Mais comment nommer cet objet? Un objet tel que jamais vu avant, une croix sphérique à sept branches, imposante, aux fonctions manifestement spectaculaires, sur/autour de laquelle évolue Guillaume Bertrand. On cherche, mais juste pour vite toucher au coeur de la difficulté. Car ce soir au Colombier, on fait danser les mots. Ou tente-t-on de mettre la danse en paroles? En tout cas on essaie de rapprocher écrivains et chorégraphes. Riche idée: bien souvent les chorégraphes s'essaient au texte...mais rarement avec autant de force ou de légereté qu'ils en usent avec le mouvement. Naïvetés et portes ouvertes, on tombe généralement de haut. De là à penser que les chorégraphes ont besoin d'aide sur ce terrain, et que les écrivains pourraient bien trouver matière à se mesurer à la corporalité...
Ce soir, pourtant, le premier regard fait douter. Ils semblent d'abord très loin tous deux l'un de l'autre, presque en concurrence: l'écrivain Anne Luthaud, discrète, confinée devant son Mac, qui dans son micro dit "je ne suis pas là" et l'acrobate qui utilise entier l'espace, à faire rouler de son corps la machine qu'on arrive pas à nommer. Il s'accroche aux branches, expressif et puissant, fait basculer l'engin, qui tourne encore et encore, comme la planète en pleine évolution. Tous deux toujours s'ignorent, mais on commence à comprendre qu'il y a un rapport. On entend l'écrivain dire de son coté une autre exploration, qui l'emmène vers des origines rêvées, partant de pays ensoleillés pour arriver jusqu'aux pôles. L'acrobate descend de son arbre-monde, tombe lourd, encore singe, au sol. Notre attention s'aiguise, doublement stimulée, sur chacun d'eux et sur ce qui de plus en plus les relie. Les deux recits peu à peu à peu se complètent, convergent à l'unisson vers le même sens....On a toujours pas trouvé de nom au truc à sept branches, mais il est au moins sur que l'expérience est inédite, et excitante.
Seconde performance: Fabrice Melquiot en reste plutôt absent, tout juste enregistré. Au moins pose-t-il pour commencer une intéressante question: faut-il dormir nu, ou habillé? Surtout pour qui faut il dormir nu ou habillé? Mais l'écrivain laisse ensuite
quasi champ libre à Marion Levy, qui s'essaie à un bel et juste exercice sur le sommeil. Tout en intelligence et légéreté, dans l'allusion, évitant les pièges de l'imitation. Dans un autre contexte, on serait plus qu'heureux de sa performance. On reste ce soir un peu frustré de la voir évoluer en solitaire, sans que la rencontre ecriture/chorégraphie promise ne soit poussée plus avant. Mais on lit qu'il ne s'agit encore que d'une equisse (pour nous donner envie de voir plus du projet de Marion Levy l'an prochain à Chaillot?). D'ici là, au vu de juste deux propositions parmi sept de ce Concordan(s)e 2008, on garde le sentiment d'avoir mis le pied sur un vrai terrain de jeu et de recherche. Juste à peine encore exploré.
C'était Comment Dire de et avec Guillaume Bertrand et Anne Luthaud, puis En Somme! de et avec Marion Levy et Fabrice Melquiot. au Colombier, avec le festival Concordan(s)e
P.S. du 25/2: Guillaume Bertrand nous écrit pour nous éclairer:
"Quel est le nom du Truc à 8 branches ?" Elle s'appelle : MATHILDE (en liens avec le retour au désert de BM Koltes, monologue d'Adrien p 41-42, pour les curieux!)
Et nous annonce que La pièce "Comment dire..." sera visible à nouveau à Bagnolet, le 24 Mai à 20h30, dans la semaine de la danse, en première partie de "Récréation Primitive" de Merlin NYAKAM, au Gymnase Maurice Baquet 12 rue Julian Grimau 93170 Bagnolet -Réservation : 01 49 93 60 81
escamoté. Ceci n'est plus une danseuse. Cou et menton forment un autre. Un être, reptile? Mutant? Primitif? Qui se cherche. D'abord en lenteur. Repères bouleversés. Après se présentent les muscles du dos. Forment d'autres figures. Des créatures, sous la peau. Il y a foule. Qui produit contrastes, contractions. Torsions. Grouillements et conflits. En nudités émiettées. Micro-organismes. En perpétuelle évolutions? Les membres font combat. Font sécessions. Comme chez
plan, de gauche à droite de la scène et retour, ni profondeur ni mouvement vers le haut, bête sans ambiguïté. Le collant est hérissé, évoque de plutôt loin les photos de Nijinski. Faute de nymphe disponible, la créature finit par faire l'amour aux cônes de lumière, sa corne repositionnée où il faut, dans un élan masturbatoire et espiègle. On ne sait au juste ce que Marie Chouinard a choisit de retenir de ceux qui l'ont précédés, pour exécuter ces deux pièces de répertoire, et ce qu'elle a choisi d'oublier de toute la tradition pour revenir à plus archaïque, mais le résultat est drôle et perturbant.
pour un alphabet complet:


que l'Annonciation. Moment fondateur du Nouveau Testament, à la source de la nativité et de la rédemption.
La problématique spirituelle ne peut être spirituelle encore, on est tenté de voir ici l'émergence ambiguë d'êtres mi-homme, mi bêtes. Mais l'accent est plus mis sur les rapports entre les créatures que sur leurs combats intérieurs. Ce duo masculin, poitrines et cranes nus, évolue tout en muscles et virilité. Les contacts se transforment tout autant en étreintes qu'en chocs, les bras et jambes s'entremêlent pour redonner naissance à un seul être primitif et fusionnel, les affrontements eux-mêmes se résolvent pour laisser place à des moments d'oubli animal. Ces phases toujours soutenues par un subtil tempo, sous jacent. Le travail des jambes est admirable, ce qui est bienvenu s'agissant de centaures. Le tout aboutit à un résultat d'un beau classicisme, dont on a du mal à départager s'il est sage ou innovant.

même en