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  • Van Gogh à Téhéran

    On a l'opportunité, pour quelques jours encore, de voir une troupe de théâtre expérimental iranien jouer à Paris. Et c'est medium_Vincent_Willem_van_Gogh_107.jpgau T.N.O.. On s'en serait voulu de manquer cette expérience, même si elle est un peu exigeante, déjà en raison de la barrière de la langue persane. Obstacle que ne lève pas la mise en oeuvre d'un sur-titrage déroutant. Mais à l'oeil et au timbre, il s'agit bien de théâtre contemporain, guère de doutes à ce sujet. Dans une version radicale et austère: voix blanches, stylisation extrême, dépersonnalisation des rôles, mouvements trés chorégraphiés, actions déroutantes et usage de divers objets et substances répandus sur scène.

    La matière première est occidentale: la correspondance de Vincent Van Gogh,un sujet universel il est vrai. Van Gogh aux portes de la mort, en proie aux tourments métaphysiques. Mais digne, dure, tendue, déroulée sur un rythme funèbre, l'évocation du peintre manque ainsi cruellement de couleurs. Sauf à deux occasions, quand du safran est éparpillé à terre, quand les actrices déploient des rubans multicolores. Car les actrices restent vêtues de noir et leurs cheveux cachés sous des pièces de tissus. Ce qui, à en rester à l'expérience de cette seule performance, marque une première singularité du théâtre expérimental iranien.

    C'est "Le Joug et le Papillon" de Mohammad Charmshir par la Cie virgule Performing Arts (Téhéran) et la cie du théatre de l'Epi d'or, au T.N.O. dans le cadre du festival "Le Coeur et l'Esprit"

    Guy

  • Le retour du fils de version clip 3

    Version Clip Episode 3: on continue 

    Patricia Novoanous emmène dans les amériques latines, mais par des chemins où l'on s'égare un peu. On la retrouve medium_C_line_Ang_le_1_.JPGheureusement en pleine Tempête, pour un grand moment de transe, au coeur de la forêt. Rouge est la couleur pour Céline Angèle, dans le Coeur d'une Rose, le rouge d'une tension d'abord intensément contenue, jusqu'à une explosion maîtrisée et saisissante. Juste dommage que la parole casse un peu l'effet. Marlène Myrtil fait avec Assentimentla belle demonstration qu'on peut danser tout en restant perchée sur un tabouret. Et même s'en envoler.

    Maiko Shirakawa, avec Omokage, joue avec nos nerfs au rythme lent et obsédant d'un métronome. Et contre toute attente finit par gagner. On perd un peu Shririn Laghai en route. Chie Okamoto -be here now- nous inflige quant à elle le supplice de la goutte d'eau. Mais pour soudain se transformer en créature rock, fardée et dénudée, et use d'arguments medium_arton135.jpgtout à fait déloyaux. Le solo de Gohei Zaitsu, revu à une semaine d'intervalle, ne perd rien de son impact. Laurence Pages danse à nouveau elle aussi... mais la salle de ce mardi ci, plus enjouée que celle du mardi précédent, réagit au comique des onomatopées que son souffle produit: l'ambiance de la pièce s'en retrouve changé. La Cie Pêchemoderecycle avec un humour distancié le vieux thème du strip tease à épisodes, inachevé comme il se doit.

    C'était Version Clip #3, après Version Clip #1 et version Clip #2 dans le cadre du festival Dance Box 07, à l'Espace Culturel Bertin Poirée.

    Guy

    photo de Celine Angèle par Bruno Salvador et une photo anonyme de Laurence Pages, trouvée sur le site de Mains d'Oeuvres où elle danse fin avril

  • Sosana Marcelino: So, simplement

    Sosano Marcelino est de ces danseuses qui plus que de danser racontent une histoire. Ce qui est utilisé des moyens de la danse devient dès lors de moindre importance. Le récit se crée par la voix aussi: les mots qui fusent en une langue étrangère deviennent chant; et le récit se dit par le corps évidemment, outil et objet à la fois de l'histoire.

     

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    De cette histoire d'une naissance à la danse, on avait juste vu quelques épisodes, il y a deux mois. Agrandi du format de brève performance à celui de pièce pleinement développée sur une scène, So garde toute sa force et sa présence. Mais pour gagner en profondeur. Surtout ose l'inquiétude et les blancs, les silences. Par le dépouillement d'un personnage qui seul grandit et crée sa propre musique, le reste est un monde par voix, gestes, regards évoqué. Restitution de toute la belle naïveté de l'enfance, troublantes transparences de tulle, puis doutes, conflits et mise à nu et la douleur alors vient du ventre. Enfin- belle robe- peut-être un apaisement et la réconciliation par le chant avec les origines? Cette aventure, sur le mode de l'exposition la plus impudique qui soit, celle des sentiments, garde ses zones d'ombre. Pas de sous-titres, d'ambiguités-quel enfant porte-t-on?-, tant mieux.

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    C'est So, de Sosana Marcelino , et jusqu'à samedi encore, à l'Espace Kiron.

    Guy

     P.S. du 27/03: mais pour ceux qui veulent comprendre le sens de l'histoire, Philippe Verrièle  la sous-titre du portugais au français dans le "20 minutes" d'aujourd'hui.

    PPS du 6/04: Deux belles photos avec l'aimable autorisation de Vincent Jeannot

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  • TBO dance, ensemble?

    On lit l'annonce: "Cries from Shadows of Darkness: une rencontre multiéthnique entre artistes sud africain, japonais, italien et français." Accroche efficace- un styliste italien a vendu des millions de pulls de toutes les couleurs avec un concept voisin- mais l'idée suffit-elle pour produire sur scène quelque chose de fort et nouveau? Cela nous aguiche assez pourtant pour nous déplacer jusqu'à Bertin Poirée, convaincu que la danse se nourrit de métissage, et le buto plus encore que toutes les autres danses. Mais prévenus que faire de ce concept l'objet même de la performance ne suffit pas à en garantir la réussite artistique.

    Et l'annonce de revendiquer "une pollinisation croisée de divers langages culturels". Mise en application: on jette littéralement en l'air des fleurs en papier, puis l'une danse un buto sans surprise, l'autre s'affirme plutôt contemporaine, la troisième tente une intéressante synthèse des deux, et Teddy W.T. Ramasikeest surprenant, athlétique, urbain et délié. Mais le tout est il supérieur à la somme des parties? Si on en est, après 20 lignes, à se poser encore cette question, c'est que ce soir la réponse nous semble être non. Plutôt du syncrétisme sans révélation. Avec le regret de voir trop de talents individuels tourner en rond, en une vaine procession. Sans donner l'impression de vraiment se rencontrer, plutôt de se faire de l'ombre. Dès lors, dans les mouvements d'ensemble, ce sont surtout les différences de style dans l'exécution qui sautent aux yeux. Qu'on ne peut alors s'empêcher d'attribuer à un manque de rigueur plutôt qu'à une intention délibérée.

    Le texte de présentation part trés loin dans le cosmique, mais pour nous laisser loin derrière. Le spectacle ne nous fait pas quitter terre, malgré les efforts world music des deux musiciens- Mateo de Bellis et Hirohi Sakurai aux vents traditionnels et percussions.

    C'était Cries from Shadows of Darkness,  de la Cie TBO Dance Ensemble, avec Tebby W.T. Ramasike, Céline Angèle, Yuko Ota, Ambra Pittoni à Bertin Poirée dans le cadre du festival Dance Box. On peut en voir une captation video ici
     

    Guy

    Et il y avait aussi, plus cohérent, Box de Muriel Bourdeau,un solo habillement dédoublé, en direct et sur vidéo. Contemporain avec des influences buto. Autour de l'empêchement, de l'enfermement, de la difficulté de quitter le sol.


    Box
    envoyé par madbom
  • Clip V.2

    Bertin Poirée, retournons y et regardons y huit autres, degustation de pièces en dix minutes chacune:  

    medium_une_fleur_sans_nom.jpgKiyoko Kashiwagi & anime dance theater nous jouent Romeo the thief and Juliet the guard, ce n'est pas du Shakespeare, c'est beaucoup mieux: on vole la joconde dans un ballet à la Tex Avery ninja, mais l'amour finit par triompher, c'est hilarant.

    Difficille pour la compagnie Bon Bon/ Hanako et Yuka, avec Là ou je suis, de déja exister juste aprés ça, trop délicat, trop modeste?

    Laurence Pages nous propose un travail troublant sur le souffle; A un fil, d'une voix commande la danse, mais peut-être au risque de dérégler le corps lui même, d'une manière aussi inquiétante que Louise Bédard il y a peu à suivre en intégrale à mains d'oeuvre dans pas longtemps.

    On était un peu passé à coté de Gyohei Zaitsu l'an dernier, mais on est saisi ce soir par la force de ce que le danseur de cette Vie En Rose dégage, sur un mode trés lent et intense, en quelques gestes blancs, sous la neutralité d'un maquillage buto et l'humanité d'un costume grotesque: quelque chose de quasi miraculeux.

    Soyons honnête, sur huit performances, il y a en toujours l'une où l'attention se dissipe un peu. cela tombe ce soir sur Marlène Myrtil (Assentiment 1 chaine correspondance....) ce qui est surement injuste: à defaut d'avoir vraiment suivi, on peut témoigner que c'est trés riche, fort et maitrisé.

    D'un mardi l'autre, l' Aprés tout... de Motoko Yoda, dont l'exposé n'a pourtant surement pas varié d'un iota, nous semble plus construit, aussi intéressant, plus affirmé.

    En lieu et place d'une annoncée absente, Gyohei Zaitsu nous fait un retour surprise, bonne surprise, et même meilleure que celà: ce qu'il fait sous le même masque blanc n'a rien de commun avec ce qu'il nous a montré tout à l'heure, plus baroque, et imprévisible completement. Plus on voit ce garçon, plus il surprend.

    Conclusion par la cie Jocelyne Danchick avec Breath cycle: une femme vétue d'un antique corset orthopédique, d'emblée une image forte, mais trop sans doute, à un tel point que l'on a du mal à dépasser l'impression initiale pour s'intéresser à la danse, suspendu entre la violence de ce concept visuel et la perception du mouvement.

    Tout le monde aura compris que ce soir à Bertin Poirée il n'y avait pas que du buto, ce qui n'avait pas d'importance.

    C'était le deuxieme épisode de Version clip dans le cadre du festival Dance Box 07 dans un centre Bertin Poirée si plein qu'on ne pouvait plus y glisser même la plus fine des danseuses. La trilogie s'acheve mardi prochain.

    Guy

    Faut il noter le spectacle vivant?... s'interroge-t-on sur Scènes 2.0... En tous cas ce soir à Bertin Poirée on était invité à voter pour ses deux compagnies préférées. 

    Et qui donc avait été élue l'an dernier? Maki Watanabe, evidemment!

    P.S.: Gyohei Zaitsu a aimablement répondu à notre demande en nous envoyant cette photo plus haut. Pas de la Vie en Rose hélas, avis aux photographes: il faut immortaliser Gyohei avec son noeud rose bobon dans les cheveux! Au Proscenium les 3 et 4 avril, peut être? 

  • Baudelaire: l'éternel procés

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    Baudelaire est à terre. A genoux, défait, prostré, il fouille sa plaie du tranchant de ses mots, pendant que de l’ombre, émerge une future mariée. Sans visage, inaccessible. Sa montée silencieuse répond à l’implacable descente au cœur de l’âme dévastée de Baudelaire, dont la litanie déchire un silence devenu palpable. La blancheur virginale de sa robe est portée par l’acquiescement muet du fond noir. Le noir neutre de l’institutionnel, de la morale, celui de la décence. Derrière des paravents, les ombres jetées de la bêtise et de l’hypocrisie, sur fond gris. Au premier plan, Baudelaire lumineux se détache de l’obscurité qui emprunte ici au noir de l’exigence. Celui de l’absolu, de la solitude et du dépouillement. A ses côtés, juste une petite table,  pour l’élégance. Entre ces deux conceptions du noir, deux cubes de scène pour le décalage permanent des niveaux de discours, car on ne s’adresse au poète que de haut. La justice d’abord, par le biais du procureur Pinard, puis les institutions, à travers « la jeune file assassin de l’art », celée sous son voile nuptial. La société, ses pairs, en groupes de vautours, toujours de biais. La pièce, emportée par un texte implacable prend toutes les allures d’une mise à mort. Le dialogue entre le procureur et le poète, celles d’un duel impossible, entre création et morale. Jeté hors la loi, hors le monde dans sa solitude et son isolement, le poète expie, vulnérable, presque enfantin dans sa souffrance.

    C'était Le Procés des Fleurs du Mal de Philippe Blondeau, mis en scène par Georges Zaragoza, avec les Compagnons d’Eleusis au Théâtre Municipal d’Epinal, vendredi 9 mars, dans le cadre du printemps des poètes, 150 ans après les faits.

    Isabelle Viéville Degeorges

  • Les Gens d'Uterpan: nudité manifeste

    Sans le mouvement la nudité n’est rien. Dénuée de valeur, de signification. Mais dansée, la nudité peut devenir beaucoup plus intéressante. Elle prend sens. En faire la démonstration était sûrement superflu: merci aux Gens d’Uterpande s’y être attaqué.

    Arrivent sur scène dix jeunes gens des deux sexes.

    Nus. Ce qui en soi vaut quelques instants d’intense intérêt. Ces corps se portent élégants, et presque discrets. Plus sexy que sexuels. Avec des proportions prudentes, qui restent dans les normes d'une beauté rassurante. Beaux, sans aucun excès qui ne puisse provoquer ni étonner vraiment. L'attitude des danseurs, dégagée, indifférente, contribue à cette impression.

    Une marche commence, sur la stricte ligne diagonale de la scène, autour de laquelle se sont répartis, empressés et debouts, les spectateurs, expulsés des gradins. Parvenu au bout de la ligne, le groupe fait volte face pour effectuer le parcours inverse. Et arrivés à l’autre extrémité de la diagonale, ils se retournent à nouveau. Et ainsi de suite. Ils défilent ensemble, d’un pas rapide, sur cet axe invisible, dans les deux sens. Jusque là c’est neutre, plat, évidemment sans intérêt. La nudité, déshabillée de toute mise en scène, fait long feu. Desérotisée. Pétard mouillé? On craint d'assister à une vaine performance de plus, aux vagues intentions. Coté assistance: intérêt indéniable, mais peut-être un amusement déja blasé. Chair trop vite donnée en pâture? Offerte pour rien?

    Mais peu à peu, pas après pas, le phénomène devient autre. Le groupe ne change rien à la vitesse de sa marche, ce sont des mouvements à l’intérieur du groupe qui émergent: ondulations, déhanchements, flexions, tournoiements. D’abord marginalement. Mais à un moment indéterminé, la danse s'est installée pour de bon. Dans cette déambulation d’ensemble qui se poursuit, vive et sans pause. Toujours la même trajectoire collective, mais désormais sous-composée des brèves figures des dix danseurs et danseuses nus, multitude de mouvements qui bientôt se parlent entre eux. La musique est basique, une seule phrase courte, qui se répète, dont seul l’arrangement change.

    Des spectateurs s’enhardissent pour investir, debout encore, serrés, les derniers espaces libres sur le coté mur de la scène. Encerclement. Les gestes des danseurs prennent plus de dimension, d’ampleur, de signification, jusqu’à ce que le point de sensualité soit franchi franchement. Jamais celui de la vulgarité cependant, malgré toutes les postures qui pourraient la faire naître. Est-ce une question de graduation? Ou de naturel? On observe et on retrouve des réminiscences du X-event 1, vu il y a déjà un an ou deux, qui attaquait la même thématique par la face spectacle. Pièce plus explicite sexuellement de par les gestes pratiqués, et en contrepartie plus habillée, plus proche par sa construction et sa scénographie d’une pièce de danse. De même ici les gestes s'adressent à l'autre, les regards chavirent, les hanches se balancent, les corps se détendent et se cambrent plus nettement, on se frôle, puis on se touche brièvement, on se regarde langoureusement. Tout cela sans jamais arrêter de marcher ensemble. Les danseurs miment le désir, l’extase n’est pas loin.

    L'extase vient. Ou se fait représenter. Sans qu'il n'y ait eu, physiquement, de rencontres. Plaisirs complices mais solitaires? Solidaires? Ou une rencontre a t elle été suggérée sans être représentée? Climax évident quoiqu'il en soit, mais sans ostentation. Suspens. Le groupe se referme sur lui-même, en cercle. Se protégeant. Complicité, respirations, murmures. Les danseurs, toujours nus, vont se perdre ensemble quelques minutes dans le couloir devant la salle. Puis ils reviennent sur scène et recommencent. Sur la même diagonale. D’abord lentement et tout droit. Mais, encore tièdes, déjà plusieurs degrés à dessus du premier point initial. Et on devine qu'inévitablement ils vont monter en puissance. Condamnés- pour notre trouble ou notre distraction?- à la répétition, à un éternel cycle de montée de l’excitation, puis de plaisir? Le public de plus en plus est assis, déborde un peu sur la frontière du tapis blanc, plus proche de la trajectoire du groupe. Arrivés à l’extrémité de leur course, les danseurs empiètent sur la place des spectateurs assis là, mais qui restent comme invisibles pour eux, dansent nus autour, au dessus d’eux. Interpénétration des espaces intimes de jeu et d’observation. Coté des observateurs, légers réflexes de recul et de protection.

    La musique se répète, entêtante. Toujours le même thème. Tous les spectateurs sont assis sur les bords de la scène maintenant. Publics très mélangés, jeunes, vieux, hommes, femmes, groupes, couples, solitaires. Certains chuchotent entre eux, comme pour bien maîtriser la situation, en regardant les danseurs. Qui entament leur quatrième ou cinquième cycle. Chaque cycle quelques degrés au dessus du précédent, au moins que cela soit notre perception qui change. Il fait chaud. Deux spectatrices- pourtant à l’air très sage- se retrouvent mystérieusement en sous-vêtements. José Alfarroba et l’équipe d’Arthanthé, eux tous décemment habillés, distribuent des coussins. Les danseurs marchent ensemble, toujours enfermés dans l’exécution du même scénario. La répétition de messages corporels de séduction qu’ils s’adressent les uns aux autres dans d’infinies combinaisons. Filles vers les garçons, ou filles et filles, ou garçons entre eux. Tous à égalité. Jamais aucune manifestation d'agressivité sexuelle. Quelques secondes à peine à chaque fois tendues vers un partenaire, avant que le mouvement lascif sans jamais s’interrompre, ne se reporte vers le suivant. Un spectateur aux cheveux longs, qui semble bien parti, danse dans son coin comme à Woodstock, yeux fermés, avec de grands gestes. Les mêmes gestes que les artistes, mais en beaucoup moins bien.

    On distribue du punch. Dés la première gorgée, la température semble monter un peu. Mouvement perpétuel. Les danseurs ont atteint la phase de paroxysme d’un nouveau cycle, et il semble que cette fois les bras se balancent plus haut, que les fesses partent en arrière, et les hanches en avant d’une manière encore plus franche. Sans qu’ils ne s'ouvrent à l'impudicité, bizarrement. Ils semblent s'abandonner par instant au jeu de cette transe, jusqu'à presque tomber, comme par micro pertes de conscience. Entre eux toujours des expressions gourmandes, désirante. Érotisme utopique, révé. Quelques discussions à mi-voix dans l’assistance. Des spectateurs partent au bar et reviennent. D'autres ne reviendront pas. On regarde, et bien qu’aucun indice ne nous ait été donné permettant de situer cette danse dans un contexte ou un autre, on pense à un défilé dionysiaque. Une bacchanale, une saturnale. Un sabbat de sorciers peut-être? Non c'est une fausse piste: ici nulle culpabilité apparente, ni jouissance de la transgression. Une expression du plaisir, simplement.

    Encore du punch. A un moment ou un autre, les deux filles contre le mur ont décidé de se passer de soutiens-gorge. Elles discutent, l’air de rien, avec leurs voisins. Mais ne dansent pas. Sont très réelles. Gardent leurs lunettes. Tout le monde les a remarquées, mais fait semblant- juste un sourire ou deux-, les regards évitent pudiquement leurs poitrines pour se reporter sans embarras aucun sur les seins des danseuses sur scène. Qui continuent à marcher sur l’invariable diagonale et tournoient toujours plus intensément. Leurs corps, après bientôt deux heures d’effort, ont pris la rougeur et le rendu émouvant que généralement l’amour laisse. Oubliée la froide neutralité du début. Les yeux sont mouillés. Les détails se font précis par instant, au grain de peau près, mais c’est toujours le mouvement général qui finalement s’impose à la perception. Mais aussi verges et bourses qui se balancent. Et gros plan, l’instant d’un généreux renversement, sur une vulve, presque un blason de l'innocence. Répétition. Surchauffe. Aux limites supérieures du crescendo. Pas difficile de comprendre que la montée de la fatigue- jusqu’à l’épuisement ?- participe de la stratégie du spectacle. De part et d'autre. Trois heures de performance, selon le programme. Vont-ils répéter les mêmes cycles jusqu’à la fin? Mais peut il y avoir une fin? On aimerait qu’ils s’arrêtent parfois à mi-course avant de reprendre. Ou juste ralentissent, un instant. On réalise que tous les regards, tous les gestes des performeurs se sont échangés à l’intérieur du groupe, jamais vers l’assistance, toujours tenue à l'extérieur, ignorée, même quand les danseurs viennent à sa rencontre, au centimètre près. Est-ce dans les intentions des chorégraphes d’inviter l’assistance à prendre congé, mais comme clandestinement- sur une situation inachevée? Un jeu d’usure? L’assistance s’est en fait clairsemée de moitié, ceux qui restent sont plutôt affalés. Fulgurante beauté d’un corps en torsion, appréhendé dans son ensemble, avant qu’il ne se redresse. Raidissement, détente.

    Légère ivresse. On regarde un peu les deux filles toujours en petite culotte, qui elles-mêmes regardent les danseuses et danseurs nus: laquelle des deux nudités banalise l'autre? En tous cas les danseurs ne se regardent qu'entre eux. Mais on croit reconnaître dans le public une danseuse de buto, qui commente, technique et amusée, les figures avec de grands gestes de la main. On devine qu'elle perçoit des choses que l'on ne pourrait voir nous même. Mais qui nous regarde? Restons habillé! Nouvelle tournée de punch- d'une nouvelle couleur?- et amuse-gueules. Olives vertes. On est fatigué, les corps se brouillent un peu. Mystère de l'être et de l'essence, dont la mise à nu ne dévoile rien, mystères au delà de la peau. Détails. Mouvements. On essaye de compter les danseurs et les danseuses. Pas moyen. Ils bougent tout le temps. On essaie en triant par sexe. Cela fonctionne mieux. Répétition. Chaleur. On est bien. Juste incrédule par moments. Les Gens d’Uterpan marchent toujours, semblent chacun fragiles et invulnérables ensemble, épuisés mais infatigables. Ailleurs, complètement. Comme vraiment possédés.

    Un spectateur se lève pour se camper au centre de la scène, et se laisse traverser par cette nuée de nudités l’air béat et la tête légèrement inclinée en arrière. Comme dans un bain de vapeurs sensuelles. Avant qu'on ne le ramène gentiment se rasseoir. Cette danse fait elle perdre la raison? Les danseurs autour de lui n’ont même pas ralenti. Intangibles. Des anges de rêves et de chairs. Toujours assises, un poil crispées, les deux spectatrices enlèvent le bas… Il est temps de rentrer.

    C’était X-Event 2.1 , des Gens d'Uterpan(Annie Vigier-Franck Apertet) au Vanves Théâtre, toujours avec Artdanthé.

    Guy

  • Version clip: 10 minutes et puis s'en vont

    Que peut-on montrer en dix minutes? Peu et beaucoup à la fois, en abandonnant en tous cas les spectateurs à de délicieuses frustrations, et à la promesse de futures rencontres.

    Restent en attendant les souvenirs de paysages juste entrevus, d'étonnements ambigus et d'impressions en suspend. D’abord avec Flora Sans- Ephe & Ina- 2 filles tous sourires qui nous apportent une boite mystérieuse pour un jeu dansé construit autour des 5 sens, et c’est proposé avec une gentillesse quasi-enfantine et si désarmante qu'on est obligé d’accepter. Motoko Yoda- Après touts’aventure dans des territoires plus butô, et aux sous-entendus plus adultes, pour une démonstration parfois peut-être encore incertaine, mais déjà riche de tensions, qui ouvre vers des profondeurs surprenantes. On devine Yuko Kametani prête à tout oser: d’abord l’immobilité, puis des larmes, et ensuite interrompre une danse à peine entamée pour couper la bande son... et surprendre son monde. Gonflé ! Enfin Miguel Ganiko- mémoires d’un pétale de jasmin, danseur fort de plus d’expériences, s'avance bandeau sur les yeux, pour un solo inquiet et douloureux, sobre, quasi féminin.

    On a manqué entres autres Céline Angèle et Jocelyne Danchick, excellente raison pour les retrouver avec d’autres danseurs encore aux épisodes suivants de Version Clip, mardi prochain et puis celui d’aprés

    C'était Version Clip à Bertin Poirée, dans le cadre du festival dance Box 07

    Guy

    P.S. Ce n'est sans doute pas encore le printemps, mais c’est déjà le dégel, et enfin la saison du buto: le Festival Dance box tout ce mois de mars à Bertin Poirée. Et Yumi Fujitani s’installe tout avril au Proscenium, pour différentes performances,-en solo ou très bien entourée-avec entre autres deux nouvelles version de Kao

     

     

  • Le Songe d'une nuit d'été: Un Shakespeare qui peine à faire réver

    Sept erreurs:

    1. Jouer Le Songe d'Une Nuit d'Eté en noir et blanc
    2. Utiliser un caddie de supermarché sur scène (c'est éliminatoire)
    3. Commencer trés trés lent et en trop lourdes convinences.
    4. Laisser (la remarquable) Claude Degliameen faire beaucoup, beaucoup, beaucoup trop. Dans le genre "je refais Blaise Cendrard. Alors que Marie Vialle (non moins remarquable) se laisse oublier et redécouvrir.
    5. Moderniser la langue de Shakespeare(1564-1616)-de peur de sinon ne être compris?- mais ainsi la banaliser, en vocabulaire de discothèque et de reality show.
    6. Adopter un parti pris de travestissement et d'inversion systématique des sexes. Choix assez laborieux à l'usage. Sur Don Juana, celà fonctionnait meux.
    7. Annoncer du rire, de l'Eros, du  rêve, de la jubilation, de l'ivresse dans la note d'intention... et sur scène commencer exactement à faire l'inverse, dans le décalage et la distanciation. La chair est chic, la chair est triste.

    Sans doute les erreurs types que risque un théâtre qui affiche le nom du metteur en scène en aussi gros caractères que celui de Shakespeare.  Heureusement, à la mi-temps, Shakespeare reprend l'avantage. On pourrait dire, pour être polémique, malgré tout. Au bout d'un temps avec, car en couleurs enfin, une Puck toute rousse et un Ane plus que truculent, on s'intéresse. Soyons juste: en prêchant le factice, J.M. Rabeuxfinit par toucher au vrai. L'exagération paye à la longue, le caddie finit par s'envoler aux cintres, le rimmel couler, la pièce dans la pièce se jouer en bouquet final, le grotesque se muer en poétique, comme suivant les intentions, mais in extremis.

    C'était Le Songe d'Une Nuit d'Eté de Shakespeare, mis en scène par Jean Michel Rabeux à la MC 93 Bobigny. Jusqu'à début avril.

    Guy

    On a relu après l'interview de J.M. Rabeux dans La Terrasse. Grave erreur. Plus on lit, moins on comprend. "J'ai monté cette pièce pour des raisons politiques. Je suis effrayé par ce qui se passe aujourd'hui sur le plan des moeurs"? De quoi parle-t-il ? Si quelqu'un a compris, qu'il nous écrive d'urgence. Ou on va peut être ouvrir un débat sur Scènes 2.0. Mais la réponse est peut être contenue dans la question suivante de l'interview.  "Votre relecture du Songe souffre-t-elle d'être en avance sur son temps?" Avec des questions d'une telle impertinence, tout les metteurs en scène doivent rêver d'être interrogé sur la Terrasse...

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  • Les Printemps de Léveillé

    Extraites du répertoire de Daniel Léveillé, deux pièces jetaient hier soir un regard 20 ans en arrière. Mais deux pièces, qui, de notre point de vue qui n'est pas celui de l'historien, résonnent- comme Herses- plus actuelles que bien des nouveautés. Sauf à considérer qu'il faille du texte ou de la vidéo pour être moderne.

    Or pas même de musique au début du premier solo, Traces N°2. Une lumière simple et une femme- Louise Bédard- un vrai personnage bientôt. Embarrassée d'habits trop grands. Dans ce silence qui de plus en plus pèse, l'interprète exécute brusquement des spasmes comme nerveux. S'installe l'illusion que ces spasmes saisissent malgré lui le personnage ainsi créé. Brèves interruptions, mais pour laisser s'exprimer l'angoisse d'un regard à la dérive. Un visage décomposé. Cris. L'invention hachée et brute d'un nouveau vocabulaire gestuel, violemment inédit. Que Gilles de La Tourette aurait pu composer. Langage sans compromis, qui vient chercher quelque chose très loin dans le corps, pour nous l'imposer. Cela continue. Stupeur et tremblements. Gène, et toujours aucune musique pour l'atténuer.

    C'est une révélation poignante quand, une éternité de 10 minutes plus tard sautillent les premiers accords de guitare de "The girl from Ipanéma", qu'on a entendu mille fois, mais jamais comme cela. Louise Cavallier déambule alors gauchement, comme une danseuse de buto. "But she doesn't see....?" La phase répétée par Stan Getzsur le registre brumeux mais léger du sax ténor installe un contraste pathétique avec ce qui est vu. Mais le dérangement n'en est pas atténué, ni happy end ni rémission.

    On ne parvient pas, après ces émotions, à s'intéresser vraiment au Sacre du Printemps qui suit. Malgré Stravinsky (1882-1971), malgré les toutes les trouvailles, malgré l'énergie et l'excellence des quatre danseurs, rhabillés de la Pudeur des Icebergs. La majorité de l'audience semble pourtant acquise ou conquise, de la pré-ado à couette du premier rang aux mamies expansives derrière. Mais cette pièce va beaucoup moins loin que Traces. C'est simplement de la danse, et les pas sont toujours placés, impeccablement, SUR le tempo.

    C'étaient, de Daniel Léveillé, Traces N°II (1989) -♥-interprété par Louise Bédard, puis Le Sacre du Printemps (1982), interprété par Frédéric Boivin, Mathieu Campeau, Justin Gionet, Emmannuel Prouix. Une fois encore à Vanves Théatre, avec Artdanthé.

    Guy 

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