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Danse - Page 21

  • Boris Charmatz: Retour sur Herses?

    Revoir Herses intéresse, fascine, mais sans rien éclaircir. On est pas plus avancé. Et encore moins à relire nos réflexions d'il y a un an. Naïvetés. On voit, on est frappé, mais sans en comprendre les raisons. Doit on renoncer à chercher un sens, d'ensemble? Tout juste persister à traquer des indices, pas plus? Pour commencer, on relit la feuille de salle: "Traversée critique des utopies (...) du corps naturel, du couple, de la communauté." Là on a quelques pistes: des oppositions. La seule approche possible serait-elle de tenter des définitions de la chose... mais en négatif? Par fragments. Sauf déja qu'il s'agit de danse, de toute évidence. Voilà pour le le positif. Mais à part ça? D'abord de quoi ne s'agit il pas?

    Aucune narration déjà. Ce qui est peut-être une bonne chose, un espoir de durer. Pas d' "histoire de". Juste au début quelques gestes de semeurs (?), mimés, sans explication. Pas de métaphore forcée, ni Dieu, ni tragédie, ni évocation d'un destin, ni dénonciation. Juste quatre, cinq corps qui ne seraient qu'eux-mêmes. Jusqu'à la nudité? Mais pour quelle raison? Cette nudité est inexpressive. En soit il semble qu'elle ne vaut rien: ramenée presque à l'absence de costumes. Comme un refus. Le corps n'est pas glorifié. Plutôt pataud. Sans s'affirmer jusque dans le ridicule. Cette nudité peut elle être vue comme une représentation de la naissance? De l'innocence? On avait cru voir cela chez d'autres, ici on ne voit rien de tout cela. Il faudrait que les gestes soient simples, émergents, vierges, en découverte, en explorations de leur vérité. Mais ce soir ce n'est pas le cas, on distingue du maniérisme, accompli avec gaucherie. Des postures tarabiscotées et jambe en l'air, mais qui auraient oublié leur achèvement. On tient enfin le début de quelque chose: des souvenirs d'autres danses, mais comme engourdies, léthargiques. Le printemps ne s'éveille jamais pour de bon. Se suivent des mouvements qui ne mènent à rien, courses gauches seins en main, tout le superbe reste en plan. Pas d'envolée. Des débris esthétiques, qui ne seraient pas posés là par hasard...mais pourquoi?

    Pour le second mouvement, toujours hasardeux, les corps se rencontrent. Un peu, mais dans une flagrante indifférence. Vagues frôlements, sans réactions, contacts incertains, rapprochements sans intentions. Tout sauf une représentation de l'attirance, de l'empathie, ni d'aucun autre sentiment. Puis des duos portés mous, danseuse balancée sur l'épaule comme un sac de linge. A nouveau une anti convention? Encore le refus du beau geste? Le pire pour finir: l'affalement de l'un sur l'autre, en une proximité inexpréssive, pour montrer ce qui ne se passe quand même pas quand le plus de peau s'épouse. Puis enfin le mouvement de groupe, mais en grappes. Les corps agglutinés et lents, englués ensemble. Tout au long-c'est un refus de plus- les lumières s'interdisent de montrer vraiment, économes jusque parfois aux limites de l'obscurité, pourtant créant à mi-parcours un soudain contraste, alors crues et blanches. Le véritable éclairage vient de la performance au violoncelle, qui pour l'essentiel prend place, après la danse. Une provocation comme le reste, provocation pas nécessairement à comprendre dans le sens agressif du terme, un dernier refus de l'interaction communément convenue entre la musique et le geste. Car pourtant les deux actes artistiques s'expliquent sans se rencontrer: comme chez Jean Pierre Robert l'instrument est utilisé au delà des approches  classiques, en explorant de nouvelles résonances, de nouvelles attaques, aux limites des cordes et du bois, de même que les gestes se jouent dans d'autres sens.  

    C'est fini, pour nous une seconde fois, on est pas plus avancé, et le contraste est frappant de par hasard revivre cette expérience juste après avoir vu Pietragalla. Dans Sade, il y a des audaces, de la créativité, mais solidement installées sur un socle d'expressivité, une base de romantisme, irréfutable et rassurante. On sait où on est, où du moins on sait d'où on part. Avec Charmatz, table rase des conventions, et là dessus reprise de fragments de langage déja-vu, ou d'anti-langage, dénoncé, c'est selon. C'est délicieusement intriguant et laisse sur une intéressante insatisfaction. Mais où va t'on? Est ce un nouveau vocabulaire qui est en construction, ou juste la déconstruction de l'ancien qui est montrée? Peut être faudrait il continuer à représenter Herses tous les 10 ans, pour sortir de l'engourdissement, et recommencer.

    C'était encore Herses(une lente introduction) ♥♥♥, de et avec Boris Charmatz, avec aussi Audrey Gaisan, Christophe Ives, Latifa laabissi, Alain Michard, cette fois avec Artdanthé.

    Guy

    P.S. : Boris Charmatz vient au Jeu de Paume (1 place de la Concorde Paris) présenter son film "Une Lente Introduction" mardi prochain 12 février à 19H, et en discuter. Avec les images de la création de Herses par la première distribution.  Et en attendant, Boris Charmatz s'explique un peu au CND .

    Re-P.S. Les musiques étaient d'Helmut Lachenmann, au violoncelle Andreas Lindenbaum

    PS. Aatt enen tionon est ici

  • Pietragalla: encore un effort pour être revolutionnaire!

    Avec Sade, il y a un vrai sujet. Pour s'aventurer dans les dédales pré- psychanalytiques vers la liberté absolue, et vers bien d'autres gouffres. Mais il y a de vrais e78fdb22ea05ec815b42ab9691f8e5c4.jpgrisques aussi. D'en faire trop, ou trop peu. D'en arriver, confronté à l'impossibilité de montrer l'insoutenable, à manier des substitus trop convenus. Marie-Claude Pietragalla doit être consciente de ces difficultés, qui fait une entrée forte, entravée d'un voile-linceul sur lequel sont inscrit les écrits du marquis.

    Las! Sade, pour commencer, est enfermé chez les fous: ce n'est pas faux, historiquement, mais doit-on pour autant cantonner Sade dans le registre de la folie?. Et ces fous, forcement, sont des gars en haillons, qui grognent et se grattent l'oreille, courent et copulent contre le mur. Ni transposition ni re-création, on reste enfermé dans la représentation, littérale sans pouvoir l'être vraiment non plus. Résultat: le propos en ressort affadi, et la chair cliché, un peu buto-bateau de trop de fond de teint blanc. Suivent d'autres poncifs d'ancien régime, dans le style club privé S.M. haut de gamme. La bande-son appuie sur le clou, à coups de massue et de décibels. Est il nécessaire d'être très explicite pour produire en danse un spectacle populaire?

    Heureusement, Pietragalla est une danseuse (c'est une litote, par exellence!). Il suffit qu'elle commence à danser pour qu'on oublie cage, fouets, chaînes et tout l'attirail. Et qu'elle nous parle de Sade d'une manière plus convaincante. Grace à un langage éperdu, rude, ample, s'égarant généreusement dans le vertige et la jouissance, à en ébranler les murs de l'asile. Autour d'elle, de même. Quand ils oublient de mimer la folie, les danseurs la traduisent en mouvements, font des duos des combats, font des moments d'ensemble des batailles ou des orgies sans pitié. Tout alors tombe juste dans la démesure. La question de juger si cela est ou non de la "belle" danse est tout à fait dépassée, ce qui change agréablement du contemporain pur et dur. Et la mise en scène finit par toucher au vif quant elle délaisse les lieux communs pour oser s'aventurer aux limites avant l'in-montrable. Empêchée alors justement de montrer elle suggère enfin, dans quelques tableaux qui se jouent et se blessent aux frontières des tabous. Pour rappeler, après un meurtre fondateur, aprés une cruxifiction nue et sans rédemption, que l'exercice de la liberté , de la jouissance sans freins, ne se résout que par le sacrifice des faibles, des innocents. Tout finit dans le sang, la révolution.

     

     

    C'était Sade-Le théatre des fous, ♥♥♥ de Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault, avec Aurore di Bianco, Julien Derouault, Nam Kiung Kim, Sébastien Perrault, Marie-Claude Pietragalla, François Przybylski, Yoham Tete et Claire Tran, musique de Laurent Garnier, avec la voix d' Alain Delon, à l'Espace Pierre Cardin. Et Alain Delon en vrai pour la générale de presse ( mais sans toge, ni lauriers)

    Jusqu'au 10 février (mais sans Alain Delon).

    Guy 

    P.S. : quelques paroles ici et quelques images chez Laurent Pallier et la video-promo

  • Ali Fekih ouvre les portes

    Ce vendredi soir, Faits d'hivers est à quelques heures de retourner hiberner. A 19H c'est le dernier moment des découvertes. Commençant par l'exploration d'une salle obscure avec Jean-Pierre Bonomo. Juste à peine éclairée par quelques lampes de poche, et encore, placées face aux murs. Quelque part dans cette pièce il y a une danseuse, que l'on voit peu, par éclipses de lumière dévoilant des tableaux figés. C'est sûrement dans cette frustration, dans l'attente et la parcimonie, en déplacements furtifs, que se joue le concept, chic et plastique. Soit. C'est vrai qu'on est toujours chaque fois curieux de la nouvelle position que l'on découvre, en suivant pas à pas l'inconnue jusqu'à ce qu'elle  émerge entre deux obscurcissements. A terre. Contre le mur. Debout. Inerte. Vivante. Au milieu de la pièce. Les membres étayés de planches. Habillée. Torse nu. Le dos envahi de plastique. Affublée d'un nez rouge démesuré, qui mute en béquille. Équipée d'ampoules. La belle bleue, la belle rouge! Joli. Interpellant. Mais à chaque extinction des feux, on revient au tout début. Pour une nouvelle, toute belle, image fixe... sans scénario? On cherche sa place. On finit par s'asseoir, prés de là où la danseuse finira bien par venir poser. Et cela continue, chic et relaxant, où sont les petits fours?

    Après cette performance en pointillés et clair-obscur, détonne la présence frontale, évidente, atypique et assumée d'Ali Fekih. Qui se paye le 975308699.jpgluxe d'attaquer son solo par un face à face silencieux avec le public. Est ce pour affirmer une fois pour toutes: "Je suis bien là"? C'est vrai qu'il est très improbable que le personnage ait pu arriver jusque sur une scène de danse contemporaine, avec sa dégaine à lui demander ses papiers, avec sa polio et sa patte folle, avec sa taille en dessous des normes. Mais Ali est bien là, avec ses béquilles, ses expériences tous-terrains, et pas mal de crânerie. Sans ses masques ce soir. Il est là, et tant mieux. Dés cette entrée la partie est en passe d'être gagnée. Aucune baisse de tension ne déçoit ensuite, le danseur se joue des styles pour devenir marionnettiste, animant par moulinets de béquilles des personnages de papier de journal. La même élégance est mise en oeuvre quand le solo en revient à la danse. A un corps inhabituel, un nouveau vocabulaire chorégraphique à inventer, qui exploite ses particularités physiques, un style marqué par une énergie bien mise en évidence. Puissance du torse, lutte de la force et de la souplesse contre les contraintes physiques. Contre la vulnérabilité. Ce combat-vérité est organisé avec le souci du spectaculaire, et un sens infaillible du tempo. "Il est fou Ali!" répète un enfant au premier rang. On a notre hypothèse pour expliquer cette efficacité. L'artiste vient de l'école du spectacle de rue et cumule sûrement bien plus d'heures de travail-sans filet et face au public- que beaucoup de ses camarades confinés aux seuls studios. On se lamentait en choeur, il y a quelques temps, à l'initiative de Faits d'Hiver et en présence de Nicolas Maloufi et d'Ali Fekih justement, sur la grande misère de la danse contemporaine, et toutes les difficultés à faire connaître la discipline au delà d'un milieu d'initiés. Que les gens d'Uterpan  poussent la logique jusqu'au point 0, l'hara-kiri artistique, est symptomatique. Mais qu'Ali Fekih, ovni dans ce milieu, soit accueilli ici, qu'il puisse ouvrir les portes, pour aérer le genre, est un signe beaucoup plus encourageant. Et il reste un malentendu à éviter: Ali Fekih n'a pas besoin de son handicap pour être un danseur remarquable. C'est plutôt sa danse qui nous fait voir le handicap autrement.

    C'était Ceci est mon corps ♥♥, de Jean-Pierre Bonomo, avec Vanessa Tadjine  (ou Tiana Delome?), et Des équilibres... à quoi ça tient ♥♥♥♥♥, de et avec Ali Fekih,co-mis en scéne par Anne-Catherine Nicoladzé, à 650845841.jpgMicadanses dans le cadre du festival Faits d'hiver, clos ce vendredi 1er fevrier.

    Guy

    Post scriptum le lendemain, samedi, quelque part dans Paris. Une fête d'école, mais d'une école pas tout à fait comme les autres. Réunissant des enfants scolarisés à la maison grâce au dévouement de leurs enseignants et de bénévoles. D'autres béquilles, des chaises roulantes, ou dans beaucoup de petites têtes de grosses difficultés à trouver les moyens d'affronter le monde. Certains ne peuvent venir, on pense à eux. Suivent des spectacles, préparés avec coeur et sérieux: certains enfants montent sur scène, pour se montrer à tous autrement, pour quelques instants. Souvenirs de la veille. La danse aide a comprendre la vie.

    photo d'Ali Fekih avec l'aimable autorisation de Jerome Delatour-Images de Danse

  • Ay Pepito!: la madeleine de Xavier Lot

    Pour Xavier Lot, le pepito de Belin a quelque chose de la madeleine de Proust. Mais, dés les premiers mots on est  prevenu contre le goût trompeur de la nostalgie. Malgré les saveurs du biscuit, tout n'était pas mieux avant. La 3169cd4a848f9efd956d11788f1eefdc.jpgpièce, 100% autobiographique, est racontée en habits de ville- en habits de vie- de l'enfance ouvrière à Chateau-Thierry jusqu'à la quarantaine d'aujourd'hui, entre les deux une jeunesse française qui s'ouvre sur la danse et sur l'Afrique. Et la rencontre avec Bienvenue Bazié.

    Le ton est sec, vrai, physique. Xavier Lot marche son texte, devant lui pousse une table, la tire, comme tout le poids de ses souvenirs, la renverse, l'escalade, parfois jusqu'à être emporté par le déséquilibre. Sur les points de repères collectifs (avec quelques surprenantes approximations de dates.. -Est ce un effet du flou de la mémoire?- Ce qui amène à faire le constat plus général que le texte gagnerait à être encore travaillé.) se tisse le déroulement de l'histoire personnelle. Le "Et moi, et moi, et moi" s'enrichit de "200 millions d'africains". C'est bienvenu, pour éviter tout enlisement dans le nombrilisme. C'est logique, tant la marche du monde marque toujours l'expérience individuelle. On le sait bien depuis "Je me souviens". Ces évènements sont autant de disparitions d'un monde qui part en lambeaux- ou un monde de plus en plus difficile à lire- la danse se crée en marchant tout au long de ce solo pour redonner du corps et du sens à ces souvenirs. Leur conférer de la beauté. A la répétition sans fin des gestes accomplis par l'ouvrier des années soixante répond celle des exercices interminables du danseur. La danse commence des bras tendus, pour manipuler d'invisibles outils.

    La danse aussi se réfléchit. Xavier Lot mène l'exercice biographique avec assez de force et de lucidité pour s'obliger à une reflexion sur son art, sur sa portée. S'interroge sur les nouveaux académismes, les pesanteurs acquises qui entravent ses aspirations à l'envol. Les doutes, les échecs, ne sont pas occultés. Car c'est aussi un constat de la quarantaine, sans auto complaisance, d'une féroce honnêteté. Les souvenirs- si sensibles soient ils- peinent à se reconstruire en un tout, à s'ordonner. Sinon à dessiner un tableau plutôt dépressif, aussi pessimiste que tous les bilans que l'état du monde peut inspirer, sur un fond de mondialisation. Alors que les ex-usines Belin se vident.

    Xavier Lot nous fait aussi remarquer que, s'agissant des papilles, la saveur sucrée se découvre dès l'enfance, mais l'amertume à quarante ans. Pas avant. C'est le goût-fort et troublant- qu'Ay Pepito nous laisse dans la bouche.

    C'était Ay Pepito! ♥♥♥♥, de et avec Xavier Lot, sur un texte de Ronan Chéneau et Xavier Lot, au Théâtre de Vanves, avec le festival Artdanthé

    Guy

  • Unger et Ferron: Short, cygnes, poupées

    A la lecture, les intentions énoncées par les plumitifs d' Etant Donné pour ce Show Case Trilogie paraissent un poil sérieuses et auto-centrées ("Explorer les notions constitutives du spectacle: l'idée de la beauté, l'idée du temps, l'idée de vacuité"). Elles laissent craindre un pensum sur la représentation représentée. Mais, soulagement, les chorégraphes mettent ces intentions sur le tapis avec une fraîcheur bienvenue.

    45db99de8175a7866221297499373b42.jpgDémonstration faite avec l'attaque de Let's Dance. Le tapis blanc immaculé apparaît comme un gouffre un peu effrayant dans lequel nos trois danseurs n'osent s'engager, avant de trouver un moyen- joliment enfantin- de d'y risquer. On a vu manière plus ennuyeuse de remettre en perspective l'espace scénique. C'est autant de distance ironique partagée vis à vis de ce qui pourra s'y dérouler ensuite: l'attaque en règle d'un morceau de choix de la matière-répertoire. Tchaikovsky en prend pour son grade, les irréprochables figures classiques en ressortent blessées à mort, même si les cygnes bougent encore. Les décalages sont parfois nets- des gags musicaux dans un esprit cartoon-, parfois installés avec plus de légèreté. Même si on atteint pas les sommets pince-sans-rire qu'ont explorés les Delgado-Fuchs. Mais dans ce jeu, très précis et élaboré, des quatre coins, la jubilation se fait complice. On pense un peu à la phrase de Charles B. (1821-1867) : "Le génie est l'enfance douée d'organes adultes pour s'exprimer".

    En seconde position, Laps est le type même de la pièce urticante. D'un coté il est toujours intéressant de s'intéresser au 9633b6ff6c941e427e5ae6dcab2fd4c9.jpgtemps, de l'autre on reste tout de même très loin de Saint Augustin. D'un coté le sous-titre est remarquable-"solo pour un danseur en short"-, de l'autre on se dit, passées presque cinq minutes de course sur place, que les plaisanteries les plus courtes sont les moins longues. D'un coté on a rarement vu sur scène quelque chose d'aussi sublimement laid que les chaussettes rouges et jaunes de Jerôme Ferron, de l'autre l'usage répété de l'aquarium apparaît d'une gratuité assez lassante. D'un coté il est approprié que Ravel soit la seconde victime, avec un bolero qui ne semble ne jamais commencer, de l'autre la performance ne semble pas parvenir à résoudre la difficulté qu'il y a à montrer l'attente tout en s'interdisant de suggérer plus que le commencement d'autre chose.

    De Beauté plastique, on a déja parlé ici l'an dernier de manière raisonnée. Non sans mérite car les belles Frédérique Unger et Emily Mézière n'arrêtent pas de déshabiller, ce qui trouble un peu le recul critique. Mais ce qui ne nous distrait pas, il est vrai, du sujet en lui 042956ed89810172b731a81f6c60b1f8.jpgmême: l'expérience de la beauté. La pièce gagne encore en cohérence quand ici elle conclue la trilogie: la saturation de notre espace de vision par les poupées (style) barbies prend une nouvelle force en vis à vis du vide aveuglant du tout début. Et la performance en froide efficacité: cette fois pas plus de 3 poupées renversées. La pièce persiste à être la plus construite et équilibrée des trois, et même la plus féroce. Pour autant  l'ensemble reste cohérent et ludique. Quitte sans doute à risquer, pour cette raison même, plus d'un procés en superficialité et insignifiance... Acquitté!

    C'était Show Case trilogie: Let's Dance..., Laps (solo pour un danseur en short), et Beauté Plastique ♥♥♥♥ , de et par Jérome  Ferron et Frédérike Unger (Etant Donné), avec aussi  Emily Mézières, à Micadances, avec le festival Faits d'hiver

    Guy

    Photos avec l'aimable autorisation de Jérome Delatour- Images de Danse

  • O

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    C''était X-event 0 de Annie Vigier/ Franck Apertet- Les Gens d'Uterpan, à Micadanse, avec le festival Faits d'Hiver

    Guy

    photos: merci à Jérome Delatour

  • Marion Ballester, la femme à la tête de vache.

    La scène est construite d'un rectangle de cartons, à plat. Mais on en reste là. Ou pas beaucoup plus loin. L'image pourrait être forte, riche de développements, on s'attend à une explication, même juste à une piste. Non. Cela reste flou, autant que la bande son est nette (Grâce à Alain Buffard, on connaît Joy Division). Yuval Pick  n'émerge pas de ce qui au sol devient sa prison, nous communique vaguement une sensation d'étouffement, mais nous en laisse nous évader, trop loin. Il enchaîne une succession de rudes tentatives d'élévations(évasions?) et de chutes. Non sans souffle. Mais lutte-t-il contre l'ivresse, contre lui-même, contre le monde? Contre les cartons? Qui toujours l'attirent au sol? On ne sait. Et on a l'impression d'attendre quelque chose qui ne vient jamais.

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    La femme d'après a une tête de vache. Depuis les salades vivantes de Jesus Sevari, on évolue du végétal au ruminant. La bête nous considère de ses yeux vides, et se promène, au son des cloches, animale et maniérée. D'une gestuelle bovine et précise en talons rouges aiguilles. Effet masque: on prête à la tête taxidermée et inerte tout les états d'émotion que le corps fait jouer. L'expérience est envoûtante et cocasse, bien qu'on ne comprenne pas très bien en quoi il s'agit d'un portrait de l'interprète, Marion Ballester. Ou alors, un portrait très, très loin ancré dans l'imaginaire. Puis la minotaure dépose sa tête, pour tout changer. La danse semble ensuite partir des épaules, pour une déambulation qui se transforme en une belle course, intrigante et graduée, un récit sans redites. Étourdi par le crescendo de la bande son, signée Denis Gambiez  qui nous plonge au coeur de la respiration remixée de la danseuse, de ses halètements et autres bruits organiques. L'effet est, à y repenser, tout à fait impudique.

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    C'était Living in pieces ♥♥, de Yuval Pick, puis From...ages mains tenant  ♥♥♥♥ de Osman Khelili avec Marion Ballester, à Micadanses avec le festival Faits d'Hiver.

    Guy

    Merci à Faits d'hiver pour la photo de Marion Ballester.

  • Cindy Van Acker: Temps 0

    Pour cet acte III de Faits d'hiver, evanouis les fantômes, et non plus nulle d'apparition d'un corps fantôme, qui par définition se manifesterait durant l'aprés du corps vivant. Place plutôt au corps d'avant, au corps de l'origine. Ce Corps 00.00 qui nous fascine plus que la pourtant belle virtuosité d'enchainements au sol d'Obvie.

    917554058.jpgCe corps fascine, jusqu'à vite faire oublier les aspects technologiques du projet, les stimulateurs électriques et autres fils, jusqu'à ce qu'on s'approprie la chose autrement. Pour formuler d'abord que Cindy Van Acker  ose sereinement une danse à risque, dans le sens où il s'agit d'une danse au bord toujours d'être trop abstraite, trop épurée. Non sans évoquer ce que fût parfois le buto. Une danse développée dans la lenteur, organique, concentrée et solitaire, introvertie, vierge de développement narratif, insouciante de tout rapport à l'autre. Dans un sens une danse d'avant l'histoire, tous repères effacés, d'avant le temps. On veut comprendre ainsi le titre: Corps 00.00. Cette piece est portée par un corps presque nu, comme d'avant la conscience sociale, et au tout début de la conscience de soi. Cette presque nudité ne se charge d'aucun érotisme, se laisse voir comme une nudité d'innocence toute proche de la naissance. Parce que de cette danseuse se dégage une forte, évidente, qualité de sérénité, Perrine Vallisemble toute destinée à incarner ce rôle. Dans une lumière de presque l'aube. Sous l'influence de musiques incertaines, qui émergent juste de la neutralité harmonique, dont les rythmes flous semblent à peine esquisser l'invention du temps. Perchée en hauteur, la danseuse chute deux fois, comme chaque fois accouchée. Le câble électrique auquel elle est relié devient ombilical. A terre, elle commence à inventer son chemin. L'existence s'impose peu à peu par l'action, par le geste, par la mesure du corps. Sans heurts. En évidences. L'espace est géométriquement exploré, comme il se doit pour un commencement, par les bras souvent tendus, et à l'aide de mouvements qui explorent les limites de l'équilibre. La danseuse aborde un parcours, dont des marques au sol imposent la progression des pieds et des mains. Elle l'exécute plusieurs fois, accéléré. Le récit commence ainsi à être, et avec lui l'ébauche d'un temps premier, défini par des évènements plusieurs fois répétés. Aux dernières secondes surprend un effet de lumière chaude. La danseuse est debout, immobile, éclairée comme une femme enfin. Face aux autres. Pour une vraie naissance.

    C'était, de Cindy Van Acker, Corps 00.00 ♥♥♥♥♥  avec Perrine Valli, et Obvie ♥♥♥♥, avec Tamara Bacci, à Mains d'Oeuvres, avec le festival Faits d'Hiver.

    Guy

     


    Corps 00:00
    envoyé par julienmdo

    Obvie
    envoyé par julienmdo

    video a voir sur le site de Julien saglio

    En quelle manière sont donc ces deux temps: le passé, et l'avenir; puisque le passé n'est plus et que l'avenir n'est pas encore? Et quant au présent, s'il était toujours présent, et qu'en s'écoulant il ne devint point un temps passé, ce ne serait plus le temps, mais l'eternité. Si donc le présent n'est un temps que parcequ'il s'écoule et devient un temps passé, comment pouvons nous dire qu'une chose soit, laquelle n'a d'autre cause que son être, sinon qu'elle ne sera plus? De sorte que nous ne pouvons dire avec vérité que le temps soit, sinon parce qu'il tend à n'être plus. Saint Augustin.

    photo de Cindy von Acker avec l'aimable autorisation de Jerome Delatour

  • Jean Gaudin et la Maison Hantée

    On avait la veille été témoin fasciné de l'apparition/disparition de spectres inspirés d'Emily Dickinson ("One need not be a chamber to be haunted"). C'etait As Far As d'Alban Richard.

    La sensation d'étrangeté flotte ce soir à nouveau, dans le décor renaissance toc et boisé du Théâtre du Ranelagh. L'arrière scène est ouverte sur un désordre défraîchi, comme d'un décor abandonné depuis des lustres. Des bruits hors contexte s'en échappent, et aussi des quatre coins du lieu, voire de partout ailleurs: en coulisse, en arrière vers l'entrée, en provenance des balcons. C'est quand apparaissent quatre individus hagards que l'on peut pour de bon s'inquiéter. Ces personnages sont habillés trop démodés-chic façon tweed années 30- pour être vrais. Ni vivants. Il leur manque une case, manifestement. Ou pire. Démarche raide et saccadée, agités de tics, ils vont droit devant eux jusqu'à se cogner aux murs. Mal barrés. Tournent et sautillent. Leurs regards se perdent vers des objets qui nous échappent. Plus qu'une explication: ils sont possédés. Par des esprits? Si c'est le cas, ces derniers ne tardent pas à prendre possession du reste de la scène: des créatures virtuelles se dessinent en effet en ombres sur les murs. Pour des danses endiablées. Toutes les dimensions du réel et du reste commencent à se télescoper, en un joli désordre.

    Tout cela déconcerte, met un peu de temps à s'installer. Mais les esprits prennent peu à peu le contrôle absolu de la salle. Des petites figures lumineuses et espiègles s'installent sur tous les murs du lieu. Les quatre décérébrés courent animés par des forces invisibles dans les travées, pratiquent des langages inédits, frayent avec les vivants. Ces danseurs ont du être danseurs dans une vie antérieure avant d'être zombies: ils dansent par éclats qui se laissent juste deviner. Heureusement, ils sont plus pittoresques qu'inquiétants, cocasses même. Les esprits deviennent franchement farceurs. Tout finira en un foxtrot endiablé, au son d'une très improbable yiddish swing music. On peut finalement s'habituer à vivre avec les esprits, s'ils sont de bonne compagnie.

    C'était fluXS.2  ♥♥♥  de Jean Gaudin, avec Bruno Dizien, Claudia Gradinger, Anna Rodriguez, Robert Seyfried, au Théâtre du Ranelagh dans le cadre du festival Faits d'Hiver

    Guy 

    P.S.:  une video, ici.

  • Alain Buffard: qui connait les chansons?

    1. I Wanna Be Your Dog (1969), d' Iggy Pop et des proto-punk The Stooges, ouvre le bal de (Not) A Love Song. Sur les trois accords habituels et à quatre pattes, pas besoin de traduction: il n'y a pas grand chose de plus dans les paroles que dans le titre. Retenons qu'on va parler d'amour avec humour, de passion avec distanciation. Tout un programme. Et Vera Mantero,  à défaut de faire star dans ce contexte, est très drôle quand elle fait le chien. Aux dernières nouvelles et contre toute logique, Iggy Pop est toujours vivant.
    2. S'installe ensuite, nonchalamment, la Femme Fatale (1966) de Lou Reed.  La chanson fut crée par l'anti-chanteuse Christa Päffgen, plus connue sous le nom de Nico (1943-1988). Dans l'album avec une banane en couverture. Sans ici dépayser: des Stooges au Velvet Underground, il n'y guère plus que la distance de quelques blocs du New-York de la fin des années soixante. La sophistication fait quand même la différence, et plus encore la caution snob d'Andy Warohl. Cette ballade aurait été inspirée à Lou Reed par l'actrice et mannequin à la trajectoire météorite Edie Sedgwick (1943-1971). Personnage également évoqué dans "Just like a woman" d'un certain Bob Dylan. Etre immortalisée par deux tubes planétaires, est- ce une raison pour disparaitre à 28 ans? Glamour, staritude, destinée tragique, cette sélection était en tout cas un must pour rentrer en plein dans la thématique de la pièce. Mais Lou Reed, comme Iggy Pop, survit.
    3. l'immense It's A Man's Man's World (1966) de l'immense James Brown (1933-2006), scie dont chacun pourrait réciter les paroles à l'endroit et à l'envers, s'avère ensuite un choix très -trop? - fédérateur. On pardonne pour deux raisons. D'abord l'interprétation par Claudia Triozzi  et sa partenaire est destructurée à l'extrême. Ensuite on a affaire, peut être, au premier hit féministe: Yes, it's a man world indeed, but it sure would be nothing without a woman or a girl. That's right, James.
    4. On ne rajeunit pas, avec Die Ballade Von Der Sexuellen Hörigkeit (1928) de Bertold Brecht (1898-1955) et Kurt Weill (1900-1950). Il était temps d'un peu s'aventurer musicalement hors des U.S.A.. Mais on est vite obligé de retourner là-bas, tant l'oeuvre commune aux deux allemands- qui s'exilèrent, mais séparement, en des temps dramatiques outre-atlantique  -a été acclimatée par les yankees. Mack The knife scatté par Louis Armstrong ou Ella Fitzgerald, Alabama Song électrifié par Jim Morrison, avant que le titre ne soit recyclé par un futur goncourt en chapeau d'une bio des Fitzgerald (Zelda et Scott, pas Ella). Jusqu'à Lou Reed qui s'est obligé à un September Song (de Weil sans Brecht) dans le bel hommage collectif Lost in the stars. Mais de quoi parlait cette "ballade de l'asservissement sexuel", dans le détail ? On a bien une petite idée, mais quelqu'un aurait il un Opera de Quatre Sous en V.F. sous la main? 
    5. Les paroles de Be My Husband (1966) de Nina Simone(1933-2003)- créditées à son mari Andy Stroud- sont juste un degré au dessus dans la complexité que celle de "I wanna be your dog". Quand même nettement au dessus sur le plan de la dignité. Une complainte en blues, un cri de désir, de passion déja déçue- on reste dans le sujet de la pièce- car on comprend vite que le mari en question ne va pas être digne de l'amour offert. Mais Nina Simone était une femme en colère, peut être parcequ'elle ne fut jamais la star qu'enfant elle aurait rêvée d'être. Doit on rappeler qu'elle était noire? Coup de théatre: on découvre que Nina aimait chanter Pirate Jenny et Alabama Song, écrits par nos vieilles connaissances Brecht et Weil. Il y a décidément beaucoup de correspondances dans cette playlist, cela ne doit sûrement rien au hasard...
    6. On revient dans les seventies, et sur notre continent, avec She's Lost Control (1979) de Ian Curtis (1956-1980) et des post-punk Joy Division. Alain Buffard joue avec les contrastes. Même si les arrangements reconstituent au tout une juste cohérence. Surprise: le groupe reprenait volontiers sur scène le Sister Ray de ses ancètres du Velvet Underground. Le nom "Joy Division" faisait référence aux femmes placées en situation de sexuellen Hörigkeit  par les nazi dans les camps. Tout à coup on ne rit plus. Oublions. Retenons plutôt que Ian Curtis choisit de mourir plus jeune encore qu'Edie Sedgwick. Plus jeune que Lou Reed et Iggy Pop, parce qu'eux sont toujours vivants. Quant à la chanson, elle nous rappelle qu'il n'y a pas de star sans une part d'hysterie et de déraison. Selon la morale dominante, un prix à payer.
    7. Avec La Macorina d'Alfonso Camin (1890-1982),  Chavela Vargas (née en 1919) fait, par évocation, son entrée sur scène. Enfin une star absolue. Parce que facinante et unique, dans sa manière de troubler la définition des genres sexuels. Non pas en raison de son homosexualité, que la chanteuse a d'ailleurs attendue 81 ans avant de rendre publique. Non pas en raison de sa liason avec Frida Khalo. Mais parceque Chavela s'habillait, fumait, chantait- chante toujours- comme un homme, s'appropriant attributs et repertoire masculin. Ce qui définit une star, c'est d'une façon ou d'une autre, la singularité.
    8. You're My Thrill fut composé par Jay Gorney (1894-1990). Comme Kurt Weil, un immigrant à Broadway et hollywood. Un juif ayant fuit les pogrom de sa Russie natale, mais rapportant au moins dans ses bagages l'ébauche de la mélodie de "Brother, Can You Spare a Dime" devenu l'hymme officiel de la grande dépréssion des années trente, et que chantonnait encore Billy T. Jones au Louvre, il y a quelques mois. Jay Gorney n'était pas une star, c'était juste un auteur, et vit sa carrière brisée par le maccartysme. Dans la chanson, aux parôles écrites par Sidney Clare (1892-1972), interprétée entre toutes par Billy Holliday, de quoi on parle-t-on? D'amour, quelle surprise!
    9. I'll be your mirror (1966) est, comme "Femme Fatale", à Lou Reed-période-Velvet-chanté-par-Nico.  Avec une nouvelle chanson indispensable, forcement (mais il y avait sans doute quelques milliers de chansons indspensables que Buffard aurait pu choisir parmi quelques millions de chansons d'amour). Quoiqu'il en soit,  pas de portrait de star sans son miroir, essentiel accessoire. Pas d'amour sans narcissisme et le reflet de soi même dans l'oeil de l'être aimé. Pas de play-list de Buffard sans deux morceaux de Lou Reed
    10. On ne pouvait non plus faire l'impasse sur Fame (1975) de David Bowie. Pour plusieurs raisons: David Bowie était (est toujours ?) une star moderne, a émergé en tant qu'icone androgyne, cultivant le mauvais genre comme Chavela Varas ou Lou Reed. Il fût l'artisan de plusieurs resurrections artistiques d'un autre monstre sacré: Iggy Pop. La star cynique au secours de la star maudite, en un beau dédoublement de personnalité. Fame théorise sardoniquement la célébrité éphémere, avec le soutien vocal de John Lennon, qui s'y connaissait en célébrité. Et sur un rythme irrésistiblement funky, pour faire bondir et sauter Miguel Guitierrez et ses deux partenaires, ce qui ne gache rien.
    11. Le choix de Moi j'm'Ennuie de Camille François et  Wal Berg (1910-1994) pose un serieux problême: la chanson a été reprise par Arielle Dombasle. L'oeuvre survivra surement à cette mésaventure, car elle en a connu d'autres depuis sa création qui se perd dans les années trente. Avant d'abandonner notre enquête on a quand même rencontré sur notre chemin la starissime Marlene Dietrich, qui se situe par ailleurs à la source de plusieurs inspirations  cinématographiques du spectacle, l'Ange Bleu, etc...  
    12. Avec (This is not) a love song (1983) de John Lyndon (ex Johnny Rotten) avec Public Image Limited(et non avec The Sex Pistols), a au moins été trouvé un titre- paradoxal- pour le spectacle (titre d'une originalité relative: vient d'être édité un roman français intitulé pareillement). Surtout c'est un pretexte commer un autre pour permettre à l'excellent instrumentiste Vincent Séal de s'époummoner 3 minutes.
    13. All Tomorrow's parties (1966) est du à Lou Reed. Toujours issu du même disque velvet, on craque un peu. On commence à se douter de ce qu'on doit trouver sur l'Ipod d'Alain Buffard, et on se réjouit d'avoir échappé à Walk on the Wild Side. Mais au hasard d'une consultation d'un forum de discussion, on lit un défenseur de Nico comparer son chant las à celui de...Ian Curtis. Troublant.
    14. Mais on assiste à un beau rétablissement final avec Je ne t'aime pas (1934) collaboration de l'écrivain (un peu) maudit Maurice Magre (1877-1941) et de Kurt Weil, lors de son passage à Paris. On répond "Moi si".  On retrouve tout l'emportement désuet de la chanson réaliste française, complainte, tristes reflets dans l'eau du caniveau, et grandiloquence. Merci d'avoir osé.

     

     

    Et tout au long du spectacle, des extraits de "Des orchidées au clair de lune” (1984) de Carlos Fuentes, écrivain et diplomate mexicain. Dernier ouvrage paru en France: "En inquiétante Companie"  (Gallimard).

    Conclusion: le temps de (Not) a love song, la danse post-moderne-post-non-danse contemporaine se ressource, se sur-référence, s'abreuve d'images, de littérature, de culture populaire, de chansons. Se guérit de la sécheresse du nombrilisme conceptuel. Tant mieux. Vera Mantero est habillée par Chanel, Claudia Triozzi par Christian Lacroix, et Alain Buffard inspiré par Broadway et par un répertoire musical à prépondérance anglo saxonne. Toute l'équipe artistique emmène la qualité vocale, chorégraphique, musicale, scénique, à haut niveau. Avec ce qu'il faut de recul et d'ironie. Pour aller vers des lendemains qui chantent? On voit ce soir- ce n'est pas par hasard- des personnages qui pleurent de ne plus être star (ou peut être de ne jamais l'avoir été ). Ne nous demandons même plus s'il s'agit ou non de divertissement, c'est de la possibilité même de l'enchantement dont il est question ici.

    P.S. : Et Sunset Boulevard... Il etait plus question, dans les interviews, de Sunset Boulevard que des autres sources d'inspiration cinématographiques. Et pourtant...si Alain Buffard voulait au départ s'inspirer de Sunset Boulevard, le projet a surement depuis évolué. Et pour cause: Sunset Boulevard (1950) n'est pas reproductible: l'essence du projet de Billy Wilder était de faire interpréter une fiction par les personnages mêmes. Que cruellement fiction et réalité se confondent: le rôle de Norma Desmond, ex star du cinéma muet, était interprété par Gloria Swanson, véritable ex star du muet. Norma Desmond vivant dans les réves de sa splendeur passée, et regardant, dans sa salle de cinéma privée, Queen Kelly. Queen Kelly, film megalo-sado-masoshiste réalisé à l'aube du parlant par Eric Von Stroheim, avant qu'on ne ne lui retire, et qu'il ne puisse plus jamais tourner. Eric Von Stroheim interprete bien evidemment, dans Sunset Boulevard, le rôle de Max von Mayerling, ex metteur en scène de Gloria Swanson, ex mari de Gloria Swanson, et desormais son domestique dévoué. Cecil De Mille joue son propre rôle, et Buster Keaton vient jouer aux cartes avec Gloria, sans desormais se soucier de ne faire rire qui que se soit.... Tout cela pour dire que ni Vera Mantero ni Claudia Triozzi ne peuvent être Norma Desmond/Gloria Swanson: elle ne peuvent être que Vera Mantero et Claudia Triozzi- ce qui déja est beaucoup- et jouer à être star dans le miroir.

    C'était (l'an dernier déja), (Not) A love Song  ♥♥ d'Alain Buffard, avec Miguel Gutierrez , Vera Mantero, Claudia Triozzi , Vincent Ségal au Centre Georges Pompidou, avec le Festival d'automne à Paris

    Guy

    L'article du Tadorne ici, et un extrait sur images de danse, l'article de Clochette bientôt