...le lundi 11 avril à partir de 15h30, Square Caulaincourt 75018 Paris.
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...le lundi 11 avril à partir de 15h30, Square Caulaincourt 75018 Paris.
publié le 16/11/2008
D'abord il leur faut arracher la peau qui colle sur le sol, à défaut de celle qui recouvre muscles et os.
Il leur faut gratter cette glue, ce placenta, avec les doigts, découvrir ce qui est caché dessous, le mettre à jour, ce qui est dedans aussi. C'est Boris Charmatz qui est à l'intérieur du camion, enfermé dans la boite, caché et montré à la fois, en tous cas déséquilibré, en danger, secoué en tous sens à faire sortir de lui tous les mots vrais. Ces minutes exacerbées, à elles seules valent tout. Le camion est conduit par Jeanne Balibar, ce camion est massif et sourd. A l'arrêt pesant à pousser comme les souvenirs oubliés. Une fois emballé, comme un taureau mécanique, aux phares aveugles, hors de contrôle à effrayer le premier rang, à dessiner des cercles vains et une chorégraphie lourde. Au volant Balibar dit les textes d'Hijikata, des textes qui creusent les origines, celles de l'existence autant que de la danse. Des textes durs, concrets, couverts de boue. Qui évoquent des corps souffrants, des corps boiteux, mous, arqués, crottés, malades, douloureux, pas glorieux. Les corps de Charmatz et Balibar sont blanchis et un peu nus, seule concession visuelle au buto, s'affalent l'un sur l'autre. Bien vulnérables et chétifs, s'offrent à la massivité du camion. "Les gestes morts qui sont dans mon corps je veux les faire mourir encore": ces mots et certains des gestes, encore en gestation, Charmatz les chantait déjà il y a quelques semaines . Il s'agit toujours et encore ici de mémoire, de refus des formes trop usées- abolies en une introduction "Boris brûle-t-il"-, et de recréation du spectaculaire. Ce soir en hommage aux mots d'un danseur, un hommage humble peut-être. Le résultat peut ne ressembler à rien, ou sembler déséquilibré, ou par certains aspects insatisfaisant, c'est qu'il est, toujours et encore, inédit et urticant.
C'était La Danseuse Malade, chorégraphie de Boris Charmatz, avec Jeanne Balibar et Boris Charmatz, sur des textes de Tatsumi Hijikata, au théatre de la ville, avec le festival d'automne à Paris. C'était fini samedi.
A lire: bien culturel, et un témoignage décontenancé, Et (enfin!): Le Tadorne et Images de danse.
photo par Fred Khim, avec l'aimable autorisation du festival d'automne à Paris.
Sankai Juku: le buto est-il un mysticisme?
Texte mis pour la première fois en ligne le 17/05/2008
Ce soir, on croirait retrouver la scène du Théâtre de la Ville dans l’état où Angelin Preljocaj l’avait laissée: avec sept stèles en demi cercle. Mais avec les danseurs de Sankai Junku, cette configuration à la Stonehedge prend tout son sens: c’est à une cérémonie qu’on a le sentiment d’assister.
Le miracle est de nous faire accepter sans réserves cette invitation au passage de l‘autre coté. L’évidence et la dignité du mouvement apaisent en nous tous les soupçons qu’ésotérisme et exotisme pourraient susciter. C'est un tout, à prendre ou à laisser, on en accepte même la musique. Plutôt mise en doute dans le programme, la filiation buto de cet art s'impose pourtant, évidente. Non seulement à reconnaître les techniques employées, les postures- l’équilibre sur le coccyx- et les mouvements de soli et de groupe- quatre à terre qui ensemble ondulent comme une pieuvre à seize tentacules… Non seulement à retrouver cette même esthétique de la lenteur, ce goût du mime et du grotesque. Mais, surtout, à faire l’expérience de cette in-analysable densité du geste. Cette proximité avec le buto est elle source de malentendu? Le terme n’a pas trop bonne presse- qui ne se semble pardonner à quelques rares chorégraphes de cette famille que si elle les juge assez talentueux pour se distinguer des modèles… alors qu’on devrait en juger de même pour n’importe quel chorégraphe de talent par rapport à n’importe quel genre. Sachant qu’au sein des familles issues de l’héritage buto, il existe d'ailleurs autant de mouvements que danseurs. Mais il est vrai que la réputation du buto s’alourdit de symboles bien pesant voire de malentendus, images d’Hiroshima en tête. Les évidences trop évidentes étant peut-être aussi fausses que les photos d’Hiroshima que Le Monde publie.
Dans une tradition buto aussi: la neutralité androgyne de ces corps glabres et blanchis, vêtus de tuniques oranges. Cette indétermination permet aux danseurs d’incarner, de postures en postures, toute la gamme du vivant, du végétal à l’animal, de l’animal à l’humain, du masculin au féminin. Cette neutralité rend hors sujet le jugement qui partage le beau et le laid. On en revient à la vérité humaine, digne et douloureuse. Surtout on regarde au-delà. Ce soir le buto n’est pas un cynisme, c’est un mysticisme. D’évidence. Les regards tendent vers le haut. La bande son évoque matières, sable et eaux. Dans un paysage symbolisé, les mains dansent pour attraper les ombres, invoquent des dieux, ou tout autre mystère. Spiritualité n’est pas nécessairement religion. Les mouvements se répètent, sans heurts, ni violence. Mais le calme est trompeur. L’intensité est intériorisée, en une fausse sérénité. L’émotion est subtile, tout ce que la condition humaine transporte de douleur est pudiquement mise à distance. Ritualisé.
Attardons nous sur le sous-titre de Toki : un instant dans les temps entrelacés. En six tableaux, par la médiation théâtrale, le passage du quotidien ordinaire vers des dimensions spirituelles. Qui coexistent, insoupçonnées. Un coin du voile soulevé. Sur... Tableaux après tableau, la lenteur tend vers l’instant absolu. Un temps mystique ou divin.
"Le mouvement des corps n’est pas le temps » Saint Augustin.
C’était Toki ♥♥♥♥♥ d'Ushio Amagatsu par Sankai Juku au Theatre de la ville avec Ushio Amagatsu, Semimaru, Toru Iwashita, Sho Takeuchi, Akihito Ichihara, Taiyo Tochiaki, Ichiro Hasegawa, Dai Marsuoka.
Comme en 2008, on retrouvera Toru Iwashita, en improvisation avec Claude Parle à l’accordeon, à l'Espace Japon, Samedi 8 Mai à 20h 12 rue de Nancy, M° Bonsergent; Château d'eau, 01 47 00 77 47 , Paf: 10 €
P.s : à lire, bien culturel
La femme porte des siecles en elle, la mémoire dans les gestes, tout le fardeau des archétypes du passée. Le corps de Naomi Muto se tord dans les affres d'un imaginaire moyenâgeux. Silhouette avortée, et doigts crochus, en forme d'araignée toute ramassée, un animal de vieilles dentelles. Avec entre ses jambes torves une boule de cristal: une vieille sorcière de Shakespeare telle que Kurosawa l'aurait réssucitée. Prête pourtant à se métamorphoser en belle, grâces déliées, jambes qui claquent, elle danse comme des vagues nées du vent. Vieille à nouveau, elle reste bouche bée, et nous également.
La femme est quotidienne, d'hier seulement: Maki Watanabe en paysanne, telle une vieille enfant à la robe fannée. Innocente, malhabile. En mouvements entravés. Surtout humaine: tout est là et tout est dit, émouvant. Puis elle parle, des mots simples. Cette terrible humanité rend superbe même l'idiotie. Et montre, poignant, ce déchirement entre la trivialité et des rêves étoilés.
C'était " Persistance de la Mémoire " de et avec Naomi Muto, avec Laurent Paris (guitare) et "Coucou, je danse comme toi" de Maki Watanabé avec le soutien de Gyohei Zaitsu.
A Bertin Poirée, Dans le cadre du festival Danse Box
photo (sauf rapport direct avec la performance): Maki Watanabe
A venir à Bertin Poiré: Marguerite Papazoglou et Claude Parle " The breakfast of the sea-dragon " le 11 et 12 mars, Cie Patricia NOVOA
" Médée " le 18 et 19 mars
Atsushi Takenuchi dansait et Claude Parle y était:
Une sorte de spore géante en marche vers on ne sait quel impensable destin ...
C'est l'image qui naît sous nos yeux au début de la performance d'Atsushi ...
Avec des sons évanescents, des approximations de naissance, des tentatives de constructions ...
Puis, calmement, après d'innombrables formes circulaires, ondulatoires, en tous cas cycliques, une forme de tige, de support semble se fixer là, au centre du plateau et s'ancrer dans une élévation tout aussi improbable que l'émergence du début ...
Et là, petit à petit, une incroyable métamorphose semble s'opérer ... Un vrai tronc, une vraie forme apparaissent ensemble avec la musique qui peu à peu prend corps et se structure ...
Un tronc bourgeonnant, ramifiant, d'où une ébauche de branches s'élève puis se détache ...
Progressivement, en effet, ces branches semblent s'épauler elles mêmes, s'affranchir du support qui les porte pour évoluer par leur force propre...
C'est alors que, par la musique, on assiste à une sorte de tissage, d'entrelacement de ces branches, comme des lianes qui s'entrelacent à elles même jusqu'à en devenir impénétrables.
S'entrelaçant à la musique en un ferme canevas qui s'érige en un splendide sous bois d'où semble filtrer d'impossibles soleils appelant l'homme, appelant l'espèce à l'image (人/類 :nin/gen) ...
Une lutte s'enge alors entre verticalité et territorialité, entre branches et racines, entre l'air et la terre ...
C'est d'un fruit recueilli dans sa consistance poudreuse que viendra le salut ...
Il essaime, il envahit l'espace dispersé aux souffles des vents, il finit par retomber et envahir sa source même, divin pollen s'autofécondant, métamorphosant l'arbre en une sculpture hors de l'espace et du temps pour atteindre à l'essence même de l'arbre desséché, pétrifié au bord de l'abîme tel un guetteur ultime, une vigie intragalactique qui nous empêcherait de sombrer dans la folie qui sans cesse nous menace ...
texte de Claude Parle à propos de Atsushi Takenuchi - HA-NE NO KI (L’arbre ailé) à Bertin Poiré
Elle surgit brute, regard baissé, indéfinie, perdue. A ses pieds laisse tomber son survet. Flotte un temps mal dégrossie, en pull informe et slip kangourou, les plis mous mais déjà dedans tendue, habitée d'énergie, à vue.
Il lui suffit de lever un bras pour nous clouer. Le bras à sa suite la soulève et elle est comme mystique. Telle une Thérèse prête à léviter, déjà sur la pointe des pieds. D'un coup une décharge d'accordéon emplit tout, dans cette petite salle, devient les grandes orgues d'une cathédrale intérieure. Bave aux lèvres, son extase portée à deux doigts de l'idiotie. Son corps est superbe dans sa gaucherie retrouvée et offerte: bancale et poils aux pattes, l'air d'un garçon. Buté, osé. Sa passion déferle. La suite est déchaînée, soucis de soi rejeté aux orties. L'être libre s'extirpe par la musique: Parle attaque, fait fuir encore quelques oreilles, trop fragiles, vers la sortie, accompagnées d'yeux effarouchés. Elle: ses mouvements déraisonnés la font se perdre et s'écrouler, se tordre, se retourner, nous entraîner avec elle hors de contrôle, loin de la culture, s'abîmer contre les murs, les fenêtres et toutes les limites, contre le sol s'éprouver. Le pull y devient camisole, dont elle ne peut jamais tout à fait se libérer. Canette aux lèvres, l'ange ivre erre encore, se cogne la chair à se blesser, la bière gicle. Où va-t-elle ? Vers la douleur, la vérité ?
Ce quart d'heure de dangers nous guérit d'éternités de théâtre poussif.
C'était Avant que les brumes de l'automne se dissolvent de Marianela Léon (danse) et Claude Parle (Accordéon), à la Petite Rockette , 6 rue Saint Maur, Paris XI° dans le cadre des rencontres Butoh Ouvert. Prochaine date le 19 décembre.
Improvisations de Maki Wanatabe, le 18 mai 2009, saisies sur le vif par Pierre Estable ( crayon de couleur sur papier, 29 cm / 21 cm )
Un besoin viscéral de transmettre et partager brûlerait l'acteur. Sur le chemin de théâtre que j'ai emprunté pendant une dizaine d'années, j'ai toujours recherché un théâtre total où le langage puiserait sa vérité dans sa nécessité organique. Le Butô m'est apparu en 2003, et s'est révélé correspondre à cette recherche, interpellant le spectateur à écouter depuis sa peau et respirer depuis son âme chacune des cellules du corps en scène, il ouvre le chemin vers la catharsis.
Douze années de pratique de judo m'ont enseigné un engagement intégral du corps, portant en lui sa nécessité, dont le frémissement instinctif lui transmettrait un caractère imprévisible. Je retrouve au butô cette importance d'un corps libre et démultiplié, au service de son combat. Pour toute personne qui désire tendre vers toujours plus d'authenticité et de dépouillement, le butô offre une mise à nu des plus entières: revenir à l'être-corps, l'être organique, l'être sauvage, dépecé de son conditionnement social et de ses habitudes, s'abandonner à la respiration viscérale et tenter de se faire naître. Ne rien vouloir représenter: Devenir. Ne rien chercher à justifier: Etre.
Cette danse évolue à travers les générations et les peuples qu'elle contamine. Avant de la mettre en scène, l'exigence de construire un corps. Suivre une pratique qui amène vers toujours plus de disponibilité et d'ouverture, où chaque expérience se révèle nourriture essentielle au corps traversé par la danse. Une exploration qui puise sa force dans son origine, son vécu, son souffle primordial et ainsi toucher l'universel. Une démarche honnête et consciente qui tend à embraser les corps, réveiller les consciences, et retrouver son cri, celui qui prend sa source dans la révolte d'un corps né de la terre. Le butô est une danse de la mémoire où la peau danse les sensations qui la traversent, où l'âme se souvient et délivre l'histoire de ses ancêtres, libère leurs voix et leur donne chair.
J'ai dansé dans la performance « Prières » du groupe de Jean Daniel Fricker, dans les environs de Hampi, en Inde. Elle dura 6 semaines et 4 nuits. Pèlerins de la danse, nous avons vécu dans la naissance de chaque jour, où nous avons reçu du ciel son souffle, de la terre son sang, du vent sa prière. Auprès de Jean Daniel, j'approfondis ma recherche depuis plus de trois années. Nous travaillons à partir d'un corps-matériau, matière, en état d'urgence: n'être plus qu'une surface sensible et chercher à déceler la nécessité de sa danse, le mouvement naît de l'intérieur. A travers un laboratoire d'expériences directes ou de mémoires sensorielles, le corps, en éternelle mutation, s'imprègne de diverses qualités et matières. Traversée, la danse devient témoignage. Notre danse est aussi une exploration, une imprégnation de notre environnement quotidien ou lointain, une intégration du lieu et de l'espace, une perception cellulaire des éléments et du temps; un corps-réceptacle médiatisant ce qui le traverse, une exposition de corps en fusion.
Le corps se fait instrument où résonne l'être humain touché dans sa chair la plus intime, dans ses silences et dans ses cris. L'espace devient extension du corps, lieu de rituel où se révèlent les métamorphoses de l'âme.
Céline Angèle, 29 janvier 2009
CELINE ANGELE passionnée de théâtre, tant à travers la force de la littérature classique, que l'engagement des auteurs contemporains, elle reçoit une formation en arts dramatiques et travaille sur Paris pendant une dizaine d'années. Double championne de france de judo et consciente de l'importance du corps chez l'acteur, elle mène une recherche sur la poétique du corps et son langage organique. Elle travaille un théâtre des extrêmes explorant le sublime et le monstrueux à travers l'univers d'œuvres diverses et variées, de Racine à Hugo, de Genet à Novarina, de Artaud à Kane. Un corps à la fois dense et sensible l'amène à rencontrer le butô, qu'elle pratique ces cinq dernières années avec de nombreux danseurs et danse pour différentes compagnies. Actuellement, elle poursuit sa recherche auprès de Jean Daniel Fricker en france et à l'étranger.
http://celineangele.blogspot.com/ Jean Daniel Fricker www.jonglorsion.com
P.S. : Ce texte de Celine Angèle a été commandé pour un dossier buto à paraitre dans le web-magazine "Les petites feuilles" de l'association Art Levant.
Mesdames, Messieurs,
Les images font profusion en un défilé grotesque. Bariolées et somptueuses, monstrueuses.
En une débauche d'extravagances baroques, qui se succédent à la manière de numéros de cabaret: humanités caricaturées qui s'agitent à terre, excroissances sophistiqués, féminités débordantes, sumos à mamelles, fleurs animales et sensualités vénéneuses, troupeau de poules reniflantes et enervées, jeunesses nippones essouflées ou danseuses de french cancan encanaillées....C'est virtuose, mordant et drôle, d'une approche singulière, ebouriffant, et trop. Il suffit que Carlotta Ikeda revienne, quelques minutes, seule en toile kaki, pour faire beaucoup avec peu. Pour évoquer le comos avec un simple ballon. Magnifique. Puis ne laisse que des regrets. La suite sature, le trop plein accouche de la vacuité.
Deux troupes issues du mouvement Buto remplissent encore les salles en France: Sankai Juku d'Ushio Amagatsu et Ariadone de Carlotta Ikeda. Dirigées par deux chorégraphes de la même génération, la première des deux compagnies étant exclusivement masculine, la seconde exclusivement féminine. Mais Ariadone semble s'orienter vers la théatralité et le grotesque, Sankai Juku se concentrant en une danse empreinte de mysticisme. Les deux tendances agitent depuis le début le mouvement buto, et cette ambivalence s'affiche dans le titre de cette piece: Uchuu (univers en japonais) Cabaret. Mais ce soir la balance penche trop lourdement du coté du second terme.
C'était donc Uchuu-Cabaret de Carlotta Ikeda , au théatre Silvia Monfort, avec le festival faits d'hiver.
photo par "Lot" avec l'aimable autorisation de Faits d'Hiver