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  • Jehanne, Une Fille en Prison: la Chair, le Sang et l'Esprit- beaucoup de verbe aussi

    On est retourné voir Jeanne d'Arc.

    Après déjà deux belles pièces, on n'allait tout de même pas lâchement l'abandonner. Jeanne est toujours en prison, et même plus que jamais. Cette fois ci les nuits, seule avec ses gardiens. Va-t-on assister à l'envers du procès?

    Non, car les gardiens bien sûr n'ont rien à dire, hormis ce que leur inspire de plus évident leur promiscuité avec la pucelle. Comme cela ne prend pas 2 heures à expliquer, ils se mettent donc bientôt à parler, entre deux visites aux latrines, comme parlent les juges et les théologiens. Et Jeanne leur répond. Admettons.

    Résultat: tout en brutalisant Jeanne, on refait le procès. Sur un texte contemporain, défendu par la troupe (Habaquq)avec fougue et conviction. De la Chair et du Sang, il est beaucoup question. De l'Esprit également, avec des préoccupations évidemment contemporaines, telles les droits de Jeanne en tant que "chrétienne et citoyenne". On concédera que l'anachronisme, disons la relecture du sujet, est un exercice imposé. Encore que cela sonne plus étrangement que d'entendre par exemple un texte du début XX° plaqué sur ce contexte moyenâgeux. Ce texte là nous réserve de belles envolées, peut être est-ce la fraîcheur de l'actrice qui nous convainc. Mais des lourdeurs aussi, on se surprend parfois même à regretter Thierry Maulnier.

    Le nouveau théâtre chrétien, qu'on se le dise, n'a pas peur des mots crus et des situations scabreuses. Surement pour ne pas paraître en reste par rapport au théâtre contemporain. Ou pour nous rappeler que l'esprit n'est rien sans la chair, et que c'est de la chair maltraitée dont on parle ici. Mais rien de nouveau sous le soleil: souvenons nous des peintures renaissance qui détaillent avec complaisance le martyre de Sainte Agathe dénudée.

    Et tout cela est très violent, plus violent même que "Jeanne et les juges"de Maulnier. Et à la différence de la "Jeanne"chantée de Jeener, définitivement pas pour les enfants. Les insultes fusent, les coups volent au son des ricanements. Oppressés avec Jeanne par cette atmosphère de virilité menaçante, on respire un peu lors de la visite de la duchesse anglaise. Une brise de féminité, la pièce y retrouve un nouvel intérêt. Mais la duchesse repart, nous restons avec les gardiens. Entrainés dans la surenchère, jusqu'à la fin nous abîmer tous ensemble dans le grotesque absolu: l'homme au masque de fer et au sexe d'acier s'est trompé de siècle et de pièce. Soyons bienveillants, oublions. Sans avoir compris pourquoi et comment Jeanne reprit l'habit d'homme après l'abjuration.

    Le nouveau théâtre chrétien a encore du chemin à faire. Tant mieux, car ils y croient, ils sont jeunes et ont tout le temps du monde, ils sont beaux, et on les applaudit à la fin.

    Cela se joue encore un peu jusqu'à mi-juin, au Theatre du nord ouest,c'est un festival, on vous l'a déja dit.

    Guy

  • Jeanne: mais ils vont la bruler!

    On a revu Jeanne ce dimanche, cette fois en version chantée. Celle de Jean Luc JeenerOn a réussi à ne pas pleurer, il est vrai qu'on connaissait déjà la fin, ayant vu "Jeanne et les juges"avant. Mais les petits, auxquels cette pièce était plutôt destinée, avaient les yeux embués. Les enfants ont de la chance: le chant d'une bergère suffit à les faire rêver. Mais ils sont exigeants aussi: ils n'auraient supporté ni fausse note, ni temps morts, ni rien de bêtifiant. 

    C'était toujours au Théatre du Nord Ouest.

    Guy

    P.S. : On a trouvé le site de la troupe de la "Torche Ardente", qui a monté "Jeanne et les Juges"de Maulnier . Avec entre autres choses des photos de la pièce, comme ci-contre.

     

     

  • Jeanne et les juges- l'éternel procés

    C’est bien en prison que nous pénétrons, conduit par un garde, pour y rejoindre Jeanne et les juges. Une prison intemporelle. L'interrogatoire a déja commencé. Celui de Jeanne d’Arc, prisonnière politique, aveuglée par une lumière crue, questionnée, rudoyée, maltraitée, chaînes aux pieds. 

    medium_Jeanne_et_les_juges.jpgC’est bien en prison que nous sommes: Jeanne n'échappe que de très peu à la torture, puis au viol, mais non aux brutalités infligées à son corps par les geôliers. Ni, plus encore, à toute la violence que l'on fait à son esprit. Mais elle résiste.

    Rien dans le texte n’est anachronique, mais ce sont pourtant les juges des procès staliniens que nous voyons à l'oeuvre, ceux aussi de toutes les dictatures et des démocraties qui renient leurs principes, les mêmes juges de tous les procès politiques, acharnés à briser l'âme de l'ennemie.

    Possédés par la même logique pervertie, usant de toutes les mêmes et terribles stratégies. Il ne s’agit pas de faire avouer, ni même de punir. Il s’agit d'amener la rebelle à rejoindre le troupeau. En échange de la vie sauve. Publiquement, pour en permettre l'exploitation politique. Mais surtout qu'elle soit convaincue de ses fautes, le cœur vaincu. Et qu'elle renonce à sa relation personnelle avec Dieu.

    Dieu, à chaque instant présent dans la bouche de Jeanne. Qui en termes premiers, répète sa foi, son innocence, son bon droit. Mais les anges n’apparaissent désormais qu’au public, et sans jamais venir en aide à la pucelle. Pour nous expliquer que le temps est venu pour la sainte de vivre seule l'épreuve, de souffrir et de douter. Elle doute donc. Et souffre. Et doute tant qu'elle abjure.

    Mais après cette défaite qui la laisse humiliée, dépossédée de tout sauf de la vie, une apparition permet à Jeanne de retrouver sa dignité, de se réconcilier tragiquement avec elle-même. Jusqu'au bûcher. Mais non pas l’apparition d’un ange: celle du double de Jeanne, de son image idéale, rêvée. Une fois encore, le ciel est resté muet.

    Le sujet est donc terrible, l’interprétation, évidemment enflammée, en est presque digne. L'espace contemporain et sobrement maîtrisé, le traitement dur et dramatique, on l'a bien compris. Avec alternances d’audaces bienvenues et de regrettables lourdeurs. La faute au texte de l’académicien Thierry Maulnier (1908-1988), justement par moments trop académique et explicatif. N’est pas Montherlant qui veut.

    Guy

    P.S. : Jeanne d’Arc est déclinée sous la forme de plus d'une dizaine de pièces jusqu’au 18 juin au Théâtre du Nord Ouest. C’est incroyable et pourtant vrai. On y reviendra.

  • Apres le chaos

    Petit retour sur Kao:

    Yumi Fujitani est très loin d'être une débutante: vingt ans de vie artistique, dont dix aux cotés de Carlotta Ikeda.

    Mais pour se produire elle doit prendre pretexte d'un festival de "théâtre gestuel" pour s'inviter à l'Akteon. Qui est un medium_kao_solo.jpglieu certes attachant, avec une vraie personnalité, mais seulement 50 places plus ou moins assises en se tassant bien, avec une scènes comme un mouchoir de poche où l'on a vu un soir de canicule une Loretta Strong apoplectique perdre trois litres de sueur, et un soir d'hiver une Ophelie blafarde grelotter.

    Comme quoi le Buto en est toujours là où il a commencé: dans les arrières salles et dans la quasi-clandestinité, en tout cas bien à l'écart des circuits institutionnels et subventionnés. Consolation: les cinquante places ce soir là étaient occupées et largement au delà.

    Mais, pour nous contredire un peu, signalons qu'on pourra revoir Yumi Fujinati en juin, d'abord au festival buto bertin Poiree, puis au Theatre du Lierreoù elle mettra à nouveau en scène Kao... mais en version trio.

    Guy

  • Kao: Yumi Fujitani nait masquée

    Kao(le visage) ou Chaos? L'ambiguïté s'affiche déja dans le titre, le buto se joue toujours de l'ambivalence de ses origines, entre l'occident et le Japon.

    Comme de juste, le visage en question reste longtemps absent, masqué. Et Yumi Fujitani  escamotée au tout début par un tissu bleu. Un temps de latence et de lenteur, jusqu'au moment intense où d'abord un oeil apparaît, c'est un soulagement.

    Mais de courte durée, car il nous est rappelé une fois encore qu'il est toujours dur et douloureux de venir au monde, et la suite nous fait craindre, de tremblements en convulsions, que c'est peut-être un monstre qui naît. Le premier rang, menacé, en reculerait d'effroi s'il pouvait.  Aprés ce paroxysme la pièce se conclue, peut-être, sur un apaisement.

    Conclue par les applaudissements, car le buto est sans doute celui des arts de la scène pour lesquels nous sommes le plus étonnés et rassurés de voir l'artiste revenir saluer, vivante, indemne.

    c'était à l'Akteon ,le soir du 19 mai

    Guy

  • Don't stop the carnaval

    Charlie Parker s’est envolé

    Stan Getz a expiré

    Art Blakley ne remue plus

    Thélonius Monk à jamais silencieux

    Dizzy Gillespie s’est dégonflé

    Charles Mingus muet

    Milt Jackson ne vibre plus

    John Coltrane s’est consumé

    Chet Baker, defenestré

    Miles Davis a fermé les yeux

    Mais Sonny Rollins est vivant.

    Bien vivant.

    C'était à l’Olympia, le 18 mai, une seule soirée.

    La soirée la plus ensoleillée de d'année.

    Merci I.

    Guy

  • Quand le texte est parti, reste Gabegie

    L'accroche de Gabegie(7° édition) etait prometteuse: "3 jours d'écriture, 4 jours de répétitions, une représentation unique". 

    Un petit reve de liberté, tant mieux.
    Pari gagné? Oui, du moins s'il fallait démontrer, que même-surtout- quand il ne reste presque rien de préparé, le spectacle est toujours vivant.

    Et pourtant... le texte enfonce les portes ouvertes en enfilades à coup de lieux communs. Avec l'obsession évidente de bien montrer qu'on est dans le camps des gentils, tout en s'accordant le droit d'être un peu méchant. L'éclairage est basique, les déplacements quasi-inexistants, la direction d'acteurs minimale et chacun(e) sur scène en profite pour un peu nous jouer son fantasme préféré.

    Mais on connaissait la règle du jeu, le résultat est gore et très déluré, réjouissant pour les yeux, d'un mauvais goût assumé. Sous le ketchup, affleure un peu d'originalité et des souvenirs de Shakespeare surgissent au gré des répliques. On leur pardonne de brocarder Villepin-bien trop évident!- puisque, faute de poulet cru à se mettre sous la dent, ils dévorent le 1er ministre à la fin. C'est déjà plus inattendu.

    Bref, il vaut toujours mieux une improvisation baclée, qu'une piece d'Eric Emmanuel Schmidt proprement répétée. De plus la troupe s'est baptisée heautontimoroumenos, cela vaut bien un bonus.

    Et avec un texte, un vrai, qu'est ce que cela peut donner? On les avait déjà vu s'attaquer à Lautreamont. A la gorge, férocement, et on avait aimé. Le 19 juin prochain au même endroit, ils récidivent avec Copi. Trés intriguant, ils ne jouent pas "Eva Peron" ou "Loretta Strong" comme tout le monde. Mais "La Nuit de Madame Lucienne"(?). Bon, on verra....

  • Sasha Waltz met le feu...

    Sasha Waltz met- littéralement- le feu à la scène du Theatre de la ville. C'est sans doute à ce moment du spectacle que le fossé se creuse entre la chorégraphe et ses spectateurs enfumés.

    Dommage, tout avait bien commencé.

    Que le décor flambe (un peu), on peut le comprendre, prevenu du theme de "Gezeiten": l'humanité confrontée à toutes les catastrophes: tsunami, tremblements de terre, attentats, cyclone, epizootie.... 

    Cette douloureuse problématique à l'esprit, on s'est laisé aller, au début du spectacle, à aimer une danse de groupe, à la fois nerveuse et délicate, sur des fugues de Bach, sans mievrerie, pleine d'énergie et d'ironie. Et on a lu-bon public- dans les mouvements ce qui était écrit sur le programme.

    Mais bientôt surviennent les cataclysmes. Face à l'adversité, les personnages s'enfuient affolés, pleurent ou meurent, se battent ou se secourent. Presque comme pour de vrai. Car dés ce moment, hélas, tout est presque mimé.

    On s'en voudrait de reprocher, par principe, à la chorégraphe de tenter de rassembler les disciplines. Mais il n'empeche: le vocabulaire de la danse employé au début, allegorique, mais expréssif et maitrisé. s'est revélé bien plus efficace que la représentation de scènes trés figuratives qui a suivi. A vouloir raconter au pied de la lettre, Sasha a perdu en route toute la force du recit.

    Pour qu'il ne reste que de la pyrotechnie.

    Mais dans ce genre là, les parcs d'attraction font bien mieux.

    C'était Gezeiten ♥ de Sasha Waltz , au Theatre de la Ville

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  • Un seul être vous manque.... Sarah Kane

    On voulait voir "Manque" de Sarah Kane...

    - Désolé la réprésentation est annulée, sauf si vous êtes un groupe... Êtes-vous un groupe?

    - Non, je ne suis pas un groupe...

    Extrait de l'argument: "Manque est une pièce à quatre voix. Quatre voix intérieures qui disent la vie et le désir, et les forces qui les empêchent"

    Manqué. Parce-que l'on était pas quatre, on est donc resté à l'extérieur, empêché. Vivant quand même, mais n'osant plus désirer. Avec une seule voix intérieure, à imaginer ce qui aurait été dit de désespérant du texte de Sarah Kane. Disparue à 28 ans, suicide par pendaison, dans une clinique londonienne. Ça promettait pourtant. Mais comme l'on n'était pas un groupe, ce soir là le texte n'a même pas existé.

    Cela dit, dehors sur le trottoir, c'était triste quand même...

     

  • Buto or not Bu To ? Moeno Wakamatsu

    Moeno Wakamatsupréfère ne pas qualifier sa danse de Buto.

    Car c'est un fardeau très lourd à porter, de tout le poids des maîtres et des aînés. Un mot chargé d'émotion et de sens. 

    Un héritage douloureux, écrasant, que Moeno doute d'être digne d'accepter.

    Question d'exigence, question de modestie, question de respect.

    Quoi qu'il en soit, en attendant de la voir les 6 et 7 juin au Centre Bertin Poire, les soirées seront bien longues à passer.