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Un Soir Ou Un Autre - Page 36

  • Un peu d'air

    Mains d'Oeuvres s'ouvre, comme souvent, sur ses résidents: ce soir pas moins de cinq à la suite. J'aime toujours ce lieu, familier, patiné, jamais intimidant. On déambule ce soir de surprises en découvertes (toujours breves, format oblige) Mais entre temps toujours un moment pour boire un verre, discuter. Avant tout respirer: c'est le thême...

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    Question respirations, le hasard vient bien à propos: me permet de commencer la soirée avec Inari Salmivaara. Un grand bol d'air. En voix off: un songe de nature avec les accents d'un conte, d'une femme univers, d'un monde qui s'installe sur son rêve. Douceur et évidence. Le corps replace l'image, en douceur, sensations appaisées, sans émerger du sommeil. Jusqu'à un eveil en relaxation, façon position de yoga. C'est une agréable introduction aux voyages imaginaires.

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    Vers le Quebec d'abord, pour deux équipées dans les territoires de l'expressif et du bizarre. SSperance de la compagnie l'eau du bain déjoue les interprétations, croise les moyens d'expressions (corps, musique, textes, objets) pour exprimer ce que je reçois comme de l'inquiétude, l'exaspération du quotidien et de la relation. Un couple et des pierres, le corps comme instrument de musique electronique, mais qui sous les doigts de l'interprête et de son compagnon n'offre pas le même son. Des dialogues dans cette langue presque étrangère, hors contexte. De quoi charge-t-elle son corps avec cette pluie de pierres? De la promesse d''un enfant, d'un désir masculin? Tout semble souvent au bord de se diluer. La lutte amoureuse laisse des zones d'ombres, un goût de poésie âpre et d'inachevé, d'espoir renoncé, me laisse en état de curiosité.

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    On plonge dans une autre étrange déprime avec Alexis O'Hara, lui aussi de Montréal, qui brouille le show et le genre. La nuit chavire, douteuse et délavée. Ce personnage désabusé, Guizot la Nuit, supposé masculin, bricole au micro et à la console des romances lancinantes. Le chanteur au charme usé, semble atteint d'un spleen incurable, flotte entre deux airs et deux eaux, livre un concert déconcertant à force de boucles et d'échos surdosés et de monologues, cet l'assemblage toujours au bord d'imploser. Le principal intérêt du show et de placer sans repos et avec un humour plus que décalé le spectateur à contre pied, à ne jamais savoir qui parle et vers où, si le show commence ou est terminé. Aprés recherche il apparaît qu'Alexis O'hara serait généralement une femme. En entracte les metteuses en scène de la compagnie ACM proposent de sourire en partageant quelques affres de la préparation de leur Casimir et Caroline, présenté ici à la rentrée.

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     Camille Mutel retient notre respiration, laisse souffle coupé. La soliste poursuit une quête vers cet impossible: dénouer le paradoxe du dévoilement érotique, faire du neuf avec du nu. Son mouvement vient du buto, s'y appuie et s'en détache, maintenant d'un autre spectaculaire. Plus cérébral, plus distancié? Depuis l'offrande-manifeste, brûlante et tetanisée du Sceau de Kali (vu il y a 5 ans), le corps maintenant absolu explore en lui-même les ressources pour se montrer et se dérober dans le même geste. Se laissent deviner des visions archaïques, entre éclairs, torsions et chuchotements. Le corps pur jouet de la lumière, émancié à l'essentiel, se plie sous le regard et impudique glisse, lisse, puis se dérobe en équilibres arachnéens, se déconstruit vers l'abstrait. Visage confisqué par un masque, la personnalité est abdiquée, et la surface offerte. Le corps blanc et vertebreux, ni en chair ni voluptueux, se fixe en un objet érotique chargé d'irréel, de sensation vénéneuses, en désirs et en creux. Avant d'à nouveau s'échapper d'un lent renversement en une forme concentrée, comme trahi par l'effroi de sa propre vacuité.

    à suivre...

    C'était la première soirée de Respirations, à Mains d'Oeuvres, avec Inari Salmivaara (I am Lying), L'Eau du bain (Ssperances), Alexis O'Hara (The ce soir Show), groupe ACM (Je voulais juste manger une glace), Camille Mutel (Effraction de l'Oubli-extrait).

    Respirations continue ce dimanche avec encore Camille Mutel, Alexis O'hara, Inari Salmivaara, L'eau du bain, et aussi Mario Batista, Leila Gaudin, Cie Ginko, François Laroche Valière.

    Guy

    Photos (Inari Salmivaara par Pedro Alves, L'eau du Bain, Alexis O'hara, Camille Mutel par A.V. Tisserand ), avec l'aimable autorisation de Mains d'Oeuvres

     

  • La dimension cachée

    Il y a ici beaucoup de suite dans la danse, dans les idées. Des sillons sont creusés d'année en année dans l'obstination, de semailles en récoltes, en floraisons.

    olivier reouf,erika zueneli,regard du cygne

    Cet épisode encore en esquisse-Terre suspendue-suit obstiné le chemin de Champs, vu il y a trois ans. Grave les rapports sourds entre l'homme, le groupe, la terre, la matière. Je suis d'abord decontenancé: par des mouvements d'araignée, des personnages dispersés, perdus, d'autres mouvements tendus comme des prières, des notes de piano qui s'égrennent. Je retrouve de la force à l'ensemble alors qu'il semble emporté par les mouvements lourds d'un sac suspendu au plafond. Comme une épée de Damoclés. Celui-ci perturbe les équilibres, les polarise, d'une inquiétante gravité semble attirer les corps jusqu'alors épars au dessous. Certains courent, d'autres succombent. Quand le sac est crevé, la terre s'écoule, comme la vie, l'homme renversé.

    olivier reouf,erika zueneli,regard du cygne

    Incontri fait écho à Incontro vu il y a deux ans. Le subtil face à face des deux femmes fait ici place à un duo masculin plus abrupt, qui s'organise autour de la même table pivot. Dans une même dynamique. Circulent et rebondissent dans cet espace jeux et enjeux, mimétisme et arrières pensées, rapports de forces au tac au tac. D'un pas en avant à un pas en arrière, au bras de fer, se dessinent les règles d'une drôle de proxémie. C'est l'invisible et l'essentiel des rapports humains-au plus profond en passant par des cris de chien, la défense du territoire, les manifestations élémentaires de soumission- qui est mis à jour de quelques gestes, dans un langage universel. Dans le public un enfant rit, incrédule. La grâce intempestive, contagieuse, de son intervention nous fait toucher dans cette performance tout le comique. D'autres éclats fusent. Avec lui, avec eux, on jubile.

     C'était Terre Suspendue d'Olivier Renouf et Incontri d'Erika Zueneli, compagnie L'Yeuse, vus en mai 2011 au Regard du Cygne.

    Guy

    Incontri est un extrait de Tournois, prochaines représentations:

    Incontri
    Le 23 septembre aux Plateau de la Biennale du Val de Marne www.alabriqueterie.com

    Tournois
    -Le 18 octobre Festival Odyssée de l'Espace www.espace-1789.com
    et
    Du 22 au 26 novembre À la chapelle des Brigittines (Biennale de Charleroi danses)
    www.brigittines.be / www.charleroi-danses.be

     

  • Ici, là et ailleurs

    Sont ici présentées deux pièces en simultané, une pour les oreilles, l’autre pour les yeux. Assister juste à l’une ou juste à l’autre de ces pièces serait déjà non dénué d’intérêt. Mais c’est leur juxtaposition volontaire en ce lieu, cette rencontre sans guère plus d’explication, loin des évidences, qui me mets aux aguets, ouvre les sens et la réflexion.

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    Je vois ce duo féminin, les danseuses elles-mêmes jouent à un peu se déphaser l’une de l’autre. J’entends un reportage radio, la tranche de vie de deux ambulanciers qui procèdent à l’hospitalisation d’office d’une vieille femme. Ici, là, quoi de commun? Ici entendre l’histoire d’une femme prisonnière d’une folie légère, qui s’évade en dedans en fredonnant, pour bientôt perdre sa liberté, hors de la société. Pour être protégée ? Voir là les danseuses dessiner des figures résolument affranchies de toute représentation de la vie, de toute utilité première, de toute convention. On entend les voix des personnages d’une histoire vraie, et l’on voit une danse qui s’abstrait de toute narration. Deux corps qui doucement rassemblent et brassent l’invisible sur des rythmes souples, en légères torsions. Le concret s’entend, invisible mais comme écrit d’avance, les jeunes danseuses sont absolument vraies et évoluent tout prêt de nous-le public assis, des deux cotés, sur le tapis-  mais leurs visages sont absents et leurs gestes surprenants. Nous sommes venus accepter leur mystère, que personne ici ne qualifiera de folie. La vieille femme s’évade, entouré de sollicitude par les ambulanciers. Converge des deux cotés la même rêverie ancrée au cœur d’un inexorable quotidien. Je me surprends à imaginer les danseuses au plus profond de l'imagination de la vieille dame, et l’inverse tout autant.

    C’était Une chanson douce  d’Aurelie Berland  avec Claire Malchrowicz et Pauline Vautrin sur le documentaire  « Dans l’ambulance » de Claire Hauter, présenté à Micadanses dans le cadre de la soirée CNSMDP.

    photo de Begum Lerot avec l'aimable autorisation d'Aurelie Berland

  • Fans de nus ? (réponse tardive à "l'épiphanie du nu" de Jerome Delatour)

    Des silhouettes féminines se laissent deviner derrière les rideaux, par morceaux, évaporées dans les rumeurs de la ville. Des chairs floues, déformées, précisées en un lent dévoilement, puis par un brusque éblouissement… Nu absolu: la couleur est annoncée. C'était le cas pour la performance présentée aux plateaux de la biennale il y a quelques mois. Et c’est toute la force et tout le problème de la proposition, un traité du nu en six études…

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    Sur le sujet du nu en général, je ne partage pas tout à fait l’analyse sociétale de mon ami Jérome Delatour (dans sa- trop rare- chronique à lire sur Images de Danse). Dans notre espace public, sur les écrans, les plages, les pelouses, les affiches, les corps me semblent plus que jamais (1) s’épanouir sans complexe, il est vrai à la concession prés du cache-sexe. Et c’est peu de dire que, dans l’espace du spectacle vivant, l’interdit est depuis longtemps tombé (disons depuis plus ou moins 68), ce qui reste toujours reçu diversement selon le contexte et le public. Il n’en reste pas moins que la nudité, quand elle se manifeste dans ce contexte, est rarement anodine ou innocente, d’une force qui ne se laisse pas épuiser…et surtout toujours un peu suspecte d’être instrumentalisée comme simple procédé de séduction, d’aucuns diraient de racolage. A bien les écouter on entend que les artistes sont loin d’être les derniers conscients de ce levier ou de ce risque…. On cède soi-même un peu à cette logique en partageant ici les photos prétées par la compagnie… Il faudrait toujours, dans les propositions concernées, un geste artistique fort et évident pour permettre de dépasser la relation d’exhibition et voyeurisme qui tendrait à s’établir entre artiste et public (je repense au passionnant Magical d’Annie Dorsen et Anne Juren): avec Who too d’United-C, c’est  parfois mais pas toujours le cas.

    En intégral et six chapitres, la nudité ne se laisse pas oublier, à l’avant plan. Fil rouge des propositions: cérébrale, sexuelle, académique, naturaliste, c’est selon. Il est en premier abord dérangeant, mais à la réflexion rassurant, que ces parties prises ensemble ne semblent pas pour autant former un tout homogène, l’inattendu dépassant parfois le parti pris de départ. Pour lire des impressions mieux ordonnées, on se reportera encore à Images de Danse. Je rejoins Jérome pour mettre à part des autres deux scènes qui s'en distinguent par la singularité du point de vue adopté.

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    D’abord Am I big, solo que je vois concentré sur la conscience de soi, matérialisée en monologue parlé. Pièce gorgée d’angoisse et traversée de panique, la femme saisit sa chair par poignées, tyrannisée par les normes. Puis Photograph, pièce dominée par la conscience des autres, la conscience du public. Les deux jeunes femmes sont assises immobiles et de coté sur des fauteuils, sexes dérobés à notre vue. Notre regard est interrogé par leur inactivité, trompé par des gestes d’une l'extrême lenteur. Est ce un défi, un refus, une lassitude? Une femme habillée vient, qui les détaille, nous regarde. Concession à notre attente, des mouvements des mains des danseuses immobiles annoncent d'imperceptibles affaissements, jusqu’à, enfin, la chute.

    Les autres pieces sont gagnées en commun par la violence des mouvements. Circulaires, répétés, urgents et traversés d’énergie. L’exécution d’une pièce à l’autre est inégale, mais c’est cette brutalité partagée et première qui gagne mon intérêt, cohérente avec la charge visuelle du nu, tout en parvenant par moment à s’en échapper. L’âpreté des gestes contraste avec la vulnérabilité des corps des danseuses, étourdies et étourdissantes. L’une d’entre elle évoque un archétype juvénile de Cranach, c’est de saison. Les soli se transforment en ensembles, entre décharges et temps lents, de la transe à l’unisson, sous le regard sévère et intermittent d’une femme habillée, qui semble jeter sur ce spectacle un regard sévère et distancié du haut de siècles de civilisation, pour jauger et accuser. Des mouvements incessants tournoient à contre jour. La fureur ou la frustration manifestent, s’épuisent en chutes, les jambes rougissent et la peau marque. Dans la mise à l’épreuve de l’interprète, on approche quelque chose de l’ordre de la performance, aussi vrai que la chair dévoilée. Si les corps présentés en eux-mêmes ne laissent plus rien imaginer, les gestes font deviner les tempêtes qui les agitent en dedans. Avec détermination, La danse apparait ici tout sauf sophistiquée: frustre et corporelle à un point qui peut troubler, voire susciter le rejet. D’un dépouillement entêté, l’énergie travaille le sujet jusqu’à l’épuisement, pratique une politique de terre brulée. C’est à prendre ou à laisser.

    Guy

    C’était Who Too d’United C, présenté en Mars à Vanves au festival Artdanthé

    Photo de Van Der Put avec l’aimable autorisation de la companie

  • Square Caulaincourt-2

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    Gyohei Zaitzu- Square Calaincourt Paris- lund 11 avril 2011 14H30

  • Voir, Jouir.

    Au commencement les gestes et voix flottent, obscurs, rêvés…  A rappeler les belles images des Murènes- la pièce précédente de la compagnie. Mais vite, une autre direction est prise: primauté au texte de Racine, implacable et linéaire, qui structure le récit sans répit. Autour de cette ligne de force, les images se fragmentent. Elles nous piègent au cœur du sujet: l’obsession du pouvoir, au point où la vérité se dissout et où s’assèche l’humanité. Les vers s’écoulent clairs et nets mais le rêve du pouvoir désincarné devient aussi onirique qu’en cauchemar.

     

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    La première des réussites est ici de conjuguer intelligence et intelligibilité : ce Britannicus abrégé en quelques plans rapprochés, concentré en 1H30 et 5 acteurs, se laisse saisir sans difficultés, et dans ses implications contemporaines. Le pouvoir jouit ici de voir, non de toucher. Néron exsangue manipule à distance ses pantins prisonniers de l’œil de la camera, agités et impuissants: une Junie charnelle et frémissante, un Britannicus physique, impétueux…. Les jeux et voix sont matures et bien ajustés. Dans cet espace concentré, les corps de ceux qui prétendent vivre libres ne peuvent échapper pas aux regards de ce nouveau docteur Mabuse. Ils n’échappent non plus à l'avidité de nos yeux, autant en chaleur et proximité que les vers de Racine s’élèvent vers l'esprit avec distance et hauteur. Le souverain entend tout et en dit de moins en moins, la possession maladive tenant lieu de passion, l’homme n’est rien et sa puissance ne se nourrit que de rester mystérieuse. Toute ressemblance avec le règne de souverains pas si lointains et informés de tous les secrets ne serait que le fruit de mon imagination. Dans l’ombre du palais se glissent les conseillers et visiteurs du soir, qui tissent des intrigues à tiroirs, au fil d’alexandrins qui scandent l’histoire sans espoir de retour.

    C’était Britannicus plans rapprochés de Racine m.e.s. par Laurent Bazin, à la loge, jusqu’au 19 mai.

    Photos de Svend Andersen avec l’aimable autorisation de la loge

  • Demain vendredi

    LE 29 AVRIL A 18H00 , "UNE ATTRACTION INVISIBLE"

    NINA DIPLA A LA MENAGERIE DE VERRE

    "SPECTACLE DE SOLIDARITÉ AU JAPON" ,10E ENTRÉE. LA RECETTE DE CETTE ACTION IRA À LA CROIX ROUGE.

     

    lire aussi ici

     

  • Square Caulaincourt

     

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    Gyohei Zaitzu- Square Calaincourt Paris- lund 11 avril 2011 14H30

     

  • La performance n'est plus ce qu'elle était

    Les temps ont changé. La performance est-elle déjà un art daté? La performance était-elle un art? Qu'était-elle? Comment la perpétuer? Les faits: Martha Rosler, Marina Abramovic et d’autres femmes, il y a quarante ans, jetaient leurs corps en jeu. Les mobilisaient jusqu’à la blessure pour ébrécher par chocs et assauts kamikaze les fausses évidences. Re-évidence: la société a changé depuis, tout sauf comme on s'y attendait, en arrière, en avant... Les aspirations féministes également. Si tout est joué, reste à ré-interpréter à la lumière du monde d'aujourd'hui. La relecture contemporaine de ces performances datées des crus 65-75, mais toujours pertinentes et impertinentes, ne provoque sûrement pas ce soir les mêmes questions qu'alors. C'est fait d'une manière très maitrisée, avec une pénetrante et fertile intelligence.


    YOKO ONO CUT PIECE par TECHNOLOGOS

    Yoko Ono (Cut piece) abandonnait ses ciseaux au public, laissait à celui ci la responsabilité de découper ses vêtements, de la dénuder on non. Ce soir Anne Juren s'exécute toute seule jusqu'au dernier lambeau de tissu, et dans cette logique va bien plus loin encore... mais il serait dommage de révéler l'illusion, sensationnelle à différents points de vue, qui suit, et ouvre sur d'autres significations. Il s'agit bien ce soir une mise en scène contrôlée, une mise en perspective, un prolongement et non une re-création à l'identique. D'une certaine manière un hommage, surtout une interrogation à deux niveaux, sur les significations que pouvait prendre la performance alors, et les implications possibles maintenant. Le public n'est donc ce soir pas invité à participer, pour des raisons techniques sûrement, mais ce choix provoque, quoiqu'il en soit, un glissement de sens, une actualisation par rapport au féminisme- bien qu'ambigu- de la performance d'origine. Ressent-on alors une libre prise de contrôle de la femme sur son propre corps ou l’intériorisation profonde d'une injonction collective, la résignation au rôle d'objet?

     

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    Tous vêtements découpés, la vérité n'est pas toute nue pour autant. Ni une évidemment. Sans nul doute, le sujet se focalise sur le corps féminin, le regard porté sur lui. Mais la forte détermination de la mise en scène, opposée aux incertitudes performatives, ne tue pas pour autant la multiplicité des interprétations. C’est heureux. Les choses ne sont pas ce qu'elles semblent, surtout la magie toujours présente. Ce n'est pas le moindre des paradoxes de cette proposition que de mobiliser ici les techniques de la prestidigitation: un art tout de même historiquement misogyne présentant le magicien surpuissant et l'assistante potiche, aussi déshabillée qu'il soit possible devant un public familial. L'illusion ici permet, fonctionnellement, de ne pas mettre le corps en danger à la différence de ce qui était le cas pour certaines pratiques performatives des années évoquées. Avant tout, la magie est utilisée dans le sens du sens: du lait est tiré de la mamelle de la ménagère modèle durant l'inventaire grinçant de ses ustensiles de cuisine (et de torture), un soutien-gorge appararait mystérieusement... Les tours sont détournés. Pour produire un effet théatral et second degré, qui accentue la mise à distance, au même titre que les autres effets kitsch, qui renvoient à l'anti-nostalgie aux années papier glacé rafraichies par la série Mad Men.

     

     

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    L'attention distraite par les leurres, les attaques surprennent d'autant. Ainsi le contraste entre les actions d’un corps conventionnel et aseptisé, baigné dans une musique d'ambiance qui nous dit "tout va bien" et le même corps qui soudain s'expose frontalement, cette fois sans artifices. Aveuglant, ce corps nu éclairé cru, chairs, seins, ventre, membres et sexe secoués jusqu'à l'indigestion sur une bande son orgasmique, obéissant aux mâles injonctions d'une chanson de Led Zep, objectivisé et le visage dérobé par un masque. Cette exposition se prolonge interminable jusqu'à écœurer tout voyeurisme possible. On n'était pas présent en 1975 pour réagir à la performance source de Marina Abramovic-Freeing the body- mais on a le sentiment que l'entreprise de libération originelle est ici détournée et actualisée vers le constat cynique de notre pornographie quotidienne, signe des temps.

    Autre remise à niveau insolente, le manifeste féministe d'origine de Carole Sheeman est recyclé sans sourciller en numéro de cabaret canaille, jouant sur connivence très vendeuse. Quoique tout autant possiblement subversif, à y penser à deux fois. La frontière entre faire et le dénoncer est mince, et renvoi, mais c'est justice, le public à son jugement, à sa réflexion. On ne voit pas, comme dans la performance de départ, un discours à lire que la performeuse semble extraire de son vagin, mais des rubans multicolores , puis des piles alcalines (comme pour faire fonctionner une poupée?)... Les questions sont posées, avec force, mordant et ironie. La proposition finit sur une belle pirouette, un juste retournement: le public à son tour est éclairé par la projection de l'œil du sexe féminin, qui le structe souverain et lumineux.

     

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    Magical de et par Anne Juren & Annie Dorsen, avec le concours du magicien Steve Cuiffo, d'aprés des performances originales de Martha Rosler, Marina Abramovic, Yoko Ono et Carole Sheemann. Au théatre de la Cité internationale, dans le cadre du programme Des-illusions.

    Guy 

     photos de Roland Raushmeir avec l'aimable autorisation du Théatre de la Cité Internationale

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  • Gyohei Zaitsu danse dans la rue

     ...le lundi 11 avril à partir de 15h30, Square Caulaincourt 75018 Paris.

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    Photo Jérome Delatour-images de danse