Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Breve - Page 16

  • Belle déprime

    Cette pièce n’est-elle pas très noire-ou est-ce moi-même qui suis déprimé ? Ce soir, plongée tout droit dans le sujet désabusé de la perte d’intérêt pour le travail, avec par le plus grand des hasards le cas d’un chorégraphe démotivé. Son entêtement à rater mieux. Mais si l’humour est la politesse du désespoir, l’art du décalage est ce qui sublime la pièce d’Aude Lachaise. Brouillage des frontières pour une proposition étiquetée danse où l’on n’arrête pas de parler, intrusion du modern jazz dans le genre contemporain, quasi-synchronisation entre les voix des uns et les corps des autres, dérapage contrôlé d’un récitatif d’une précision chirurgicale en une comédie musicale métaphysique et exubérante. C’est délicieux. L’understatement joue à cache-cache avec l’affect, l’angoisse s’évacue en danse jusqu’à l’épuisement des corps, avec de belles surprises visuelles. La déprime adulte dérive en de savoureux moments de régression infantile. Bien heureusement : Aude Lachaise pratique un art d’une insoutenable légèreté.

    danse,plateaux,aude lachaise,atelier carolyn carlson

    En souvenir de l’indien d’Aude Lachaise , vu le 24 septembre 2015 à l’Atelier de Paris Carolyn Carlson dans le cadre des Plateaux.

    Guy

    Photo par Sarah Oyserman avec l'aimable autorisation de la compagnie.

    lire aussi Marlon

  • Touchés

    Du peu nait l’attention, du presque rien. Juste cette femme, tasse et soucoupe à la main. Un mouvement du poignée s’amplifie, un faux tremblement qui résonnera dans le silence comme un solo de caisse claire. Toujours le même jeu de la représentation, nous sommes tendus et impatients, affamés de spectaculaire et de compréhension, à vouloir extraire la signification de l’apparent insignifiant. Mais nous échouons à anticiper à chaque fois ce qui va se transformer, se développer, et comment. D’un objet-une peau de bête- la performeuse va épuiser les possibilités, dialoguer, lui porter une intensité d’attention, même d’empathie, qui nous gagne. La nudité sans affect constitue sans doute l’évènement le plus prévisible de la performance, parachevant la prise de pouvoir sur l’auditoire capté. Mais au lieu du bleu de Klein elle s’abolit de noir.

    GiselaHochuli.m4v from sarina scheidegger on Vimeo.

    In touch with M.O., performance de Gisela Hochuli au Centre Culturel Suisse le 19 septembre 2015 dans le cadre du festival Extra Ball

     Guy

  • La séquence du spectateur

    Flirt… Qui peut nier que dans la relation entre acteur et spectateur il s’agit avant tout de séduction? Ces divins animaux font de cette relation la matière même de la pièce… ce qui n’est pas sans risque d’auto centrisme. Mais tout commence en douceur, la relation s’engage à reculons. Le tract rendu comiquement palpable avec murmures, mouvements de rideaux et de pudeur, mais soudain abolie, quand le 4ème mur se solidifie devant les coulisses. Aparté: la pianiste nous observe et prend de note: je me méfie. L’embarras change de camp quand les comédiens entreprennent de nous interroger. Chacun des spectateurs bien sur espère que cela va tomber sur son voisin. Raté: comme souvent je n’y coupe pas. Mais je ne m’en sors pas trop mal, non? Preuve est déjà faite que la relation se joue ce soir dans les deux sens, se construit et prend substance, émotion, sans le secours de la fiction. Les performances des 4 acteurs nous prennent ensuite à contrepied, entre rire et malaise, avant que d’en comprendre la cohérence : cela fait du bien de plus chercher à plaire, d’être affreux, sales et méchants. La séduction est bien déconstruite, avant d’être tendrement raccommodée. La pianiste lit ses notes, nous avons bel et bien été observés, tels qu'actifs tout du long, par postures, réactions. Ils nous invitent à rester et ne jamais partir, comment résister à une telle déclaration d’amour?

     

    mains d'oeuvres,florian pautasso,divins animaux,théâtre

    Flirt, conçu et mis en scène par Florian Pautasso, vu à Mains d’œuvres le 17 septembre 2015, jusqu’au 26 septembre.

    Guy

    lire aussi show funèbre et la tour de la défense

    photo avec l'aimable autorisation de la maison jaune

  • Reflexions à propos de l'art de Maki Watanabe

    Je suis spectateur attentif du travail de Maki Watanabe depuis bientôt 10 ans. Sans m'en lasser. Où ce travail nous mène-t-il? Je sais au moins, j'en suis persuadé, que ce travail gagne toujours en intensité. Quelle œuvre ce travail construit-il? Pour elle la danseuse sur le chemin de son art, pour moi le spectateur dans mes perceptions et dans ma compréhension, sachant que chacune de ses performance est improvisée, et présente autant de résistance à l'analyse qu'elle suscite l'émotion? L'improvisation ne ramène pas t-elle chaque fois tout à zéro? L'expérience, dans le sens d’expérimentation, est-elle compatible avec l'expérience dans le sens de savoir accumulé? Dans le travail de Maki, la simplicité des moyens engagés est évidente. Avant tout le corps en jeu, souvent en l'absence de lumières, de son, de paroles, de scénographie, de scénario. Le corps prêt à se meurtrir s'enlaidir, s'exposer nu, se mettre en danger. En des performances décivilisées, que l'on considérerait comme instinctives. Ce que je comprends du buto, j'en parle puisque Maki Watanabe revendique comme maitre Kazuo Ohno, ce que j'en ressens, c'est un rapport entre visible et invisible. Une capacité de mettre à à jour ce qui est caché, réprimé, de fortes et douloureuses vérités.

    Ici l'intensité vient de ce que l'éphémère de la performance est portée à son plus haut point sensible, à un point de perfection, en un don sans retenue à l'ici et à l'instant. Chaque performance cristallise cette rencontre unique entre l'artiste et le lieu. Chaque lieu est différent, ainsi chaque performance. Hier, au 6B, Maki Watanabe s'immerge dans le canal saint Denis, semble prête à s'y noyer. Surement pas une provocation, mais une évidence, une nécessité dictée par le territoire, le paysage. La dimension spectaculaire, voire déstabilisante de cet acte est évidente. Quel sens y prêter? On peut relier ce que l'on a vu hier aux images d'une actualité tragique. Je vois dans cette performance une mise en évidence de la situation de l’irréductible étranger, de l'autre vis à vis du territoire, vis à vis du monde, de ses efforts répétés pour s'y intégrer, s'y fondre.

    Comment l’œuvre de Maki Watanabe d'une performance à l'autre se construit-elle? Peut-être dans cette confrontation entre le corps et le lieu qui se répète d'une manière de plus en plus expérimentée dans de nouveaux territoires.

    Guy

     

  • Les bonnes, vice versa

    La confusion des rôles est nourrie à la perfection. Dans la première scène, assiste-t-on à un échange entre Madame et l’une de ses bonnes, ou à une cérémonie trouble entre les deux bonnes, chacune dans son rôle assigné? La savoureuse outrance de ce jeu fardé, si physique, appuyé, permet d’entretenir cette indécision dans la mise en abime théâtrale, et ceci tout du long. Tournures de langage et voix datent les situations des temps révolus des sœurs Papin et de la domesticité, mais la mise en scène laisse la pièce de Genet transcender ce contexte, et se renouveler en un exposé ambivalent des relations de pouvoirs et de fascination, comme celle qui s’est déplacée aujourd’hui entre peuple et people par trash-magazines interposés. Le mépris de soi, l’adulation et la haine des bonnes envers Madame dont elles enfilent les robes, l’attirance envers leur « maitresse », son insupportable bonne conscience s’exacerbent jusqu'au drame annoncé. Au-delà de la simple satire sociale, le parti pris ici, vif et charnel, permet poser un théâtre à la fois passionnel et politique.

    jean genet,sopie pincemaille,la loge,théâtre

     

    Les bonnes de Jean Genet, mis en scène par Sophie Pincemaille, vu à la Loge le 10 juin.

    Guy

    photo (crédits en cours) avec l'aimable autorisation de la Loge

  • Parts d'ombre

    Violence à tous degrés, dissection des dessous de nos actes vers l’animalité, pulsions de mort, déchirements douloureux du tissu de notre société qui se rêve vertueuse, ils tombent… Cette proposition théâtrale procède par pauses et éruptions, variations de tempo et de ton…. Le rendu à vif laisse supposer la liberté qui a du prévaloir lors de l’élaboration, le temps laissé à chaque contribution, et le pari gagné du collectif. Désordre dans le style: les corps s’affrontent et s’épuisent, les monologues montent en crescendo du comique jusqu’à l’explosion, le piano se fait mélancolique. S’exhibent au grand jour les maladies qui rongent les relations, avant que d’amples compositions visuelles et muettes ménagent des temps de suspension. Ton et thème à l’unisson, l’impression de profusion et d’incontrôlé trouble, mais le tableau d’ensemble se dessine par touches amères, contrastées, en une cruelle cohérence. Peu d’inutile, toujours la violence exprimé par les coups, les éclats et les pleurs, aussi par le silence, par cette glaçante énumération des massacres qui marquent notre histoire de taches sanglantes. Elle nous laisse sans voix, consolé par les Piéta. En vérité, les acteurs s’offrent ici, corps nus et intentions dévoilées, à la violence de nos regards prédateurs, notre amour et besoin d’émotion est dévorant.

     

    Devoration-Theatre du Baleti ©Yann Slama (2).jpg

    Dévoration, par le collectif Théatre du Balèti, mis en scène par Maxime Franzetti, vu au 104 le 4 juin dans le cadre du festival Impatience.

    Guy

    photo de Yann Slama avec l'aimable autorisation du 104.

  • La mere et l'enfant

    Surgit, à les voir sur scène tous deux, la réminiscence de ce quelque chose si précieux, oublié, peut-être perdu, il y a si longtemps. Le souvenir d’une tendre liberté, à la naissance de la conscience, avant la perte de l’insouciance. Tout est là et beau en un rire si frais. Question de jeux, de je, de nous, d’eux: les jeux de l’enfant, si gai et sérieux, le jeu de la chorégraphe et maman, qui s’autorise la dérision maintenant, et ce qui se joue de si vrai entre eux deux. Elle s’affaire, il chahute, construit des châteaux, il reste un enfant justement, tourne de plus en plus vite autour de son petit monde en vélo. La mère le poursuit, l’encourage et le retient, tente de recréer avec lui une impossible fusion en boule sous sa robe rouge. Tout tient à un fil, l’enfant pourrait se fâcher, quitter la scène, s’envoler du haut de ses cinq ans, et le spectacle s’arrêter, la vie continuer.

    HS.jpg

    H.S.- Mon royaume sur tes cendres  (étape de travail) de Katalin Patkaï avec Katalin Patkaï et Ernesto Boiffier-Patkaï vu à anis Gras le 19 mai.

    Guy

    affiche de Fréderic Teschner

  • Guerre et Amour

    Les spectateurs sont mis en condition, désorientés dès l’entrée, sans place assignée, appelés à une certaine participation… mais juste pour un temps avant de rentrer dans les rangs, là où parfois les acteurs feront irruption. En l’espèce le désordre créatif n’est que relatif. Ainsi de la remise en jeu du texte d’Heinrich von Kleist ? Comment écouter la voix de ce romantique allemand- une langue exaltée- et les charges furieuses de ses amazones revisitées au prisme de luttes féministes plus contemporaines? Du processus que l’on devine collectif accouche de la tension à défaut d'unité, avec des frictions créatrices, du corps et du rythme, de la nervosité. Un entre-deux à l’instar du dilemme post féministe de la reine Penthésilée, déchirée entre sa passion pour Achille- que souligne avec ironie des violons mélo hollywoodiens- et ses engagements (dans cette lecture) politiques. Tant mieux, de quoi se laisser emporter dans cette contradiction sans la résoudre, dans un champ de bataille indéterminé dessiné par une scénographie fébrile. Ça foisonne. Essais et erreurs: des morceaux de papiers collés sur la peau nue de Penthesilée, certain se greffent, d’autres tombent. Les considérations glaçantes sur la guérilla et la violence politique, je n’achète pas. Je préfère faire l’amour que la guerre. Méditer au rôle de la femme dans le monde de demain, des amazones à Mad Max 2015.

     Le Projet Penthesilée d’après Heinrich von Kleist mis en scène par Catherine Boscowitz vu le 15 mai au théâtre des quartiers d'Ivry. Jusqu'au 31 mai.

    Guy

  • Héros et monument

    La République peine à rassembler autour de ses valeurs et symboles-si ce n’est le temps d’un défilé. Cette cathédrale laïque, église puis Panthéon, est froide et imposante. On s’y sent petit, les danseurs s’installent modestes, d‘abord tête baissée en un hommage ou une prière. Rapport d’échelle, rapport de force incertain entre le monumental et l’humain, attente d’un dialogue entre le figé et le vivant, entre la pierre et la chair. Ils s’animent. 9 jeunes gens d’aujourd’hui-un peu de France ici- à danser ensemble, du moins tous rassemblés. Ils cohabitent en mouvements dans le même espace délimité au sol, un petit carré, si étriqué par rapport aux dimensions du lieu. Au bord sans cesse de se bousculer, ils débordent d'un vocabulaire moderne, urbain et urgent, affirment l’expression de personnalités qu’une même musique exalte. Au-delà de toutes leurs énergies, je guette les instants où les regards vont se croiser, les corps se frôler, s‘accepter,  s’encourager et échanger, où le collectif va se former. La porte s’ouvre, le moment vient.

    2015-04-15 19.26.09.jpg

     

    Heroes, Prélude de Radhouane El Meddeb , vu au Panthéon le 15 avril dans le cadre de Monument en mouvement.

    le 27 mai prochain entreront au Panthéon 4 héros de la résistance: Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle Anthonioz, Germaine Tillion et Jean Zay

  • Ceci n'est pas un cirque

    Mais qu'est ce qui les lie donc, ces numéros de cabaret? Pas tant le boniment que l'électricité justement, l'énergie relancée par le groupe résident TNT, nerveux et punkisant, un sentiment d'hors du temps, l'ambiance déglinguée. Kader Diop bondit de Dakkar, Lalla Morte joue avec les sens et Antoine Delon joue avec  le feu, Justine Bernachon  emmène Lily Marlène en altitude, Laurent Friaioli fait voler les diabolos, et Yannick Garbolino réfute la pesanteur. Ce ne sont pas des numéros. Tous singuliers mais dans une même urgence qui m'emporte: plus que la prouesse ou le danger, s'expose la volonté d'ainsi survivre, d'exister avec nous malgré la morosité ambiante, une idée de la liberté. Le jongleur peut se planter, mais encouragé, il peut rebondir. J'applaudis le chant de Maria Fernanda de Caracas, et conspue le gouvernement du Venezula, où Amnesty International  dénonce torture et meurtres politiques.

    150321_T7A3664.JPG

    le Cabaret Electrique , vu le 27 mars au cirque électrique.

    Guy

     http://www.amnesty.fr/Nos-campagnes/Crises-et-conflits-armes/Actualites/Un-apres-les-manifestations-au-Venezuela-les-victimes-attendent-justice-14635

    Photo Hervé Photograff avec l'aimable autorisation du cirque électrique.