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Danse - Page 19

  • Marie Coquil et Philippe Combes: retour aux sources

    C'est surement exactement ce qu'il nous faut, aprés tant de soirées tendues et perplexes, toutes pleines d'enjeux mais toujours trop concentrées, presque saturées, à écouter en danses Marguerite Duras ou Miguel Bénasayag, ou à endurer de fastidieuses démonstrations d'inanité, ou à explorer d'ambigues frontières conceptuelles. Ce soir on revient aux sources. Pour deux fois trente minutes de calme intensité, pour des danses qui avant tout s'intéressent au corps avant tout (s'agissant de danse, ce n'est, en fait, pas toujours une évidence...). Pour deux performances d'une beauté très spartiate, d'une beauté aussi nue que le crane des deux interprètes.

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    En premier Nicolas Mayet, chorégraphié par Marie Coquil. Visiblement en marche vers une allégorie de la vie. Commencée suspendue, en long manteau style Matrix, pour finir dans un complet dépouillement. Le chemin est dessiné en rectangle tout autour de la scène. Ce chemin mène-t-il à la sagesse? Pourtant l'homme tourne, alternativement calme, vif, délicat athlétique, determiné. Une épée de Damoclès au dessus de la tête. C'est allusif et bien dosé, d'une simplicité bien étudiée, inspiré et inspirant, toujours retenu avant de trop suggérer.

    Delphine Lorenzo danse ensuite Dromos 2, de Philippe Combes. Même plus d'accessoires, ni de fil narratif. Et une feuille de salle on ne plus elliptique. A peine du violon. Juste, ou surtout, un solo, sur plateau nu, en collant neutre: c'est à prendre ou à laisser. On prend. La pièce joue le corps inconfort, se focalise sur de petits mouvements d'interrogations, attardés, pieds hésitants, torsions existentielles. Rien n'interpelle, tout intéresse. Ou plutôt invite à s'abandonner, à revenir au plus prés de l'essentiel. La danse est trés loin du spectaculaire, sans renvoyer à d'autres objets qu'à elle même. En recherches d'équilibre. Brisées par des accélérations inquiètes. Le tout prés du sol, sans envols. La danse vaut pour elle-même, mais là en vaut la peine.

     

    C'était A mor(T...) la mort, l'amour et l'éternel, de Marie Coquil, avec Nicolas Mayet, et Dromos 2 de Philippe Combes (Compagnie Cave Canem) dansé par Delphine Lorenzo, à L'étoile du Nord, avec le festival Avis de Turbulences.

    Guy

    photos: site de l'étoile du nord

    P.S. La compagnie de Marie Coquil s'appelle "Pour un Soir": la rencontre etait écrite!

    Re PS: Et il y avait, pour attendre à l'Etoile du nord, cette video en boucle de Muriel Bourdeau (dont on vit Box l'an dernier). Mais la video était passée à l'envers: c'était mieux.


    Fringues-toi
    envoyé par madbom
  • Matthieu Hocquemiller recolle les morceaux

    Doit-on venir aux répétitions générales. Où doit on filer des filages? D'un coté on est trés heureux d'être invité, et avec des gens qu'on a plaisir à rencontrer. De l'autre, il y a toujours un projecteur ou autre chose en panne et qui sera réparé pour la générale, les photographes au premier rang qui font du boucan, sur scène une concentration qui se laisse encore trop voir et des enchaînements qui flottent un peu, derriere  la arton390.jpgconscience de l'absence de public, de son attente et de ses frémissements, et surtout partout la présence du chorégraphe, absolument sympathique mais absolument flippé, qui s'excuse d'avance de présenter tout sauf la pièce car elle ne sera bien vraiment réglée que le lendemain, nous demandant de ne pas trop juger mais nous laissant voir quand même, nous laissant confronté à l'injonction paradoxale parfaite. C'est d'autant plus perturbant pour une pièce qui s'efforce de réussir une juxtaposition de formes vers la synthèse. Ce soir, l'énergie semble encore trop retenue. Le danseur joue de la masse, bonne idée. Mais fracasser une chaise et deux paquets de céréales, c'est trop, ou trop peu. En conclusion, on a pas vraiment vu "J'arrive plus à mourir". Mais on va en parler quand même bien sur, ou au moins on va essayer de parler de ses morceaux.

    Mon tout parle du deuil de l'avenir, les parties sont constituées par autant de debris du monde qui reste. Les paradigmes sont ébranlés et les danseurs peinent à s'y raccrocher, tombent en belles glissades le long du toit de la maison. Se laissent aller à quelques pas de danse déglinguée et mains dans les poches, nous évoquent Joe Cocker à Woodstock, comme un pied de nez aux dernières utopies et idéologies du progrès. Ils se vautrent faute de mieux dans le consumérisme, infantilisés, renversant partout le pop corn, gavés de gelée rose jusqu'à la régurgitation. Encore un peu punk ou rock ou disco, bien que plutôt anesthésiés, trompent l'ennui en positions sexuelles dignes des pieces de Kataline Patkai, se laissent théoriser et commenter par Miguel Bénasayag. Même si à écouter le philosophe on reste sur sa faim, au moins ses interventions sont-elles intelligibles, et au coeur du sujet....

    Ce sujet est perilleux. Rodrigo Garciaest déja passé par là pour nous en dégouter. Ronan Cheneau et David Bobbé, bien que plus subtils quant à la mise en forme, ont achevé de nous déprimer. Heureusement, il y a ce soir des raisons d'espèrer. Déja dans les textes, d'un tout autre niveau. Dits au bord du gouffre et les yeux fermés, il y a dans ces mots l'ébauche de sourires même tristes, d'une élégance plus tout à fait desespérée. Déja de belles étincelles. Et quand tout est dit du marasme, reste ou nait l'envie de danser. Même avec inquiétude. Tout va mal peut-être, si le temps ne va plus en avant. Le théatre nous le fait juste constater, on veut croire que la danse peut nous sauver. 

    C'était "J'arrive plus à mourir" de Matthieu Hocquemiller, avec Elise Legros, Evguénia, Cyril Viallon et des entretiens en video avec Miguel Benasayag. C'était à Mains d'Oeuvres.

    Guy

    P.S. : A voir ici, le photos du gars bruyant au premier rang

  • La Zampa en Apnée

    Nicolas, de Marseille, nous a accompagné dans La Tombe du plongeur

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    Le titre est à lui seul une promesse. La promesse de voir et de vivre une performance de danse toute en tension. Le plongeur est à la fois l’homme qui se jette dans le vide et celui qui nage sous l’eau: la respiration se bloque, puis l’apnée, la chute, l’angoisse, la mort. Le matériau est là, brut, à porté des danseurs qui voudront bien l’aspirer, comme on aspire en remontant à la surface une bouffée d’air qui va réanimer tout le corps. La vie et le sang affluent à nouveau, le cœur reprend sa course, la danse peut commencer… Des bruits de coups, d'un corps qui tombe, l’obscurité, lentement, presque imperceptiblement s’évanouie pour nous laisser gêné et mal à l’aise face à cet homme tabassé à mort. Le but est clair et tout le monde comprend où l’on veut nous emmener. L’homme va mourir, il est le plongeur. Lui est gracieux, sa danse est saccadée, violente, parfois sensuelle, jamais vulgaire. Elle, sa partenaire, est plus abrupte, plus prévisible. Sur la scène des écrans viennent, sous la forme de montages video, attirer notre œil. Ces scènes courtes de plongeons, passées et repassées, parfois à l’envers, donnent du rythme, et aussi la musique. Durant le spectacle de multiples idées sont là, les images projetées sur les murs nous suggèrent une sensation étrange d’isolement. Nous sommes dans une grotte et ces images sont le reflet des lumières que la surface de l’eau projette sur les parois. Nous sommes à l’intérieur, nous descendons. La danse revient dans un jaillissement de lumière, aveuglante, notre danseur court seul au milieu de la pièce, sur place, les lumières éclatent, disparaissent, reviennent, le bruit. Je me souviens encore de tambours, d’une tombe renversée, de danse, de bruit, d’images, de tambours, d’une tombe renversée, plus de danse, plus rien, je ne me souviens plus. Je sors, je suis à l’extérieur, je remonte. La performance se termine, les gens applaudissent.

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    Le tout est très esthétique peut-être trop, à vouloir marquer l’œil on en oublie d’imprimer le cœur. Je reste à la limite, à la surface. Parfois trop explicite, parfois inutile, la mise en scène est comme le reste, un peu lointaine, un peu prévisible. Sans non plus tomber dans le pathos ni le sentimentalisme, l’ensemble reste cohérent et rythmé. Esthétique mais loin, trop loin de l’essentiel et les quelques moments de grâce ne suffisent pas à faire un spectacle complet et aboutit. Une œuvre prometteuse.

    C'était La Tombe du Plongeur, de Magali Milian et Romuald Luydlin (La Zampa) , au Nouveau Théatre de Montreuil, avec les rencontres chorégraphiques internationales de Seine Saint Denis

    Nicolas

    photo par Erik Damiano avec l'aimable autorisation de La Zampa

  • Arco Renz: 80 minutes

    Les néons fluctuent, installent une ambiance très David Lynch. Une manière comme une autre d'abolir le déroulement du temps, avant toute chose. Puis, lumières, et deux danseuses, deux présences douloureuses et crispées, en post-nuisettes transparentes, qui peinent à exister et s'étirent bras tordus. Deux secondes et on a compris: ce sera de la danse organique. On devrait donc aimer. De même qu'on aime Cindy Van Acker.

    Sauf que c'est long.

    C'est beau, mais c'est long.

    C'est même très long.

    Les lumières flottent, la musique aussi. Les danseuses jouent chacune de leur coté l'allégorie de la naissance. On pense à deux poussins qui émergeraient de leur coquille. On trouve ça très buto, mais c'est sûrement personnel. Si quelqu'un prend des photos, elle seront splendides. Deux, trois spectateurs votent avec leurs pieds. Beaucoup plus se plongent dans la performance yeux fermés. Des sons craquent. Pour tromper la temporalité, on relit le texte de la feuille de salle. Les textes des rencontres du 9-3  (signés Gilles Amalvi) sont bien écrits cette année. C'est suffisamment rare (s'agissant de textes pour des feuilles de salle) pour être relevé. Un peu nourri par ces lignes, on recherche de l'oeil des enjeux, jusqu'à guetter au ralenti et au raz du sol les correspondances qui se jouent dans ce faux duo....

    Bref, c'est long.

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    Jusqu'à ce qu'une stridence ne réveille tout le monde. Bien joué. Mélanie Lane est en position d'attaque, vive et révoltée. Très princesse guerrière. L'image évoque une affiche de film de science fiction, ou une couverture de comics. Elle bombe le torse, part et s'envole, belle et altière. On aime. On ne sait pas si on aurait autant aimé si l'on ne s'était pas autant ennuyé avant. Puis des ruptures et des interactions entre les deux danseuses: on décroche à nouveau. Suit Lisbeth Gruwez, en solo. Plus sauvage, voire féline. Remarquablement âpre, singulière. C'est plus original, on reste plus à distance. Pourquoi? L'amour ne se commande pas.

    C'était Il2, d' Arco Renz, avec Lisbeth Gruwez et Mélanie Lane à la MC93 de Bobigny, avec les Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine Saint Denis.

    Guy

    Photo de Mélanie Lane avec l'aimable autorisation de Vincent Jeannot- Photodanse 

     

  • Sous le Soleil de Bercy

    13H50: comme l'an dernier à la même époque, on entre dans la danse à Bercy. En plein air. Il a plu hier, demain il pleuvra. Il devrait pleuvoir aujourd'hui aussi. Mais, pourtant, le ciel est juste menaçant. Tant qu'il ne pleut pas encore, les organisateurs décident d'avancer de dix minutes Tourlourou, de Carlotta Sagna. C'est bien à propos, puisqu'on lit que la pièce évoque un compte à rebours...Toulourou...: du texte, beaucoup de texte! Trop de texte, qui se disperse à ciel ouvert. Même si- comme on nous le fera remarquer plus tard- face au mur de béton de l'UGC Bercy on aurait pu s'imaginer être dans une salle du C.N.D.. La diction anglo saxonne de l'interprète-  Lucy Nightingale- éloigne encore un peu plus les mots de leur signification. Sur les gradins, les mêmes dames de tous âges qu'on voit dans tous les lieux où on voit de la danse. Et puis des familles, ou des moitiés de familles- du genre qu'on ne voit jamais dans ces endroits. Des enfants qui ouvrent des yeux ronds. On est plus occupé à être contrarié de l'incompréhension que l'on croit comprendre autour de soi, qu'à essayer de comprendre soi même la pièce. Plus haut, quelques jeunes lancent en passant des "c'est nul"- et d'autres observations nettement plus grossières à l'attention de la soliste. On applaudit des deux mains au projet d' Entrez dans la danse, et à la démocratisation culturelle en général. Mais on se dit quand même que ce n'est pas gagné. De la performance reste des miettes, quand même de beaux morceaux, exécutés par l'interprète en tutu et treillis. La danseuse fait de belles choses entre deux discours, perchée sur une cible carrée, se tord et chute, martiale et déterminée, au son du tambour. Mais on a absolument oublié ce qu'elle avait dit au début. On flashe quelques photos floues d'elle avant que la batterie ne s'épuise avant terme. Bref, la photo c'est une affaire de pro, ou d'amateurs très organisés, dommage en passant pour Jérome qui s'est défilé. Les deux garçons qu'on a amenés s'ennuient un peu. Essaient de voir la culotte de la danseuse sous le tutu. Fin: on en ressort convaincu qu'il y a des performances qui sont peut être remarquables en salle mais impossibles dehors, et d'autres inversement. Pause. Il fait beau, on mange des glaces.

    15H30: danse ensuite Andréa Sitter, qui elle aussi parle beaucoup. Et pour cause, puisque le projet d'Im Kopf est de dire ce qui se passe dans la tête de la danseuse. Mais maîtrise mieux son texte et son affaire. Pince sans rire, elle part à l'assaut du public sur les marches des escaliers, fait des effets de tablier. Joue sur la confusion des mots. Mais on est pas sûr que les allusions aux subventions, et ainsi de suite, passionnent grand monde ici. Mais au fond, on en sait rien. Ni des révélations que ces deux performances auront suscitées, ou pas. En tous cas, les photographes, pros ou non, s'en donnent à coeur joie. De tout là haut, deux, trois gouttes de pluie, et c'est tout. Que du soleil après.

    16H00: programme en main, guidé par les gentilles hôtesses, on fait son chemin dans le village de Bercy. Il y a foule. Dans les passages entre les chais, des danseurs prennent par surprise les regards des passants. On se dirige vers le parc. On s'arrête prés de la maison du lac. Il y a beaucoup de monde, des gens qui sont venus pour le jardin, des gens venus pour la danse, des gens qui ne se souviennent plus. Les deux garçons partent s'écorcher les genoux dans les buissons du labyrinthe. Il fait bon. Alors que jouent les garçons, on s'abandonne à quelques minutes de torpeur allongé sur l'herbe (ne pas laisser les mamans lire ce post). On est réveillé par un peu plus de silence. Rosalind Crisp  danse. C'est toute la beauté de la chose: personne n'a compris quand elle commençait à danser, certains croyaient qu'elle s'échauffait, d'autres ne l'avaient même pas remarquée. Elle danse donc sans crier gare, sans faire de bruit, sans scène ni costume. Et continue tout aussi absurdement. Fait la nique aux photographes. Un enfant hilare, l'imite et fait des roulades. Elle s'en saisit, le fait tournoyer, il rie au éclats. On sourit de ces petits riens. On avait déjà vu Rosalind Crisp en salle une fois, pour se souvenir de la performance d'alors comme quelque chose de très respectable... et terriblement sérieux. Mais ici et maintenant, sur l'herbe, sans début ni fin et en toute insouciance, c'est leger, parfait, tout simplement. Fin quand même, et applaudissements. Assez nourris pour réveiller d'autres spectateurs encore endormis, qui se demandent quand elle va commencer. On discute, on promet de revenir tout à l'heure voir les zonards celestes de Fabrice Dugeid, qui construit à coté un étrange édifice.

    16H30: les garçons ont survécu au labyrinthe et aux écorchures, on repart avec eux vers la place de l'UGC. On arrive en avance, c'est la fin d'un atelier de danse contemporaine, de Sophie Meary, avec adultes et enfants réunis en une ronde. Les deux garçons trépignent, n'y tenant plus, se précipitent rejoindre le groupe, entrent dans la danse pour de bon. Et se livrent avec délices à des improvisations. Heureux dix minutes durant. Retour sur les gradins joues rouges des nouveaux danseurs contemporains.

    16H50: Place au solo de Sabrina Giordano, chorégraphiée par Johan Amselem. Titre: "A quoi je tiens". Est ce à une orgie de consommation, franchement régressive? Une journée (de bonheur) au grand magasin? Elle y va à fond en tous cas, piercing, techno et du mauve partout, ose le sac à main d'un mauvais goût absolu. C'est vif et drôle, assez turbulent, plutôt inattendu. Surtout concret, ancré dans le quotidien. Du contemporain mais qui parle à tout le monde. Surtout quand la danseuse se barbouille de nutella. Une fillette indignée lui hurle "Tu es sale", sans discontinuer. Les garçons adorent, et sont scandalisés. Un débat suit, plutôt pour les parents, mais vite expédié. On fait connaissance. Les garçons sont fatigués et veulent rentrer. Moins de soleil, mais il ne pleut toujours pas, on repart en direction de la maison du lac.

    17H40 (ou plus tard, on ne sait plus, on ne sait pas): on arrive tard, beaucoup trop tard, de retour dans le parc. Les zonards célestes ont déja commencé, ou sont prêt de finir, difficille à dire ça a l'air trés improvisé. Il sont beaucoup à danser sur l'herbe, font des choses qu'on a du mal à voir et qui s'appellent des mémoires qui dansent. Il nous vient des images de Woodstock avec des personnages d'époque. Ils ont l'air heureux. Pas déplacés ici. Raccord. Cela ressemble à du Buto, mais ce n'est pas du buto. Pourquoi? On ne sait pas, on sature, on ne voit plus, on est fatigué. On tient cinq minutes, les garçons tirent vers la maison. Forfait. Vivement l'an prochain.

    C'etait Entrez dans la Danse, par Mouvances d'art, dans le parc de Bercy et Bercy Village.

    Guy

    La journée en image sur Photodanse

  • Christian et François Ben Aim: Douce Transe

    En une heure (ou moins, ou plus) d'un temps abandonné, rien n'est heurté. Tout se suit, en épure: on ouvre les yeux, on résiste d'abord, mais jusqu'à accepter, simplement, désarmé. Aucune histoire n'est racontée, si ce n'est le passage graduel de l'individuel au collectif, vers des répétitions enivrantes et partagées d'où s'évadent de courtes variations, des esquisses de soli: on pense à John Coltrane- A love Supreme. Tout le reste aboli, de ce corps ou d'un autre s'exprime à cet instant la sérénité, des corps dévoués à la sensation: on se sent attiré, accueilli. Les mouvements répétés ensemble ne semblent jamais contraints, jamais forcés, parviennent à l'aisance du naturel, amples et relâchés: on se berce avec eux, on ondule, on oscille. 

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    Le résultat flotte intemporel, rythmé cependant, hors de tout contexte et en plein coeur: on rêve pour se demander si le sujet ultime de toute danse non narrative n'est pas le temps lui-même. Un temps qui se perdrait là tout à fait s'il n'y avait les repères d'un souffle d'accordéon, d'un pincement de corde, et du son des carillons, sans les aubes et crépuscules de lumières: renoncé, on se laisse aller à se griser aux couleurs. Quelque soit la vitesse, les mouvements semblent se balancer au ralenti, des vagues vont et viennent. Pourtant aucune mièvrerie: la danse est dynamique, l'engagement généreux, dans un doux paradoxe. La jubilation est pudique, sans la facilité d'un sourire, elle est féminine, on est gagné par la chaleur, juste ni plus ni moins que par un peu de bonheur. 

    C'était Amor fati fati amor, de Christian et Francois Ben Aïm-Compagnie CFB451, avec Caroline Allaire, Christian Ben Aïm, Aurelie Berland, Agnès Dufour, Eric Fessenmeyer, Anne Foucher, au Théatre de Vanves, avec Artdanthé.

    Guy

    Visuel: site de la compagnie

  • Kataline Patkai: Six Fois Marguerite Duras

    On garde une image précise et fascinée de Marguerite Duras (1914-1996), quasi statue octogénaire au balcon de son appartement de l'Hôtel des Roches Noires, au dessus de la plage de Trouville-sur-mer. Marguerite Duras, postée là comme à jamais tous les jours des étés de ses dernières années 90. Ratatinée, ravinée, impénétrable et figée. Sans réactions perceptibles à nos regards de badauds ou à la pluie normande. Concentrée sur la conscience d'elle-même, ou dialoguant avec la mer et l'horizon. Paysanne et presque orientale, crapaud buffle déifié.

    Marguerite Duras qui à 25 ans s'écrit- et c'est déja la même- Kataline Patkai  nous la fait entendre, telle quelle, nous la fait rêver par la danse. Avec d'abord un texte de M.D. d'une simplicité trés travaillée qui prend le corps comme sujet- son propre corps en tant que manifestation de l'être. Un texte à rebours de beaucoup de lieux communs littéraires et autobiographiques: "Tout autre passé que le mien m'appartient d'avantage". Il est notoirement ardu de faire coexister textes et danses. On accompagne Kataline Patkai avec d'autant plus d'intérêt dans ce projet, plus fécond que que le dernier travail consacré à Jim Morrison qui s'épuisait à notre sens dans l'impasse de l'imitation. Ce soir la danse évoque (et non imite) un corps écrit, féminin, générique. Non celui de la jeune amante de l'Asie du Sud Est, ni le corps de la vieille des Roches Noires. Un corps commun, étonnamment ré-imaginé avec un humour glacé. Qui d'un devient six, se multiplie à force de s'auto-considérer, devient chenille sur le chemin de sa propre découverte, en retrait du monde. C'est une transposition intéressante du processus de création littéraire, qui aboutirait à se dédoubler en se réfléchissant. Pour viser à l'universel.

     

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    Sur un fond de décor d'une sophistication notable-colline de matière réfléchissante, couverte de langues caoutchouteuses, culminant au dessus d'un tunnel lumineux et originel-, se succèdent des évènements suprenants, des roulades, des duos en miroirs, des progressions au sol tirées par les cheveux. Le recit s'interrompt et resurgit où on ne l'attend pas. Ce qui est peu déstabilisant. Un texte mortifère sur la vague et la mer renvoie à des peurs essentielles. La conclusion paroxysmique au son d'un rock survolté marque une nette rupture de ton. De toutes ses images, celles d'une orgie métaphysique et sans jouissance prédominent. Comme une scéne d'onanisme entre les doubles de l'écrivain. La chorégraphe met plutôt en scene une sensualité plutôt distanciée. Cet inventaire paisible et apppliqué des positions sexuelles, il nous semble déja l'avoir vu sur scène quelque part, en ébauche et sous d'autres angles. Pas plus loin qu'à Mains d'oeuvres, avec Appropriate Clothing must be worn. De la pièce d'alors à ce soir Sister, en passant par les postures de Rock Identity. On ne peut nier que K.P. suive une vraie continuité dans les thématiques. Et dans le style: il y a toujours un moment dans ces pièces où cette grande interprète hieratique, impliquée au ralenti dans une situation incongrue, semble porter trés loin au delà un regard calme et détaché.  

    Il y a plus d'un point commun ici avec la proposition de Julie Nioche qui précédait dans cette même soirée des Rencontres: audaces visuelles, originalité, legers regrets d'inaboutissements, réflexions sur la féminité, approche plutôt intellectualisé de l'émotion, grande sophistication plastique... sauf que les résultats ne se ressemblent en rien, ce qui marque bien l'originalité de l'une et de l'autre. Tant mieux

    C'était la création de Sisters, de Kataline Patkai, avec Kataline Patkai, Aude Lachaise, Lisa Nogara, maxence Rey, Agnes Sourdillon, Erika Zueneli, au Nouveau Théatre de Montreuil, dans le cadre des Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine Saint Denis.

    Guy

    Photo avec l'aimable autorisation de Jérome Delatour (au centre: kataline Patkai)

    extrait et interview, sur arte

  • Julie Nioche, d'âme et d'eau

    Dés qu'on voit on regrette d'avoir été prevenu d'avance du concept. Que ceux qui veulent vivre pleinement l'expérience que Julie Nioche propose ne lisent pas ce qui suit....

    On regrette donc de ne plus pouvoir être surpris. Comme ce qui ne surprennait plus disait l'essentiel, et que des significations plus subtiles ne pouvaient apparaitre ensuite que plus difficilement. Mais, bizarrement, c'est par la poésie des sons qu'on se laisse d'abord quand même séduire: le bruissement des robes, la chute mate de la goutte d'eau... Car voilà: les robes sont de papier, et l'eau peu à peu les délite. Voilà au moins pour ce qui se laisse voir de plus évident. Mais si le dispositif est original, quelles idées sert-il? Il est question de l'identité de chacune des quatre danseuses. De disparition et repères perdus. De fragilité. De féminité. Et l'on sait que le vêtement de tous temps à la fois opprime et protège. Qu'il soit rigide  ou, comme ici, léger. Pour autant, poser la simple équation nudité = libération (=vie=vérité) serait par trop simpliste, aussi réducteur qu'une commémoration de mai 68 sur la plaine des lieux communs.

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    Visuellement, les impressions sont fortes. Ambiguës aussi. Nous laissant suspendus entre fascination et impatience. Les danseuses se suivent en soli. Chaque solo affirme un rythme et un style propre, comme si le respect de la personnalité de chacune des interprètes devait l'emporter sur la cohérence de l'ensemble. Au risque que cette succession nous laisse par moments perdu, par effet de dispersion. Toutes restent enfermées dans les strictes limites marquées au sol par un beau dispositif scénique, que l'eau envahi. Le blanc sage des robes suggère d'inépuisables interprétations. Sur le visage de la première danseuse, un masque fait écran, nous fruste. Bien que l'on comprenne que c'est justement dans cet obstacle que réside l'enjeu. Avant que son histoire ne culmine en un déluge libérateur, qui fait, sous le papier prêt à se rompre, la chair se gonfler de vie et d'humidité. La seconde femme rêve yeux fermés. La raideur semble se concentrer en résistance, les pieds s'engluent dans une terrible marée noire. Puis la frénésie prend des échos de désespérance. De plus en plus, l'eau est d'encre. Par tâches, trouble le blanc. Le réfléchit. La troisième femme écarte larges les bras. Cambrée, yeux au ciel, comme dans l'apprentissage de nouveaux langages. Ou en extases. La quatrième, aveugle, déambule, essuie le choc de jets de sceaux d'eau. Avec une violence qu'on ne sait comment prendre. A chaque fois: un combat, une transformation, tout au long de la dissolution du faux tissu. On ne sait si elles accompagnent ou subissent ce dévoilement. Mais à l'issue de chacune de ces trajectoires, même la peau libérée du carcan de papier, chacune de ces femmes retombe au sol, semble tout autant vaincue qu'à moitié nue. Évasions sans succès, ou trop cher payées. Une assistante revient imposer à nouveau à chaque sujet une armure fragile, en de délicats agrafages. Mais fastidueux.

    Nous laissant avec le sentiment d'avoir chaque fois tout à recommencer ? Mais si le déroulement nous déroute, en commun de toutes ces singulières propositions se laisse voir à fleur de peau beaucoup de pudeur, une grande délicatesse. Même malgré parfois la violence des gestes. Et tout au long, une belle justesse et sobriété. Et les corps s'imposent avec évidence. S'épanouissent plutôt plus généreux que selon les carcans esthétiques: d'autant plus beaux de vérité, simplement. Surtout, en conclusion, après leurs réaminations et rabilllages les quatre femmes se mettent soudain, à exister ensemble. Les regards s'animent et se croisent. Sous une pluie nouvelle, les tissus se disolvent encore mais un groupe se crée.

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    Leur rencontre crée un lien avec nous, crée un sens. Alors que les lumières tombent, il y a un trés beau et court dernier moment, où toutes ensemble avancent vers nous, pour s'évader du cadre. Tout se joue au dernier instant.

    C'était Matter, de Julie Nioche, au Nouveau Théâtre de Montreuil, avec Mia Habib, Rani Nair, Julie Nioche, Bouchra Ouizguen, dans le cadre des Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine Saint Denis.

    Guy

    Photos avec l'aimable autorisation de Jérome Delatour-images de danse. Toutes les autres sont ici

    P.S. D'autres réactions sur Images de Danse et Tadorne

    extrait et interview, sur arte

  • Toru IWASHITA en direct

    Contrastes: on est derechef précipité en territoires improvisés, et très, très loin des paysages cérémonieux que le danseur nous faisait explorer en compagnie de Sankai Juku au Théatre de la Ville. Extrait et libre du contexte du groupe de Ushio Amagatsu, Toru Iwashita danse ce soir sa 1101355892.jpgdifférence. Au placard robes orange et maquillage blanc, oubliés les éclairages. Assis le long des murs de la Galerie Tampon, on est jamais pourtant dans une salle et presque dans la rue encore, où on voit les passants s'arrêter face à la vitre, regards happés dedans. Est-ce pour marquer la rupture avec toute esthétique de la lenteur ?- Toru attaque en un rythme physique et saccadé, par courses et bonds, exacerbé jusqu'à la chute. Il va court et vient au milieu de nous, on se colle contre le mur. Relié du regard, à distance de vibrations, il y a assis l'ami Claude Parle. Qui laisse fuser à coups d'accordéon quelques premières décharges énervées. Taquine d'une main le piano. Les notes chatouillent Toru, visiblement, s'amplifient dans ce corps qui se soulève de plus belle, s'agite et re-tombe, Toru n'est pas parti pour s'économiser. On ne peut pas ne pas remarquer jusqu'à quel point le quinquagénaire est mince et musculeux. Qui évoque un maître d'arts martiaux. Puissant à en être intimidant, jusqu'à ce qu'il rompe la théatralisation, soudain très bon enfant, de quelques traits d'humour et connivences.

    L'improvisation part sur de nombreuses pistes, et voltes-faces. En laissant rêver des moments de mélancoliques médiations, de vulnérabilité. Mini séquences, nouveaux débordements, humeurs variées, au gré de la matière sonore. Dans une attaque espiègle, Toru confisque au prix d'une brève lutte l'accordéon. Le câline comme un enfant. Ce qui oblige Claude a faire retraite pour étonner au piano. Enfin le voleur lui rend l'instrument. La performance se réinvente sans cesse, sans artifices et à portée de la main. Fait oublier derrière ce qui est déja passé. Mais il y a toujours des histoires qui surgissent, ou que chacun se raconte, en tout cas qui restent. Un voisin se fige, souffle coupé, chaque fois qu'il ne peut échapper à ce regard intense. Une voisine avoue avoir vu dans chacun des gestes depuis le début comme de déchirants efforts qui échoueraient contre la mort.

    C'était Ushio Amagatsu et Claude Parle, à la Galerie Tampon.

    Guy

    visuel: site de Claude Parle

  • Au Parc des Nations, Olga Roriz met les cultures en fusion

    La journée mondiale de la danse fait escale à Lisbonne, ici, au Teatro Camoes, cube bleu posé au bord du Tage. Dans le Parc des Nations, un quartier surgi de terre pour l'exposition de 1998. Un espace résolument moderne, pourtant d'une bienveillante élégance, où l'humanité parvient à trouver sa respiration. Où règne la même douceur que dans les vieilles rues de Lisbonne, belle endormie. D'ici on voit le pont Vasco de Gamma s'étirer entre deux rives et donner à l'estuaire de faux airs de Miami, comme pour faire rêver de futurs explorateurs vers de nouvelles ambitions. Mais pour le moment s'essaient à danser au soleil devant les portes du cube bleu des groupes d'enfants et d'adolescents, dans un balancement entre sérieux et désinvolture. Ces groupes rejoignent plus tard une autre jeunesse tout aussi souriante pour mettre le public mûr et chic en minorité, lors du voyage que propose Olga Roriz  . Un voyage dans le passe?

    Car c'est presque un récital, une revue incandescente des chansons d'amour du XX° siècle, de Marlene Dietrich à Franck Sinatra. L'entreprise est menée avec détermination et ferveur. C'est en écoutant les airs de Chavela Vargas, celui de Je ne t'aime pas de Kurt Weil,  que frappe la convergence thématique avec (Not) a love song d'Alain Buffard. La nostalgie se languit en harmonieux, douloureux, soupirs, abandonnés dans des fauteuils club à roulettes. Le travail vocal est remarquable, à un tel point qu'on serait tenté de classer le projet dans la catégorie des produits made in Broadway et dérivés s'il n'y avait toujours dans le contrepoint gestuel à ces beaux clichés musicaux une tendre insolence. De la profondeur et de la créativité.

    Agitée de tremblements, puis débordée par les manifestations de brutalité d'un amant mais qu'elle a dans la peau, souffre d'amour une nouvelle Piafen robe noire. Images crues et d'une remarquable cruauté. D'autres passages évoqueront des joies plus heureusement partagées. Pourtant l'amour s'achève ici presque toujours en déchirements. Même en parodie et dérision, le sentiment s'assume haut, dans une ambiance capiteuse et charnelle. La danse est d'une belle vitalité, drôle, exubérante et spectaculaire. Peu importent les poncifs, femmes fatales et mauvais garçons sont emportés par la même passion. D'où qu'ils viennent: les chansons se succèdent, en anglais, en espagnol, en français, en allemand, en portugais. Les couleurs d'un blues d Europe et d Amérique du sud, entre Tango et Fado, tout de même prédominent.

    Mais l'inspiration est mondiale, avant tout. Au delà du plaisir immédiat, on ne sait si l'on doit s en réjouir ou s'en inquiéter. C'est seulement dans cet autre pays que le sien que l'on touche du doigt cette réalité qui nous échappait l'an dernier à la vision de la pièce d'Alain Buffard, (entre autres): la culture se mondialise. Et la danse n'échappe pas à ce mouvement. Abreuvée aux sources des mêmes mythologies modernes. A prédominance nord américaine. Sources de richesse, ou de banalisation? Ici la vision d Olga Roriz s'impose assez forte, pour construire quelque chose de nouveau et personnel à partir de ces matériaux. Son projet touche au coeur, et intelligemment. Les artistes vont voir partout, depuis toujours. Mais comment comprendre cette appropriation au delà même des mythes européens, tout spécialement dans un pays qui semble à jamais imprégné de la nostalgie de ses anciennes conquêtes? Les références culturelles tendent elles à s'afficher partout les mêmes, aussi sûrement que les enseignes des marques dans les centres commerciaux? On est rassuré par les indices de toute la vitalité de la scène Lisboate, qui- peut être a défaut de moyens- fourmille de talents. Si les affiches annoncent la visite prochaine de Pina Baush, on regrette surtout d'avoir manqué de peu ces jours ci La festa de danca, où danse entre autres Eleonore Didier. On sera d'autant plus attentif aux voyageurs d'ici qui nous feront en France cadeau de leur visite, telle Sofia Fitas  à Mains d'Oeuvres, il y a peu.

    C'était Paraizo d'Olga Roriz  au Theatre Camoes de Lisbonne

    Guy

    Playlist : Rocio Jurado, Georges Gershwin, Nino Rota, Patsy Cline, Chavela Vargas, Dean martin, Pascale Comelade, Kurt Weil, Franck Sinatra, Edith Piaf, Ben Wester; Leonard Berstein, Boris Vian, Orquestra Universittaria de Tangos, Carmen Miranda, Marlène Dietrich, Rogers & Hart, Zca Afonso, Alejandro Dolina, Ana Carolina, Nancy Sinatra.