Au début c'est confus. A travers une bâche, à peine vu. Nous, tout contre la bâche, à guetter. Dans l'obscurité. Des bruits par attaques, des ombres qui passent. Des menaces percussives et diffuses. Une forme à quatre pattes. Animal et femme, enfant sauvage. Tunique et hirsute. Juste éclairé par la lumière balancée d'une lampe tempête. Paniqué. Bondit, gratte le sol des mains, des pieds. Rejette l'écuelle. Gestes de chat hérissé. Autour des hommes passent. Fouets. Tout est aussi menaçant que vu à travers les yeux de l'enfant. Puis avec toute la mauvaise conscience de visiteurs d'un zoo humain, fascinés, quand nous montons au premier étage de l'échafaudage pour découvrir la scène d'en haut. Qui a changée. Lumière. Le silence se fait et elle se lève, femme désormais. Un éveil. Sur ses deux pieds. Le visage noyé de cheveux et de larmes. Toujours plus vers le haut. D'une beauté première. Des cloches sonnent, pour marquer le début de la conscience, le commencement du temps. Les hommes eux se sont courbés. Elle se redresse encore. Elle monte plus haut, grimpe l'échafaudage. Jusqu'à nous toucher. Pour aprés retomber. Dans une animalité dansée qui nous stupéfie. Elle emportée sans retour par les pulsations des percussions. Tout autour d'elle et hors d'atteinte, des manifestations dérisoires de civilisations: une femme sophistiquée qui vocalise et babille. Drôle et voué à l'inintelligibilité. Des parades et fanfares, tambours et accordéons, qui se mélangent dans notre esprit, et celui de l'enfant sauvage, jusqu'à se décomposer.
C'était Slat, créé par Tevor Knight, chorégraphie de Gyohei Zaitsu, lumières et installation de Paul Keogan et Alice Maher, dansé par Maki Watanabe, joué par Rebecca Collins, Robbie Harris, Julie Feeney et Trevor Knight, au Centre Culturel Irlandais. Encore ce soir, vendredi.
Guy
P.S. : Claude Parle était là (en spectateur), nous a posté ses impressions:
Victor–Maki ou de l’Aveyron à l’Irlande …
Tout d'abord, ce qui force le regard, c'est l'évidence qu'il ne nous sera rien donné ni épargné ! ! ... à travers un plastique perforé, sans doute eu égard à ceux qu'un oubli fâcheux à privé de lunettes ! ! ...à travers ce plastique blanc opaque et indifférent, les “auditeurs“, parqués dans un étroit couloir , entre bêtes à l'abattoir et voyeurs prévoyeurs d'un de ces attractifs spectacles de foire où patientait une foule excitée et bruyante dans l'attente du "monstre" piaffant tandis que se vidait le précédent troupeau ...
A force ...on finit par coller presque sans répugnance au plastique pervers pers-foré ...
On découvre avec malaise un de ces cas d'animalité...mi fauve mi humain ...
comme les sombres ménageries les jours d'été où l'orage menace ...
Le sol est ocre, manque juste la poussière et l'odeur ...les fouets, les claquements étranges, les ombres furtives tout y est ...rhombes, tuyaux, wood blocks et autres bruissements percussifs ...La bête captive d'une pauvre lampe à filament oscillante mue d'un vent fou ou bien d'un improbable tangage ....Quelquefois, un garde s'en empare puis la relance l'abandonnant au délire de la bête ...bête ruante, gémissante, courante animalité entée sur un torse humanoïde ...
Enfin les portes s'ouvrent ...ou plutôt les escaliers ! ! ...
On monte sur la plateforme d'un praticable qui entoure et autorise une vue plongeante sur la fosse où croupit la créature ...
Des sonorités plus prégnantes apparaissent, voix, nappes de synthés, polyrythmies ...peu à peu, les percussions se font plus pressantes, plus incisives ...
La performance, de fait repose presque entièrement sur les épaules de la danseuse ...
Il faut tenir ...le rythme se noue, s'intensifie jusqu'au paroxysme ...
Apparaissent trois doctes personnages, ithyphalliques, inertes, jaugeant, consignant ...
N’oublions jamais l'irruption de la norme dans le pathologique mes frères ! ! ...mais, quand donc au juste tout cela a t-il bien pu commencer ? ...
La danseuse progresse vers la verticalité jusqu'à l'exaspération ...
Finit par se hisser à la hauteur des voyeurs ...qui ne la voient cependant pas ...plus qu'elle ne les voit ...
En bas, les manifestations se succèdent dans un mélange de grotesque et de représentation, apparaît aussi un personnage de femme vocalisant puis se déréglant peu à peu, masque déformé par l'émotion, la violence, les glossolalies virant à l'imprécation, rires virant au grotesque, succédant aux pleurs soudains, ravagés à leur tour par quelque éructation suivie, je veux dire poussée par un babil se muant en rage ...Images, clichés de la folie, de l'hors norme, ou jeux de la vie sur fond d'obscénité ?
Maki, en bas finit par s'immobiliser ...
Finit par se baptiser elle-même de son propre amnion ...
Finit par s'assoupir centrée sur elle même ...
Finit par absorber la lumière ...
Dans l'obscure itée ..(“ita est“ ! ) les spectateurs ont décidé de la fin et tapent des mains bruyamment !
Tout le monde se salue ...dans la lumière revenue tout cela descend les marches ...
Tout cela se retrouve donc en bas ... "Le voyageur épris au piège" ...
Jean Pierre* ? tu nous attendais là ? ! avec Victor ? ! …
...
CP
* = J.P Duprey