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  • Un arbre caché par la forêt

    C'est d'abord incertain, curieux, et vite c'est trop, saturé. Un arbre tourne, dexaxé, autour de lui des créatures s'affolent. Je ne comprends pas dans quelle direction. Des espèces menacées? Je goûte au déphasage audacieux entre gestes free et bruits ralentis. Et à la beauté de la procession d'une armée en retraite, de groupes sculptés, d'histoires de peuples oubliés. Mais c'est long, dans le genre mélange d'étoffes, bricolage coloré, profusion visuelle, je préfère Pan de Lionel Hoche. Dehors il pleut, cette agitation ne réchauffe pas le plateau. Surtout j'ai la sensation de ne jamais réussir à m'installer dans une continuité, comme si les chorégraphes n'avaient pas su renoncer à toutes les improvisations tentées en création, les réagencer. Je me réveille aux assauts rapprochés dans nos rangs de Brigitte Asselineau, mais qui ne peuvent me réchauffer. Cette oeuvre déborde de matériaux, surchargée, peut-être assez pour faire 3 pièces, trop pour une seule. L'écriture n'est pas dégraissée, je reste de glace.

    C'était Des arbres sur la banquise de Serge Ricci et Fabien Almakievicks, au Théatre Paris Villette, dans le cadre de Faits D'Hiver.

    Guy

  • L'arbre Hélé

    Atsushi Takenuchi dansait et Claude Parle y était:

    Une sorte de spore géante en marche vers on ne sait quel impensable destin ...

    C'est l'image qui naît sous nos yeux au début de la performance d'Atsushi ...

    Avec des sons évanescents, des approximations de naissance, des tentatives de constructions ...

    Puis, calmement, après d'innombrables formes circulaires, ondulatoires, en tous cas cycliques, une forme de tige, de support semble se fixer là, au centre du plateau et s'ancrer dans une élévation tout aussi improbable que l'émergence du début ...

     Et là, petit à  petit, une incroyable métamorphose semble s'opérer ... Un vrai tronc, une vraie forme apparaissent ensemble avec la musique qui peu à peu prend corps et se structure ...

    Un tronc bourgeonnant, ramifiant, d'où une ébauche de branches s'élève puis se détache ...

    Progressivement, en effet, ces branches semblent s'épauler elles mêmes, s'affranchir du support qui les porte pour évoluer par leur force propre...

     C'est alors que, par la musique, on assiste à une sorte de tissage, d'entrelacement de ces branches, comme des lianes qui s'entrelacent à elles même jusqu'à en devenir impénétrables.

    S'entrelaçant à la musique en un ferme canevas qui s'érige en un splendide sous bois d'où semble filtrer d'impossibles soleils appelant l'homme, appelant l'espèce à l'image (人/類 :nin/gen) ...

    Une lutte s'enge alors entre verticalité et territorialité, entre branches et racines, entre l'air et la terre ...

    C'est d'un fruit recueilli dans sa consistance poudreuse que viendra le salut ...

    Il essaime, il envahit l'espace dispersé aux souffles des vents, il finit par retomber et envahir sa source même, divin pollen s'autofécondant, métamorphosant l'arbre en une sculpture hors de l'espace et du temps pour atteindre à l'essence même de l'arbre desséché, pétrifié au bord de l'abîme tel un guetteur ultime, une vigie intragalactique qui nous empêcherait de sombrer dans la folie qui sans cesse nous menace ...

    texte de Claude Parle à propos de Atsushi Takenuchi - HA-NE NO KI (L’arbre ailé) à Bertin Poiré

  • Des regrets: Sexamor de Pierre Meunier et Nadège Prugnard

    C'est une histoire de sexe, d'amour et de mort d'un homme et d'une femme, mais qui, artistiquement, ne se rencontrent pas. Vu le sujet, c'est embétant. L'amour c'est pourtant une question d'emboîtement. A notre droite Nadège Prugnard. Je venais pour retrouver la force de sa voix et de ses textes, tels ceux de M.A.M.A.E.. Je n'ai droit qu'à des "Qui veut m'enculer?", qui ne font plus glousser grand monde. A notre gauche, je découvre Pierre Meunier. Sa gaucherie généreuse et ses machines poétiques me consolent un peu. Mais le tout d'eux deux est inférieur à la somme des parties, sans mauvais jeu de mots. Ici les mots sont sans liant, monologuent sans dialoguer, ne se désirent pas, prisonniers du sujet comme Nadège Prugnard ruisselante de son préservatif géant. De l'entreprise, surnagent juste des beaux morceaux. Des scènes qui s'empilent, de temps mort en temps mort qu'on laisse ou qu'on prend. Il se retrouvent enfin tous deux ci et là lors d'un coït rude sous les branches, et en final la femme mise sur un piédestal, mariée ou princesse qui s'abandonne en équilibre sur une machine tendre. C'est tard.

    C'était Sexamor de Pierre Meunier et Nadège Prugnard, vu en novembre 2009 au théatre de la Bastille.

    Guy

    lire aussi le tadorne

  • Chaud!

    On pourrait se croire dans une salle de danse: au centre deux blues brothers, le blanc et le noir, qui assurent en costard et lunettes, noeux pap', impec'. Ils bougent à l'économie, multiplient les fausses entrées et vraies sorties. Plus qu'un message ou un état ou un récit, c'est l'apparence érigée en art. Ne pas trop en faire, et l'air de ne pas se fatiguer, cool avant tout cool, tout dans la sape et la classe.

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    Ils s'approuvent et se renforcent du regard. Et font le show, efficaces et performants, se dépensent en danses afro, « coupé-décalé » et « warba » en lent, vitesse normale, accélérée. On est content et eux très contents d'eux? Ostensiblement, trop, mais la bonne humeur déborde et se communique à nous, mécanique. Jusqu à un certain point seulement. C'est-à-dire jusqu'à l'épuisement, thématique et physique, lorsque que cela se détraque, lasse, fatigue. Ils font le show, frénétiques, et on est emballé jusqu'à ce que cela s'emballe de trop, vers nous les projecteurs retournés. Pourquoi à un certain point, la magie spectaculaire doit elle s'évaporer. La question est habillement posée, drôlement, avec d'intéressantes correspondances avec « Paul est mort ? » vu dans le festival deux jours plus tard.

    Ce soir, le show est cassé. La rivalité, la jalousie s'insinue, entre les deux danseurs, sourires forcés et couteaux tirés, regards en coin, crocs en jambes et coups fourrés. Les gnons volent bas. Ca rigole plus entre les frères ennemis, on pourrait croire pour de vrai. Mais on a jamais rejoint la réalité. Artifice de théâtre, le sang n'a pas vraiment coulé. De là le show reprend ses droits. Poussé dans ses limites le noir danse magique et épate le blanc, qui se nourrit de ses mouvements. Enfin c'est champagne et musiques douces, derrière une facade bling-bling, un monde s'écroule.

     C'était ShowTime, de Philippe Ménard, avec Philippe Ménard et Boukary Sere, au théâtre de l'étoile du nord dans le cadre de faits d'hiver.

     Guy

     Photo par Christian Rausch

     

  • And then, they were three...

    Au Theatre de la Cité internationale, on pourrait s'imaginer dans une salle de concert des sixties, mais en faisant preuve de beaucoup de bonne volonté, et d'un singulier sens de l'abstraction.

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    Une batterie suffit. Installée au centre de la scène, surélevée, en attente. D'abord- puisque Paul serait mort- elle tient la place d'un absent. Surtout est un symbole elliptique et efficace, sans devoir être un instrument, dont on pourrait jouer, vraiment. Qui d'ailleurs se souciait qu'en play-back à la télévision, les groupes d'alors faisaient semblant? Et les trois garçons sans guitare et en mouvement ne cherchent pas à ressembler aux quatre vrais Beatles, plutôt se figent en caricatures grinçantes. Herman Diephuis applique ici à cette matière d'imagerie (pop)ulaire- les pochettes de disques et photos de promo des fab four- la méthode reproductive déjà éprouvé sur les tableaux des maîtres flamands. Essaie d'agencer ces images arrêtées, de pose en pose. Explorer ce qui peut vivre entre elles, quels mouvements. Dans une démarche voisine de celle de Boris Charmatz (50 ans de danse), pour se heurter à certaines des mêmes difficultés. De front et en connivence, de quoi nourrir intérêt ou exaspération, c'est selon. Les cascades s'enchaînent, qui surjouent comme selon les modèles d'époque la joie de vivre, l'excentricité, la rebellion temperée, l'entertaiment à tout prix. Tout en dehors, rien en dedans. Jusqu'à l'épuisement. Les grimaces tentent de survivre au-delà du temps limite, drôles ou lassantes, savoureuses ou ennuyeuses. « Paul est mort ? » est un spectacle triste, forcement. Savoureux également. Qui se médite plus qu'il ne s'apprécie sur le moment.

    Herman Diephuis montre en quoi un concert n'est pas un concert, ou n'est pas qu'un concert au sens où on l'entend. Les gestes du concert disent quelque chose de plus que la musique, ou à coté. S'émancipent. Comme les gesticulations de Xavier Le Roy en chef d'Orchestre n'interprétant pas le Sacre du Printemps. « Paul est mort », c'est la rumeur qui faisait flores parmi les fans à la fin des années soixante. En tout cas ce soir plane une absence. Est-ce une métaphore de l'art sacrifié en commerce, réduit à la promotion? La musique de Lennon et Mac Cartney, omniprésente, répétée, banalisée, saturée, semble du coup absente, désincarnée. Les gestes à force d'appui et de répétition se vident de leur sens, de même que les bruits de foule noient les chansons. Vers la fin: l'échappée. Paul est mort, un deuil enneigé. Un faux Ringo tente un solo, silencieux bientôt, il faut remballer.

    C'était  Paul est mort ? d'Herman Diephuis, au Théatre de la Cité Internationale, avec le festival « Faits d'Hiver ».

    Guy

     photo par Alain Julien avec l'aimable autorisation du T.C.I.

    A lire ici, sur les croisements scène/musique:

    Tracks

    A Love Supreme

  • Rayhana agressée: communiqué de la maison des métallos

    Communiqué de la Maison des Métallos

    Depuis le 8 décembre, 9 comédiennes montent chaque soir sur la scène de la Maison des métallos, Etablissement culturel de la Ville de Paris, pour interpréter A mon âge, je me cache encore pour fumer. Elles incarnent 9 figures de la féminité aux prises avec le refoulement et la violence, réunies dans un hammam à Alger.

    A la suite d'une première intimidation verbale en décembre, Rayhana, auteure de ce texte et comédienne, a été aspergée d'essence en se rendant à la représentation du mardi 12 janvier. Ses agresseurs lui ont ensuite jeté une cigarette allumée au visage, qui n'a fort heureusement pas enflammé leur victime. Les paroles de ses agresseurs laissent peu de doutes sur le lien existant entre cette tentative d'homicide et les représentations en cours d'A mon âge, je me cache encore pour fumer.

    Après concertation, la Maison des métallos et la Compagnie ont décidé de poursuivre les représentations jusqu'à leur terme, la barbarie de cette agression venant confirmer à leurs yeux la pertinence et la justesse de ce texte.

    Signataires : la Maison des métallos et la compagnie Orten

  • L'une danse, l'autre pas

    Au Point Ephémère, au bord du canal Saint Martin, on se retrouve dans une salle de concert de rock, une vraie. Sur scène un peu de magie enfumée, et des objets rituels, obligés: une guitare, des micros, des spots, des amplis. 

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    Deux femmes: l'une joue, l'autre danse. Elles chantent. Elles se reflètent et se ressemblent. Les rôles troublés. On est placé hors des cadres esthétiques de la danse, pour y revenir par subtils glissements. Ceci est un concert, ceci n'est pas un concert. Les yeux de la danseuse se perdent dans la musique, hypnotique, qui évoque en boucles, effets et superpositions quelque chose du Robert Fripp des 70's. Désir et innocence semblent s'étirer en corps et notes, avec des gestes au ralenti, qui s'évanouissent, d'une douceur émerveillés, des gestes d'enfants. Cela ressemble à un morceau, mais conçu pour être vu, aussi languissant et suggestif qu'une chanson de Twins Peaks de David Lynch. Qui a toute la fragilité d'un travail en cours, d'un parfum délicat encore au bord de s'évaporer, dont on se demande avec curiosité s'il tiendra ou non sur la peau. On vit cette expérience de répétition ouverte avec curiosité, les thèmes ne sont que suggérés et indécis dans cette mise en ambiance évanescente, encore en reverie. D'autant plus que le parti pris s'en tient au minimalisme, dans l'exploration-évoquation d'une seule émotion par morceau. Cet après-midi "Innocence" et "Heaven",  deux "pistes" d'un album en devenir. D'autres sont en gestation, plus âpres sans doute, plus remuants, à propos de révolte ou d'enfermement.

    C'était une étape de création de Tracks par Sarah Degraeve et Christelle Sery (musique) au Point Ephémère.

    Guy

    photo par Jérome Delatour avec l'aimable autorisation de Sara Degraeve

  • !Kung Filage

    !Kung Solo est présenté les 12 et 13 janvier à Mains d'Oeuvres dans le cadre du festival Faits d'Hiver.
    l'article qui suit a été mis en ligne le 8 janvier.
    La piece se file, le temps plus lentement, lui-même ne s'enfuit même plus du tout quand tous les mouvements se figent. Qui voire revient deux ans avant. Ce !Kung Solo est d'abord pour moi le souvenir de Paris Possible, en plus net désormais, et plus coloré.

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    La répétition de ce soir à Mains d'Oeuvre est grande ouverte: nous sommes une bonne vingtaine. Le hasard place assise à mes cotés, Eléonore Didier: il y a matière à sourire et à s'interroger-à défaut de penétrer ses pensées- en surprenant du coin de l'oeil ses gestes et ses mimiques muettes, ses réactions attentives aux actions de son interpréte: Mathilde Lapostolle. Celle dernière qui reprend le rôle dansé jusqu'alors par la chorégraphe elle-même, plutôt transpose, parait solidifier ce qui errait jusqu'à présent dans le territoire de la recherche, de l'incertain. Du soi à l'interprète, quelque chose échappe à l'intime, s'objectivise, comme un manuscrit que l'on voit enfin imprimé en livre. Par moment Eléonore sourit ou se fige, trépigne lorsque-deductivement-quelque chose ne file pas comme pévu. Se découvre-t-elle en double, sa disparation organisée, ce nouveau corps installé dans ses pensées? A un moment les yeux de Mathilde Lapostolle semblent noyés, braqués vers Eléonore qui alors plisse les siens. Les deux femmes semblent alors se scruter, de prunelle à prunelle. Du souvenir brut chair sur béton, dépouillé, de Point Ephémère , à la répétition de ce soir, le background s'est théatralisé; tapis vert pomme, jaune vif les chaussettes et frou-frous. La réprésentation est plus fantaisiste que le chantier. Mais l'échelle est restée. Eléonore, Mathilde: on pourrait d'abord confondre l'une et l'autre, corps planqué sous la doudoune, tête sous la capuche, visage sous les cheveux. Les mouvements pourtant ont ce soir quelque chose de plus définitifs, nets, dansés. Même quand elle retombe au repos, aprés être retombée plusieurs fois de suite comme si elle tentait de retomber toujours plus bas en vain, dans ce repos ou ce renoncement qui semble désormais interprété. Je jubile de revoir autrement ce moment provocateur (mais ce soir joué devant un public d'avance bienveillant). Je suis certain que, les prochaines fois, beaucoup en seront exaspérés. Le temps de la création a beau avoir laissé la place à celui de la réprésentation, il garde cette qualité d'indécision. Je retrouve aussi- agencées différement-d'autres pièces du mécano, d'autres matériaux. Déja vue, cette partie de jambes en l'air solitaire, d'une narquoise indécence, la tête qui s'entête à heurter le carton, et le corps mu par l'absent, corps muet et assymétrique, passif. Plus loin l'énergie épuisée, recroquevillée, le désir agite les seuls doigts, comme un premier ou dernier chatouillement. Toujours ces tentatives pour se glisser dans les interstices, y disparaitre, en autruche sous le tapis, sous le plastique. Il y a tous ces instants pour longtemps, et l'absence omniprésente. Mais pour en revenir sans cesse à un corps trivial et matériel, d'un humour incertain. D'autres passages réinterprétés semblent se préter à de nouveaux sens. Mathilde nue dans le rôle d'Eléonore- mais les photographes frustrés pour ce soir des instants les plus photogéniques, et drôles aussi- se dédouble elle-même sur la scène en photographe et modèle, rive son oeil à l'objectif, prend des poses inquiètes habillée de cartons, crée des images à foison, se refugie dedans comme sur un bateau de fortune, pour partir ailleurs. Cette piece me parle du temps qui passe, de pensées fugaces et plutôt inavouables, de l'insaisissable, du possible et de renoncement. Mais avant de partir -moi-même préssé, attendu ailleurs- je regarde chorégraphe et interprête dans ce processus, l'une dépossédée, l'autre captive, toutes deux frêles et volontaires. Cette sourde obstination à matérialiser les mêmes obsessions en art et gestes fait le jeu de mon regard, de ma mémoire de spectateur.

    C'éait une répétition de !Kung Solo d'Eléonore Didier avec Mathilde Lapostolle, à Mains d'Oeuvres. Guy

    Photo de Camille Muret (dossier de presse de Mains d'Oeuvres)

    Ici les photos de Vincent Jeannot-Photodanse et Jerôme Delatour- Images de danse.

  • John Coltrane est vivant

    Dans cette baraque prés des voies de la Gare du Nord, on pourrait se croire dans un club de jazz à New-York. Sur la scène des spectateurs attablés, le brouhaha des conversations, un barman qui nous réchauffe d'un ballon de rouge, avant de se révéler en comédien aux premières mesures jouées par le trio sans piano. Dans son regard doux et triste affluent les souvenirs de ce jour de juillet 1967, lorsqu'il apprit la mort de J.C.. Il se saoule, se balance, danse, rie et conte, ramène Coltrane en direction de l'Afrique, à force d'emphase, de bonhomie, de générosité.

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    Ses mots seuls ne sont rien, belles anecdotes, hommages fervents, justes reflets impuissants de mélodies insaisissables et d'envies d'infinis. Mais c'est l'équilibre entre le récit et musique qui est remarquable ici, sans jamais que l'un ne gêne l'écoute de l'autre. Les quatre jouent, chantent ensemble, se soutiennent et se consolent. La voix du témoin est portée par les trois instruments, jusqu'à s'élever en chant. Mais souvent choisit sagement de se taire, laisse parler le saxophone une fois dite quelle douleur inspira Alabama, ou une fois annoncée la soif d'amour universel qui porte A love Supreme. Le saxophone alors de tenter de s'emporter jusqu'à s'effacer lui-même, l'instrument oublié à nous faire entrevoir des éclats du tout et des fulgurances de beauté. Sans tenter d'imiter note pour note, son pour son, John Coltrane, plutôt partager avec nous un peu de ce qu'il nous offrait. Que peut dire le conteur aprés? Encore réveler ses doutes, les incompréhensions, les embûches sur son chemin, à chaque étapes de cette quête sans fin, rappeler la condition des noirs américains alors qu'un chorus de batterie prend des accents de rébellion. Évoquer la vocation d'artiste de J.C. , s'interroger sur la vocation de l'artiste tout court, passeur vers l'absolu et inspirateur de vie. Coltrane s'estompe dans le continent oublié des sixties. Ce monde est mort sans doute, disparu dans la lassitude ou la confusion. La musique survit, une flamme ranimée.

    C'était A Love Supreme, mis en scène par Luc Clémentin, d'aprés une nouvelle d'Emmanuel Dongala, avec Adama Adepoju (jeu et voix), Sebastien Jarrousse (sax tenor et soprano), Jean Daniel Botta ou Mauro Gargano (contrebasse), Olivier Robin (batterie). Du jeudi au dimanche jusqu'au 24 janvier au Grand Parquet.

    Guy

    Photo par Nelly Santos avec l'aimable autorisation de la compagnie.

    lire A love Supreme dansé par AT de Keersmaeker

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