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La musique évidemment est invisible, presque se devine. Elle semble pourtant ce soir être une matière. Surtout cette musique dite "concrète", est d'une grande qualité de densité, quasi à la toucher. D'où mon trouble également, de ne rien voir d'abord en rapport, ici assis. Je ne vois même pas les amis que j'étais censé retrouver. Essayer de renoncer alors à regarder. Déja les haut-parleurs, partout. Ne pas voir qui joue .Se focaliser sur-juste en face de moi- une petite photo du compositeur, sur une plaque au milieu de fils electriques et circuits intégrés, bobines et fragments de magnétophone, le tout dans une de ses nombreuses créations picturales, chacune un assemblage inédit. Imaginer Pierre Henry quelque part deux étages plus bas, barbe blanche et concentré, devant ses consoles, écouteurs aux oreilles, doigts sur des curseurs. Mais avec quoi joue-t-il vraiment? Chef d'un orchestre virtuel, dirigeant des fantômes, régnant sur les câbles et les amplis? De quelle manière, ici et maintenant, agit-il, sur ce qu'il a préalablement déja est conçu, pensé, enregistré? S'agit-il ce soir d'une simple transmission, d'une mise en situation. Ici à voir ni geste ni instrument. La main, la bouche ne rencontrent ni corde, ni embouchure, ni touche. Voire, à écouter la musique, difficile de visualiser à partir de quels instruments en a été produite la matière première, avant tout traitement, toutes transformations. On entend sortis des baffles, en rythmes et notes, des chocs, des grondements, des agitations, des vibrations, des soupirs, des foules et des évenements qui se bousculent comme des troupeaux impatients, des superpositions, des rencontres,des éclosions, des travaux, des émissions, des rémissions, des inquiétudes et des éclats de joie, des sautes d'humeurs et des traits d'humours, des bulles, des songes et des abandons. Mais ni piano ni violons (à l'exception de quelques samples de Schubert). Elle ne se vit jamais abstraite, cette musique libérée de sa source, qui d'autant plus directement nous touche.
Puis, à force d'ouvrir les yeux et bouche bée, je vois ce qui est évident depuis le début, comme une lettre cachée dans cette pièce. La maison, la musique ne font qu'une. L'expression de la même pensée, la même. Dans les airs et aux murs la beauté mis à nue, entre rigueur et hasard, matériaux mis en pièces, ré-agencés et ré-inventés, en profusions, accumulation, en contrastes et mouvements. De dedans je vois la musique en voyant la maison assis dans la chambre de Pierre Henry, au dernier étage de sa maison de sons.
C'était un concert chez Pierre Henry, chez lui à Paris, avec Phrases de Quatuor, Miroirs du temps, et Envol, deux programmes par soir jusqu'au 30 octobre.
As we hear the first lines, we're surprised! The theatre did let us know the performance was in english language, but it appears the french subtiles (that were announced on the program) are, for some technical reason, actually missing....Well, We've all got to adapt, and focus. As watching a danse performance. I remember reading that Orson Wells once said he rather attend a show in a language he didn't knew, to let him fully envoy the playing of the actors... The consistency and musicality of the work of the two actress on stage are indeed attractive. But I am frustrated. I sure miss a great part of the subtility of the play. I've got the feeling to always stay far behinds the meanings, being always to slow, unable to catch all of possible implications. Thanks to Barker's writing style, some words and sentences are often repeated. On the other side, placed into an accurated state on attention, I've to let my imagination work, forced to fill the gaps. Being aware that Barker's theatre can be interprated in many ways. All things considered, It's tonight quite an interesting expérience to live.
In addition, according to Barker's habits, the time and place of the plot are all but explicit. What did I hear, what did I see? It's as confused as the words I use to express it. After a mysterious "alteration", a catastrophe of some kind, they're only two women left on stage (and in the world?): that is a former contess and her servant. Lost in a no man's world, maybe in a no male's world. The relationships betweens these two women seem to be have been reversed, now upside-down. The former servant rules (but the situation is much more twisted than it seems at first glance). She wants her husband to have her former mistress (in a sexual way). The whole play is built on this strange request. But I'm not sure the invisible husband really exists off the stage, maybe he's only the expression of the two women's desire. Of the former servant thurst of social revenge, or of the former mistress secret fears and fantasy. It's no surprise we feel an heavy erotic atmosphère all along. The play deals strongly with social power, desire, dignity, dependence and cruallty. Sometimes a mecanic dogs appears, to claim some contess clothes, have her partly undressed. The dogs is beautifully played by a man, he frighteens the two women, it seems he is send by the husband. I ask myself if the dog could be the husband himself. There is a strong contrast between the elegance of the lines and pronunciation and the violence of their very physical relationships. What the language may be, the two women litteraly fight each other. I enjoy this harscheness. Most interesting, the former contess appears, by her way of speaking, not to be a victim, she dosn't act as submitted. The former servant domination is full of doubts. At last, the former contess disapears off the stage to have forced intercourses with the invisible husband. Or maybe it was just an fantasy. Anyway, she returns form this encounter placed an upper position. The dog nows obeys her, the roles are again reversed. The play could continue in a circular way from now on, with further alterations. Only one thing is sure: the two women need each other. It may have political implication, beyond phsycological meanings. I'm out of words now, so that'll be all, and sorry for the many mistakes. If anybody saw another story he's welcome to tell it.
C'est dans la convulsion des derniers instants que tout se précipite et se rassemble. Dans un vertige où tout prend (non une logique) mais force et sens, au paroxysme d’un tourbillon. La danse, d’abord enfermée dans un solo en boucle (A Conspiracy), s’est mise à contaminer tout l’espace autour d’elle, s’est propagée, par cercles successifs, de danseurs en danseurs, en expansion irréversible, par décharges, par déferlements de sons et sensations, par brusques possessions. Notre espace d’observateur est emporté, balayé, les fantômes parmi nous libérés. Le moment est saisissant, effrayant à dire vrai.
C’est dans ce dénouement en débordement que se justifie et trouve une cohérence ce qui a précédé, vécu jusque là comme un patchwork déroutant de danses (vues ou nouvelles), et théâtre, poésie, musique, performance: une étrange carte blanche(1). A commencer par ce long prélude qui sur le coup paraissait fastidieux: trois femmes, dont les robes lugubres et cérémonieuses contrastaient avec les poitrines dénudées, une combinaison comme sacrée. Elles semblaient devoir tournoyer lentement pour l’éternité au son des trois mêmes notes, tandis que trois sorcières de Macbeth lançaient leurs malédictions. C’était, rétrospectivement, un rituel, un envoutement. Aussi une manière de nous faire accepter le principe de répétitions et de subtiles variations comme moyen de faire apparaitre ce qui sinon resterait caché, la mise en œuvre d’une transe au ralenti, diluée. Circulaire également, la lutte ensuite de ces deux guerriers presque nus. Les corps s’attaquaient l’un l’autre en contacts exacerbés, leurs gestes accumulés, saturés, dans un combat d’abord à mort dont la violence s’épuisait peu à peu, en ralentissements, pour se transformer en étreintes amoureuses. Dans cette répétition de mouvements pouvait donc changer la signification de l'ensemble. Par contraste, le corps avait tout à fait disparu de la partie qui suivait: une pure évocation de l’invisible sous trois angles, tentée via trois sensations. La musique de Philippe Glass interprétée au piano, la voix portant la poésie d’Emily Dickinson, les images floues d’un film fantomatique (de Xavier Baërt). Durant cette absence le temps encore s’étirait. On en venait enfin à la dernière histoire, celle de la folie d’un prince- d’un fou-shakespearien(Lionel Hoche), condamné halluciné à répéter encore et encore mots et gestes, enfin à s’en libérer tout en nous entrainant avec lui dans ce cycle. Nous avons été invités à deviner toute cette soirée des recits de fantômes et de disparitions, d’exorcismes enfin. On peut comprendre ainsi le final, sur une variation d’Amazing Grace. Mais ne sommes- nous pas à notre tour,invités à danser, pris au piège, sommes nous vraiment libérés de ces démons? Je retrouve surtout, au terme de cette soirée rétrospective, ce qui me fascine dans l’art d’Alban Richard: la faculté de faire naitre des émotions brutes de la rigueur et géométrie des formes.
(1) bien que le déroulé de la soirée ai été quelque peu ralenti et dispersé par le parti-pris de la partager entre quatre lieux reliés par des trajets en car: l'Atelier de Paris Carolyn Carlson, le studio Le Regard du Cygne, L'étoile du nord et Micadanses. L'initiative a pour avantage de nous informer que ces structures constituent désormais un centre de développement chorégraphique en réseau (c'est surement une excellente chose), mais aussi pour inconvénient de nous faire mesurer toute la congestion de la circulation routière à Paris et petite couronne...
photo de Vincent Jeannot avec l'aimable autorisation de la compagnie.
Les plus courts chemins de Daniel Dobbels nous emmènent très haut, nous emmènent loin. A condition de soi-même accepter de ralentir, de prendre le temps, de se placer en état d'écoute, de se dégager de bien des conditionnements.
Pour s'approcher alors d'une utopie, celle de voir des corps qui s'exprimeraient en leurs émotions, en leurs verités, libérés de toute contrainte sociale, de toute obligation trop spectaculaire. Cela posé, de la danse elle même on ne se risquera donc pas à entreprendre de description, forcement de réduction. Sinon remarquer que les mouvements semblent se développer toujours sur un autre rythme que celui celui auquel on s'attendrait, à une autre vitesse. Il faut accepter de se couler dans une autre mesure du temps, un autre possible. Aussi ressentir que rien ici n'est appuyé, ni demonstratif, ni évident, la subtilité des rapports entre les êtres et les corps respectée, de la résilience à l'affirmation exaltée de la vitalité. Du silence à l'exacerbation des sentiments, de la musique de Cecilia Bartoli au blues de Jimi Hendrix, les corps se révèlent à eux même attentifs et yeux mi clos, maitrisent dans un espace appaisé d'invisibles objets. Cet art ressemble avant tout à une morale, à une attitude, c'est aussi une chance d'écouter parler quelques minutes le monsieur, à l'image de sa danse: intelligent, sensible, respectueux, passionné. Et de mieux comprendre son projet: faire découvrir à tous les publics que les gestes ne sont pas des armes mais des dons, des richesses.
Les plus courts chemins, de Daniel Dobbels (Compagnie de l'Entre Deux), suite composée de Les revenants (trio), Etre à même (duo), Effectif réduit (quintette) sera créé les 8 octobre et 9 octobre (aujourd'hui et demain) au Forum de Blanc Mesnil.
Guy
photo avec l'aimable autorisation de la compagnie.
Ce n’est ni à une répétition, ni à un spectacle, ni un festival, auquel j’assiste aujourd’hui, mais à des rencontres entre professionnels de la danse. Une vingtaine de compagnies, connues ou moins, présentent durant deux jours, à la Maison des Arts de Créteil, leurs créations à des programmateurs, en présentent plutôt des extraits. Pour la troisième année le CDC du Val de marne m’invite aux Plateaux, j’en suis content, attiré ici par la variété des propositions, m’y sentant toujours pourtant comme un peu clandestin, au milieu de professionnels. Il y a là plus d’une centaine de programmateurs, de représentants de lieux de spectacles et de création, qui viennent quant à eux autant pour le travail que pour le plaisir de la découverte. Je leur souhaite d’arriver à concilier les deux. Le rythme est soutenu. Afin de permettre à un maximum de compagnies d’être vues dans le temps par définition limité de la manifestation, ce sont des échantillons- idéalement représentatifs- des pièces qui sont proposées. Des teasing de 10 à 30 minutes, c’est quitte ou double. Cette contrainte est d’évidence réductrice pour le chorégraphe, et souvent frustrante pour le spectateur. Mais la curiosité est éveillée, tant les propositions, sur le fond et la forme, sont variées. L’essentiel est que cette louable initiative du CDC permette à des compagnies de gagner ici en visibilité. Se crée ici pour quelques heures tout à la fois un lieu de création et une place de marché, un lieu d’approches, d’étonnements et de rencontres. On devine que réputation et notoriété se construisent sans doute sur un plus long terme que ne souhaiteraient ici les artistes.
J’arrive pourtant en terrain connu. Je retrouve Veronica Vallecillo pour Redressage, Redresser, Redresse-toi. Et me retrouve saisi par l’intensité déjà vécue qu’il y a trois ans à Point Ephémère, gagné par des sensations lourdes déjà ressenties alors, par la même étrangeté. Le sol semble trembler sous le martèlement guerrier des talons de la danseuse, les vibrations s’insinuer dans mon inconscient, accompagnées par de graves chuchotements, et par le grain palpable de l’image et du son. Le noir domine, déchiré d'écarlate, l’espace dessiné libre pour des rêves troubles. Au fond le paysage s’enfuit, des banquises s’effondrent. Au centre, farouche, la figure féminine: corps raide et en défi, corseté en robe noire, voile et bottines, en pleine flamenco attitude. Entrainé dans un vertige érotique, dans une danse post-apocalyptique, entretenant avec les comparses vêtus de collant noirs et munis de trousseaux de clés des relations réversibles et ambigües. Fouets, baisers et étreintes avec la mort rouge: les scènes se chargent d’autres images fortes et fantasmatiques….et la création en reste là, inachevée, pour le moment en recherche de budget. Impossible d’oublier ici que la dance est aussi une activité économique, dont on connait la fragilité des paramètres (faiblesse des recettes de billetteries, complexité des soutiens publics, grande richesse de l’offre créative, précarité de la situation de beaucoup d’artistes…). En l’absence de financements beaucoup de créations restent longtemps à l’état d’ébauches, je souhaite que cela ne soit pas le cas de celle-ci.
La jauge est ensuite annoncée quasi complète pour Claudio Stellato, je m’efface pour laisser plus de place aux pros. Louves, de Christian Ben Aïm, ensuite me laisse perplexe. Au moins je ressens avec évidence un déluge inquiétant de piano et percussions. Il faut d’abord s’habituer à la féminisation du danseur, qui, dans ce songe de fées, se rêve petit chaperon rouge puis grand méchant loup, se débat dans sa robe. Le suivre, alors qu’il se déplace par mouvements paniqués, puis lorsqu’il évolue de personnage en personnage, sa hache brandie, du comique au menaçant. Le temps me manque, sans doute, pour m’adapter à ces changements de modes. Pourtant, il semble que la création-qui sera reprise cette saison à Artdanthé- aie été dés le départ prévue pour ce format: c’est l’exception qui confirme la règle.
Au retour du déjeuner Bruno Pradet, avec Des Cailloux sous la peau nous emmène déambuler aux quatre coins de la Maison des Arts. Afin de présenter en continu les différentes propositions des compagnies, une demi-douzaine de lieux du bâtiment du M.A.C. sont utilisés tout au long de la journée. Ce chorégraphe ci a choisi de mettre en mouvement avant tout les matières: sable, lumière, fumée, images projetés… Aux danseurs de s’y confronter, de glisser leurs corps dans ces environnements. A défaut de pouvoir en vingt minutes nous guider dans la profondeur, Pradet nous place dans un état de jubilation enfantine, impressionnés par le renversement des sensations et l’inventivité des effets. Et tire bien son épingle de ce jeu de démonstration accéléré.
Pas le temps de souffler- tout juste de saluer des visages connus, voire des personnes moins bien identifiées dans la cohue et qui ne m’ont peut être plus reconnu non plus, ou de reconnaitre d’autres personnes pour de bon mais sans avoir le temps de les saluer, et d’abord ne pas reconnaitre Veronica Vallecillo (qui sur scène était masquée)-il faut aller ensuite découvrir Palle Granhoj (Danemark), qui présente un extrait de 2men2mahler. Ce duo masculin joue d’abord drôlement des muscles, et à cache-cache avec la nudité, dans une suite de gags qui trouveraient leur place dans une salle de gym…mais la pièce passe progressivement du comique à la subtilité, les rapports entre les deux personnages gagnent en intensité et incertitudes… Leur relation muette semble riche et annonciatrice de futurs développements. Mais à dire vrai, ma concentration commence à se perdre, plus par l’effet de ma propre fatigue qu’à cause de la pièce, sa douceur permet d’agréablement m’évader ailleurs. Cette proposition est ouverte. Si j’étais programmateur, je voudrais en voir plus, mais plus tard peut-être.
La proposition suivante commence avec du retard, de tels aléas techniques étant la rançon de cette course en flux tendu, et la transformation de tous les espaces d’ici en lieux de représentations. Toucher terre de Laura Nercy me lasse très vite, la fatigue y est peut –être pour quelque chose. C’est la cinquième proposition vue aujourd’hui, à chaque fois un effort d’adaptation à un univers différent, un exercice d’humilité. Mon empathie d’assèche, et le public de professionnels qui m’entoure me semble plus difficile et retenu qu’un public d’amateurs. Mais j’aurais eu, confronté à cette pièce dans un autre contexte, des réactions similaires: confinée sur une chaise la proposition me parait trop statique, introspective et auto-centrée, sans la grâce ou le mouvement qui pourrait la transcender. Ni la subtilité de la proposition d’avant, ni le spectaculaire de la précédente. Gros coup de fatigue et saturation, je sèche INAWTP de Kasja Sandström. Brève évasion dans le réel, dans un rade de la dalle-esplanade de Créteil, lieu vaste, vide, blanc, plat et venteux entre Hôtel de Ville, Commissariat, Chambre de Commerce, Préfecture et Maison des Arts et de la Culture. J’admire les pros, qui pendant ce temps enchainent sans sourciller (mais peut-être certains font-ils l’école buissonnière ?).
Retour à la M.A.C. Grand hall central encore désert, mais dans la fosse quatre jeunes femmes plus nues qu’en intégral, bronzées et huilés, aux physiques calibrés au poil prés selon les canons du jour, qui s’étirent alanguies sur un tapis de danse. Réveil instantané. Il s’agit de la mise en place de la prochaine performance, Broken Glass Performanced’United-C (Nl). Le show s’enclenche sans heurts ni ruptures à la sortie du public de la salle d’avant. Les belles évoluent en frôlant au sol des verres cassés, pour donner le sentiment de pouvoir se blesser durant l’exercice. Elles caressent les tessons du bout des doigts de pied, lentement se retournent, se fraient horizontales des chemins des les verres coupants en glissements charnels, étirements sensuels et pivotements luisants. Les verres tintent aussi agréablement. Personne ne m’en voudra de révéler que les belles s’en sortent indemnes, les amateurs de sang ou de coupures en restent pour leurs frais. A dire vrai, je ne parviens pas à avoir peur pour elles. Les danseuses semblent plus exposées aux regards qu’au danger (sinon au niveau symbolique). A défaut d’être vraiment intense ou cruel, c’est « plastique » et visuellement généreux. Et très lisible à la fin d’une journée bien remplie. A suivre: une autre création de la même série dans quelques mois à Artdanthé (décidément).
Ensuite, T.R.A.S.H. (Nl) délivre avec T+Bernadette ce qu’il faut, à 18H00 passé, d’adrénaline. Je connais leur style (et n’ose plus dire d’où), on ne peut plus physique et nerveux, on craint plus pour eux que pour les danseuses d’United-c. Courses et saccades, gestes tendus, pendus, tremblés, équilibres pénibles, corps qui se trainent et se heurtent, se saisissent et se culbutent cris et tremblements, agitation extrême, le sol en est secoué. Et un violoncelle est là pour taper sur les nerfs. L’Il et l’Elle du duo changent souvent de rôles et de costumes, mais je ne sais lesquels. Si je ne comprends rien à ce qu’ils disent, je goute à de belles fulgurances. J’en sors en n’ayant rien découvert de plus: ni conquis ni déçu.
Je commets une dernière erreur, aller voir, le regard épuisé, la représentation publique de Mais le diable marche à nos cotés d’Heddy Maalem mon regard épuisé. La pièce est nerveuse et intense, situé dans un désert aux couleurs rouges traversé de migrations inquiètes, la musique entêtante, le tout est trop oppressant, je ne suis plus, après cette journée, armé pour affronter cela. La rencontre n’a pas lieu. Les plateaux continuent le lendemain, ouverts au public. pour des raisons personnelles je ne peux assister à cette seconde journée et n’entend tirer ni bilan ni conclusion de la première. C’est un voyage express dans un paysage contrasté et morcelé, avec d’étonnant aperçus, un paysage modelé par les différents artistes, qui me donne envie d’encore marcher et découvrir. Sans règles, ni tendances lourdes qui se dégageraient, ni directions partagées: tant mieux.
Ce serait pour de faux le vrai enregistrement d'une émission de radio. Tout y serait évoqué, deformé, repété, amplifié, dans l'illusion du direct, d'un travail en train de se faire.
C'est à dire que l'on jouirait tout autant de la mise à jour des trucs, codes et effets, des à-cotés, des voix chaudes et des micros avides que des matériaux soit disant révélés. On s'étonnerait des play-backs et des voix off, des cadres mouvants, des subtils déplacements, des glissements inattendus des règles du jeu. On jubilerait de voir décalés les repères. On tendrait l'oreille pour entendre la fiction naître. Parfois le vide l'aspirer. Comme de juste, on ne verrait jamais Lenka Nehanebna, sujet dérobé, phantasme invisible, archétypale femme fatale "pas banale", improbable artiste tchécoslovaque. D'elle on ne capturerait que des fragments figés, des empreintes reconstituées, des lambeaux de mystère. Il s'agirait d'un documentaire dérivant vers l'imaginaire, en rétribution de tous les rêves fabriqués à partir du vrai. Tissé de décalages subtils, d'emprunts plus vrais que nature aux univers d'Hitchcock, de Kundera, Godard ou de Rosselini, d'impostures et de morceaux de réalité, d'impasses et de coups de bluff, d'hésitations, de silences et de sons surchargés, de collages et distractions, de films imaginaires à voir avec les oreilles.
Mon tout serait une pièce à écouter avec les yeux.
C'étaitLenka Nehanebna avec Maya Boquet, Lenka Luptakova, Kerwin Rolland, à la Loge. Encore la semaine prochaine.
Adire vrai, Courteline, je m’en fiche un peu. Ce que j’aime ce soir est dans le jeu, cette énergie offerte même pour six spectateurs- c’est jour de grève des transports- dans la mini-salle de l'Aktéon. J’aime aussi voir osée ici une esthétique passée de mode: des airs de jazz chantés en vocalese façon Mimi Perrin, des clowns qui s’assument, des mimes et mimiques, des gags, claques et répliques réglés comme du papier à musique. Ce burlesque n’a pas dit son dernier mot, fait feu de tout bois jusqu’au jet de tartes à la crème, lance des clins d’œil au cinéma muet. Et j’aime qu’on se fatigue à réussir ce soir à me faire rire, sans trop me charger d’autres considérations. Je prends ça comme une marque de respect et une preuve de générosité. Pas de message asséné ni de démonstration obligée- si ce n’est quelques échappées douces amères à propos de la condition d’artiste- mais une ronde de personnages en situations grotesques : flics, quidams, mauvais garçons, bourgeois, tous libérés des lourdeurs de la dialectique distanciée…. Je goute comme à un sursis. Encore qu’à y réfléchir… Cela n’a été depuis une heure rageuse qu’invectives, injures, gnons, baffes, torgnoles, bourrades, crocs en jambes, corrections en musique et coups de bâtons en accéléré, entre voyageur et receveur mal embouché, prisonniers et matons, mégère et époux grognon. Avec en exergue cette citation féroce de l’auteur: « Je ne connais pas de spectacle plus sain et d’un comique plus réconfortant qu’un monsieur recevant de main de maitre une beigne qu’il avait cherché ». Cette violence tout azimut et tout public nous fait rire sans nous choquer, c'est stupéfiant mais c'est ainsi. Elle appartient tellement à la tradition du théâtre qu’on ne peut spécialement y voir d’allusion à l’actualité. Est-ce à méditer? On sort. Pour le moment tout va bien dehors.
C'était Entre les lignes (de Courteline) par la compagnie pansdarts, m.e.s. Gersende May, à l'Aktéon.
Le théatre devrait toujours nous prendre et nous surprendre comme ceci, toute la vie concentrée en 1H15. Nos destins incertains ou celui de Peer Gynt d'Ibsen, ce dernier propulsé en quelques étourdissantes ellipses de l'état de jeune fanfaron à celui de vieil homme à l'heure de rendre des comptes, et sans avoir compris comment. Ce théatre vécu de tout près, qui bondit, rit, crie et pleure, déblase en quelques instants. Etre Peer à fond, transposé dans cette Norvège des légendes populaires, avec les trolls- mais rock and roll -et le diable au bout du chemin.
Peer Gint court et vole sans boussole, de désirs en impostures et d'audaces en hésitations, entre et sort en quatrième vitesse, passe du comique à l'épique, du tendre au truculent. Les sept acteurs bondissent de rôles en rôles et de costumes en costumes, font d'une bâche une mer déchainée et batissent une montagne avec des bouts de carton. Ils créent ensemble une généreuse machine théatrale à émerveiller jusqu'aux plus jeunes, dans le même temps nous tendent un miroir pour mieux y voir nos vies en exagéré, tous perdus entre amour, ambitions et inachevement, imparfaits comme des boutons à refondre dans le grand chaudron. En une fable drôle et cruelle, la condition humaine.
C'était les Aventures de Peer Gynt, d'aprés Ibsen, mis en scène par Yaël Bacry, vu à Anis Gras à Arcueil, ce samedi encore.
La forme d'un arbre signifie un arbre, deux arbres un bois, et trois arbres une forêt... C'est ce que nous explique aprés coup, en japonais, la calligrapheSaiso Shimada. Un monsieur sorti des rangs du public s'improvise avec brio traducteur pour partager avec nous ces dits. Le signe écrit évoque donc l'objet en lui même, son apparence et son essence à la fois, sa place dans l'harmonie naturelle, mais étions-nous beaucoup dans le public à le comprendre ainsi, alors qu'au terme d'une longue méditation dans un silence d'une blanche perfection, sur le papier couché au sol la caligraphe jetait son geste? Le pinceau- une grande brosse, presque un balai- plongé une seule fois dans le sceau, puis son bras qui danse pour lâcher en quelques mouvements la lourdeur noire de l'encre sur le papier immaculé, sans retours ni regrets. A partir de ces idéogrammes, que je ne sais pas lire, surgit donc la Forêt, puis s'étend la Décomposition, enfin se lève l'Aurore.
L'encre posée, ces forces naturelles s'incarnent dans le corps de la danseuse Moeno Wakamatsu. Je la regarde portée par ces trois improvisations, sans alors connaitre leur signification, mais pour au moins ressentir et deviner que des forces cachées la traversent douloureusement, sa lenteur en est l'écoute exacerbée. Je vois cette femme sans alors deviner la forêt écrite et dansée, pourtant déja évidentes des cycles d'inéductables agonies et de miraculeuses renaissances, son ombre tendue sur les feuilles blanches, des terribles affaissements, son bras tendu vers l'infini, puis tout revient comme avant dans le tout. Moeno dessine de son corps dans l'espace des signes tout autant enigmatiques et fascinants que le pinceau sur le papier, j'en accepte d'abord les mystères tout comme j'en accueille plus tard le sens.
" Je ne vois pas la femme cachée dans la forêt", tel est le titre de la toute prochaine pièce de Perrine Valli. La chorégraphe est revenue d'une résidence au Japon, mais je ne sais si elle s'intéresse aux idéogrammes. Nous sommes quelques-uns à qui Perrine, à l'initiative de Mains d'Oeuvres, ouvre cette répétition, pour ensuite recueillir nos impressions. Il est prématuré de parler ici sur le fond de ce que nous voyons de cette pièce en pleine éclosion, avec ses belles promesses et encore ses fragilités. Mais il me sera, je l'espère, pardonné d'évoquer la discussion qui suit, significative. Nous découvrons en effet durant cet échange toute la distance qui reste à ce stade entre ce que chacun a vu et ce que Perrine a voulu montrer. La chorégraphe a pris garde à ne pas trop appuyer ses effets. Trop? Beaucoup d'images, de références artistiques ou sociologiques, de situations, de jeux de rôles, fruits d'une réflexion ambitieuse et complexe, m'ont échappé, ainsi qu'à d'autres invités. Nous n'avons pas vraiment vu la femme dans cette forêt de gestes, du moins la femme comme elle voulait apparaitre. Sans pour autant que cette méconnaissance, comme lorsque j'étais confronté aux idéogrammes de Saiso Shimada, ne m'empêche de vivre avec un grand plaisir l'expérience de cette représentation, porté par le flux des images et la cohérence et la beauté de la chorégraphie, quitte à imaginer le reste....Et j'aurai pu en rester à cette perception, sans les explications de Perrine. Mais cette pièce telle que je l'ai vue n'existe déja plus. Il est clair que Perrine- il s'agit de sa quatrième création je crois- se défie de plus en plus de tout exces d'esthétisme pour privilégier le sens. Je sais que la pièce va être améliorée, plus cohérente et plus forte, mais j'éprouve pourtant un dernier regret à l'idée de la clarification qui va être entreprise. La matière en tout cas est là- le sujet est ici la femme, et non la forêt-et il reste le temps nécéssaire à la chorégraphe pour ces ajustements, faire en sorte que le spectateur perçoive tout ce qui lui est proposé, tout en gardant sa part de liberté, sa respiration. Je suis curieux de bientôt découvrir le résultat final- en espérant retrouver ma spontanéité de spectateur- pense aussi à toutes les pièces prématurées qui n'ont pu à l'inverse de celle-ci murir fautes de regards, à ce que je n'ai pas vu et à leurs intentions perdues...
C'était l'idée de cette été, au départ à l'occasion du débat au forum du off d'Avignon avec Pascal Bely: "Quels espaces de parole pour le spectacle vivant?". Que quelques bloggeurs s'essaient à expliquer leur démarche, et tenter le portrait d'un autre blog... comme pour esquisser une cartographie des blogs consacrés au spectacle vivant.
Ainsi ici la contribution de Martine Silber, à lire aussi sur son blog Marsupilamima, suivi de ma reaction, et de l'évocation du Blog de l'Athénée
Martine Silber : D'abord merci pour la description du blog. Je l'ai démarré juste après avoir quitté le journal Le Monde, à l'automne 2008 et mes premiers billets font souvent part de ma découverte de la "blogosphère" et de mes interrogations. Bien entendu, cela est dépassé aujourd'hui. Mais l'objectif reste le même, un objectif principalement journalistique. Comment écrire et faire de la critique autrement que sur le papier?
Le constat est assez curieux: ne plus donner d'infos, c’est à dire ce qui fait l'essence même du journalisme. Pourquoi? Parce que ces infos sont sur les sites des théâtres, dans les dossiers de presse, sur d'autres blogs, dans les rubriques de la presse en ligne...Un exemple: pourquoi recopier le programme du festival d'Avignon puisqu'on peut le télécharger à partir du site du festival? Autre exemple, les infos pratiques (dates du spectacle, dates de tournée, adresse et téléphone des lieux, tarifs, durée de la pièce, sa distribution...tout cela est en ligne, il suffit de mettre le lien. Autrement dit, c'est utiliser ce que l'on appelle du journalisme de liens au sein du billet.
Reste le reste...c’est à dire faire partager des plaisirs et des émotions. Pour l'avoir trop fait, je n'éprouve aucun plaisir à descendre un spectacle raté. Je le passe sous silence. Mon objectif est d'amener des lecteurs à ce partage du bonheur que donne le spectacle vivant. Partager est le mot le plus important, tout comme on partage des liens sur les réseaux sociaux, je cherche à partager dans un billet un ressenti, une chaleur, une admiration.
J'ai un peu tendance à "négliger" les grands spectacles des grands théâtres, parce que j'aime les petits lieux, la banlieue, les gens qui se donnent un mal immense pour faire vivre le théâtre et qui méritent toute notre reconnaissance...
Mais je cherche aussi à soigner l'écriture, je me relis plusieurs fois, pas seulement pour éliminer les fautes de frappe, mais en travaillant la construction du billet, passant un paragraphe plus haut ou plus bas, je cherche les mots, les formules, j'évite les métaphores etc...
Je viens de passer un mois quasiment sans poster car j'ai été prise par d'autres activités puisque je viens d'animer plusieurs tables rondes (à Lyon pour les Archives Internationales du Roman, puis à paris Pour le festival Paris en toutes lettres) et j'ai lu une bonne vingtaine de bouquins pour les préparer ce qui prend du temps. Et mon blog me manque, je vais donc y revenir incessamment avant et pendant Avignon.
J'ai connu Un soir ou un autre grâce à des discussions avec le Tadorne et je partage justement avec son auteur Guy Degeorges, cette curiosité pour les endroits peu connus, les spectacles un peu bizarres, et une certaine mansuétude à l'égard des ratages! En revanche, plaçant le texte au cœur de mes découvertes, il peut m'arriver de parler de littérature mais l'éclectisme de Guy, toujours porté par sa curiosité, et qui se passionne pour toutes les formes de spectacle vivant m'enchante. Nous devrions aller au cirque ensemble....
Guy Degeorges : Merci à Martine pour ce passage de relais. Si elle revient assez tôt d'Avignon, elle peut m'accompagner au cirque à la Villette ou au T.C.I. en juillet...
Je ne parlerai pas plus avant d’Un Soir Ou Un Autre, sinon pour évoquer ma rencontre récente avec le sympathique Marc Molk. Marc est peintre, son projet est donc de créer des œuvres destinées à durer. Marc a également écrit un livre- Pertes Humaines – dans lequel il s’efforce de fixer le souvenir de personnes qu’il a perdues de vue. Le soir de cette rencontre, nous avons parlé spectacle vivant. Marc me confiait son trouble d’assister à la création d’œuvres qui, le temps de la représentation épuisé, ne pouvaient survivre que dans notre mémoire. Il me semblait quant à moi que beaucoup de l’intensité de ces rencontres artistiques se jouait dans cette éphémère même. Toutes les traces écrites tentées ensuite sur ce blog ou ailleurs, ne se résumant alors qu’à des échos déformés, juste des mercis, des adieux et des renoncements. C’est sans doute tout simplement de cela dont il s’agit ici.
Parlons plutôt deClémence Hérout. Clémence accomplit chaque matin, sinon l’impossible, du moins l’inattendu. Quand, il y a deux ans, Clémence a annoncé qu’elle créait le blog de l’Athénée, et qu’elle y écrirait un billet quotidien, je l’ai félicitée comme tout le monde et lui ai souhaité bonne chance. Comme beaucoup, j’étais persuadé que son entreprise était vouée à l’échec, c'est-à-dire qu’elle ne pourrait jamais trouver chaque matin quelque chose de nouveau et d’intéressant à écrire sur son sujet.
Je me trompais.
Car il suffit aujourd’hui de lire le blog de Clémence pour se rendre compte qu’aucun matin n’y ressemble au précédent. Mais que l’on peut chaque jour y partager sa passion méticuleuse pour les grandes et les petites choses qui font que le théâtre existe : les textes, les idées, les lieux, les textes, les objets, les enjeux, surtout les gens… avec un regard qui sans cesse se déplace, une curiosité qui ne s’épuise pas. En évitant le piège de la critique de spectacle, mais en explorant tout ce qui rend le théâtre possible, bien au-delà de ce qui ce qui ne concernerait que le seul théâtre de l’Athénée.
Ce faisant, Clémence a créé un nouveau métier (ce qui en revanche n’arrive pas tous les matins!) : celui de bloggeur d’une salle de théâtre, et a établi une distance et une indépendance originale vis-à-vis de son institution.
Pour éviter d’embarrasser Clémence avec plus d’éloges, je vais donc conclure en exprimant un regret, ou du moins une frustration. Clémence écrit très bien. Elle est très jeune (c'est-à-dire qu’elle a bien moins de trente ans) donc est très sérieuse (à l’écrit du moins, mais il est vrai que sinon je la connais peu). Elle ne laisse dépasser aucune faute d’orthographe, emploie toujours des mots justes, et me vouvoie quand je laisse un commentaire sur son blog…. avec ce côté sciences-po-première-de-la-classe, toujours contrôlé et ne voulant à aucun prix être prise en faute, même si sous la pertinence pointe souvent l’impertinence. J’ai le sentiment de ne voir que la partie émergée de l’iceberg… quand lirai-je une Clémence réellement emportée?