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Je suis ici sur l'invitation du blog du Forum du Blanc Mesnil, Ce lieu, j'aime y venir en avance pour y rester désoeuvré. Ici c'est ailleurs, d'ailleurs le lieu est excentré de la ville elle-même. Vu de trés loin se dresse comme un signal un ancien château d'eau, si haut qu'on ne peut le manquer, mais troué de fenêtres. Le théatre et la médiathèque dialoguent avec un bistrot et 2/3 commerces, l'ensemble encadre une grande esplanade, monumentale mais où l'on trouve sa place. Des jeunes y font ce que font habituellement les jeunes entre eux, en cette fin d'aprés midi nonchalante et encore caniculaire. Dans la médiathèque, une animatrice dévoile à mi-voix une expo. J'aime bien attendre ici, étranger, comme on attend un train dans une gare à ciel ouvert, pourquoi pas ici ne serait pas le centre du monde. Puis le théatre se peuple, nous rejoint un groupe scolaire, encore plus tard un car de parisiens curieux de cette soirée canadienne des Rencontres chorégraphiques internationales de Seine Saint Denis.
Dedans, Jean Sébastien Lourdais nous attend, inanimé. Puis nous surprend. Il se met en mouvement, mais pas de la manière que l'on attendrait d'un danseur, il va ailleurs (vers?). De ses membres dessine des angles bizarres, rebondit comme une gomme, fait oublier les enchaînements naturels, dysfonctionné. Nous recite de son corps un poème elastique. Il progresse sur la scène comme on ferait défiler un film à l'envers, et jamais à la "bonne vitesse". L'audace de sa démarche m'évoque Sofia Fitas, avec des techniques et résultats trés différents. Confronté à cela le public parait trés concentré, même les scolaires se font oublier. Pourquoi parfois se fait ainsi le silence, si parfait? Le hasard fait que je suis moi même trés fatigué, donc sans doute perméable à ce qui m'est présenté. Les lumières flottent. la musique se répète en nappes et boucles, laisse d'autres pensées s'insinuer. Une ombre blanche apparaît en écho sur le rideau. Les gestes s'accumulent à contre courant. Le danseur est inverse, comme étranger à lui-même. Regard déporté, sa danse décivilisée, l'on dirait réinventée d'un point zero, les inventions d'un mime originel. Il agit sur l'espace autour de lui. Quand cet espace se distend, je pense à Moebius. Les humeurs changent, s'invitent des impressions de hip-hop, de cette longue et étonnante deconstruction, l'humour n'est pas absent.
Lors de la seconde proposition, d'Ame Henderson, les surprises sont de tout autre nature. Nous sommes tous poliment mais fermement dirigés sur le plateau, à l'embarras de beaucoup. Je m'y ose en premier, d'autres restent un temps au bord, font embouteillage. Tout spectateur projeté sur une scène tendrait-il à s'éloigner de son centre? Pas grand chose à y voir en premier lieu: des objets sur une table, de supposés appareils, des tasses et verres. Puis parmi nous se révêlent des danseurs habillés en vrais gens. Comment les reconnaître ? A leurs gestes lents, à leurs yeux fermés? Rêvent-ils? Quand vient donc l'instant où ceux ci dansent vraiment? Le phénomène est contagieux, d'autres supposés innocents spectateurs se transforment plus tard en danseurs. Tous convergent au centre de la scène, autour de la table, et nous faisons cercle autour d'eux, comme quoi tôt ou tard tout finit par rentrer dans l'ordre. Nous sommes d'ailleurs bientôt invité à retourner nous assoir dans la salle. La suite nous est livrée en kit: une danse pauvre mais humble, qui me semble autogérée. Si on en a l'energie, on peut penser ce qu'il font comme la naissance et l'évolution d'un système. Les danseurs s'observent les uns les autres, autour de la table leur mutisme détonne. ils nous interpellent pour nous mettre en garde contre de mystérieux dangers. Le groupe semble en mutation, vers le "bouger ensemble", encore trés approximatif. Avec, au moins, un grand sens du collectif: ils se mettent à huit pour tenir un appareil et nous photographier. Le concept est flou, ne reste qu'à le définir nous même. Ou sinon s'ennuyer ferme, jusqu'a la fin je reste sur ma faim.
De l'écrivain Catherine Rihoit, je connaissais l'écriture jubilatoire, insolente, echevelée, du Bal des débutantes. Egalement, lors de belles rencontres, ses éclats de rires, aussi derrière comme un fond de colère. J'ouvre "j'ai Lu" plus par intérêt pour la femme et l'auteur que pour le sujet lui-même. Je suis pris, et surpris. J'entends ce que je lis. Des mots de 1858, d'au coeur des Pyrénées, des mots d'hiver, des mots durcis par la misères. Simples et âpres, ces mots pèsent. Plusieurs voix s'élèvent, les témoignages se rapprochent, se répondent. Où ce livre m'emmêne-t-il? Je ne sais pas encore. J'irais écouter:
« Elle dit qu'elle voit »Quoi ? Aquero, quelque chose, une lumière blanche. Lourdes, une enfant, un mystère. Et si le miracle c'était croire ?
Mise en voix : Jeanne Carré d'après « J'ai vu » de Catherine Rihoit avecJean Claude Aumont, Yannick Barnole, Jeanne Carré, Emmanuelle Grivelet-Sonier, Richard Jones-Davies, Caroline Kumba-Nzila, Didier Laroche, Mélanie Lecarpentier, Jacques Madar, Françoise Mothié, Catherine Rihoit...
Les jeudi 27 - vendredi 28 - samedi 29 mai2010à 20h30A La Comédie Nation, 77 rue de Montreuil, 75011 Paris, Métro Nation Pour réserver : 09 52 44 06 57 ou reservation@comedienation.com A vous de lire - pl.15 & 12 €
Début de soirée: c'est un plaisir de partager un moment avec Florence et sa famille. Florence est une amie d'avant retrouvée depuis peu. Nous faisons ensuite le chemin jusqu'à L'étoile du nord, pour le festival Jet Lag, sans même à avoir, en partant de chez elle, à changer de trottoir. Florence, curieuse et cultivée, est peu familière avec la danse contemporaine. Bien que donc voisine, elle vient ce soir à L'Etoile pour la première fois. Et endosse avec un sourire entendu le costume de la candide. Cela m'enthousiasme de lui proposer cette découverte. Dans le même mouvement, je comprends à quel point son regard peut être pour moi déstabilisant. Déja, à essayer de lui expliquer ce que Viviana Moin est susceptible de faire sur scène, je m'embrouille, je me perds dans l'anecdote. J'ai l'impression de vendre ou de sur-jouer. Partager ce qu'on aime, c'est déja s'exposer. Avec plus de vulnérabilité que derrière un clavier.
En première partie: Claudia Gradinger. Pour dix minutes d'extraits de sa nouvelle pièce. A l'énoncé du titre et à la vue des objets sur le plateau, difficile d'ignorer qu'il s'agit tout le temps de la Suisse, au moins en toile de de fond. Pour le reste, ce que dit prudemment Florence à l'entracte cristallise mes impressions encore destructurées, mon ressenti qui flotte. Florence reconnait les qualités physiques de la danseuse, et tout ce qui relève du pur mouvement. Mais s'ennuie de la profusion d'accessoires, de mots et de symboles, sans être parvenu à y trouver de la lisibilité. Florence s'amuse bientôt d'entendre une personne du metier formuler grosso modo la même analyse. Pour ma part, j'espère que la piece vue intégralement aurait laissé un souvenir plus construit.
Ensuite... L'entrée en scène de Viviana Moinbalaye toute rationalité. Et toute convention spectaculaire. Viviana est habillée d'un collant rose, d'un chapeau importé d'un folklore suspect, et d'un dispositif improbable qui évoque un soutien-gorge. Elle n'a peur de rien. Ca passe ou ça casse. Sur un ton entendu, elle fait allusion à de mystérieux évenements. Cocasses et effrayants. Fait d'une simple allusion exister des personnages bizarres . Puis s'abandonne à une danse frénétique, s'offre en sacrifice dans un rituel trafiqué... Je n'ose jeter un regard de biais à mon amie et voisine de fauteuil. A tort: plus tard Florence me racontera avoir été emportée, aprés quelques secondes d'incrédulité, dans le monde singulier de Viviana, avec ses connivences hallucinées et imaginaires à tiroirs. Peut-être est-ce la voix de Viviana qui déjoue les résistances, pour nous faire accepter des implicites absurdes, des évidences retournées. L'énergie sans retenue aussi nous emporte dans le mouvement, de cette rencontre avec une licorne bleue pour des accouplements frénétiques et compliqués. Ce dont je ne discute pas encore avec Florence, car je n'en prendrai vraiment conscience en ces termes que deux ou trois jours plus tard, c'est toute la cohérence du travail de Viviana, de pièce en pièce, dans la suggestion de nouvelles mythologies, artificielles, partagées, "mondialisées". Pourquoi cela me semble-t-il si important d'entreprendre cette construction maintenant? Plus enthousiasmant en tout cas, que sur les scènes la pandémie de danses dépressives.
Mais pour le moment la licorne fait sécession en deux complices, et cela m'évoque irrésistiblement (de Fred) le petit Cirque. Une fois les acteurs décostumés, se montre désormais l'histoire du spectacle en train de se faire. Jusqu'à la remise en question de la possibilité même du spectacle, suspendu entre un tout convaincu, et juste des élements accumulés auxquels certains personnages ne croiraient plus. Ce parti-pris est périlleux. Me laisse sur le fil. Cela peut être vu comme de l'à peu prês improvisé, de la désinvolture. Deux, trois spectateurs ainsi nous abandonnent. Florence reste, heureusement. Suit une séquence de marionnettes, dans un délicat équilibre entre fiction (les poupées) et commentaires (les acteurs). Il y a dans le texte des fulgurances, et des outrages dans les gestes. Par instants je m'amuse, d'autres instants je m'ennuie. C'est Florence qui me rattrape, car je l'entends qui rie. La suite réconcilie, et rassemble les personnages au bord de la démission, pour une chanson hilarante avec guitare et castagnettes. Pour conclure dans une recherche de ce que peuvent être les limites acceptables de la performance, la recherche du danger: Viviana saigne-t-elle?
C'est la sortie. Seul je digererais tranquillement, mais à cet instant j'en suis reduit au doute: Florence me rassure. Ou se montre d'une politesse extrème. Entreprend une analyse complête et amusée de la chose, descriptive, accepte le souvenir des sensations plutôt que la stricte recherche du sens, insiste sur ce qui l'a surpris. Réussit à me convaincre que je peux ne pas être le seul à m'emerveiller de propositions incongrues telles celle ci. Je sais et je dis que la création est jeune de quelque semaines seulement, et, inutilement, lui cherche presque des excuses, plutôt que de revenir sur son intelligence et sa vitalité. Je dis-ou est-ce Florence? Je ne sais plus...- que plus travaillée cette pièce eut peut-être perdu de sa force. Quelque jours plus tard je pense l'inverse, que le meilleur est à venir, il faudra qu'on en rediscute...
C'était MON COUCOU, TELL ET MA SUISSE [EXTRAIT - CREATION ] de CLAUDIA GRADINGER et ESPIRAL - CREATION - de VIVIANA MOIN avec Arnaud Saury et Laure Mathis (réalisation de la licorne de G. Kortsarz.) à L'étoile du nord.
A l'occasion de la représentation par Perrine Valli de Je pense comme une fille enlève sa robe, le mercredi 19 mai 2010 au Centre Culturel Suisse, retour sur les échanges entre Jérôme Delatour, Pascal Bely et moi-même apres la création de la pièce à Mains d'Oeuvres (mis en ligne sur nos blogs début 3 fevrier 2009):
Guy :J’hésite…J’ai été plutôt déconcerté. Sans trouver la bonne approche pour regarder cette proposition. Le sujet annoncé-la prostitution- est fort et particulier. Un sujet à risque !
Mais ce qu’on voit au début semble étranger à ce thème: une danse lente dans la lignée de ce qu’on a déjà vu de Perrine Valli (des poses bras tendus comme sur la photo qui illustre le site de Mains d’œuvres). On s’y fait …avant de découvrir des tableaux qui nous ramènent au thème central: les deux interprètes lourdement maquillées, la danseuse confrontée au déferlement de ces petits hommes virtuels...Je m’y suis un peu égaré, malgré les itinéraires dessinés en sparadraps pointillés… )
Jérôme :Il est vrai qu'on est loin de la prostitution réelle. C'est plus une idée de la prostitution, un fantasme de prostitution chez une jeune femme d'aujourd'hui. Rien de sordide ici. En fait, la pièce de Perrine Valli parle de bien d'autres choses. Elle est toute d'ambivalences et de miroirs: la gémellité de la pure et de la pute ; les pointillés formant chemin et frontière ; les petits bonshommes pouvant symboliser des clients - c'est l'interprétation de Rosita Boisseau dans sa critique du Monde - mais aussi des enfants, un désir d'enfants. La bande son, qui laisse percer des cris juvéniles, va dans ce sens, et la scène est aussi belle que légère, enfantine elle aussi, presque allègre. Cette scène peut aussi renvoyer à la représentation de Nout, la déesse egyptienne au corps étoilé (la voûte céleste, en somme) qui avale le soleil le soir et l'enfante au matin !
Guy : Cela m’a plutôt évoqué des images de space invaders. A chacun ses références…
Jérome :Je te rejoins sur la cohabitation étrange d'une danse abstraite, où l'on reconnaît que Perrine Valli est encore très fortement influencée par la gestuelle sémaphorique de Cindy van Acker (dans Obvie, par exemple), et d'une narration.
Guy:Mais dans l’ensemble, c’est tellement différent de ce que Perrine Valli a présenté précédemment-il faut signaler qu’il s’agit d’une toute jeune chorégraphe et interprète- qu’il s’agit presque d’une première pièce…
Jérôme :Pour ma part, j'apprécie que Perrine s'engage sur cette voie moins aride. De plus, sa pièce est parfaitement rythmée, et ponctuée par de simplissimes, mais très efficaces mises au noir, qui délimitent une succession de saynètes.
Pascal. :Nous pourrions échanger encore longtemps sur le propos de cette œuvre. Elle n’en manque pas mais entre- t- elle en résonance ? Les idées fusent, tel un brainstorming entre artistes inspirés par la question. La multiplication des espaces, des symboles ne créée pas la cohérence. Tout s’additionne sans se relier. L’escalade dans le propos métaphorique sature et ne permet plus aux corps de relier les symboles. La danse de Perrine Valli met au même niveau images, utilisation de l’adhésif et mouvement comme si le corps prostitué était langage au même titre qu’une statue ou un tableau. C’est une danse totalement « contaminée » par une esthétique de l’art contemporain alors que la danse est en soi un propos. En osant filer la métaphore, le spectateur enfile les tableaux, sans plaisir, en attendant que cela finisse.
Jérôme :Je ne comprends pas pourquoi ce que tu appelles art contemporain devrait s'arrêter aux portes de la danse. Du reste il n'en a jamais été ainsi : le spectacle vivant a toujours fait appel à l'art de son temps pour habiller ses artistes et la scène. Le dispositif scénographique de Perrine Valli est d'ailleurs d'une sobriété exemplaire. J'aime cette simplicité. Enfin, au risque de paraître te reprendre point par point, les tableaux ne s'additionnent pas mais se succèdent bel et bien. L'adhésif sert de fil conducteur et marque une progression, un dévoilement. De même que l'on découvre peu à peu que les jumelles du début, unies par leurs postiches, sont deux femmes tout à fait différentes.
Il y a aussi cet homme absent, qui rappelle de manière frappante celui de Solides Lisboa (Eléonore Didier - les deux pièces se rejoignent d'ailleurs sur de très nombreux points, jusqu'à troubler ; nous y reviendrons peut-être), peut aussi bien incarner le client ou le compagnon idéal.
Guy :Je ne vois dans le rapprochement avec Solides Lisboa que des coïncidences. On peut trouver trois points communs: la table, la nudité, la lenteur... Pour commencer on voit beaucoup de tables (Cf In-Contro !) en ce moment de même qu’on voyait beaucoup de perruques l'an dernier.. Disons que c'est fortuit ! Ensuite : la nudité, son emploi était difficilement évitable compte tenu du sujet. Cette nudité est traitée avec maîtrise et pudeur, allusive, quand les deux femmes avancent du même pas, l'une l'ombre nue et cachée de l'autre.
Quant à la lenteur elle me pose problème. La lenteur…Autant la lenteur me parait consubstantielle au projet d'Eléonore Didier, autant ici plutôt je la subis. Sans forcement pouvoir l’expliciter. Ce que tu appelles des mises au noir, je les ressens comme des blancs entre des passages signifiants, des interstices qui se sont pas forcement raccords.
Trop longs ces moments consacrés à arracher les rubans, bouger la table, des moments hors de la danse. La même lenteur mais utilitaire et démonstrative qui m’a gêné chez Marcela Levi.
Je rejoins Pascal là-dessus: il y a beaucoup de matière, et parfois forte et évocatrice. Mais trop accumulée, l'articulation ne semble pas encore maîtrisée. La cohérence ne s'impose vraiment qu’assez tard dans le déroulement de la pièce.
Jérôme : Avec Solides, Liboa, il s'agit bien de coïncidence, et elle me frappe lorsqu'elle va jusqu'à ce point. Tu oublies la place de l'homme : dans les deux pièces, chorégraphiées par des femmes, il est réduit à un figurant sans visage. La table d'Eléonore et de Perrine n'est pas celle d'In Contro: chez l'une comme chez l'autre, on porte cette table et on se couche sur elle. Le bruit d'ambiance, capté dans la rue, revient également dans les deux pièces. Ici la nudité n'avait, à mon avis, rien d'obligatoire. Elle ne renvoie pas tant à la prostitution (qui n'est guère compatible avec la pudeur que tu soulignes) qu'à une façon de s'exprimer en tant que femme d'aujourd'hui. A mon sens, les nombreux points communs de ces deux pièces a priori tout à fait indépendantes livrent un témoignage concordant sur la sensibilité féminine contemporaine ; et elles sont très intéressantes à ce titre. Que signifie, chez ces jeunes femmes, cet homme absent ? Une attente, une revendication, une déception ? Je suis un homme, elles m'interpellent. Quant à la lenteur, elle m'a moins frappé que son caractère cérémoniel, presque religieux : une série d'actes convenus à l'avance est exécutée avec précision et en silence. La danse elle-même n'est pas lente. On peut inverser la hiérarchie que tu établis : pour moi, c'est la danse qui fonctionne comme interstice, ou plutôt intermède, de ce que tu nommes interstice, et que je considère au contraire comme la trame dramatique de la pièce. Nous sommes dans des procédés classiques du théâtre.
Pascal :Je n’ai jamais attendu de la danse qu’elle fasse une démonstration. Or, Perrine Valli raconte, démontre, va ici puis là, occupe la scène, le mur, la coulisse. C’est fatigant cette manière si démonstrative de concevoir l’art chorégraphique ! Le tout s’étire sans que l’on puisse à aucun moment se raccrocher à une émotion, à une image poétique, à un geste, un mouvement.
Guy:Il y a quand même des images auxquelles on peut se raccrocher !
Pascal:Tout est maîtrisé jusqu’à délimiter la scène de façon quasi obsessionnelle avec un adhésif pour ne produire que des cases. Il y a dans cette œuvre un contrôle de l’imaginaire assez effrayant qui positionne le spectateur à devoir apprendre une esthétique sur un sujet sensible et tabou. Une façon assez élégante de signifier au spectateur que la danse peut faire aussi « ennuyeux » qu’un classique au théâtre ! Au fond : je pense que ce spectacle n’est pas destiné à un public de danse (il suffisait de l’observer pendant le spectacle !). Mais qu’est-ce qu’un public de danse ? Je ne sais pas. En fait, j’aurais bien vu cette œuvre à la biennale de Lyon d’Art Contemporain ou à la documenta de Kassel.
Jérome : J'avoue que tu me vois perplexe. Objectivement, Perrine danse 50 % du temps... pour les 50 % restants, on peut appeler cela de la performance… est-ce si rare ou étranger à la danse contemporaine actuelle ? En un mot, je n'ai pas vu de spécificité particulière à la pièce de Perrine dans ce domaine. Aurais-tu dit du Paso doble de Nadj qu'il était envahi par l'art contemporain ?
Guy : conclusions ?
Pascal : Et si cette œuvre s’inscrivait-elle dans une articulation avec d’autres arts (vidéo, photo, danse, musique)? C’est peut-être cette articulation qui me pose problème. Et à regarder les photos prises par Jérome, j’ai comme l’intuition qu’il est un des acteurs de cette pièce, en tant que photographe et bloggeur! Perrine a réussi à lui faire épouser son propos…
Jérome: Nous aurions pu poursuivre sur cette question de l'art contemporain, et il avait d'autres choses que je n'ai pas pu dire sur les thèmes abordés par la pièce. Ce qui est vrai, c'est que la photographie rapproche sans doute des danseurs. On suit leurs mouvements physiquement avec l'appareil photo. En regardant dans le viseur, la vision est plus resserrée, plus intime. On est aussi plus sensible, sans doute, à la beauté formelle. Maintenant, cela dépend quand même aussi de la pièce.
Echanges par courriels entre Pascal Bely (Le Tadorne) Jerome Delatour (Images de danse), et Guy Degeorges (Un Soir Ou Un Autre), postsynchronisés par Guy.
Cette salle si grande à Chaillot souvent pèse de trop d'attente, ce plateau que trop de danseurs envahissent comme des armées, et des souvenirs hérissés de déceptions incrédules. Mais ce soir je suis comme ce petit garçon qui à la sortie de la pièce de Carolyn Carlson confie à sa mère: " J'ai bien aimé mais j'ai rien compris". Je suppose qu'il a ignoré ce qui était ce soir le plus oubliable et le plus explicite: les récitatifs explicatifs-des développements durants- pour plutôt s'abandonner aux sensations, s'y plonger comme dans l'oubli. "Eau": c'est le titre et le thème, cet élement est présent plus dans le souffle et l'esprit que par allusions précises. Même si l'eau se dresse en arrière-fond, captée dans les images d'Alain Fleischer, miroir de nos rêves. Et devant juste un petit bassin, presque à deviner: une Vénus y naît. Les poncifs et recifs évités, les danseurs d'abord heurtent des gestes saccadés, loins d'un symbolisme trop évident.
Poursuites, énergie, transformations, méditations, les lignes courent inattendues. On lit que la création fût partagée avec les danseurs- beaucoup de pièces s'échouent ainsi- mais ici leurs mouvements se prolongent ensemble. Les répétitions des sons m'appaisent, les couleurs me réconcilient aussi. Je pense aux musiques d'Alain Kremsky. Je crois reconnaitre Jodorowsky. L'imaginaire s'écoule, s'écume. Des chevelures ondoient et pleuvent. La pièce me semble- mais pourquoi?-irrésistiblement féminine, fait s'entremêler douceur et aprété, reconciliés en poésie. Le tout me fait renoncer à l'impatience. Apprivoisé.
Il y a une belle convergence de générosité et d'inspiration entre Carolyn Carlson, le musicien Jody Talbot-flux et reflux, vagues renaissantes, de cordes, piano et vibraphones- et le plasticien Alain Fleischer qui plonge les mouvements en images qui respirent. Alain Fleisher est également photographe, écrivain. Ce qu'Isabelle(1) écrivait à propos de son roman pourrait tout autant être inspiré par ce que je vois ce soir: Fleischer navigue dans cette immobilité, en quête d'une étoile remontée du fond des eaux, et, « dans ce silence, l'histoire ne cesse de se dérouler à grand fracas. ». Ainsi, celle-ci, arrêtée, est explorée par cet accroc au tissu du temps par lequel s'écoule ce qui les lie alors l'un à l'autre dans le jeu muet des âmes : l'attente, l'interrogation, la soumission, l'abandon.Architecte de l'eau, archéologue de l'intervalle, de l'entre- deux, des flux souterrains de l'âme au monde, du passage d'un monde à l'autre, Fleischer voyage au cœur de l'ambivalence et de l'immersion dans les profondeurs de l'autre. Il distille, précipite, laisse sourdre, goutte à goutte, submerge, inonde, ralentit, évapore, mélange. On baigne dans le liquide amniotique de sa pensée, dans l'humide douceur des plaies, dans la moiteur du sexe. (1)
(1) Isabelle Vieville Degeorges dans La Revue Littéraire N°32 (éditions Léo Scheer), à propos de l'Ascenceur d'Alain Fleischer (édition Le Cherche Midi)
photo de Fréderic Lovino avec l'aimable autorisation du Théatre National de Chaillot
Petites formes cousues, mercredi, trois performances qui s'emboitent miraculeusement. D'abord Maxence Rey : j'avais vu une étape des Bois de l'Ombre à Mains d'œuvres. Tout a changé. Son registre s'est étendu. De la sérénité. Maxence balance vers la sensualité. La chaise a disparu au profit d'un cube. Sa robe, d'un noir de soirée. Des centaines de bougies tremblent. Leur lumière dansante grêle Maxence de taches de lune. L'image d'une cérémonie secrète. Toujours les jambes qui se plient, se déplient. Je prête aux gestes des sens mystérieux. Elle feint d'elle-même s'y perdre, et se considérer, ébahie, agitée. Belle bande son. On s'y croirait (mais où ? je ne sais). Effets de robe et de jambes. Ruades imprévues. Montée de l'inquiétude.
Mathilde Lapostolle a dansé (danse encore ?) avec Carlotta Ikeda. En a retenu le sens de la comédie. Du grotesque. Ne cherche pas à le cacher. Elle est blanchie. Danse en cercle. Tend vers une maladresse juvénile. Titube. A deux pas de la chute. Yeux perdus. Une lourde robe, lacets et cerceaux. Repose jambes soulevées, sur le dos. Du post buto. Enfantin et excentrique. Je suis plutôt ému. « c'était exprès pour toi », plaisante à la sortie, Eléonore Didier - qui programme le festival; (Depuis un bout de temps Eléonore élude mes questions sur les influences buto dans ses propres pièces !)
Ensuite : Muriel Bourdeau, venue au pied levé. D'abord cette longue séquence vidéo. La danseuse en boucle dans l'escalier (Tiens, Jérôme en a déjà parlé). Et la danseuse en vrai. Allongée, plus ou moins vêtue. La suite, dans une semi obscurité est nerveuse. Une performance brouillonne et excédée. Une chaise, un amas de collants. On devine qu'elle les déchire: un bruit effrayant. C'est laconique et déjà d'une violence qui me tétanise. Fausses peaux, malmenées, etirées. Elle s'en habille, s'en lie. Prisonnière (mais de quoi au juste ?). Puis s'en libère, avec autant de rage. Face à nous presque invisible, impudique par suggestion. Lumière. Habillée d'un jean. Massacre au rouge à lèvre. Surchargé. De la fureur sans bruit. La féminité assassinée. Une claque. Est cela, l'autoportrait ? Il y a longtemps que je n'avais pas vu quelque chose d'aussi fort, et « authentique ». Brut, inachevé ? J'y repense le lendemain en écoutant Irene Di Dio dire « c'est la dernière fois que je mets du rouge à lèvres », elle aussi torse nu. Mais j'en garde un souvenir beaucoup moins convaincu, d'un bout à bout pas abouti.
Ce jeudi je vois d'abord deux performances d'Anne Catherine Nicoladzé. Plus difficile d'en parler. Plus subtil. Elle rentre subrepticement en représentation. A choisit la salle de concert plutôt que le studio de danse. On dirait un échauffement qui devient une pièce. L'espace s'habite peu à peu. Le rythme s'installe. Obstiné. Autour d'une table. D'un coup c'est convainquant, soudain dense. Le son aussi. Ses glissements, frottements, amplifiés. J'aime cette monté en puissance. Quant à la seconde pièce ou intervient A.C.N, sur une proposition de Come Belain...Comment dire ? Cela ne ressemble à rien de déjà vu jusqu'ici. Un humour ravageur avec une chair incongrue. Je préfère laisser la surprise aux prochains spectateurs..qui seront attentifs au titre.
Ensuite l'échelle revient. J'attends cette pièce avec impatience. LaiSSeRVenird'Eleonore Didier est interprété aujourd'hui par Ikue Nakagawa (vue il a peu dans la pièce de Rambert à Gennevilliers, dont il faudra tôt ou tard que je parle, et ce ne sera pas facile). E.D. à tout prix veut transmettre ses soli. Mathilde Lapostolle a déjà interprété celui-ci. Mais Mathilde ressemble (plus ou moins) à Eléonore, alors que les physiques d'Eléonore et de Ikue sont à l'opposé. il est fascinant de voir cette dernière habiter ce solo, dans les vêtements d'une autre. La pièce en devient plus nerveuse, moins placide. De la brusquerie, à fleur de peau, là où il y avait de l'abandon. C'est fascinant. Le temps s'écoule différemment...pas trés bien pour certains: à la sortie une spectatrice explose d'indignation et dénonce ce qu'elle appelle de la prétention. Je peux comprendre ce qu'elle ressent. Mais pour moi il s'agit de sensations partagées, de nuances, plus que jamais. Je reviendrai lundi soir peut-être, trop tard pour Tracks, et Slim.
C'était Les bois de l'ombre de Maxence Rey, Tumblewed de Mathilde Lapostolle, Autoportrait (version courte)* de Muriel Bourdeau, Ce projet-làd'Anne Catherine Nicoladzé et Corpophoniede Come Delain et Anne Catherine Nicoldazé, LAISSERVENIRd'Eléonore Didier, Mona Lisa Songd'irene Di Dio.
Texte mis pour la première fois en ligne le 17/05/2008
Ce soir, on croirait retrouver la scène du Théâtre de la Ville dans l’état où Angelin Preljocaj l’avait laissée: avec sept stèles en demi cercle. Mais avec les danseurs de Sankai Junku, cette configuration à la Stonehedge prend tout son sens: c’est à une cérémonie qu’on a le sentiment d’assister.
Le miracle est de nous faire accepter sans réserves cette invitation au passage de l‘autre coté. L’évidence et la dignité du mouvement apaisent en nous tous les soupçons qu’ésotérisme et exotisme pourraient susciter. C'est un tout, à prendre ou à laisser, on en accepte même la musique. Plutôt mise en doute dans le programme, la filiation buto de cet art s'impose pourtant, évidente. Non seulement à reconnaître les techniques employées, les postures- l’équilibre sur le coccyx- et les mouvements de soli et de groupe- quatre à terre qui ensemble ondulent comme une pieuvre à seize tentacules… Non seulement à retrouver cette même esthétique de la lenteur, ce goût du mime et du grotesque. Mais, surtout, à faire l’expérience de cette in-analysable densité du geste. Cette proximité avec le buto est elle source de malentendu? Le terme n’a pas trop bonne presse- qui ne se semble pardonner à quelques rares chorégraphes de cette famille que si elle les juge assez talentueux pour se distinguer des modèles… alors qu’on devrait en juger de même pour n’importe quel chorégraphe de talent par rapport à n’importe quel genre. Sachant qu’au sein des familles issues de l’héritage buto, il existe d'ailleurs autant de mouvements que danseurs. Mais il est vrai que la réputation du buto s’alourdit de symboles bien pesant voire de malentendus, images d’Hiroshima en tête. Les évidences trop évidentes étant peut-être aussi fausses que les photos d’Hiroshima que Le Monde publie.
Dans une tradition buto aussi: la neutralité androgyne de ces corps glabres et blanchis, vêtus de tuniques oranges. Cette indétermination permet aux danseurs d’incarner, de postures en postures, toute la gamme du vivant, du végétal à l’animal, de l’animal à l’humain, du masculin au féminin. Cette neutralité rend hors sujet le jugement qui partage le beau et le laid. On en revient à la vérité humaine, digne et douloureuse. Surtout on regarde au-delà. Ce soir le buto n’est pas un cynisme, c’est un mysticisme. D’évidence. Les regards tendent vers le haut. La bande son évoque matières, sable et eaux. Dans un paysage symbolisé, les mains dansent pour attraper les ombres, invoquent des dieux, ou tout autre mystère. Spiritualité n’est pas nécessairement religion. Les mouvements se répètent, sans heurts, ni violence. Mais le calme est trompeur. L’intensité est intériorisée, en une fausse sérénité. L’émotion est subtile, tout ce que la condition humaine transporte de douleur est pudiquement mise à distance. Ritualisé.
Attardons nous sur le sous-titre de Toki : un instant dans les temps entrelacés. En six tableaux, par la médiation théâtrale, le passage du quotidien ordinaire vers des dimensions spirituelles. Qui coexistent, insoupçonnées. Un coin du voile soulevé. Sur... Tableaux après tableau, la lenteur tend vers l’instant absolu. Un temps mystique ou divin.
"Le mouvement des corps n’est pas le temps » Saint Augustin.
C’était Toki♥♥♥♥♥ d'Ushio Amagatsu par Sankai Juku au Theatre de la ville avec Ushio Amagatsu, Semimaru, Toru Iwashita, Sho Takeuchi, Akihito Ichihara, Taiyo Tochiaki, Ichiro Hasegawa, Dai Marsuoka.
Comme en 2008, on retrouvera Toru Iwashita, en improvisation avec Claude Parle à l’accordeon, à l'Espace Japon, Samedi 8 Mai à 20h 12 rue de Nancy, M° Bonsergent; Château d'eau, 01 47 00 77 47 , Paf: 10 €
S'ils touchent terre, les circassiens de Mathurin Bolze-dans la Grande halle de la Villette- tombent-ils en enfer? Ils ont d'abord manqué d'être aplatis par la descente inexorable du plafond- souvenirs de vieux feuilletons-, avant d'embarquer ensemble sur cette petite planête qui s'élève et pas moyen d'en descendre en route. Il s'agit plutot un radeau de fortune, une terre en miniature, aux mouvements aussi incompréhensibles que ceux de la vraie terre, sur laquelle il faut vivre quand même. Si les lois de la gravité y deviennent toutes relatives, les lois du coeur y perdurent, avec les mêmes élans mais magnifiés: amour, humour et disputes. Solidarité aussi. Le tout en gestes et reconstitué sur quelques mêtres carrés précaires et sans cesse remodelés, animés par la poésie virtuose et imprévisible des cinq acrobates. Tout s'y exprime avec une précision légère. On est d'abord fasciné par le vide vertigineux de 50 centimetres de haut dans lequel ils manquent de tomber (un vide aussi illusoire et spectaculaire qu'au bord de la falaise du Roi Lear). Le radeau ensuite s'envolera bien plus haut pour de plus fortes sensations. Pour affronter la haute mer et enivrer les gestes. Les fausses chutes sont d'une irresistible tristesse, les gags merveilleux et mélancoliques. Les plages lentes font place à des accélérations frénétiques. Tout enfin se déglingue dans ce Titanic pret à basculer en free jazz. Quand tout tangue, où va-t-on, comment vit on?
Dans le ventre d'une autre baleine culturelle, le 104 endormi, Maria Donato d'Urso , elle non plus ne touche pas terre. Ne touche pas l'eau plutôt en suspend en dessous d'elle, son corps cruellement échoué sur un étrange navire de trois mats et de voiles. La toile vaporeuse à la fois nous la dérobe et l'expose. De ses gestes ecartelés elle fait se renverser les trois axes aux angles aigus qui la traversent, en de nouvelles combinaisons instables et impossibles. Les bruits sont lourds et la toile respire, projetés sur cette toile les mots sont blancs et ces mots rêvent. La lenteur rêgne, la langueur inquiète, sans repos. Lus en linéaire les mots convainquent moins que lorsque que projetés: alors un poème dermatologique. C'est pourtant une belle et laconique performance, enivrante et surprenante, dans la continuité et le difficile renouvellement de ses précedentes mises en situation.
Danseurs, acrobates, tous sont ici des athletes de la beauté.
C'était Du Goudron et des Plumes, m.e.s. par Mathurin Bolze à la Grande Halle de la Villette, jusqu'au 25 avril, et pleine peau- strata etude de Maria Donata d'Urso avec un texte de sophie Loizeau au 104, pour la cloture de Concordan(s)e.
Ici sur Internet on évoque tout ce que l'on voit sur scène. Sur la scène du Proscénium cette jeune troupe joue tout Internet. Heureusement drôlement. Et l'on s'y reconnaît, nos psychées fragmentées, hyper-sollicités, destructurés entre chats, blogs, facebook, google, twitter, youtube, égarés par les résultats de nos propres requêtes.
On s'y reconnaît tout à fait, de nos pensées sur la toile exposées à notre image projetée avec celle des acteurs sur la toile au fond de la scène. Il y a de tout dans ce texte garanti 100 % copié-collé d'écrans. Dans le désordre: nos nouveaux liens dans les deux sens du terme, nos nouvelles libertés et nos nouveaux conformismes, nos petits egos et nos réactions aux evenements planétaires, les échanges kafakiens avec les sites d'e-commerce et de vraies citations de Kafka. On supplie "cliquez-moi" et l'on se noie, de nouveaux murs se dressent et les mots font échos, se dupliquent et se déforment. Tout va trop vite evidemment, en mode grinçant, les acteurs sortent de l'écan pour nous entrainer dans l'interactivité, en une improbable communauté. Le résultat est aussi décousu que le sujet, mais ce réseau d'acteurs et spectateurs parcouru d'une belle énergie, c'est le plus important.
P.S. du 19/04: c'est le moment et l'endroit revé pour relayer cette info du TCI.
Stage de pratique artistique: Part privée / Part publique avec Renaud Cojo, samedi 8 et dimanche 9 mai 10H-18H
Renaud Cojo, metteur en scène du spectacle Et puis j'ai demandé à Christian de jouer l'intro de Ziggy Stardust, propose dans ce stage un travail d'expérimentation de l'image de soi via la vidéo (travail d'écriture, réalisation vidéo). Il s’agit d’explorer l'utilisation des réseaux sociaux (twitter, facebook, myspace ...) et le jeu entre part privé / part publique qui anime ces pratiques. Il s’adresse autant à des amateurs qu’à des comédiens, danseurs, artistes… et concerne des utilisateurs de réseaux sociaux, blogueurs.... comme des novices en la matière.
Renaud Cojo, présente Et puis j'ai demandé à Christian de jouer l'intro de Ziggy Stardust du 31 mai au 12 juin au Théâtre de la Cité internationale et du 15 au 26 juin au Théâtre Paris-Villette.
Ce soir à Artdanthé, le ton est franchement animalier. Il y a cette performance de volailles plutôt volatile d'Ayelen Parolin. Annoncée pourtant sérieusement, en tant que représentation sociologique du fonctionnement d'un groupe d'amis, copains comme cochons. A un point qu'on se sent vite de trop, à regarder ces quatre personnages sur canapé, trop connivents et vus de profil. Leur entre-soi est abscons, je donne vite ma langue au chat. Je suis remis énergiquement dans le jeu par Viviana Moinqui m'atterrit dessus -mais gentiment- au premier rang, au terme d'un déchainement destructeur et saisissant. Cette action est la conséquence d'un pari perdu. Et dans ce petit groupe il s'agit donc de cela (au detour de quelques confidences sexuelles désenchantées): bizutage, petits jeux de pouvoir-l'homme est un loup pour l'homme!-, humiliations consenties, vagues excitations, defis potache. Des gages qui tournent mal (ou bien question de point de vue?): car bientôt tous tout nus, plume dans le cul.
Dés lors on a passé un point de non retour, les personnages désormais dépourvus de toute humanité. Dit autrement: ces pouffes sont réduites à des poules à poils. qui se cambrent et caquettent menton dans le cou et croupion en arrière. Privées de parôle.La démonstration est courageuse, longue et appuyée...D'un coté on se dit que cette performance radicale mérite le respect à défaut d'adhésion. On rit nerveusement. Mais ça fiche un peu la chair de poule. Je m'interroge sur la dimension possiblement kafkaienne de cette métamorphose. Caricature, satire, justice immanente...en tout cas ça donne le cafard. Pourtant je ne crois pas qu'on nous prenne pour des pigeons, au début il avait un projet. Et c'est dommage, mieux construite la piece aurait pu être chouette. Que lui manque-t-elle? D'être, au choix, plus drôle ou plus cruelle?
Heureusement, deux heures auparavant, Kataline Patkai et Yves Noël Genod ne nous avaient pas posé de lapin. Les cochons étaient de retour à Artdanthé, un anniversaire offert comme un beau cadeau d'au revoir pour cette fin de festival. Je goute ce moment qui revient, d'une délectable inconsistance, le temps évaporé en volutes. Plein de riens qui apaisent. Kataline, Yvonnick Muller béat et leur ménagerie semblent glisser sans toucher terre en cet eden et entrainent autour eux une irresistible douceur, par nappes et revêries. La neige fond doucement tout au fond flou des paysages d'hiver et Y.N.G. plâne quelque part derrière nous au micro dans la salle, en retrait. On croirait par moment qu'il n'ose parler, muet comme une carpe, chuchote à tout prendre. Je repense à cette évidence que je formulais la veille en compagnie de deux écrivains de romans: le texte de théatre se nourrit de silences. La nouveauté de ce texte ci est éventée, mais les redites s'offrent simples et modestes. Les notes de piano de Pierre Courcelle se perdent en cercle, le lapin, le chat et autres bestioles de la ferme se promènent quant à eux sans affolement sur la scène calme. La curiosité ne tue pas le chat. Kataline est nue, Kataline est belle. D'une dangereuse candeur. Sa voix douce, nouvellement assurée. La beauté, comme la nature, est cruelle: Kataline plume un pigeon, desosse un civet. Sucitant l'indignation de certaines, mais les chiens aboient et la caravane passe: elle le plume avec tendresse. Puis elle revient, contre son sein un petit homme qui était absent l'année d'avant, on ne peut resister au suprenant partage de cette intimité, ce bonheur osé ici.