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Danse - Page 22

  • Place Saint Michel: Gyohei Zaitsu en archange

    La Place Saint Michel  est toujours au même endroit, et ce depuis pas mal de temps, déja à cet endroit même du temps où les téléphones 1268075405.jpgportables n'existaient pas. Alors, tout ce que la rive gauche comptait comme lycéens et étudiants devait s'accorder à l'avance sur des lieux de rendez-vous. C'était donc toujours à la sortie du métro Odéon, ou place Saint-Michel. Au choix. Ou on y traînait à tout hasard, pour rencontrer ceux qui avaient oublié de prendre rendez vous. Ou rencontrer celles à qui d'autres avaient posé là un lapin. Bien plus tard, en 2007, ce soir, la place Saint Michel est toujours là, froide, humide et fébrile comme un 31 décembre, et encore à jamais autant entourée. Mais plus de touristes que d'étudiants qu'avant peut-être, qui s'arrêtent quelques instant pour photographier à coups de téléphones la fontaine, les dragons qui ce soir ne crachent plus d'eau, la statue aux grandes ailes et à l'épée, alors même que Gyohei Zaitsu n'y est pas encore perché.

    Ce soir on est pas là par hasard: on attend Gyohei Zaitsu, qui a e-mailé rendez vous. D'autres disséminés dans la foule l'attendent aussi mais dont beaucoup d'entre eux qui ne se connaissent pas. Juste discrètement rassemblés par des indices de jubilation anticipés. On reconnaît Maki derrière un arbre. Gyohei Zaitsu, enfin, se matérialise, non devant la fontaine, mais sur le trottoir (ouest) opposé. Comme échappé d'autre part. Maquillé de blanc et d'un filet de sang, avec le sourire béat d'être en liberté. Court vetu, jambes nues, manifestement venu d'un pays où il fait plus chaud les 31 décembre. Mine de rien, il danse. Tombe à terre, se tend, bondit, bras au ciel. Deux, trois allées-retours vers la statue, pour que tout l'espace soit conquis, l'étrangeté installée entre deux passage de bus. Faire démentir que dans la rue rien ne peut plus surprendre, ni un fou, ni un artiste. Gyohei danse et la place change. Peu à peu l'attroupement s'est formé, plus dense que justifierait une affluence ordinaire. Constitué par ceux qui étaient venu le voir, et parmi ceux qu'il prend par surprise, ceux qu'il arrive à retenir. En tout, déjà plus de publics qu'habituellement à Bertin Poiré. Le buto doit il pour de bon s'aventurer hors des caves, continuer à plus se montrer dans la rue? Deux touristes italiennes, jeunes et enthousiastes, le photographient. Sans doute jamais ne sauront elles qui il était. Un policier vient évaluer la situation d'un oeil blasé, deux dames agées sont captivées. Alors que Gyohei Zaitsu plonge dans les eaux mortes de la fontaine, elles spéculent sur la pneumonie qui le guette. S'interrogent sur la réalité du filet de sang. Surtout restent là, regarder. Un jeune homme sûrement venu exprès tente de convaincre avec de doctes explications sa compagne plutôt réservée qu'il y aurait un rapport entre Hiroshima et le buto. 

    Comme depuis 150 ans, l'archange sculpté par Francisque-Joseph Duret brandit son épée, toujours prête à s'abattre, figé pour l'éternité. 643385189.JPGGyohei s'élance à sa rencontre, part à l'escalade du socle, toujours l'air d'un bienheureux, mais plus aventureux. Se balance d'une main, joue l'équilibre en danseur. Parvient en haut, soudain très grand, dressé avec superbe, pour un instant héroïque, suspendu entre ciel et terre, dans le rôle de l'idiot magnifique. Plus proche de l'esprit et de la pierre que Billy T. Jones  de toutes les statues du Louvre. Se laisse retombe en quelques bonds, plus bas, dans l'eau glacée, toujours innocent, joyeux.

    La place Saint Michel est toujours là, au même endroit, mais son souvenir transformé. Applaudissements, dans quelques heures, c'est le réveillon. Et après, de nouvelles résolutions.

    Très bonne année à tous.

    Guy

    C'était Gyohei Zaitsu, place Saint Michel (Paris, V° arrondissement), à 17H le 31 décembre 2007.

    1ere photo, en haut à gauche, avec l'aimable autorisation de Ralph Louzon , d'autres sont à voir ici

    2nd photo, en bas à droite, avec l'aimable autorisation de Kaori Isogai.

    P.S. du 15 mai: la suite à la République, c'est ici

  • Alain platel - se souvenir de V.S.P.R.S.

    Parfois il faudrait avoir le courage de s'indeterminer, radicalement. C'est à dire de rester dans l'indétermination. Tout le problème est qu'il suffit de succomber au passage à l'écrit pour que les choses tendent à se figer. Dans l'instant. Autoritairement. Se stratifier en émotions. Même si l'on veut être nuancé, les choses se figent dans cette nuance même. Même punition même si on reste ambigu. On a vu la pièce d'Alain Platel il y a plus qu'un bon moment, restée jusqu'ici dans les limbes du non jugement. Suspendue dans l'état flou qui succède à la sortie de salle. Sans avoir été obligé d'en parler jusqu'à maintenant. De cette pièce que l'on a aimée et que l'on a pas aimée. Une pièce qui nous a irrité et épuisé par sa richesse même. Par ses trouvailles et ses facilités. Une pièce surthématisée. Qui nous a laissé saturé d'images et de sons, autant de nourritures pour des sensations contradictoires. les sensations s'éffacent alors que s'enfuit le temps, mais les écrits restent, même mis à distance:

    Tels que: Dans cet iceberg de tissus blancs, à la droite du spectateur la musique, Monteverdi, un groupe de musique baroque et tzigane, une chanteuse magnifique, une voix qui s'élève directement jusqu'aux cieux, soulève le coeur, et le porte également dans ce mouvement vertical, en partant du bas ventreAjoutez à ce bouillon créatif, une chorégraphie s’inspirant des films du neurologue Arthur Van Gehuchten sur l’hystérie et ceux de Jean Rouche sur les transes africaines, et vous avez une œuvre magistrale, transdisciplinaire, euphorisante. Elle atteint votre inconscient, comme un rêve éveillé. Sous nos yeux, un groupe de femmes et d’hommes « en transe » se forme, se sculpte. Comme dans la cour d’un hôpital psychiatrique, ils se parlent, se relient avec leur corps qu’ils plient, contorsionnent. ces êtres fragiles sans doute, traversés de convulsions et de tremblotements, et que nous jugeons déshérités, sont habités des mêmes passions que nous. Quand un membre bouge, change de place, de rôle, l’ensemble se modifie. La solidarité fait le groupe, le cimente. À mesure que le processus de création du groupe se joue, les danseurs se transforment. Ils rient, ils pleurent, ils dansent, trépignent, connaissent la joie et la fraternité ; ils sont aussi chargés de tous les trésors que nous avons abandonnés, savent des passages secrets entre réel et rêve, enfance et sagesse que nous croyons avoir murés. Usage et raison mêlés n'ont jamais fait de nous que des moitiés d'hommes...

     Une fois de plus, les Ballets C. de la B. touchent par leur justesse, la lisibilité du propos et la qualité de l'interprétation. Pourtant j'ai été déçu(e), je crois que Platel n'a pas été à la hauteur de son propos. on a un discours qui se veut drôle sur le caca, qui applatit plus qu'il ne se fait signifiant. Le choix du travail sur l'hystérie a le danger des évidences : c'est certes un état de corps qui permet d'explorer l'excès et les limites du corps mais attention au sens, il s'agit d'une névrose de symptômes organiques qui traduisent en réalité des troubles neurologiques, psychologiques ; c'est une pathologie de la simulation en quelque sorte. L'hystérie n'est pas une étape vers un état de transe, ce n'est pas la même chose, il serait temps de le comprendre.. Il faut du temps pour dépasser le profane, tout ce bavardage n'était peut-être que rite, celui des chorégraphes contemporains qui essaient de trouver du sens, englués dans notre contemporanéité certes plutôt hystérique, pour atteindre, enfin, le moment de grâce. Heureusement il y a cette scène finale, sur le magnificat où la transe se fait chair et orgasme, passage du profane au sacré. D'accord à 100 %, mais sans trop s'engager.

    C'etait V.S.P.R.S.   ♥♥♥♥♥  ,  d'Alain Platel et les ballets C. de la B., au Théatre de la Ville.

    Guy ...avec surtout la participation non autorisée de Clochettes, d'Images de danse, et du Tadorne

  • Delgado et Fuchs à la fois

    Ils sont tous deux minces, souples, sexys, musclés juste comme il faut, parfaitement épilés, propres et beaux. On leur pardonne, et même de danser disco, 2e5a92124bb881ffd86c7a940dd68ad7.jpgla hanche battant la cadence avec tant d'élégance. On est-pire!- obligé de leur pardonner d'être intelligents. Pas de doute à ce sujet, à constater comme ils manient à coups de reins et sans sourciller un humour incisif et distancié. Les corps des deux s'exposent et triomphent de santé sur le mode de l'hédonisme, fonctionnels, performants, auto-centrés sous le prétexte d'une séance de remise en forme. Pour que le ridicule éclate avec une rare cocasserie. Le vrai faux duo réussit à être à la fois à être acteur et commentateur de la situation- et nous mêmes complices- lorsque que l'exposé évolue vers d'autres genres, du disco au contemporain. Réussit à se jouer avec finesse des codes de la représentation. Mais, sublimant la satire, les corps échappent aux normes et scénarii. Avec la charge sexuelle qui s'impose et se superpose à la vision des poses de salle de gym, exécutées avec une candeur feinte, impossible. Avec aussi une soudaine étrangeté, lorsque Nadine Fuchs à terre ne semble plus savoir que faire de ses interminables jambes. Avec une indéniable cruauté, lorsque Marco Delgado est graduellement transformé par sa partenaire en un patin animé. Une petite musique bat en arrière fond, sardonique, et l'habit fait le stéréotype, toujours rose-fille et bleu-garçon. En costumes, en vêtements de gym forcement moulants, voire nus sans être nus pourtant, c'est une performance hilarante, tout autant que le bel escamotage en conclusion. Il est permis, il est bienvenu, de produire du rire avec de la danse.

    C'était MANTEAU LONG EN LAINE MARINE PORTE SUR UN PULL A ENCOLURE DETENDUE AVEC UN PANTALON PEAU DE PECHE ET DES CHAUSSURES POINTUES EN NUBUCK ROUGE  ♥♥ de la compagnie Delgado Fuchs, avec Nadine Fuchs et Marco Delgado , vu en filage à Mains d'Oeuvres.

    Guy

  • Anne Hirth: en attente

    Les décors et costumes ont la patine d'un théâtre qu'on imagine d'avant la fin des années soixante. En route pour un voyage dans le temps, stricte cravate, robe à fleurs, papiers peints et toile cirée. Pour observer trois personnages, contraints dans le même espace, peu à leur aise, comme enfermés dans une salle d'attente. Trois personnages mutiques, dont les pré-relations resteront non définies, ce qui est délicieusement exaspérant. Oublié ce prologue qu'on a entrevu par une fenêtre du décor: un temps d'ivresse, de musique et de convivialité. La fête est bien finie, la fête entre eux trois n'a même sans doute jamais existé. La parole aussi s'est tarie, réduite au strict utilitaire. Ils ne parlent que pour demander du feu. Ce n'est pas que nos personnages ne veulent pas communiquer-chacun manifeste en permanence la conscience de la proximité de l'autre-, c'est plutôt que quelque chose les en empêche. Quelque chose d'indéterminé, quelque part entre le pathologique et le social. L'enfer, une fois de plus, c'est les autres, et le temps s'est arrêté. Résultat: sont en début seuls montrés ici les moments qui n'existent pas vraiment, du moins dramatiquement. Qui existent surtout par leur durée. Les moments insignifiants, les moments d'observation, les moments d'hésitation, les moments d'inaction. Les autres moments, les moments qui restent, entre les moments forts. Des moments non faits, ou faits plus de vraie vie que de théâtre. Mais c'est tout l'art d'Anne Hirth  de faire que l'exercice existe lui-même théâtralement, subtil et sarcastique, et que cet exercice soit tout sauf ennuyeux. 

    On ne peut pas ne pas communiquer, les personnages interagissent. Les gestes, devenu réflexes, hors contexte, perdent sens. Les frontières de la coexistence sociales se font poreuses. Dans cet espace aux règles sans raisons, les mouvements dérapent, imprévus, s'emballent peu à peu, jusqu'à la rudesse. Empoignades sans pitié dans la queue pour les toilettes. Au bord de la névrose, l'absurde s'insinue. Les enjeux se font flous. Les positions se renversent. La cabine de douche devient fumoir, et le fumeur cul par dessus tête. Coup de théâtre: une femme dans le placard. Rien de vaudevillesque, il s'agit plutôt une survivante. Une non vivante. Égarée. De quoi mettre en évidence l'incapacité des trois autres médusés de rassembler, de faire groupe, pour résoudre l'énigme. Mais tôt ou tard l'impossibilité d'être se résout par la danse, l'espace est reconquit poétiquement, comme en une évasion qui s'engourdirait en rêve. Autour de la femme sortie du placard, le groupe se fait. La parole réussit enfin à renaître, dans la bouche de cette femme, submergée par des souvenirs d'enfance, comme somnambule, qui avance ainsi dans la belle ivresse d'un mouvement continu, rhabillée à chaque pas d'une nouvelle robe par ses compagnons.

    C'était Wait Here for futher instructions ♥♥ d'Anne Hirth-Büro für Zeit + raum, avec Blandine Costaz, Daniel Bausch, Jürg Plüss, Ellen Schiess, à la Halle aux Cuirs de la Villette avec 100 dessus dessous.

    Guy

     

  • Veronica Vallecillo: surveiller la chute

    C'est un travail en cours, qui court fébrilement et va se heurter avec énergie, mais déja très élaboré, en bordure de beaucoup de genres: tout 1771396240.2.jpgsemble se propager du centre, du regard de la danseuse, intense, hagard, fier, fiévreux? Un regard presque furieux, qui part en vol pour ne plus s'arrêter, on guette la chute promise dans le titre. Plutôt d'abord on est soi même assez secoué à force de remarquables vibrations: Veronica Vallecillo martèle sans relâche le sol de coup de talons néo-flamenco, et le cataclysme se propage irrésistiblement. La danseuse est vetue code noir baroque, bottines- mais sans ailes de géants-, trés dense, main peinte en rouge, poitrine en transparence gazée. On est déstabilisé aussi par, projetées sur le fond, des images de chutes et ascensions, d'immeubles qui défilent au vertical, vertigineusement. V.V., devant, vole par transparence. Pour la recadrer: deux personnages, d'abord à la vidéo et la batterie histoire de relancer la pulsation, V.V. en est alors projetée vers d'autres danses. Qui a dit Hip hop? Les assistants interviennent par la suite plus physiquement, pour contrôler ou aider l'artiste, on ne sait, c'est en tous cas entre eux trois un rapport intéressant, qui évolue ou dérive en un cérémonial curieux: les deux deviennent officiants d'un rituel inédit et un peu sulfureux: notre sujet toujours provocante et maintenant yeux bandés marche sur des têtes de plâtre, guidée par ses comparses courbés. Troublante encore, elle tombe plus tard , en passivité... mais c'est tout pour le moment, la suite parait il pour plus tard en Avignon. Frustrations!

    C'était une étape de travail de Solo sous surveillance, Alb'atroz II, le temps de la chute, par Veronica Vallecillo-Cie Anouchka Vallon , avec Uriel Barthélémi et Elise Boual, à Point Ephémère.

    Guy

    P.S. : et un peu de video ici

    photos de Veronica Vallecillo avec l'aimable autorisation de Myriam Martinez

  • Merce Cunningham is a space invader

    Aprés Bill T. Jones, c'est le passage à Paris de l'autre très grand de la danse contemporaine U.S.: Merce Cunningham. Mais alors que Bill T. Jones revisitait le passé en se mesurant aux statues du Louvre , l'octogénaire est quant à lui résolument a5abe9d1dc035e2afca1b09290e63361.jpgbranché technologie. Et à l'entrée fait distribuer des I-Pods au public, c'est la grande affaire de la soirée. On abandonne au guichet sa pièce d'identité- on a failli écrire qu'on abandonne son identité- en échange du petit appareil blanc immaculé et avec si peu de touches. On a fort à faire à procéder au premiers essais écouteurs aux oreilles, et déja s'est ouvert avec la fosse d'orchestre un gouffre entre les spectateurs et la scène, pour ne jamais par la suite être comblé.

    Pour commencer CRWDSPCR  (1993): le ton est donné dès le titre, délibérément abstrait. Sur le plateau toute la troupe, et bientôt tout le plateau occupé à pas de course. Une danse résolument non narrative, modélisé par danceform, i.e. le logiciel expérimenté par Cunnigham pour imaginer et concevoir la pièce, mouvement par mouvement, libérée de toute contrainte. Des enchaînements au kilomètre, impitoyables, impossibles forcement, et pourtant parfaitement exécutés. Les exercices géométriques ainsi modelisés sont transposés en physique. Très intellectuellement, on salue la prouesse. Les danseurs, devenus parfait instruments, habillés de collants d'arlequins pastels, vaguement Star Trek, sont programmés. A la perfection. La musique est sans concession, l'attention toujours se disperse, on essaie de remettre l'hemisphère rationnel en marche, un peu grippé. La virtuosité continue sur scène à se dérouler à vitesse grand V. Quelques giga-octets plus loin, l'humanité s'est définitivement évaporée, reste une armée de soldats d'élite. On se rend compte sur la fin et trop tard qu'il ne vaut mieux pas regarder les visages, faute de ne rien pouvoir y trouver, plutôt se laisser étourdir d'une impression d'ensemble, qui pourrait être causée tout autant par les mouvements de danseurs de synthèse, de figurines 3D.

    Pause, et saut-ou enchaînement-de quarante ans en arrière. Crises  (1960). Déjà la crise du sens, murie et délibérée, déja cette recherche conceptuelle. L'oreille trouve mieux son compte avec le piano de Colon Nancarrow, dissonant dans un deférlement de boogie futuriste. Déja désynchronisé du mouvement. Survit alors encore une thématique, une rencontre allusive entre les sexes, 4 filles et 1 garçon, parfois liés par des élastiques. Mais est surtout ici mise en évidence la cohérence sur le long terme du parcours de Cunnigham, ascétique, innovant, pince sans rire également. En cohérence aussi avec les mouvements convexes dans les domaines de la musique, de la littérature, des arts plastiques. La vrai question est de vouloir le suivre ou non sur ce chemin.

    Pour finir EyeSpace  (2006). C'est enfin le grand moment où on est censé sortir son I-Pod. Pour chacun s'improviser son propre enchaînement aléatoire de plages musicales, et accompagner les perceptions visuelles. Une mise en oeuvre obligée de l'autonomie du spectateur. Un acte de foi aléatoire. Pour dire vrai on a triché et pour passer le temps, déja joué avec l'engin, déjà lassé. La musique de Michael Rouse se décline en variations easy listening, avec pour seule singularité de présenter des rythmes superposés. Alors que sur scène l'action semble plutot réglée sur le tempo immuable d'un métronome absent. Toujours des courses, des arrondis des bras, la coordination des danseurs semble parfois bizarrement approximative. Du pouce on I'pod en rond, en une stérile masturbation, la démarche est tout sauf interactive. Chacun vit son spectacle, seul, coupé du monde et des autres, réveur ou névrosé. Le seul moment d'émotion survient, peu et tard, quand le vieil homme vient en chaise roulante saluer sur scène. Et qu'alors on l'applaudit, d'un inévitable respect.

    C'était CRWDDSPCR, Crises, et Eyespace ♥♥ de la  Merce Cunningham Dance Company au Théatre de la Ville, jusqu'au 8 décembre.

    Guy

    Et on peut voir sur Photodanse le reportage de Vincent Jeannot.

  • Juju Alishina: une vie de chien

    Beaucoup s'épuisent et se dispersent à vouloir pluridisciplinariser à tout prix. C'est déjà en soi remarquable que Juju Alishina, en utilisant des techniques de buto, de théâtre, de danse, nous propose quelque chose qui se tient. Pour plus d'une heure durant, avec un début, un milieu, une fin. L'argument est consciencieusement expliqué sur la feuille de salle: une fable politique, mais sans morale univoque, situé dans un espace-temps utopique et indéterminé. Où l'on voit un groupe engagé politiquement se réfugier dans la clandestinité. Ce récit reste obscur, ce qui n'est pas plus mal. Les personnages réservent leur souffle pour des tirades idéologiques d'un délicieux démodé (que cet effet fascinant soit volontaire ou non, il importe peu). Les rapports qui lient les personnages s'exposent eux plutôt à force de danse et de mine, ce qui les transporte depuis la raideur de l'utopie vers les plans de la corporalité et de la sexualité, tant mieux. Sur un mode talentueusement expressif et ambigu, surtout quand le chien est concerné.

    Car Juju Alishina joue le chien. Joue plutôt le rôle d'une femme esclave éduquée par le groupe comme une chienne. Ce qui pose un problème de représentation. Quant la danseuse se retourne sur le dos les quatre pattes en l'air, fait-elle du buto? Ou imite-t-elle un chien? Ou fait elle les deux ? On ne sait pas, sauf qu'on tend à rester dans le registre de l'imitation, ce qui, dans toute la pluridisciplinarité mise en oeuvre ici, est tout de même le moins intéressant. En concours avec la musique seventies, d'un mauvais goût effrayant. Surtout il manque ici au final un peu de nervosité, d'enjeu, pour dépasser le niveau d'un brillant exercice de style. Heureusement, comme dans Dogville, tout le monde meurt à la fin.

    C'était Dog rules de Juju Alishina_compagnie Nuba,  à l'espace culturel Bertin Poirée.

    Guy

  • Bill T. Jones n'est pas une statue grecque

    Du haut de ce grand escalier du Louvre, que domine la Victoire de Samothrace, plus vingt siècles nous contemplent. 73b0f50dd8e8564276d124cdddcb79b1.jpgC'est entendu. Mais le poids de l'histoire culturelle se fait vite oublier. Une fois assis sur les marches pour regarder Bill T. Jones , nous tournons le dos à la Victoire, qui pourrait tout autant à notre insu s'envoler. Dés que refroidie la première excitation de cette intrusion nocturne, un peu clandestine, dans le Grand Musée avec un grand M, on se dit que cette performance aurait pu exister, et avec autant de force, dans tout autre lieu doté des mêmes volumes: une usine, un hall de gare, une galerie du siècle dernier...

    Certes, Bill T. Jones nous présente la musculature élancée et noueuse d'une statue antique. Et c'est une vérité première que sculpture et danse ont en commun de produire de l'art avec du corps. Et bien sûr encore, le danseur dialogue un peu avec ses homologues de pierre, s'amuse à en reproduire quelques postures. Mais il developpe ces correspondances avec moins de systématisme qu'on aurait pu le supposer à en lire le programme, ou à voir la photo reprise ici, absolument non contractuelle. Et enfin la disposition des lieux fait qu'on verra peu des statues elles-mêmes. Ceci posé, la performance a lieu ici au Musée du Louvre, c'est un fait, même si l'on ne sait pas vraiment pourquoi. Bill T. Jones, est après tout l'un des chorégraphes les plus respectés outre Atlantique, donc improbablement en quête de respectabilité. Peut -être le danseur cède-t-il simplement à une fascination très américaine pour les lieux où la culture européenne s'enracine, peut être est ce aussi une opportunité pour le Louvre de s'associer ainsi à la chose contemporaine...

    La performance a donc lieu ici, et il faut bien l'occuper, cet espace, intimidant, solennel, presque impossible: face à nous, cent mètres de galeries en enfilade. Cent mètres, c'est très long, c'est très loin. Bill T. Jones s'annonce d'abord hors champ d'une voix grave par un chant de rue, puis se présente à nous en avant scène. Tout près. Pour user d'un code miné plutôt contemporain. Surtout imposer une présence tranquille. Enfin part en promenade le long de la perspective, tout le long, tout au bout de la ligne du titre, jusqu'à oser devenir silhouette, jouer de sa quasi disparition. C'est une promenade nonchalante, souligné par les lumières, le dialogue avec les oeuvres de pierre est alors juste deviné. L'occupation de l'espace sonore, exploité dans tous ses échos et toutes ses résonances, prend à ce moment autant de valeur que l'occupation de l'espace visuel. Avec l'ample irréalité des percussions de Florent Jodelet, et la totale étrangeté ici du chant de la thibétaine Yungchen Lhamo. On peut s'en agacer, ou s'abandonner au contraire. Après s'être fait désirer et deviner, les deux musiciens se matérialisent, pour prendre leur rôle de chair et d'os dans la tranquille exploration du lieu. Aux cotés de Billy T. réapparu. Cet homme ne marche pas, il glisse. Il ne se meut pas, il ondule. Avec l'élégance d'un danseur de comédie musicale- on n'est pas surpris d'apprendre sur son site qu'il vient d'accepter un grammy award pour une chorégraphie à Broadway- tout en restant moderne et contemporain. Mais surtout avec une lente autorité, une absolue sérénité. C'est un fantôme, on l'a enfin compris, venu hanter de sourires et de souples figures ce lieu endormi, y entraîner ses complices improbables- et nous avec- dans un bel entre-deux entre présence et virtualité.

    C'était Walking the line ♥♥♥ dansé par Bill T. Jones, avec Yungchen Lhamo (voix) et Florent Jodelet (percussions) au Musée du Louvre, avec le Festival d'Automne à Paris.

    Guy

    C'est jeudi et samedi encore, mais c'est depuis longtemps complet. 

  • Emmanuel Gat: complet

    De : Reservation CND <reservation@cnd.fr>
    À : guy.degeorges@xxxxx

    Envoyé le : Mardi, 13 Novembre 2007, 16h35mn 23s
    Objet : Re: [RESERVATION]

    Bonsoir,

    Nous n’avons malheureusement plus de place pour ce spectacle,  si vous en avez la possibilité, nous vous proposons de venir le soir même, nous ferons une liste d’attente au cas où, il y aurait des désistements de dernière minute.

    Cordialement,
    L’équipe Billetterie

    Centre national de la danse
    Service Réservation/Billetterie
    1, rue Victor Hugo
    93507 Pantin Cedex
    T 01 41 83 98 98
    reservation@cnd.fr


    le 30/10/07 7:10, guy.degeorges@xxxxx  a écrit :

    RESERVATION :
     Référence(s) :
        Artiste(s) :   Emanuel Gat / Emanuel Gat Dance     
      Titre : My favorite things (coproduction) / Le Sacre du printemps
       
     Dates : Mercredi 21 au vendredi 23 novembre 2007 à 20h30, samedi 24 à 17h et 20h30
     
         Adresse : CND - Pantin
    93507 Pantin
      
     Tarifs : 14€, TR: 11€
    Abonné : 10€, TR: 8€

    Réservations
    Du lundi au vendredi, de 10h à 19h
    T 01 41 83 98 98 / reservation@cnd.fr
     
     Nom : Degeorges  
    Prénom : Guy  
    Adresse : XXXXXXXXXXXXX  
    Téléphone : XXXXXXXXXXXX
    Adresse mail :  guy.degeorges@xxxx
      
    Date : jeudi 22 novembre
    Nombre de places : 2
     
    Commentaires :  
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  • Jesus (Sevari): la femme à la tête de choux

    Il s'en trouve toujours un, hélas, pour raconter le début, vendre la mèche. Soyons le premier, et spolions allégrement, tant pis pour les effets de surprise. Jesus Sevari nous attend allongée à l'entrée de la salle, juste vêtue de talons aiguilles et sur le visage une souche, son corps colonisé d'escargots. Tout partout, gastéropodisée des pieds à la bouche, jusque dans la bouche. C'est la seconde femme limace  qu'on rencontre cette année, mais pour le coup c'est inédit, audacieux et saisissant. On est content. Jesus bouge parcimonieusement, les escargots aussi, mais encore plus lentement, ils glissent, et cela pourrait durer longtemps encore.

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    A compter de l'instant où les spectateurs ont compris qu'il faut considérer ce tableau comme la première scène du spectacle, et qu'il n'y a pas d'inconvenance à s'arrêter là pour scruter la baveuse performance, ils font demi-tour depuis leurs sièges. Puis font attroupement debout en demi cercle. Avec une fascination plutôt amusée, avec sans doute un peu de difficulté à prendre du recul pour réfléchir au concept. Régression vers l'animalité? Ou une simple exhibition absurde, une provocation calme et démystifiée? Mais déjà les deux autres partenaires de la danseuse détachent un par un les animaux de ce terrain humain. Avec beaucoup de précautions, avec presque du respect. Ce soir on ne plaisante pas avec les escargots. Un moment d'émotion chez les témoins de la scène: alors que la danseuse se relève on voit qu'un des gastéropodes été oublié entre ses pieds, en grand danger d'écrasement. Soupir de soulagement quand l'animal est in extrémis repéré, récupéré. Passage du public dans la salle, au risque de décevoir après ce prologue. On se surprend à imaginer ce que cette performance aurait pu devenir si elle avait osé durer et devenir danse: dressages utopiques, apprentissage d'une lenteur extrême, interactions improbables, vertigineux contrastes.

    Mais il y a encore une heure de spectacle, après. Saturée par- citons le programme-: 40 escargots, 7 salades, 6 masques, 5 costumes, 3 paires de chaussures à talons aiguille, 2 musiciens, 1 comédienne, 1 danseuse, 1 litre de lait, 1 guitare électrique et 1 corde à sauter. La liste n'est pas exhaustive, on pourrait y rajouter: des ventilateurs, des ballons multicolores, un beau sourire, des ailes d'ange, un costume de Dark Vador, un ordinateur Apple, une robe glamour, pas mal d'impudeur et un peu de danse, des yeux en gros plans, des bouches, des bâches et des bûches, des discours rêveurs et des souvenirs rêvés, et le guitariste bite au vent. Diagnostic: c'est le syndrome trés répandu du bric a brac, maladie de jeunesse qui avait déjà frappé d'autres victimes dans F for Fake, pour ne prendre qu'un exemple. Autour d'un concept trop généraliste, que l'on pourrait réduire à un manifeste de l'introspection exhibée, une exploration du domaine fantasmatique. Appliqué avec une volonté explicite de pluridisciplinarisme. Mais cette ambition n'est pas toujours soutenue par des moyens suffisants. A chaque changement de genre: baisse de tension.

    La création existe, pourtant, intrigante et originale, si l'on se résout à prendre, à retenir ce qui nous intéresse. Quitte à un peu oublier le reste, essentiellement ce qui est parlé. Pour se souvenir du meilleur: de trop brèves séquences de belle danse contemporaine, bras collés au torse, ou buste penché en avant, une danse singulière à en faire oublier la belle robe, ou la nudité. Se souvenir aussi des gestes en échos entre la danseuse et son double "ordinaire", l'actrice Sylvie Deslande, cette dernière au corps moins "artistique" dans son dévoilement, d'où un dialogue d'autant plus intéressant. Se encore souvenir de ces mises en situation d'un absurde troublant et décomplexé, sans provocation ni agréssivité tant la chair semble sereine, tableaux surréalistes habités par des personnages à tête de salade. Se souvenir pour finir d'un véritable rêve éveille dans la pénombre, avec ces images organiques projetés sur la danseuse. Une belle conclusion sur un corps qui se songe apaisé.

    C'était (la première) de Como salir a buscar una estrella con las dos manos ocupadas ♥♥ de Jesus Sevari-Compagnie absolumente  avec Jesus Sevari, Sylvie Deslande, Gonzalo Alarcon, Sven Lava, à Mains d'Oeuvres.

    C'est ce soir toujours, et samedi encore...

    Guy 

    P.S. : ...et un moins aprés aussi à l'Ecole nationale d'architecture de Paris, d'où Jérome n'est pas revenu les mains vides 

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