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danse - Page 8

  • Epuisé

    Il est encore, maintenant, question d’épuisement, dans ce que  je vois et ressens, l'évocation de nos corps fatigués. Ceux des danseurs se forcent jusqu'aux limites en un marathon de près d’une heure. Un double face à face dénudé, à une cadence soutenue sans s’autoriser de ruptures. Les deux couples vont jusqu’au bout de l’épuisement des postures. Tout est passé en revue. Sans imposer d’emblée de gravité, les premiers échanges se balancent  ludiques, mutins, avec des évocations de danses de salon, et le catalogue entier déroulé à l’absurde des positions amoureuses, jusqu’à littéralement prendre son pied. Rien de très nouveau, c’est vrai dans ce parti pris, mais quelque chose qui se révèle à force dans le rythme continu des corps nus, obligés de déjouer en fin de course la fatigue par de brèves accélérations et ralentissements. Encore. Pourquoi à ce prix continuer ? A-t-on le choix? Si on perçoit au commencement plus de mouvement que de texture, l’épreuve sculpte en fin de courses les corps en sueurs. Ma lassitude est complice.  

    Guy

    Hodworks d’Adrienne Hod , le 26 septembre à la Maison des Arts de Créteil dans le cadre des présentations professionnelles des Plateaux du CDC du Val de Marne.

    Guy

  • notes élargies

    Ce matin le Concours international Danse élargie: Chaque jeune troupe a 10 minutes et pas une de plus. Ils jouent sur la scène du Théâtre de la Ville, dans la cour des grands. J’espère que le contexte ne change rien pour eux. Dans ce qu’ils vont montrer.

    R_Esistere de Giulo D’Anna. Résistance est le titre. Que ce mot est galvaudé! Au sol je vois des cases. Les visages des danseurs sont fermés, la danse entêtée et les gestes si violents. Cette danse me semble close. Je refuse ce combat.

    11 heures passées et pas un chat.  Les jeunes artistes ne font pas recette, même lorsque c’est gratuit. Ou est -ce le théâtre de la ville qui est démesuré, un temple conçu pour les grandes cérémonies, pour l’adoration des vaches sacrées?

    Julian Weber: The field. Un rien d’insolence, une bousculade. Sourires. Mais (dans ce temps imparti) je ne ressens rien d’essentiel. le souvenir s'efface vite.

    Le maitre de cérémonie parle pour ne rien dire. Il ne nous cache pas que son rôle est de meubler pendant les changements de plateaux. Mais cette obsession de remplir avec du vide m’épuise, comme dans ces lieux publics saturés de musique par peur du silence. In Petto, je me fabrique mon propre entracte.

    Benoït Verjat : voir des choses bouger. Tout est dans le titre ;-). Ici pas de danseurs: juste un ballet d’automates rudimentaires, qui bougent en des évolutions aléatoires empêtrées d’obstacles. C’est gonflé. A ce stade-mais nous n’en sommes qu’au numéro trois– il s’agit de la proposition où les créateurs ont le mieux tiré leur épingle du terrible jeu des 10 minutes. Le parti-pris pourrait paraitre déprimant. Mais j’aime ce refus, il peut marquer un beau point de départ, ouvrir des réflexions.

    Nouvel Intermède. Le bavardage vain du présentateur produit à mes oreilles un écho déplacé par rapport aux débats importants qui agitent le monde du spectacle vivant. Ces sujets me préoccupent en cet instant, bien qu’en tant que citoyen je ne partage pas toutes les prises de positions des représentants des intermittents.

    Djino Sabin Alolo, Christina Towle : Debout. C’est Christina Towle qui m’a invité à venir ce matin. Des danseurs aux corps de boxeurs, fiers et nerveux, noirs et blancs. De ce que je vois je crois comprendre qu’il sera question de luttes, de fierté, du collectif. Je voyage entre maintenant et ce que je sais de l’histoire: le match de 1974 « Rumble in the Jungle » entre Mohammed Ali et Georges Foreman, avec le concert de James Brown… Mais c’est déjà fini. Juste un round. Frustrant. J’ai vraiment l’impression d’avoir assisté aux 10 premières minutes d’une proposition avait besoin de temps pour se développer. J’ai à prendre mon mal en patience.

    Dehors, place du Châtelet, personne n'en sait rien et tout le monde s’en fout, surement.

    Davis Freeman : what you need to know. Il ne faut pas longtemps pour m’indigner. Les performeurs évoquent la tuerie de Bruxelles, la fusillade de Columbine… pour jouer l’apologie de l’autodéfense et faire la démonstration d’armes à feu. Même s’il faut y voir une dénonciation au énième degré, je suis écœuré par ce traitement du sujet. En colère. Il faudrait être bien meilleur qu'eux pour se hisser à la hauteur de ce thème terrible, nous aider à le surmonter(1). Des spectateurs sont invités à monter sur scène et abattre les danseurs à blanc. Le public rit. Nouvel haut de cœur. Maudit esprit de l’escalier: j’aurais dû me porter volontaire pour ensuite tirer en l’air.

    C’est trop. J’ai besoin d’air et je m’évade. Je ne reviens qu’un déjeuner et 5 performances plus loin.

    Karel van Laere & Vanja Rukavina : Bokko the ultimate fusion. C’est assez drôle et très maitrisé, multimédia  (danse, vidéo, BD). Mais très manga, très pop coréenne… décalage culturel, je me sens comme un vieux con et je décroche.

    C’est l’après-midi, plus de monde est venu, et le présentateur avoue être obligé de répéter les mentions obligatoires du matin, la liste des sponsors, et les prix à attribuer aux gagnants comme à une tombola du dimanche. Pire, le public rit. Je déprime.

    Judith Cahen, Masayasu Eguchi, Clarisse Tranchard, Béatrice Houplain : à nos corps défendants. Pas de temps perdu, la scène est envahie par des couples en furie. Ça crie et ça castagne. Et ça réveille. Mais on a encore rien vu. Une dizaine, une vingtaine de participants de plus se ruent pour les rejoindre et danser en imitant les extraits de film projetés sur l’écran. Revigorant. Je ne sais pas si la proposition aurait tenu la 11ème minute, mais les 10 premières ont été bien remplies d’énergie, l'occasion d'un très salutaire défoulement. Bien joué!

    J’aperçois au premier rang une chorégraphe que je n’ai pas vu sur scène depuis trop longtemps. Je dispute une place derrière quelques instants, elle a le temps de me dire qu’elle prépare de nouvelles choses pour la rentrée. J’en suis très content.

    Madchic : N’zup. 6 filles et du hip hop. Je me re-sens comme un vieux con. Il doit être temps de partir.

    Quelques promesses quand même. La vie m’appelle dehors, je pars. Je croise une jeune performeuse (de théâtre ou de danse, mais pour moi c’est la même chose). Sur le trottoir nous parlons en coup de vent de son projet de juillet dans une petite salle. Projet qui je crois sera passionnant. Mais c’est une autre histoire.

    Extraits de Danse Elargie au Théâtre de la Ville le 14 juin.

    Guy

    (1) Je me souviens de l'intelligence avec laquelle Geisha Fontaine et Pierre Cottreau avait utilisé sur scène des armes dans "Ne pas toucher aux œuvres"

  • Mystères et merveilles

    Voici le moment de faire provision d’émerveillements.

    Sur l’écran tournoient des galaxies ou des atomes élémentaires. Hubert Reeves, accompagné de l’ensemble musical Calliopée, évoque 14 milliards d’années d’histoire du monde, du big bang aux périls écologiques d’aujourd’hui. Cela fait beaucoup en 60 minutes de temps. Le vieux savant est parfait et au naturel sur scène dans le rôle du sage-enfant. Entre ses mots les notes s’osent, démontrent l’imprévisibilité des combinaisons du vivant. Le discours peut sembler naïf dans la forme, il est surement essentiel dans le fond, il ne pourrait être plus important. J’accepte les questions posées sans réponses, le souffle des vents et le frottement des cordes me donnent un peu de respiration, interrogent et éveillent sans révéler.   

    De l’intelligence du vivant on se concentre sur l’humain en quête de sens. Un cercle de craie est tracé au sol, mais loin de cadrer la créativité des deux interprètes. Vite, les corps courent et les mots s’enchainent en jeu de sonorités, se bousculent et se répètent style marabout-bout d’ficelle. Ces mots forment-ils les limites d’autres enfermements? D’in-articulations en désarticulations, les corps luttent contre en échappées, répondent par charades de gestes en une fébrile déconstruction. C’est un beau duo, Alexis Morel qui se risque en fantaisies flutées, Sandra Abouav bien campée sur son axe mais qui se lance de là vers tant de directions imprévues, mes neurones sont dynamisés.

    La conclusion de leur performance  est gaiement perturbée par deux fous-furieux, Antonin Leymarie armé d’une simple caisse claire et Rémy Poulakis qui fuse dans tout sens avec sa voix et son accordéon. Ils partent illico en valse-musette, accélèrent sans freins, accrochés l’un l’autre de regards intenses, atteignent de joyeux paroxysmes, jubilent et se relancent. C’est un plaisir d’assister à cette chorégraphie du rythme et de la générosité.

    Cosmophonies d’Hubert Reeves et l’ensemble Calliopée, Riz Complet de Sandra Abouav et Alexis Morel, Antonin Leymarie et Rémy Poulakis le 13 juin dans le cadre du festival La voix est libre au théâtre des bouffes du nord

    Guy

  • A la folie

    Au premier plan de cette performance collective surgit la folie qui traverse le corps de Céline Angèle. J’emploie le mot folie, car résonnent aussi en moi des images vues il y a peu à l’occasion de l‘exposition (1) consacrée au professeur Charcot (1825-1863), père de la neurologie et de la psychiatrie. Images documentaires de ses patient(e)s hystériques, œuvres plastiques contemporaines d’Ernest Pignon Ernest consacrées aux extases des mystiques. J’y vois plus que les similitudes-voulues ou non- dans les gestes et postures: corps qui s’arcboutent, tensions, convulsions, fulgurances, contractures… Ce qui s’offre à voir, ici, et là, c’est l’instant où le masque de la normalité se déchire, lorsqu’apparait l’irrépressible, l’irréprimé, l’invisible, ce qui ébranle toutes les convenances. Cet instant est court, fragile, important, comme un indispensable accident. Un instant que je recherche toujours à voir sur la scène. Et qui me permet ce soir de mesurer ce que doit au butoh le développement de ma propre sensibilité de spectateur.

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    Ombres internes mis en scène par Jean Daniel Fricker, vu à l’espace culturel Bertin Poiré le 6 juin dans le cadre du festival Butoh

    Guy

    (1)Charcot, une vie avec l’image du 14 mai au 9 juillet 2014
    Église Saint-Louis, Pitié-Salpêtrière, 83, bd de l’hôpital, 75013 Paris

  • Féline

    Née d’un chant, aux aguets (venue d’où ?), elle rôde. Elle tient l’espace d’une ligne à l’autre, glisse et fraie, et nous flaire, pas si farouche, en rencontres feutrées mais abruptes. Nous les spectateurs l’entourons sans l’emprisonner, tolérés. Sa sauvagerie affleure sous la peau: des os, des muscles, les mouvements ne semblent pas pensés.  Son corps ondule, son masque noir absorbe toute lumière, et humanité. Elle ne nous effraie plus mais fascine. Le récit est liquide, la musique ondule comme un décor de jungle, en  notes tenues, autour de son corps tendu. Au zoo de Vincennes, on ne reste pas plus que quelques minutes regarder tourner les grands fauves, mais il nous faut ce soir nous laisser aller. Ce soir importe plus le tableau que le geste, une invitation à redevenir premier.

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    Ciguë d’Eric Arnal Burtschy vu le 26 mars (et en répétition) au théâtre de Vanves avec le festival Artdanthé.

    Guy

    Photographie de Laurent Paillier avec l'aimable autorisation de la compagnie

     

  • Gestes secs sur sol mouillé

    T.R.A.S.H., à dire vrai,  j’appréhendais. Ses chutes, ses chocs, encore… répétés au risque de la dispersion. J’appréhendais à tort. Le discours s’est renouvelé. Mais l‘âpreté demeure, une énergie utilisée avec intelligence, et qui sous mine le propos apparent, l’esthétique des gestes. Ce que les deux danseuses exécutent pourrait être un discours sur la féminité. Avec l’opposition entre la beauté et le grotesque souligné de perruque et traits de fards. Le violon tend des boucles dures et sèches, les deux interprètes récitent express et sans ciller le catalogue à l'unisson, du classique au foxtrot. Mais c’est pieds dans l’eau, elles y luttent, glissent et chutent. Sur terrain instable, la danse est en danger, ainsi les clichés. Elles en émergent, rebondissent de plus belle, portée par cette tension l’énergie fuse en sauts. La danse est en sursis, au bord du vide, la fête belle et triste.

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    We must be willing to let go de Kristen van Issum vu au Théâtre de Vanves dans le cadre d’ Artdanthé le 29 janvier.

    Guy

    lire aussi:

    Pork in Loop vu en 2007, déjà à Vanves

    To file for chapter 11 vu en 2008

    Photo de Lisa Klappe avec l'aimable autorisation de la compagnie

  • Le discours et la danse

    Présentations de "work in progress", ouvertures d’étapes de création, discussions en bord de scène avec les chorégraphes, créateurs lumière, musiciens et interprètes… Je ne sais pas ce qu’en retirent les artistes, mais j’y trouve mon compte en tant que spectateur. Pas tant que les échanges ne me réservent de grandes révélations, mais ils enrichissent mes premiers ressentis.  Ces expériences me confirment- avec toutes les réserves d’usage s’agissant de créations encore « fragiles »- qu’il n’est d’œuvres prometteuses qu’avec des idées fortes au départ, spécifiques et en urgence.

    Telle chorégraphe raconte avoir voulu montrer des corps (qu'"on oublierait dans notre société"), explorer des mouvements… Ambitions très générales, et je n’ai rien vu de plus dans l’extrait de sa création que ce que j’ai pu voir 10 fois par an auparavant, je reste sur l’impression d’avoir assisté à un cour de yoga avec des éclairages en plus.

    A l’inverse, Bleuène Madelaine creuse des intentions fermes. Elle travaille sur les figures de l’idiot, et du zombie, cite ses sources littéraires. Et avant qu’elle ne nous parle pour s’expliquer, j’avais été accroché par ses silly walks assymétriques, l’intensité de son regard et l’imprévisibilité de ses gestes, son humour discret, l’âpreté de son approche, à ce stade si rugueuse sans éclairage ni sons. J’avais été ému, avais vu les tentatives d’un corps inadapté pour s’imposer dans l’espace social. Création et commentaires sont raccords.

    Amorce (étape de travail) de Bleuène Madelaine , vu le 15 janvier dans le cadre des soirées Open Space programmées par Jean François Munier à l’Etoile du Nord.

    Guy

  • Un peu de sauvagerie dans un monde de douceur

    Les MILF reviennent au Générateur de Gentilly jeudi et vendredi soir. Je rediffuse la note du 29 avril 2014.

    Elles sont quatre qui jouent des femmes dans tous leurs états, en mode sucré/salé… Plongées avec nous dans l’humeur rêveuse, le bien-être d’un après-midi langoureux, dans la tiédeur dominicale du printemps enfin retrouvé. Et cela compte aussi d’être bien accueillis par Anna d’Annuzio en extravagante. D’ensuite s’installer confortablement étendus sur des peaux de bêtes.

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    Méfiance. Les bêtes, bien vivantes, plus ou moins apprivoisées, peuvent nous y surprendre. Les sirènes ramper jusqu’à nous pour partager parfums et secrets. Sans toutefois aller jusqu'à nous dévorer (je ne parle que du ressenti des hommes, quoique…), ce n’est qu’un spectacle. N’empêche: sous la surface, douceur du ton et charme des chairs, il y a plus grave, plus intense, voire plus cruel. Une zone où l’Eros peut submerger tout le reste. Cette part débridée se devine, reste toujours dans l’ombre. C’est cette profondeur, cette perspective qui pour moi tend chacun des tableaux, piquante ambiguïté, dès le prologue qui voit le corps de ces Sisters s’emmêler, les caresses s’aventurer jusqu’à la troublante frontière entre familiarité de gynécée et sensualité avouée. Le mur de plastique noir de fond de scène se gonfle et se déchire, accouche de femmes qui glissent et s’éparpillent. Se révèle un échafaudage, immeuble sans façade devant nos yeux attentifs, qui abrite leurs évolutions, fantaisies, conflits, complicités et abandons. En haut, une ménagère n’est surement pas ce qu’elle semble être. Une Marylin fait voler sa jupe plissée. Une femme juste vêtue d’une fourrure se laisse entrainer vers le bas. Et toutes les visions troublent à l’avenant… Sur ce théatre vertical, la chute n'est jamais loin. Danger.

    Katalin (Patkaï) a abandonné le « e » de son prénom, mais non la recherche du genre. Pièce sur pièce, la chorégraphe creuse inlassablement le sillon de ses thèmes et obsessions. Cela la range dans la catégorie des créateurs qu’il est passionnant de suivre, et pour lesquels le fond préexiste à la forme. La danse n'est qu'une étiquette, le corps un impératif. Son interrogation sur la féminité se renouvelle, que celle-ci passe par un dialogue avec la littérature (Sisters d’après Duras) ou sa mise en évidence par son complement et opposé (les figures mâles du rock dans Rock Identity).

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    Pas de jeunes filles en fleurs ce soir, si ce n’est une Eve sans feuille qui s'envole sur sa balançoire. Plutôt des mères, mais qui restent femmes. Qu’on ait vu la chorégraphe, il y a 2/3 ans, sur scène avec dans les bras une création bien matérielle n’est surement qu’une coïncidence. Le titre MILF signifie: Mother I’d Like to Fuck, pour mettre crûment les points sur l’acronyme. Comment, en s’appropriant ce terme pornographique, dire plus clairement au nom des femmes à ce stade de leur vie, leur volonté de reconquérir, ou réinventer leur sexualité? Concilier toutes leurs identités, ambitions et désirs. Etre artiste qui déclame Shakespeare, ou mariée en robe blanche, ou femme au foyer, et vivre son désir, quitte à le laisser exploser en bruyants orgasmes ou le tempérer les fesses plongées dans un réfrigérateur vintage. L’humour à froid déjoue les évidences.

    En dernière analyse, le désir se résout dans l’instinct, l’animalité. Les femmes prennent visage de biches, de sangliers, alors que la ménagère travaille la viande sans ménagement. On ne revient pas visiter la ferme des Cochons apprivoisés-mais où l’on voyait déjà un lapin se faire dépouiller- on oublie les utopies rousseauistes, pour des réalités plus crues et élémentaires. On assiste à des combats de mâles, à coups de bois de cerf. Le genre tangue, ébranlé. Il serait intéressant de vivre ce spectacle parfois sauvage, parfois vert, en pleine forêt, avec dans nos narines l’odeur de la terre. La lecture de la belle brochure du spectacle, une œuvre à part entière, nous emmène déjà dans ces territoires là. En attendant, et en guise d’adieu, chacune revient susurrer des confidences de Milf aux oreilles des spectateurs. On les garde pour soit. Il fait décidément chaud.

    C'était MILF de Katalin Patkaï, vu au Studio-théatre de Vitry.

    Guy

    Photos de Marc Domage avec l'aimable autorisation de Katalin Patkaï

     

    lire aussi: images de danses

     

  • Marée Noire

    Nous les observons d’en haut, eux dans leur fosse, telles des espèces protégées. En maillots et serviettes, ils semblent plongés dans un sommeil mortifère, corps en villégiature écrasés de soleil. La vacuité en péril, instantané d’un quart d’heure avant l’éruption de Pompéi.  Soudain un grand bruit : la pluie noire tombe sans préavis. Au loin une fanfare joue pour un enterrement. En bas pas d’issue. Ils tournent sous l’averse. On sent que rien ne sera comme avant. Deux hommes s’affrontent, les trajectoires sont contrariées, la place mesurée. Le noir contamine l’espace, sans retour. La matière permet de nouveaux dessins à même le sol blanc et des rituels  autour d’un corps inanimé. Les gestes deviennent écriture, en de belles variations, qui ne laissent que peu d’espoir.

     

    Black Out de Philippe Saire vu le 6 décembre 2013 au Théâtre National de Chaillot

    Guy