme, Le bon docteur soigne sa légende, mais il y a ici plus encore que l’enracinement dans le  folklore et la culture du bayou. Ce qui survit en lui et sous ses doigts, ce qui survit à Katrina,c’est tout l’héritage de la musique de Nouvelle Orléans, portet carrefour où bouillonnent toutes les musiques noires, du jazz donné pourtant pour mort depuis longtemps au funk, en passant par le doo-woop, le blues, le boogie-woogie, les rythmes d’Afrique et des Caraïbes, les syncopes des défilés… Tout cela concentré en un concert, c'est bien court, mais une efficace potion de jouvence au gout relevé, à savourer en dansant. Réincarnation du pianiste Professor Longhair autant que de Marie Laveau ou Coco Robicheau, le docteur doit en tout cas être possédé, à pouvoir prolonger jusqu’à l’immortalité ce break de piano de Such a Night, remède miraculeux pour nos bleus à l'âme et pour nos pieds parfois las. La belle relève, c’est la merveilleuse Sarah Morrow, découverte de Ray Charles, tromboniste explosive et directrice musicale de ce nouvel orchestre, qui raconte de belles histoires à chaque solo. Beaucoup de la magie et des remèdes musicaux du vieux docteur lui sont transmis pour perdurer.

    Dr John & the nite trippers en concert au Trianon le 29 mai 2014

    Guy

  • Question de valeurs

    C’est un lendemain d’élections, sans appétits, le monde sans dessus dessous, en panne de valeurs et de convictions. On peut au moins s’accrocher à un petit rien, à voir ce personnage incongru et burlesque, qui s’obstine à exister contre vents et marées depuis déjà des années. Sombre sautillante, personne ne l’attend, elle trotte où on ne l’attend pas, et surtout à côté. Sans fonction évidente, mode d’emploi égaré. Voire, ce soir elle descend les marches, sous les flashs tout sourire et tapis rouge. Le personnage s’est proclamé star, il suffisait d’y penser, il suffisait d’abord qu’elle y croie. Et nous aussi. Dès lors elle le vaut bien. Elle nous invite par gestes émerveillés à la rétrospective de ses œuvres, pour la voir à l’écran traverser des lieux sans les habiter. Reine du dérisoire et du dévalué, femme providentielle et dérisoire, son inutilité devient précieuse, on touche au vrai du vrai. Cette valeur n’a pas de prix, quand aujourd’hui le travail intellectuel-et pire artistique- se négocie au forfait, et que l’investissement dans sa réputation est un actif immatériel hors de portée. Elle vaut des tonnes d’humanité, digne comme ce baron, personnage récurrent des romans de Romain Gary. Il reste de petites raisons d’espérer.

    isabelle esposito

     

    La Star, rétrospective des ses œuvres en sa présence, d'Isabelle Esposito à Micadances, le 26 mai.

    Guy

     www.lastar.info

    lire aussi

    photo avec l'aimable autorisation de la compagnie.

  • Enfermées

    Le théâtre est le lieu obligé pour représenter les invisibles, dans les univers fermés, pour ainsi réparer. Je me souviens de quelques heures en maison d’arrêt, de ces sensations. Ces femmes ci, autant de ne plus voir au-delà des murs meurent de plus être vues du dehors, ni aimées. Le spectacle est forcément impudique. Par une mise en abime les détenues préparent un spectacle entre quatre vrais murs. Dès les premières scènes se joue la confusion entre les espaces, les différentes proximités: corps s’offrant à être aperçus, crus, par la fenêtre de la cellule, derrière les rideaux de la douche, évolutions en chorégraphie en mezzanine, et incursions de plein pied avec nous, à nous  entrainer. Pour quoi nous dire? Je ne prends pas tout dans ce texte, dans ce qu’il me semble s’autoriser d’infidélité dans le langage aux personnages. Je ne veux pas croire que la violence soit l’excès de l’amour. Je laisse de côté les thèses, la Passion, et le 11 septembre, mais reste la représentation si forte de cette violence omniprésente, la musique de Monk lancinante entre révolte et oppression, surtout je crois à ces 6 actrices superbes et généreuses, ces corps si fort, leurs soli si poignants pour exprimer la douleur d’être ici ou ailleurs, sans sensiblerie ni bons sentiments.

     

    Misterioso-119 , texte de Koffi Kwahulé et mise en scène de Laurence Renn Penel, Vu au théâtre de la Tempête le 14 mai. jusqu'au 8 juin.

    Guy

  • Prêtresse et pointes

    La salle est moderne et improbable: un temple protestant. M’y amène la curiosité face à un paradoxe apparent. Le manifeste de la chorégraphe est de faire la synthèse de la technique de danse classique et de rites chamaniques. Mais les deux mondes me sont tout autant inconnus. Pourquoi pas? Et pas déçu. J’oublie pour un temps le buto. Dépasser l’exotisme, les images du Tombeau hindou. Les gestes sont techniques mais à prendre au sérieux. La salle est froide mais s’y glissent des instants d’il y a longtemps, du Kazahstan. Malgré le boléro, quelque chose de nouveau. Qu’invoque-t-elle ? Louve ou guerrière, mes imaginaires se télescopent.

    Femmes sacrés de Dana Mussa au temple maison fraternelle le 25 avril

    Guy

     

  • Mayday Médée

    Ils reviennent parmi nous, Médée et Jason, leur vie sous de bas horizons, pensées embuées de mots automatiques, regards fixés sur les mirages d’un bonheur normalisé. Sur fond de carton-pâte, leurs yeux s’ouvrent sur des sourires figés, mais ils ne se regardent pas l’un autre. Où sont les enfants? Disparus dans le centre commercial, tout comme la carte bleue, et autres accessoires obligés. Les nouveaux Dieux qui se jouent de Médée sont consuméristes, post-psychanalytiques, sa rébellion trop sourde, noyée, elle erre. L’écriture de Catherine Rihoit, profuse et concise comme celle de Copi ou de Pinter, se saisit de la normalité pour en mettre à vif toute la folie glacée, l’horreur, l’absurdité. Donc on rit. Comme souvent, ce rire intelligent grince. Emporté par le jeu en crescendo de ces beaux actrices et acteurs, drôles et désespérés, par la noire mise en scène, assumée.

     

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    Médée fait ses courses écrit parCatherine Rihoit , et mis en scène par Laetitia Leterrier à la Comédie Nation

    Guy

    Photo d'Emmanuel Guillon avec l'aimable autorisation de la compagnie

  • Derrière la porte

    J’aime ces visites rêvées, odyssées dans ces rues de banlieue auxquelles on ne prêterait sinon jamais attention. Elles sont peuplées d’imaginaire, les maisons, ré enchantées. Les portes s’ouvrent, notre petite troupe rangée derrière le pavillon s’y engouffre, y découvre monstres et sirènes, d’étranges habitants. Ici une mante religieuse prête à dévorer les visiteurs refugiés au milieu du salon, là un couple d’esseulés qui parle sale par claviers interposés. Une autre demeure est habitée à tous les étages de Clocs, créatures sans queues ni têtes, rampantes, proliférantes et incontrôlées, qui forcent le contact sans prêter à communiquer. On en rit et on joue, quoique… Derrière un autre porche, trois femmes comme ensorcelées dans leur histoire de famille. Nous les regardons danser attablées sur le toit d’en face, à ne rien se céder, leurs ombres gigantesques projetées sur les murs au-delà d’un terrain vague comme des égos démesurés. Elles nous rejoignent dans la maison, scène idéale des conflits irrésolus, et nous jettent un sort pour nous entrainer dans leur jeu. Avec elles, avec les autres je danse, une fois encore.  

    C’était Mantodea de Sophie Blet, Elle aurait voulu… de Raphaëlle Bouvier et Maxime Potard, Cloc de Anaïs Lelièvre, Vibrations solidiennes de Soizic Muguet, dans des maisons de Saint-Ouen avec Hors Lits.

    Guy

    Lire aussi : hors lit à Montreuil et Hors lits à Pantin

  • Féline

    Née d’un chant, aux aguets (venue d’où ?), elle rôde. Elle tient l’espace d’une ligne à l’autre, glisse et fraie, et nous flaire, pas si farouche, en rencontres feutrées mais abruptes. Nous les spectateurs l’entourons sans l’emprisonner, tolérés. Sa sauvagerie affleure sous la peau: des os, des muscles, les mouvements ne semblent pas pensés.  Son corps ondule, son masque noir absorbe toute lumière, et humanité. Elle ne nous effraie plus mais fascine. Le récit est liquide, la musique ondule comme un décor de jungle, en  notes tenues, autour de son corps tendu. Au zoo de Vincennes, on ne reste pas plus que quelques minutes regarder tourner les grands fauves, mais il nous faut ce soir nous laisser aller. Ce soir importe plus le tableau que le geste, une invitation à redevenir premier.

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    Ciguë d’Eric Arnal Burtschy vu le 26 mars (et en répétition) au théâtre de Vanves avec le festival Artdanthé.

    Guy

    Photographie de Laurent Paillier avec l'aimable autorisation de la compagnie

     

  • Etude en rouge

    Qualité rare: la maitrise du temps, savoir le suspendre et le libérer, le tordre en ruban de Möbius, le faire revenir sur lui-même. La lenteur est un risque, récompensé. L’homme assis à sa table semble prisonnier d’une boucle, condamné à répéter les mêmes actes échoués, comme préludes à des drames. Les femmes s’accouchent et dansent, folles en blanc, disparaissent et reviennent.  Les personnages se croisent sur différents plans, en d’émouvantes intersections, à se voir peut-être, sans pouvoir se toucher. Qualité rare: la simplicité, en rouge et blanc, laine et tâche de ketchup, robes et marcels. Qualité rare : la densité, une grande force d’évocation pour laisser couver la violence du réel.

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    Innommable n°3 – On dit que les chats ont 7 vies de Bino Sauitzvy vu à la Loge. Jusqu'au 28 février.

    Guy

  • Gestes secs sur sol mouillé

    T.R.A.S.H., à dire vrai,  j’appréhendais. Ses chutes, ses chocs, encore… répétés au risque de la dispersion. J’appréhendais à tort. Le discours s’est renouvelé. Mais l‘âpreté demeure, une énergie utilisée avec intelligence, et qui sous mine le propos apparent, l’esthétique des gestes. Ce que les deux danseuses exécutent pourrait être un discours sur la féminité. Avec l’opposition entre la beauté et le grotesque souligné de perruque et traits de fards. Le violon tend des boucles dures et sèches, les deux interprètes récitent express et sans ciller le catalogue à l'unisson, du classique au foxtrot. Mais c’est pieds dans l’eau, elles y luttent, glissent et chutent. Sur terrain instable, la danse est en danger, ainsi les clichés. Elles en émergent, rebondissent de plus belle, portée par cette tension l’énergie fuse en sauts. La danse est en sursis, au bord du vide, la fête belle et triste.

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    We must be willing to let go de Kristen van Issum vu au Théâtre de Vanves dans le cadre d’ Artdanthé le 29 janvier.

    Guy

    lire aussi:

    Pork in Loop vu en 2007, déjà à Vanves

    To file for chapter 11 vu en 2008

    Photo de Lisa Klappe avec l'aimable autorisation de la compagnie

  • In vino veritas

    Autour de la table de famille, à chaque verre bu tombe un masque: cette création creuse le sillon des pièces de Brecht et de Largarce reprises par la même compagnie. La progression dramatique est vieille comme le théâtre, et d’une efficacité toujours redoutable. Années 90: une douzaine de personnage sont réunis pour le raout familial dans la maison de campagne: le grand père réactionnaire, le couple rescapé de mai 1968, la sœur un peu coincée, le voisin du cru, l’impossible pièce rapportée (chef d’entreprise)… La structure de la pièce apparait circulaire, cruelle et en spirale. Tous d’abord barricadés de conventions et d’enthousiasmes forcés,  mais peu à peu les résistances s’émoussent, à chaque tournée au jeu de la vérité les personnages rendent un peu plus les armes. Ils ont le vin mauvais. Et le rire jaune. Par petites touches reviennent au jour les espoirs déçus, les grandes et petites lâchetés, le grand soir au Chili qui fit long feu et le triste retour, les blessures familiales jamais refermées. Ne restent de ces passés en puzzle qu’amertumes, détestations et nouveaux préjugés, à présent la consolation de bien modestes utopies rurales. Que lèguent-ils d’espoirs à leurs héritiers en rase campagne? C’est la cohésion chorale des acteurs dans cette création collective qui m’épate, l’appropriation et création de chacun des personnages, assez typés pour tous trouver leur place, assez profonds pour ne pas se laisser épuiser. Qui nous posent cette question: par nos actes quelles valeurs laisse-t-on?

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    Nous sommes seuls maintenant, création collective de la compagnie In Vitro mise en scène par Julie Deliquet, vu au théâtre de Vanves le 3 février

    Guy