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Un Soir Ou Un Autre - Page 23

  • A la folie

    Au premier plan de cette performance collective surgit la folie qui traverse le corps de Céline Angèle. J’emploie le mot folie, car résonnent aussi en moi des images vues il y a peu à l’occasion de l‘exposition (1) consacrée au professeur Charcot (1825-1863), père de la neurologie et de la psychiatrie. Images documentaires de ses patient(e)s hystériques, œuvres plastiques contemporaines d’Ernest Pignon Ernest consacrées aux extases des mystiques. J’y vois plus que les similitudes-voulues ou non- dans les gestes et postures: corps qui s’arcboutent, tensions, convulsions, fulgurances, contractures… Ce qui s’offre à voir, ici, et là, c’est l’instant où le masque de la normalité se déchire, lorsqu’apparait l’irrépressible, l’irréprimé, l’invisible, ce qui ébranle toutes les convenances. Cet instant est court, fragile, important, comme un indispensable accident. Un instant que je recherche toujours à voir sur la scène. Et qui me permet ce soir de mesurer ce que doit au butoh le développement de ma propre sensibilité de spectateur.

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    Ombres internes mis en scène par Jean Daniel Fricker, vu à l’espace culturel Bertin Poiré le 6 juin dans le cadre du festival Butoh

    Guy

    (1)Charcot, une vie avec l’image du 14 mai au 9 juillet 2014
    Église Saint-Louis, Pitié-Salpêtrière, 83, bd de l’hôpital, 75013 Paris

  • Outrage au lecteur

    Vous ne lirez pas ici de critique de la pièce Outrage au public. Ni même d’avis, de note, de résumé, d’analyse, d’évocation, de ressenti… D’ailleurs pour quelle raison lisez-vous cette entrée du blog?  Par habitude, par hasard, en recherche de pièces à voir, en raison d’un intérêt particulier pour l’auteur, le metteur en scène, le lieu? Ou êtes-vous le compagnon d’une des actrices? Même l’une des actrices? Peut-être avez-vous déjà vu la pièce à la Loge. Désirez-vous alors être conforté dans vos impressions, ou voulez-vous les confronter, les remettre en question? Recherchez-vous ici des significations que vous ne seriez pas parvenu sur le moment à comprendre, sinon à construire? Recherchez-vous dans le doute, quelque permission de juger dans un sens ou dans un autre? Ou des stimuli pour tenter de revivre certaines sensations vécues durant la représentation? Si vous n’avez pas vu la pièce, il vous est cependant difficile d’ignorer qu’elle ne s’appuie sur aucune narration, mais qu'elle repose sur un texte en forme d’interrogation sur la forme théâtrale et sur la relation, peut-être intense, qui va s’établir entre vous et les interprètes. Mais ces informations ne peuvent vous permettre de vous faire une idée de la forme de cette performance, de sa consistance, de la manière dont elle va vous provoquer, avec quels effets. Ces lignes lues, vous restez donc avec toute la liberté, l’entière responsabilité, d’aller voir la pièce à la Loge, et de vivre cette expérience en toute indépendance.

    théâtre,la loge,peter handke

     

    Outrage au public, de Peter Handke, mis e scène par Joachim Salinger, vu à la Loge le 29 mai. Représenté du 3 au 6 juin.

    Guy

  • Medecine blues

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    Je suis le grand zombie, roi des zoulous, chante une fois encore Dr John ce soir, la voix éraillée qui revient d’on ne sait où, un crâne posé sur son piano, avec gris-gris et amulettes vaudous. Mais la magie noire ne dit pas tout de ses résurrections. Bien sûr,  l’homme a survécu à tout, aux excès et à l’héroïne, aux prisons de Louisiane où « la peau blanche mais l’âme d’un noir » il se lie à vie avec Charles Neville et ses frères, à la rixe qui le laisse blessé d’une balle dans l’index et incapable de tenir sa guitare quelques années. Jusqu’ à la série Treme, Le bon docteur soigne sa légende, mais il y a ici plus encore que l’enracinement dans le  folklore et la culture du bayou. Ce qui survit en lui et sous ses doigts, ce qui survit à Katrina,c’est tout l’héritage de la musique de Nouvelle Orléans, portet carrefour où bouillonnent toutes les musiques noires, du jazz donné pourtant pour mort depuis longtemps au funk, en passant par le doo-woop, le blues, le boogie-woogie, les rythmes d’Afrique et des Caraïbes, les syncopes des défilés… Tout cela concentré en un concert, c'est bien court, mais une efficace potion de jouvence au gout relevé, à savourer en dansant. Réincarnation du pianiste Professor Longhair autant que de Marie Laveau ou Coco Robicheau, le docteur doit en tout cas être possédé, à pouvoir prolonger jusqu’à l’immortalité ce break de piano de Such a Night, remède miraculeux pour nos bleus à l'âme et pour nos pieds parfois las. La belle relève, c’est la merveilleuse Sarah Morrow, découverte de Ray Charles, tromboniste explosive et directrice musicale de ce nouvel orchestre, qui raconte de belles histoires à chaque solo. Beaucoup de la magie et des remèdes musicaux du vieux docteur lui sont transmis pour perdurer.

    Dr John & the nite trippers en concert au Trianon le 29 mai 2014

    Guy

  • Question de valeurs

    C’est un lendemain d’élections, sans appétits, le monde sans dessus dessous, en panne de valeurs et de convictions. On peut au moins s’accrocher à un petit rien, à voir ce personnage incongru et burlesque, qui s’obstine à exister contre vents et marées depuis déjà des années. Sombre sautillante, personne ne l’attend, elle trotte où on ne l’attend pas, et surtout à côté. Sans fonction évidente, mode d’emploi égaré. Voire, ce soir elle descend les marches, sous les flashs tout sourire et tapis rouge. Le personnage s’est proclamé star, il suffisait d’y penser, il suffisait d’abord qu’elle y croie. Et nous aussi. Dès lors elle le vaut bien. Elle nous invite par gestes émerveillés à la rétrospective de ses œuvres, pour la voir à l’écran traverser des lieux sans les habiter. Reine du dérisoire et du dévalué, femme providentielle et dérisoire, son inutilité devient précieuse, on touche au vrai du vrai. Cette valeur n’a pas de prix, quand aujourd’hui le travail intellectuel-et pire artistique- se négocie au forfait, et que l’investissement dans sa réputation est un actif immatériel hors de portée. Elle vaut des tonnes d’humanité, digne comme ce baron, personnage récurrent des romans de Romain Gary. Il reste de petites raisons d’espérer.

    isabelle esposito

     

    La Star, rétrospective des ses œuvres en sa présence, d'Isabelle Esposito à Micadances, le 26 mai.

    Guy

     www.lastar.info

    lire aussi

    photo avec l'aimable autorisation de la compagnie.

  • Enfermées

    Le théâtre est le lieu obligé pour représenter les invisibles, dans les univers fermés, pour ainsi réparer. Je me souviens de quelques heures en maison d’arrêt, de ces sensations. Ces femmes ci, autant de ne plus voir au-delà des murs meurent de plus être vues du dehors, ni aimées. Le spectacle est forcément impudique. Par une mise en abime les détenues préparent un spectacle entre quatre vrais murs. Dès les premières scènes se joue la confusion entre les espaces, les différentes proximités: corps s’offrant à être aperçus, crus, par la fenêtre de la cellule, derrière les rideaux de la douche, évolutions en chorégraphie en mezzanine, et incursions de plein pied avec nous, à nous  entrainer. Pour quoi nous dire? Je ne prends pas tout dans ce texte, dans ce qu’il me semble s’autoriser d’infidélité dans le langage aux personnages. Je ne veux pas croire que la violence soit l’excès de l’amour. Je laisse de côté les thèses, la Passion, et le 11 septembre, mais reste la représentation si forte de cette violence omniprésente, la musique de Monk lancinante entre révolte et oppression, surtout je crois à ces 6 actrices superbes et généreuses, ces corps si fort, leurs soli si poignants pour exprimer la douleur d’être ici ou ailleurs, sans sensiblerie ni bons sentiments.

     

    Misterioso-119 , texte de Koffi Kwahulé et mise en scène de Laurence Renn Penel, Vu au théâtre de la Tempête le 14 mai. jusqu'au 8 juin.

    Guy

  • Prêtresse et pointes

    La salle est moderne et improbable: un temple protestant. M’y amène la curiosité face à un paradoxe apparent. Le manifeste de la chorégraphe est de faire la synthèse de la technique de danse classique et de rites chamaniques. Mais les deux mondes me sont tout autant inconnus. Pourquoi pas? Et pas déçu. J’oublie pour un temps le buto. Dépasser l’exotisme, les images du Tombeau hindou. Les gestes sont techniques mais à prendre au sérieux. La salle est froide mais s’y glissent des instants d’il y a longtemps, du Kazahstan. Malgré le boléro, quelque chose de nouveau. Qu’invoque-t-elle ? Louve ou guerrière, mes imaginaires se télescopent.

    Femmes sacrés de Dana Mussa au temple maison fraternelle le 25 avril

    Guy

     

  • Mayday Médée

    Ils reviennent parmi nous, Médée et Jason, leur vie sous de bas horizons, pensées embuées de mots automatiques, regards fixés sur les mirages d’un bonheur normalisé. Sur fond de carton-pâte, leurs yeux s’ouvrent sur des sourires figés, mais ils ne se regardent pas l’un autre. Où sont les enfants? Disparus dans le centre commercial, tout comme la carte bleue, et autres accessoires obligés. Les nouveaux Dieux qui se jouent de Médée sont consuméristes, post-psychanalytiques, sa rébellion trop sourde, noyée, elle erre. L’écriture de Catherine Rihoit, profuse et concise comme celle de Copi ou de Pinter, se saisit de la normalité pour en mettre à vif toute la folie glacée, l’horreur, l’absurdité. Donc on rit. Comme souvent, ce rire intelligent grince. Emporté par le jeu en crescendo de ces beaux actrices et acteurs, drôles et désespérés, par la noire mise en scène, assumée.

     

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    Médée fait ses courses écrit parCatherine Rihoit , et mis en scène par Laetitia Leterrier à la Comédie Nation

    Guy

    Photo d'Emmanuel Guillon avec l'aimable autorisation de la compagnie

  • Derrière la porte

    J’aime ces visites rêvées, odyssées dans ces rues de banlieue auxquelles on ne prêterait sinon jamais attention. Elles sont peuplées d’imaginaire, les maisons, ré enchantées. Les portes s’ouvrent, notre petite troupe rangée derrière le pavillon s’y engouffre, y découvre monstres et sirènes, d’étranges habitants. Ici une mante religieuse prête à dévorer les visiteurs refugiés au milieu du salon, là un couple d’esseulés qui parle sale par claviers interposés. Une autre demeure est habitée à tous les étages de Clocs, créatures sans queues ni têtes, rampantes, proliférantes et incontrôlées, qui forcent le contact sans prêter à communiquer. On en rit et on joue, quoique… Derrière un autre porche, trois femmes comme ensorcelées dans leur histoire de famille. Nous les regardons danser attablées sur le toit d’en face, à ne rien se céder, leurs ombres gigantesques projetées sur les murs au-delà d’un terrain vague comme des égos démesurés. Elles nous rejoignent dans la maison, scène idéale des conflits irrésolus, et nous jettent un sort pour nous entrainer dans leur jeu. Avec elles, avec les autres je danse, une fois encore.  

    C’était Mantodea de Sophie Blet, Elle aurait voulu… de Raphaëlle Bouvier et Maxime Potard, Cloc de Anaïs Lelièvre, Vibrations solidiennes de Soizic Muguet, dans des maisons de Saint-Ouen avec Hors Lits.

    Guy

    Lire aussi : hors lit à Montreuil et Hors lits à Pantin

  • Féline

    Née d’un chant, aux aguets (venue d’où ?), elle rôde. Elle tient l’espace d’une ligne à l’autre, glisse et fraie, et nous flaire, pas si farouche, en rencontres feutrées mais abruptes. Nous les spectateurs l’entourons sans l’emprisonner, tolérés. Sa sauvagerie affleure sous la peau: des os, des muscles, les mouvements ne semblent pas pensés.  Son corps ondule, son masque noir absorbe toute lumière, et humanité. Elle ne nous effraie plus mais fascine. Le récit est liquide, la musique ondule comme un décor de jungle, en  notes tenues, autour de son corps tendu. Au zoo de Vincennes, on ne reste pas plus que quelques minutes regarder tourner les grands fauves, mais il nous faut ce soir nous laisser aller. Ce soir importe plus le tableau que le geste, une invitation à redevenir premier.

    danse,artdanthe,eric arnal burtschy

    Ciguë d’Eric Arnal Burtschy vu le 26 mars (et en répétition) au théâtre de Vanves avec le festival Artdanthé.

    Guy

    Photographie de Laurent Paillier avec l'aimable autorisation de la compagnie