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Danse - Page 17

  • Aude Lachaise: un Marlon nommé désir

    C'est bien joué. Elle nous a pris à contrepied: ni bal, ni danse ni tango, ou si peu, et tant de mots. Au pied des lettres, a one-woman show. Pour aborder des sujets dont la danse parle souvent mais presque tout aussi souvent sans en parler vraiment: l'amour et le désir. "Sexe", "cul"... les mots crus sont lachés, avec toutes leurs sonorités. Savourés avec gourmandise, decortiqués, avec une naïveté feinte mais quand même désarmante. De quoi faire ensuite accepter de la lucidité à haute dose.

     

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    Juste des mots joués: tout se tend et se developpe à partir de cette frustration initiale dont la danseuse s'amuse à nous distraire. Et y réussit. A force de pirouettes et reflets dans un oeil d'or. On écoute: seduit et agacé, amusé dans l'attente d'une danse qui ne vient toujours pas. Ou juste à l'improviste: à travers un self- portrait drolatique et pâmé d'Aude en Audition. Mais- rendons à Cesar ce qui est à Cesar- une fois le sujet bien posé, le corps revient dans le jeu, suit les mots, pour un traité des parties molles, une invitation à la contact improvisation. Texte et corps également maitrisés: deux visages de la séduction et un partout pour le score...La mayonnaise prend.

    Mais a- t on parlé de Marlon Brando, sinon par allusion ? Ni Superman ni Don Juan, plutot son ombre, un invisible partenaire, nous sommes tous des Marlons.

    C'était Marlon, de et avec Aude Lachaise, à Point Ephémère à Paris, sur les quais. Ce vendredi encore

    Guy

    photo de ? par Dominique Gilliot avec l'aimable autorisation de Point Ephémère.

    voir aussi les images et les mots hors cadre de Jerome Delatour

  • Alain Platel: Pitié (pas de jeu de mots avec le titre)

    Dieu est mort. Il chante encore. Avec la voix cristalline d'un jeune congolais contre ténor. Sur le T-shirt de ce dernier reluit un Christ kitch et irrémédiablement iconique. Déserté. Dieu est mort, reste l'humanité esseulée. Sur le plateau pas de mariages: un enterrement. Un groupe en noir de deuil. A coté- indifférents - une addition d'individus hagards et en couleurs. Tous seuls donc, désemparés, des corps fragiles qui chassent la gêne de gestes oppressés, se cherchent à deux en frottements laborieux, en coïts hasardeux. Dieu est toujours mort. Même la musique s'est arrêtée. Pour un moment audacieux, prometteur, de chants a capella. Enfin ensemble. Mais avant de nouvelles dispersions. Des démonstrations névrotiques et acrobatiques. Les danseurs se portent les uns les autres comme on porte des blessés. Leur chair est fragile, des peaux à plisser et meurtrir. Les corps émouvants. Vulnérables dans le vaguement ridicule de sous-vêtements, plutôt que dans le superbe de la nudité. Seuls, mais soudain unis en un moment ensemble arraché à la pesanteur, portés très haut par la musique avant qu'encore se disperser. Le passage est époustouflant. C’est tout et c'est peu. Car ce moment retombe, laisse la place à des duos saccadés, des soli convulsifs, comme si la réunion n’avait pas eu lieu. Tout est dit, à peine une demi-heure est passée. C'est dans ces alternances de solitudes et de communions qu’aurait pu monter la pièce en tension. C'est justement dans ces allers - retours que la pièce échoue. C’est là où elle se répète en procédés à perdre le sens, et répète V.S.P.R.S. . Le pari était courageux de concilier le sublime et le vulgaire, le profane et le sacré. Le pari est perdu, et l’on ne sait même plus si la compassion était le vrai sujet.

    Dieu est mort, quoi après ? On espère la naissance d’un humanisme, on ne voit qu’hystéries, épilepsies, pathologies. Une humanité à prendre ou à laisser? L'empathie se refroidit. L'homme, seul, a du mal à danser. Il s’agite. Jette des pierres sans se soulager de son fardeau. Par un confessionnal- parloir on entend les dernières confidences au micro des condamnés à mort. L’amour y est un aveu difficile. Mais on reste de l’autre coté de la vitre. On assiste à des rites détournés, on voit des tableaux vivants de la renaissance. Expédiés. Une passion christique, le linceul vite emballé, comme une formalité. Pour dire quoi? Juste pour faire une belle affiche? En haut pendent en dépouilles des peaux de bêtes, en bas les danseurs sont embarrassés de leurs vêtements bariolés, ils les enlèvent, les remettent. Ils cherchent la lumière et ne grattent que des allumettes. A intervalles réguliers, le sublime se réfugie en suspend dans la musique, l’orchestre de huit musiciens d’en haut domine et entretient lyriquement la flamme de la spiritualité: autour de la musique de Bach d’obsessionnels obstinati, véhicules de vaines transes pour ceux d’en bas.

    L'enterrement a duré deux heures, ce qui est long. Une dernière étreinte et chacun rentre chez soi. La compassion a eu son moment, rien n’a servi à rien. Dieu est mort, la danse balbutie, reste la bande son.

    C'était Pitié, d'Alain Platel (Concept et mise en scène) et Fabrizio Cassol (musique originale, d'aprés la passion selon Saint Matthieu de J.S. Bach) au Théatre de la Ville.

    C'était fini le 29 octobre.

    Guy

    Lire d'autres expressions de deceptions: Images de Danse et Native Dancer, et tout pour la musique, sur Bien Culturel.

    P.S. : "L'homme y est réinterprété comme corps incarné, faible, en échec. Cette religion insiste sur l'ordinaire et l'accessible, elle est hantée par la dérision, la mort et le deuil. Après une modernité désincarnée proposant ses icônes majestueuses, on en revient à une image incarnée, une image d'après la chute." texte de 4° de couv' de L'art contemporain est-il chrétien , Catherine Grenier, Éditions Jacqueline Chambon. 

  • 102 bougies pour le buto

    Dans deux ou trois semaines, tout le Paris qui ecrit parlera buto. Pour la simple raison que Boris Chamatz présentera au Théatre de la Ville , avec Jeanne Balibar, La danseuse Malade  , pièce inspirée par des écrits d' Hijikata.

     

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    Prenons de l'avance. Pour se vacciner contre toutes les variations hasardeuses autour d'Hiroshima, et fêter les 102 ans demain lundi du vétéran Kazuo Ohno, quelques lignes de notre ami Claude Parle à propos de ce qui se passe ici et maintenant:

     

    Samedi et dimanche, deux présentations de travail à la Fond’action Boris Vian, Cité Véron dont on peut dire qu'elles augurent de ce qui pourrait être un "post-Buto" ...

     

    Joan Laage est tout à fait surprenante et fonde sa pièce sur une opposition de personnages …

    On voyage comme à la poursuite du « Hollandais Volant » pour atterrir, un peu brutalement avec une ombre féminine qui s’enlise pour se diluer dans l’espace …Musique étrange …Vivaldi à l’accordéon, puis évolutions électro minimalistes pour finir avec un chant particulièrement prégnant …puis tout à la fin l’accordéon… back to the future ? …

     

    Masaki, impressionnant, comme toujours, traîne avec lui la carcasse ravagée d’un mendiant boiteux dont un bras ne fonctionne pas …Les démons surgissent à foison de ce corps ruiné, l’agitant des spasmes de leurs infernales possessions. La musique … entrelacs de grillons et de sons déformés de la Symphonie N° 3  d’Arvo Pärt… Un monde en cours d’enfouissage ? ou déjà englouti ? toujours aussi étonnant …

     

    Quant à Moeno, elle a présenté deux pièces fort différentes …

    La première, en silence, toute en tension pointe en un effort incessant et désespéré le corps, comme inerte vers un semblant d’incarnation … Mais la durée de la pièce ne permet d’augurer d’aucune vie concevable …La danse est magnifique ! …

    La seconde, accompagnée par Claude Parle, autorise, par la musique, l’irruption du corps comme volonté de mouvement … A un stade de la performance, Moeno à contre jour de la fenêtre, semble mue par la poussée d’Archimède d’une musique tissée de micro tonalités évoluant vers les accords et vers l’aigu comme un arbre qui tombe, prouvant par là qu’une musique même médiocre (1) peut porter le danseur à une certaine force d’évidence lorsqu’elle agit à bon escient ! …

     

    Sur quels axes en effet tourne ce buto contemporain qui ne cesse de s'actualiser ?

    D'abord autour d'une évidente volonté de représentation et d'un argumentaire, qu'il soit narratif ou purement suggestif

    Ensuite l'utilisation d'un espace structuré comme un dévoilement de la construction narrative-représentative

    Le fonctionnement, l'utilisation de la musique comme élément

    L'utilisation du corps comme matériau, comme matière.

    On connaît bien le travail de Sankai Juku qui utilise la scène comme un espace de représentation avec une trame qui si elle n'est pas à proprement parler narrative donne au moins le sentiment d'une évolution historique de la pièce. Mais les principes esthétiques et scéniques en font un travail qui est plus proche du ballet (voire même ballet classique) que de la volonté de déstructuration de l'espace propre au Buto.

    D'autres formes s'apparentent plus au théâtre dansé ( Ariadone,  années 70 ; Yumiko Yoshioka à Berlin )

    D'autres encore (Atsushi Takenutchi) renouent avec une forme invocante du sacré

     

    La musique, comme élément au sens où il s’agit d’une action sur la matière même de l’espace (et du temps)

    Généralement les danseurs utilisent de petits sons ou bien des sons déformés, plutôt qu’une musique « de scène » ce qui, avec le silence comme élément de tension contribue à tisser avec l’espace de représentation un univers projectif spécifique.

     

    Le corps, comme matériau plutôt que moyen est une grande caractéristique de ce Buto contemporain …

    Masaki est un très bon exemple de ce type de fonction … Maki Watanabe parfois…

    Difficile en peu de mots de cerner cet aspect. C’est un corps de transformation mais au sens du déroulement de la pièce. Support des paysages intérieurs mais direct, sans artifice …Kazuo Ono insistait tout particulièrement sur l’interdépendance des êtres, des éléments, Akira Kasai avait un rapport tout à fait original sur ce point …

    Tous ces gens sont la force d’un buto contemporain qui à force de chercher ce qu’il devait être a fini par déboucher sur ce qu’il est maintenant…

    A suivre …

     

    Claude Parle

     

    (1) Ce qui prouve que Claude, musicien et performeur tous terrains, est également d'une irréprochable modestie...

     

    Guy

     

    A voir aussi un regard plus extérieur ici.

     

    A voir lundi 3 novembre Hijikata à la cinémathèque de Paris

     

    photo de Moeno Wakamatsu par Jerome Delatour (Images de Danse) avec son aimable autorisation, prise lors d'une performance antérieure dans le même lieu.

     

    PS. Le jeu du jour: trouver Claude et Guy, cachés dans cette vidéo de Moeno d'octobre 2006

     

  • Le Chantier de La Ribot et Mathilde Monnier

    C'est une idée fertile que d'ouvrir aux spectateurs des étapes de création et autres travaux en cours. On y goûte coté danse, dans des lieux de résidence comme Point Ephémère, ou au Regard du Cygne. Coté théâtre, le théatre2genevilliers en fait une des preuves de sa volonté d'ouverture sur la ville et à tous les publics. Ce sont des situations inattendues, le regard s'étonne de moments fragiles, ambigus, veut aider et imaginer. Le jugement se désarme au profit d'une compréhension plus généreuse de ce qui se met en route vers des directions encore incertaines.

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    On se sent dans cette situation à regarder La Ribot et Mathilde Monnier dans un dense enchaînement de duos et situations. Les dames commencent en des faux pleurs qui ressemblent à des fous rires, pétillent et se renvoient la balle, nous font partager leur jubilation de se découvrir l'une l'autre. Font montre de brio et de virtuosité, on en n'attend pas moins d'elles vues les quelques décennies d'expériences que  les deux chorégraphes ensemble totalisent. De multiples ambiances sont traversées, les références au cinéma de Charlie Chaplin et Buster Keaton sont évidentes et assumées, témoin le stekch inusable de la planche que l'une retourne pour assommer l'autre. Mais on se fait alors la reflexion que les deux génies du muet avaient su oublier l'âge des batailles générales de tartes à la crème pour mettre le comique visuel au service de vrais personnages, et de la représentation de la condition humaine. Durant les temps morts, on lit, pour essayer de recoller les morceaux, le texte de Gérard Mayen sur la feuille de salle qui évoque un "laboratoire" et souligne que le duo garde un coté "fripé". On apprend tout le plaisir qu'elle ont eu à créer ensemble: tant mieux. On lit: "Une pièce doit-elle forcement parler de quelque chose?" et "(Gustavia) est une forme profondément originale, comme échappée de ses auteurs, pour un jeu constamment relancé, jamais arreté". On ne saurait mieux dire. Celle des ébauches qui vient en dernier est la plus prometteuse, un dialogue drôle et endiablé, sous-titré de gestes. Inédit et entrainant.

    Dans le parking du Centre Georges Pompidou un couple en discute encore: "T'as vu comme La Ribot fait trembler ses muscles, elle est extraordinaire", "Mmmmouias, mais je n'ai pas compris où elles voulaient en venir" bougonne le monsieur. On est d'accord avec le monsieur, mais c'est frais et prometteur, on ne manquera pour rien au monde la création de Gustavia, quand la pièce sera achevée.

    C'était Gustavia, de et avec Mathilde Monnier et La Ribot, au Centre Georges Pompidou, avec le Festival d'Automne à Paris. Jusqu'à dimanche.

    Guy 

    photo par Marc Coudrais avec l'aimable autorisation du Festival d'Automne à Paris

    Voir Gustavia en images (costumes noirs sur fond noir) chez Vincent Jeannot, lire le Tadorne à Montpellier Danse, et Rosita Boisseau pas emballée dans Télérama.

  • Erika Zueneli fait son beau cinema

    Il y a tout à voir, et des milliers d’autres choses. En l’espace d’un clin d’œil ou dans la respiration d’une pose. Le corps sans relâche est traversé d’images et de souvenirs, personnels ou partagés. Mais justement, tout aussitôt se partage...

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    Comment? Par quels moyens? On admet et on renonce à expliquer ce qu’on ressent avec évidence. Cette qualité d’adaptation à l’univers visuel des autres, déjà à l’oeuvre dans Noon, sans jamais que le travail n’apparaisse ostensible. Une empathie extrême. Le fond peint vient discrètement rappeler qu’il s’agit là de représentation, et aussitôt s’impose une danse caméléon. Erika Zueneli dirige ou libère sa mémoire, ouvre la notre dans le même temps. Evoque avec telle force et une telle économie qui n’est besoin de rien raconter. Etats animaux, marche à quatre pattes et drôles d’oiseaux, réminiscences  juste entre-aperçues de propositions passées, danse exotiques et surannées, morceaux de quotidien, scènes de cinéma qui s’égrènent et se répètent de Métropolis à James Bond, avec un humour qui relance la pièce plus loin, là où on ne l’attend pas… Même fugitives, populaires ou non, les références invitent au lieu d’intimider. Pourquoi? C’est un autre mystère, la bobine touche à sa fin, le projecteur éclaire encore quelques instants à blanc, en un commentaire ironique sur cette entreprise de représentations et métamorphoses.

    C'était Daybreak d' Erika Zueneli, assistée d'Olivier Renouf. Au Théatre de l'Etoile du Nord avec Avis de turbulences. Jusqu'à samedi, avec H2O, et précédé de Champs à Mains d'Oeuvres

     photo par Philippe Noisette avec l'aimable autorisation du Théatre de l'Etoile du Nord

  • Catherine Dreyfus: la Chimie pas amusante

    Extrait de la présentation d'H2O:"Trois corps confondus, investis d’un état liquide, se dilatent, s’allègent, se croisent et s’entrecroisent pour former un parfait système ondulatoire comme les éléments constituants d’une molécule.(...) Comme dans une expérience de chimie, l’élément liquide se fait gazeux, puis explosif, avant de retrouver une nouvelle forme de stabilité." C'est joliement écrit, et la photo aussi, on aurait envie de plagier cette note d'intention pour commenter du Merce Cunningham.

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    Et l'état initial apparait pour un moment en un bel équilibre: trois organismes flottant près du sol sur des raies de lumière. Las, l'illusion ne survit pas au mouvement. Trop d'impatience, trop de clarté, trop d'agitation? On voudrait ne rien reconnaitre et se laisser emporter par le tourbillon des molécules. Mais elles restent invisibles, pourquoi ne voit-on que des danseurs qui dansent? Quelqu'en soient les raisons, l'accélérateur de particules a bien du mal à démarrer.

    C'était H2O, par Catherine Dreyfuss, avec Jaime Flor, Xiména Firpo, Catherine Drefus. Au Théatre de l'Etoile du Nord, ce samedi encore, avec Avis de Turbulences.

    Guy

    photo par Arnaud Poumarat, avec l'aimable autorisation du Théatre de l'Etoile du Nord

  • Les Territoires d'Olivier Renouf

    On se souvient d'un éminent critique qui expliquait qu'il ne saurait exister de danse abstraite. Car par définition la danse s'incarne dans des corps, bien concrets. La démonstration est implacable. Il n'empêche que le fait que le spectateur commette souvent cet abus de langage est significatif. L'usage de cet adjectif sonne le plus souvent comme un reproche, une reaction au désarroi de voir les gestes trop étrangers et jetés hors de tout contexte, c'est le constat d'un divorce.

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    Mais ce soir, on est positivement rassuré. Le mot clé est matière. Dès l'attaque, qui évoque une brusque naissance, les corps cherchent leur place, animaux. Bruts et impatients, aussi actifs que notre regard, aussi inquiets que nous. Les danseurs essaient et se trompent forcement, recommencent, nous cherchons. On entend des accords de piano brisé, des éclats d'émotions. Deux hommes et une femme, les têtes s'appuient contre les épaules des autres, comme une maladroite embrassade inventée dans l'ignorance des voies du sexe. Le groupe se forme, la succession hachée des gestes crée l'étrangeté. Un bois est planté dans un sac de terre, l'esquisse d'un premier point de ralliement, une entreprise pour rassembler? La danse se répète, laborieuse dans le sens positif du terme, la gravité s'installe sans lourdeur. Remarquablement, de la grace est instillée dans la vigueur. Les gestes se lestent de terre, concrets. Un champ est construit devant nous, ni sémantique ni thématique, mais de simple terre et de quatre morceaux de bois. Mais, sans doute, peut-on le lire en tant que signe, également? C'est fini, nous sommes là, matériels et vrais.

     

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    C'était Champs d' Olivier Renouf, avec Marine Fourniol, Vincent Curdy, Olivier Renouf, A Mains d'Oeuvres

    Samedi encore, suivi de Daybreak d' Erika Zueneli  à L'Etoile du Nord.

    Guy

    photos (d.r.) avec l'aimable autorisation de la compagnie l'Yeuse

  • Jennifer Lacey: Les Assistantes Font...

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    Les assistantes s'affairent déja alors qu'on s'installe dans la salle du Centre Georges Pompidou.

    Les assistantes portent des habits de travail gais.

    Les assistantes nous attendent en équilibre sur le coccyx, comme en position buto.

    Les assistantes font leur travail, et font de l'art aussi.

    Les assistantes se promènent partout.

    Les assistantes se livrent ainsi à une occupation poétique et pacifique des lieux.

    Les assistantes font les modestes.

    Les assistantes nous proposent de la lecture, si l'on s'embête.

    Les assistantes clament du texte en coulisse.

    Les assistantes reviennent sur la scène.

    Les assistantes se produisent.

    Les assistantes déproduisent.

    Les assistantes sont un certain nombre.

    Les assistantes n'inspirent rien de certain.

    Les assistantes nous plongent dans l'etonnement.

    Les assistantes lèvent haut la jambe.

    Les assistantes font n'importe quoi.

    Les assistantes travaillent avec leurs pieds.

    Les assistantes font de la danse contemporaine.

    Les assistantes font groupe.

    Les assistantes font les connes.

    Les assistantes s'efforcent d'exister avec serieux.

    Les assistantes jouent aux connes.

    Les assistantes nous font parfois aussi bailler quand même.

    Les assistantes nous emmênent quelque part.

    Les assistantes s'huilent les jambes.

    Les assistantes paraissent bonnes copines.

    Les assistantes sont blondes, ou pas.

    Les assistantes se prennent un peu pour des stars. 

    Les assistantes polyrythment.

    Les assistantes ne se prennent pas pour des stars.

    Les assistantes dansent des rondes.

    Les assistantes sont alors comme des sorcières primitives habillées en blouses monoprix bariolées.

    Les assistantes cacophonisent.

    Les assistantes n'expliquent rien.

    Les assistantes nous épatent.

    Les assistantes dansent le sacre.

    Les assistantes semblent ailleurs.

    les assistantes auraient des implications politiques.

    Les assistantes laissent certains dubitatifs.

    Les assistantes s'individualisent.

    Les assistantes semblent innocentes.

    Les assistantes se dispersent.

    Les assistantes prennent des notes en regardant danser en mlieu d'autres assistantes, alors que dans le public l'on prend des notes aussi, et notre voisine également, elle n'écrit que pour elle-même.

    Les assistantes lisent leurs notes et sur-interprêtent la danse comme l'on oserait jamais soi même.

    Les assistantes nous font franchement rire.

    Les assistantes sont au service d'une entreprise de représentation plus subtile que ne laisseraient supposer leurs airs candides. 

    Les assistantes s'évadent avec nous de la prison de la raison.

    Les assistantes ne se laissent pas raconter.

    Les assistantes sont.

    C'était Les Assistantes de Jennifer Lacey (conception chorégraphique) et Nadia Lauro (Conception Visuelle). Conception musicale de Jonathan Bepler. Avec Alice Chauchat, DD Dorvillier, Audrey Gaisan, Jennifer Lacey, Barbara Manzetti, Sofia Neves.

    Au Centre Georges Pompidou, avec le Festival d'Automne à Paris. Jusqu'à samedi.

    Guy

    photo par Laurent Philippe, avec l'aimable autorisation du festival d'automne à Paris

    voir aussi Vincent Jeannot-Photodanse

    P.S. : mais il y a au moins un spectateur carrement énervé!

    ...et il faut lire la belle analyse de Pascal Bely

  • Mark Tompkins et Mark Tompkins

    Encore un retour en avant, c’est d’actualité! Au tour de Mark Tompkins de revisiter un solo dit fondateur. Et de nous ramener en arrière, cette fois seulement de 25 ans, donc en 1983. Le danseur prend son temps pour ce voyage, à une allure d’omnibus, joue avec notre perception, se laisse deviner en ombres chinoises, doubles et a capella. Patience...

     

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    Puis, apparaît-enfin!-chante: « Je ne regrette rien », se laisse superposer à la projection de son image passée. On ne peut douter après cette démonstration anthropométrique qu’il ait gardé toute la forme de son avatar de 83. Conservé son identité. Ni qu’il sache, de la voix, tenir l’ambiance.

    On pourrait être ému. Mais on reste dans l’attente. Toujours au bord de voir quelque chose de fort émerger. On se dit que cette attente est légitime, puisque la pièce nous est vendue pour précisement contenir en germe tout ce que Mark Tompkins a proposé ensuite. L’argument est à double tranchant: inopérant si l’on a rien vu de l'artiste avant…Le public semble plus acquis que nous: combien parmi ceux qui le voient ce soir étaient-ils déjà là en 1983? On regarde: à trop vouloir remettre l’objet en perspective, on se tient à distance. Ni convaincu ni emporté par ce qu’il en reste ici et maintenant: l’histoire toute simple de John et Doris, d'un sentimentalisme moqueur et outré. Une histoire trop simple, comme trop faciles les effets de poupées gonflables?

    Malgré la drôlerie mise en œuvre, malgré la grâce qui porte Tompkins quand il interprète les deux personnages tour à tour et à la fois, on ne saisit ni l’originalité ni le sens du recit. On apprécie juste l'art solitaire du marionnettiste, et sa délicatesse. Distraction. On se remémore ce qu'on a lu: le solo marquait à sa création la séparation artistique avec Lila Greene, co-créatrice des deux personnages. Il ne s'agirait donc ni d'un commencement, ni d'une fin, on assisterait juste à un épisode.

    On revient au présent: trop tard, le temps a passé.

    C'était Empty Holes la vie l'amour et la mort de John et Doris Dreem, de et par Mark Tompkins, dramaturgie et mise en scène de Gérard Gourdot, au Théâtre de la Cité Internationale. Jusqu'à samedi.

    Guy 

    photos (D.R.) avec l'aimable autorisation du T.C.I.

  • Sophie Daviet: Où Est Passé Le Temps?

    Certaines propositions nous entrainent dans de longues explorations, comme on visiterait une maison aux recoins obscurs et peuplée d'objets surprenants, une maison dont les habitants eux-mêmes n'auraient pas encore fait le tour. On les accompagne, plus ou moins intéressé en chemin par telle ou telle découverte. Entrée: la danseuse prend ses marques, tourne et retourne sur tout l'espace de la scène. Suggère ainsi un temps circulaire. Car d'une réflexion sur le temps il est question, à en lire les notes d'intentions. On garde l'idée en tête. Sans pouvoir s'empécher d'être sceptique, car l'étude du temps est forcement présente dans toute création ...Mais on persiste à suivre cette piste. En vain, perdu on doit l'abandonner. On regarde au fil de l'eau. Et on trouve à regarder. Danse: les mouvements se font saccadés, contraints, en lutte contre quelque chose. La musique suggère le sens: poids de la pluie, tension induite par un sifflement. Les humeurs changent, surprennent. Le solo s'est transformé en duo, d'abord tourmenté par une même recherche, ou une même opposition. Puis les deux interprêtes évoluent plus en complicité ou confrontation. S'installent et prennent la pose, avec exagération, y introduisent de l'humour et de la distance... On apprécie la performance, en subtilités, suggestions et sensations... mais par épisodes. Frustré de ne pas toucher le lien qui les tient.

    C'était So Long, de Sophie Daviet, avec Mélanie Cholet et Sandrine Bonnet, au Théâtre de l'Etoile du Nord, dans le cadre du cycle "avis de turbulence #3. Jusqu'à samedi.

    Guy