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Un Soir Ou Un Autre - Page 37

  • Trop ou rien

    Alceste d'Eurypide passé à l'essoreuse, en ressort ici en morceaux. A toutes les sauces: film muet accompagné au piano, chorégraphie sur du metal progessif style king crinsom, graves récitatifs, demonstration d'Hercule de foire à la batterie, choeurs doo-woop, trucages et vidéo, ce n'est plus une piece mais un défilé de procédés distanciés, certes beaux comme l'antique, trop telescopés. Je ne sais plus ce qu'on me raconte- la pauvre Admete à la fois morte et vivante comme le chat de Schrödinger?- mais vite je m'en fiche, l'intrigue vidée de l'intérieur. L'interdisciplinarité ressemble à de l'étalage, c'est froid, froid, froid, je me gêle d'ennui.

    L'ennui revient un autre soir du vide, et non plus du trop plein. Il s'agit d'une variation par deux performeurs autour d'autres performances avortées. La déconstruction fonctionne, à vouloir montrer l'absence ils n'y réussissent que trop bien. Les deux danceurs écoutent et paraphrasent leurs dialogues de répétition, signalent sur un bouton d'alarme des références privées, bref avec moi ne partagent rien. Par intermèdes muets, leur danse n'ose pas. Recherche=oeuvre=commentaires sur l'oeuvre= performance= toujours rien, c'est un fastidieux traité de l'impuissance artistique.

    C'était Femme Surnaturelle de Big Dance Theater au Théatre de Chaillot, dans le cadre du festival Anticodes, et Leistung de Martin Bélanger et Isabelle Schad vu à Vanves avec Artdanthé.

    Guy

  • Dans la forêt

    Pas franchement sauvages les spectacles, libres surement, plutôt inattendus dans leurs enchaînements -c'est d'ailleurs sympathique-nous permettant libres d'imaginer entre eux rapprochements, clins d'oeil, correspondances, par accidents (une fois oubliées les trop longues et toujours inutiles présentations). Pour tous goûts et publics, donc à me laisser moi-même au bord du chemin tout au long de deux des propositions. Baroques et athlétiques, irréprochables avec sauts impeccables à la croche pres, elles  laissent mon imaginaire au calme plat.

    A l'opposé, Pièce détachée, sonore de Stéphanie Auberville et Tirez sur le danseur de Fréderic Werlé  ont ceci en commun qu'ils parlent de la danse en elle-même (ou la laissent entendre ;-)). Au risque de se trouver à court d'autre fond, même si ces deux projets ne manquent ni d'audace et de subtilité. Dans le premier cas, il s'agit de la mise en espace (et cartons!) de la bande son des répétitions d'un spectacle à venir en avril àl'Echangeur. Je reste sur ma faim, préfère accepter l'entreprise comme une bande annonce. Fréderic Werlé parle avant tout de lui-même (au mieux: de la condition de l'artiste en général), fait son strip tease moral et professionnel, déballe littéralement son bagage de danseur et partage les propositions miséreuses et déshabillées qui lui sont faites par Pôle Emploi. Cela ne manque ni d'humour ni de poésie ni de franchise. Mais l'auto-centrage de ce propos désabusé, l'abondance de private jokes, sont suceptibles de lasser ceux des spectateurs qui comme moi ne sont ni journalistes ni professionnels de la danse.

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    A une autre échelle, Nina Dipla (Kyma) danse la vie même, ouvre vers un peu d'universel. Une troupe de sept femmes qui dorment, lentement révélées à la lumière du jour, puis c'est la féminité qui s'éveille. Du sac au ressac, les gestes sont transmis d'un corps à l'autre. Au gré des ambiances et des humeurs les corps languissent à l'unisson, puis se précipitent en une course sans fin, en robes colorés et peaux dorées. A cet instant, on serait prêt à jurer que la danse ne peut être jamais qu'une affaire de femmes, dont un spectateur masculin fasciné pourrait interroger longtemps et en vain les mystères. En mouvement sur la scène, cette armée de nymphes, portées par un souffle continu, court entre drames, aguichements, insolences, apaisements, fusions amoureuses, querelles, traques et poursuites. Une impression de masse et rendu brut, non policé, ne refroidit pas le regard, rend justice à la générosité de la piéce, cette l'energie démultipliée par le nombre. Le final monte convulsif, salutairement excessif, pimenté d'une narquoise impudeur.

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    Vue dans la dimension plus réveuse-tout aussi mystèrieuse-du duo, l'exploration de l'imaginaire féminin continue avec Au Loup-Contes de jeunes filles en brume de Julie Trouverie. Ce beau duo ressemble à un solo en miroir, fusionnel, une acide et troublante promenade dans une forêt de symbôles, au son de boucles hypnotiques. Au sol roulent les pommes, revenues de l'enfance et des contes de fées. La protagoniste dédoublée (la femme et l'enfant en elle?) visite à l'aveuglette, pâle et tendue, visage renversé, ou mains sur les yeux, à nous suggérer dans l'ombre des secrets que l'on ne saurait regarder en face. La danse se densifie, l'étreinte en apnée trouble, d'une sensualité sèche, une pomme mordue en bouche à bouche, la tension attise l'étrangeté. Le loup reste invisible, le voyage inachevé (1).

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    Si elle avait pu rester pour se glisser dans la piece suivante- Saad, Saad de Soraya Djebbar, cette femme aurait fait, à défaut de loup, une rencontre intéressante... Il faut se méfier cet homme ordinaire, civilisé, l'allure presque étriquée, assis sur une chaise. Il laisse peu à peu autre chose s'extraire de lui même, par gestes imprévisibles. Progresse par sauts de faune, possédé, retrouve des cornes-il faut croire qu'en tout homme il y a un bouc qui sommeille- poursuit sa spectaculaire désévolution vers une totale animalité, finit nu (libéré?) dans une autre forêt projetée en vidéo sur les murs bruts de pierres du lieu.

    C'était les Spectacles Sauvages du studio du Regard du Cygne.

    Photo de Kima par c.chevalier avec l'aimable autorisation de Nini Dipla, photo d'Au Loup par Anne Decourt avec l'aimable autorisation de julie Trouverie, photo de saad, saad par Nathalie Euvrie avec l'aimable autorisation du Regard du Cygne.

    "Kima" et "Une attraction invisible" seront présentés à la ménagerie de verre , le 29 Avril à 18H00, au bénéfice de la croix rouge du japon.
     
    (1) renseignements pris, l'histoire est à suivre... 
    lire aussi: Danzine
     
    les photos de Jérome Delatour-Images de danse sont arrivées!
  • Ici, presque maintenant

    L'image trompe, décidement, ne laisse passer de la réalité que reflets et apparences. Devant nous quatre danseurs en vrai et sur trois écrans, leurs actions projetées quelques quarante secondes plus tard ( soit peu ou prou le délai de survie de la mémoire immédiate). Devant cette glace truquée, les grimaces suivent avec un effet retard. La performance se déroule comme un jeu, qui d'abord d'un peu froid devient vite rafraichissant, comme déroulé dans la cour de récré avec sérieux et insouciance, les gestes de l'un repris par l'autre comme balle au bond devant l'écran qui témoigne juste alors de l'action du premier, puis par le suivant, ainsi de suite. Jusqu'à un possible épuisement? Non, les protocoles se renouvellent, l'imitation est détournée en subtils glissements, surprises et décalages, comme dans un jeu de téléphone arabe, du chef d'orchestre, du cadavre exquis, du chant en canon. Ces partis-pris formels en agacent certains, mon regard s'amuse et travaille à les suivre danseurs et doubles, se souvenir et anticiper... le jeu est perdu d'avance, evidemment. Avec la jubilation de repérer les petites tricheries qui viennent pervertir les regles. Je suis placé de coté à saisir tout le relief et la profondeur de leurs mouvements, et d'un coup d'oeil mesurer tout ce que trahit l'écran, par artifices voulus ou impuissance, tout ce qu'il perd de la chaleur et de l'émotion des corps, l'aplatissement.

     

     

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    La drôlerie laisse percer de l'inquiétude, peu à peu, affleurer peut-être un fond de panique. le tempo semble s'accélérer, et les interprêtes capturés en boucle semblent devenir les servants essoufflés d'une logique absurde, d'arithmétique déréglée. Démontrant, à petite échelle, la difficulté de rattraper le temps qui fuit. Est ce possible de laisser une trace derrière soi, de permettre un geste artistique-si mince soit-il- de survive dans la mémoire au delà des quarante secondes fatidiques? La disparition finit par s'imposer. Même pas grand chose, tout se déforme, tout se transforme, tout se transmet mais se dégrade aussi, tout s'échappe. Aussi les danseurs parfois à la surveillance froide de la caméra, libérés pour quelques instant de l'oeil de ce big brother, libérés du devoir de se souvenir et répéter, prêts alors à un peu danser l'instant sans avoir à conserver celui-ci. Mais la pièce revient vers de nouvelles boucles et séquences, sans peut-être l'ambition d'approfondir ces considérations, préfère s'autoriser encore de la légéreté. Les désabillages/rhabillages burlesques vers la fin affolent quelque peu le dispositif du départ, remettent au premier plan l'interactivité décalée entre danseurs et font oublier caméra et écrans: pied de nez, volontaire ou non, à la technologie et la captation.

     

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    C'était Ici de Mylène Benoit et Olivier Norman, vu à la salle Panopée du théatre de Vanves, avec Artdanthé. 

    Guy

    Photos de Fabrice Poiteaux avec l'aimable autorisation de la compagnie

  • Infiniment

    Non Finito, à nouveau Paco Decina, et tout de suite de délicieux paradoxes. Ce soir ni paroles, ni narration, ni gimmick, ni effet d'annonce, ni même un thême clairement identifiable: le corps et les mouvements sont remis au centre du jeu, mais pour bientôt se faire oublier. Toute virtuosité, toute performance physique escamoté, rien à voir avec ces ennuyeuses pièces de danse dansée par des danseurs pour être vue par des danseurs. Tout à voir pour imaginer. Il me faut me souvenir des répétitions de Fresques auxquelles j'avais eu la chance d'assister  pour fugacement reconnaître la trace des gestes familiers, de la signature, de tel ou tel interprête. Je devine tout le travail de polissage qui est intervenu ensuite. Jusqu'à ce point de fuite. L'important, c'est le suggéré, en suspend. Cette pièce ressemble à un petit frêre de Fresques, en quelque sorte, avec presque la même équipe artistique, et le regard détourné sans violence vers le hors-champs. Tout en étant fondamentalement different, avec plus d'apretés, de tensions, de souples agitations. Les duos glissent sans se heurter, en rapports esquissés, la lumière et la vidéo remettent en cause les structures, et matières déssinées par les formes, en lignes vivaces et échos déformés. Pour nous faire entrevoir impossible l'espace qui vit entre les mouvements.

    danse,paco decina,biennale de danse du val de marne

    A force de croire à l'invisible, Paco Décina réussit presque à nous le fait deviner. A nos regards de s'emporter et créer la suite, à n'en jamais finir, non Finito

    C'était Non Finito, de Paco Decina, vu au Théatre Jean Vilar de Vitry avec la 16eme Biennale de danse du Val de Marne.

    Guy

    lire aussi...Paris Match et Main tenant.

    La biennale se poursuit jusqu'au 2 avril.

    photo par Laurent Pailler avec l'aimable autorisation de la compagnie.

     

  • Les méduses nous rêvent aussi...

    texte mis initialement en ligne le 25/7/2010

    Entrevues à travers un voile de chaleur: des hallucinations moites, des impressions charnelles offertes aux faibles lueurs d'un néon. Au point de basculement de l'insomnie, les rêves plongent profond. Vais-je accepter à froid cette invitation onirique?

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    Le fil semble ténu, abandonné aux associations d'images et d'idées. Mais pourquoi pas, doucement invité, placé comme dans un cocon? Les chuchotements hors champs planent obscurs, presque inintelligibles, mais esquissent les limites floues d'un voyage onirique en état d'hypnagogie. D'abord un théatre d'ombres blanches, d'étreintes évanouies et de frôlements voluptueux. Les créatures émergent devant moi, êtres hydriques, dévoilées et masquées, flottent avec lenteur comme les méduses entre deux eaux, jettent le trouble. La apparitions surprennent, peut-être vénéneuses. Je suis par moments tenté de m'éveiller mais finalement je poursuis avec ces créatures ce rêve en apnée. Les pensées dérivent et désirent. Les gestes des ces femmes se balancent comme les algues entre deux eaux. Le balancement lourd des langueurs fait se passer quelques longueurs.

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    Les images émergent peu à peu de l'indetérmination aquatique, désormais plus nettes. Je renonce à suivre une structure et accepte d'autres rencontres dans ce songe en labyrinthe, comme elles viennent, me plie à leur rythme: scénettes absurdes, jeux interdits qui basculent dans une drolerie plutôt cruelle, extraits imaginaires d'une comédie musicale mutine. Le metteur en scène ne craint pas d'abuser de demander à des jolies femmes de faire de jolies choses (pour paraphraser le cineaste François Truffaut), mais on ne se résoud pas à le lui reprocher. C'est une chaude nuit d'été et le voyage est plein de belles surprises, jusqu'à l'heure du réveil.

    C'était l'Insomnie des Murènes, m.e.s par Laurent Bazin, à la Loge, repris jusqu'au 17 mars 2011.

    Guy

    Photos de sven Andersen avec l'aimable autorisation de la compagnie Mesden

    Jerome Delatour y était aussi: lire ici.

  • Hamlet à temps

    Ils ont tous un peu plus ou un peu moins de 30 ans, pas trop de temps à perdre, et Shakespeare pourrait avoir écrit la pièce pour eux pas plus tard qu'hier, ou c'est tout comme, avec Sweet Dreams à fond dans la scène d'introduction. Un Hamlet à jouer au pas de course (deux heures maximum): en toute fidelité l'histoire à la fois simple et compliquée d'un jeune homme confronté à toute la difficulté d'être un homme dans un monde de vieux. Où les fils n'en finissent pas de porter les crimes et malédictions de leurs fantômes et ainés, dommage pour l'amour avorté entre Ophélie et Hamlet en pleine dep', autant de fumée dans la tête que sur la scène. Romain Cottard dans ce rôle titre, surprenant et efflanqué entraîne la pièce de rebond en rebond, de la bouffonerie à l'interrogation existencielle jusqu'au To Be,etc... dépoussièré. Avec énergie, toute la troupe prend possession de l'espace, scène et salle confondue, ne gaspille pas un temps précieux en entrées et sorties, ponctue le drame en chorégraphies vigoureuses et rock' n' roll.

    C'est souvent gonflé, rarement forcé (sauf lorsque ces jeunes ont un peu de mal à être crédibles à entreprendre de jouer les vieux trop comme des vieux). L'histoire est racontée dans l'urgence mais avec intelligibilité, dans toute la profondeur de ses mises en abyme. Si riche, vive et crue qu'elle n'a pas besoin d'être modernisée pou être d'aujourd'hui (lorsque le fossoyeur traite Yorik de fils de pute... c'est bien dans le texte!).

    C'était Hamlet, de W.S. , m.e.s. par Igor Mendjisky, au théatre Mouffetard, jusqu'au 19 mars.

    Guy

  • Dans le donjon

    La danseuse nous surprend d'en haut suspendue dans un filet, les intentions annoncées à ce niveau sont radicales et border line: soumettre le corps à des contraintes et pressions, vers l'inédit et l'expérimentation, au delà de la douleur. Mais vite la réalisation retombe avec la pesanteur ras le regard au niveau d'images sado maso au premier degré, parasitées par des archétypes évidents. Comment autrement considérer cette jeune femme presque nue et attachée, suspendue par la taille, les mains, par les pieds? La proposition peine à se délier de ce poids, de cette difficulté. Sans porter de jugement, je me sens ici vite de trop. A terre la performeuse tirée par une corde lutte et chute- avec intensité telle qu'on peut un instant la partager-mais laisse le procéder s'épuiser. Un bombardement de chaussons de danse revient élargir tardivement le propos à la condition physique de l'artiste, juste pour laisser regretter ce qui aurait pu être.

    C'était Contraintes et Pressions d'Aureline Roy, à la salle Panopée du Théatre de Vanves, dans le cadre du festival Artdanthé.

    Guy

    Lire aussi: Danzine

  • Manifester

    ...Pour la suite, nous sommes précipités dans le monde, dans la société. Un danseur bondit parmi nous, crie. Dans ses mots mis bout à bout toute la confusion du monde. Noms forts, mais en désordre, d'hommes politiques, de marques mondiales, de peuples revoltés... On est interpellé, mais si quelque chose est  partagé ici, c'est surtout la difficulté de prendre du recul, de lier. Puis l'espace de jeu se réorganise de manière plus tranchée en un grand carré et nous tout autour. Le corps premier, essentiel et nu de la première partie a laissé définitivement la place à un corps politique, collectif. Philosophiquement, c'est une évolution qui fait sens. Et le manifeste alors dansé ne manque pas de force. Mais m'indispose par son militantisme paradoxal: symboles de paix sur les habits et musique martiale surchargée de roulements de tambours. "Let the sunshine" entonné à coté de poses d'arts martiaux, et défilé de majorettes radicales. A quel degré recevoir ce que la danse exprime ici authentiquement de colère et d'indignation? J'ai l'impression d'être invité à partir parader avec eux avec une mitrailette dans la jungle en treillis. Tout cela finit sous les ovations avec "Imagine" de Lennon, choix ambigu et symptomatique.

    C'était Ce dont nous sommes faits de Lia Rodrigues dans la salle Panopée du Théatre de Vanves, dans le cadre du festival Artdanthé.

    Guy

    le début ici

  • Etre (ensemble?)

    En une j'ai vu deux pièces. La première de retour vers les origines. Le regard invité à retrouver de l'innocence. Au milieu de l'espace: nous tous assis à terre et pas de son. Dans un coin de la salle, la lumière se concentre sur un corps en son parfait dépouillement. L'attention se focalise sur cet être revélé, libéré par la lenteur, simple, dans la vérité de la peau, de la chair. Jusqu'à nous permettre de nous libérer nous-même comme par l'effet d'une salutaire amnésie, à pouvoir oublier d'être la partie d'un tout. A connaitre alors la sensation d'une remise en zéro et de nouveaux matins. Les danseurs se succédent, les transitions de l'un au groupe nous accompagnent en douceur. Au tout début un homme, puis deux femmes qui n'en font qu'une en pure sensualité, aprés deux hommes quasi jumeaux chacun penché pour devenir le pont de l'autre. Tous les huit ensemble à la fin. A chacune de ces étapes du voyage de l'identité à la relation, tout n'est que souffles légers mais sans molesse, messages sereins mais force contenue. C'est beau comme cela doit l'être. Nudité rime ici avec humanité. Nous sommes à chaque pause mis nous-même mis en mouvement, poliment et fermement, pour regagner une nouvelle  place de spectateur...

    Quand le groupe (des danseurs) existe enfin, il met paisiblement en évidence- debout, allongé sur le dos, à plat ventre, de face, de dos, de profil, tête en bas- les différences des corps et des apparences et l'égalité des âmes, pour toutes les couleurs de peau, et sexes, tailles, corpulence, complexion, pilosité... C'est une belle démonstration éloignée de toute la trivialité d'un effet Benneton. Conclusion en queue de poisson: les danseurs sont soudain agités de tremblements, entreprennent une migration par reptation, superbes et vulnérables se frayent un chemin nu (1) parmi nous, par dessus, par dessous, de tous les cotés, partagent au plus près innocence et fraîcheur...

    A suivre...

    C'était Ce dont nous sommes faits de Lia Rodrigues dans la salle Panopée du Théatre de Vanves, dans le cadre du festival Artdanthé.

    Guy 

    (1) la pièce a été crée en, 2000, donc bien avant Parterre

  • Sex, Drugs & Rock 'n Roll

    Sex, drugs & rock n' roll. En d'autres mots: outrance et tragédie, et déja tout serait dit, de l'épuisement du corps des stars à force de porter en eux le plus noir de nos rêves. Mais notre vision de cette cérémonie se trouve ce soir renouvellé. Ailleurs avec de beaux décalages, entre la scrupuleuse minutie dans les allusions aux vies, morts et postures des personnages vécus/joués par Jim Morrison, Kurt Cobain, une scrupuleuse reconstitution des gestes...et une étrange distance posée dans le traitement de la danse, osée par des appartés à froid, d'une respectueuse ironie. Pour montrer la rock star dans sa pure essence, qui s'accomplirait non dans le leurre de l'acte artistique- le chant, la musique- mais dans l'être qu'on lui prête. Tout vit par le corps de la danseuse, juste appuyée sur quelques symbôles, cuir sixties, t-shirt grunge, ampli Marshall, pied de micro... et la bande son.

     

     

    La fumée blanche nous emporte de l'autre coté. La rumeur, les premiers accords d'un morceau familier. Laissent s'imposer la forte présence de la danseuse, dans l'art d'abord de n'être là qu'à peine. Mais cette présence, de qui est elle? La transe, la course haletante-Let's Run-pourraient être celles d'une ado qui se la jouerait toute seule dans sa chambre, la musique des Doors à fond dans son Ipod, et qui s'enivrerait à se vivre un autre/une autre si rebelle. Kataline Patkai raconte- c'est  plutôt Jim Morrison invoqué qui raconte par sa voix-qu'enfant, il sentit l'âme d'un indien-qui venait de mourir dans un accident- prendre possession de lui, pour ne jamais plus le quitter, depuis. En la matière il n'est ici question de doubles et de fantômes, de sacrifices, d'incarnation et de réincarnations, de volontés que d'autres doivent endosser. Ainsi plus tard- c'est sans doute le moment le plus déchirant de la pièce- Kataline en Kurt Cobain, une fois énumérée la litanie de ses addictions, laisse des bras étrangers mais comme sortis de son corps accomplir les gestes de la drogue et de la mort, sans que le soi ne resiste. Une autre a pris sa place, dont il faut porter le poid.

    La rock star se montre hermaphrodite, prête à satisfaire dans l'imaginaire la fusion des désirs des fans de tous les bords. La pièce est trés sexuée. La danseuse, dans la peau ici de trois hommes mais sans abdiquer sa féminité, fait danser de mouvements de bassin le micro-light my fire. Poitrine nue, laisse surgir un bras-braquemard de sa braguette, pour troubler la distance entre les genres. La première création de Kataline Patakai était intitulée X'XY. Depuis, avec une sourde intelligence, d'une pièce à l'autre et sans dévier, le programme est suivi. Et c'est cela aussi qui me fait porter 3 ans aprés sa création un regard neuf et épaté sur cette partie d'un tout. 

     

    C'était Rock Identity de et avec Kataline Patkai (et Celine Debyser) à la Loge.

    Guy

    videos par Vincent Jeannot