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dieu - Page 2

  • Shakespeare, pleine mesure

    Parvenu dans la salle du bas, on traverse comme à chaque fois la scène pour rejoindre son fauteuil. Mais on est accueilli ce soir sur cette scène par des jeunes gens qui y dansent, jouent de la guitare et des oeillades langoureuses. 5c253727713ad0541e02345447c02e02.jpgBelle troupe qui chante à l'unisson, dont trois rousses qu'un ado dévore des yeux. Belle invitation, évocation un peu canaille, mais assez sage à tout prendre, des bas-fonds de Vienne.

    On s'y amuse, dans ces bas-fonds, mais pas pour très longtemps. Car le Duc décide de quitter Vienne et laisser les pleins pouvoirs à son régent, Angelo, que celui ci remette de l'ordre dans les moeurs et la cité. Que la loi soit y appliquée dans toute sa rigueur originelle. Première mesure prise pour l'exemple: condamner à mort le jeune Claudio au motif de fornication.

    Difficile d'attaquer de manière plus extrême, on peut après ce départ en force considérer dans quelles situations la justice doit s'oublier pour accepter la tentation du pardon. Avec une intrigue qui se complique, car, comme souvent chez Shakespeare,les masques se flouent ou tombent: le pur et dur Angelo n'est pas si pur que cela, d'une humanité même odieuse à force de passions secrètes. Tandis que le Duc, allégé du poids de l'autorité, revient incognito observer les résultats de l'expérience: c'est un air connu et repris dans maints contes. Dilemme sur Dilemme, chez chacun des personnages s'affrontent en un combat aux ressonnances érotiques la rigidité des principes et la fragilité de la condition humaine. En premier lieu chez Isabella, soeur de Claudio, mise en situation de céder aux avances d'Angelo et ainsi pécher contre ses voeux de nonne. Mais pour la bonne cause: sauver par là la tête de son frère. Chacun des protagonistes se partage, confronté à la décision. C'est dialectique et joué sur le rythme d'une réthorique jamais pesante et trés moderne, on croirait par moment voir du Montherlant.

    Avant Hamlet, le Roi Lear, Othello et consorts à la rentrée, le T.N.O. prend le risque de laisser un peu de place dans cette intégrale Shakespeare à des jeunes compagnies. Sans convaincre à tous les coups- on a vu peu avant ici un Conte d'Hiver entrepris avec un peu trop de naïveté. Mais en permettant d'excellentes surprises. C'est ce soir le cas: passé la nervosité un peu palpable des premières minutes, l'enthousiasme paye. Car il est ici justement question de générosité, d'appétit de vivre et d'aimer malgré les lois et les règles. La pièce commence en drame, mais c'est le pardon et la tolérance qui ont le dernier mot, dans une très belle conclusion, sage et appaisée. D'une thématique, c'est assez inhabituel chez Shakespeare, nettement chrétienne.

    C'était Mesure pour Mesure de William Shakespeare, mis en scène par Béla Grushka, en alternance jusqu'en février 2008 au T.N.O., dans le cadre de l'intégrale Shakespeare.

    Guy

  • Port Royal: encore un peu d'éternité

    Toujours sur la scène du T.N.O.,encore des femmes aux cheveux cachés sous des coiffes noires. Mais cette fois vetues de robes d'un blanc immaculé, et croix rouges sur la poitrine: donc des religieuses. Les soeurs du couvent de Port Royal en 1664, qui pour continuer à vivre leur foi à leur façon rentrent en rébellion. Et seront dispersées. medium_champaigne_portrait_angelique.jpgL'affrontement montré ici nous est bien familier: celui d'Antigone contre Créon, celui de de Jeanne d'Arc contre Cauchon, de Don Alvaro contre le matérialisme de son époque, de l'idéal contre le pouvoir, de la pureté intransigeante contre le compromis et le réalisme, du spirituel contre le temporel, de la foi personnelle contre celle qu'encadre les canons.

    Mais ce soir, autour de quel enjeu? En quoi les doctrines de ces soeurs sont elles à ce point insupportables aux pouvoirs de l'époque? Il est extraordinaire que jamais tout au long de sa pièce Montherlantne nous l'explique vraiment. Les religieuses évoquent, du dedans, les menaces du dehors. Mais rien qui nous éclaire quant au jansénisme, la grace et les controverses théologiques. Rien sur les sujets dont elles devraient parler. Un pari sur la culture du spectateur de 1954? Celui de 2007 risque de se désintéresser un peu du sort de ces femmes, qui s'apprêtent à souffrir pour des motifs auxquels il ne comprend rien. En attendant, à huit nonnes qui attendent, on peut créer de très beaux effets: les habits blancs prennent la lumière superbement. Mais même si la langue est belle, pure et élevée, jusqu'à presque faire oublier les rumeurs qui grondent dehors le cloître, dans ce couvent l'éternité commence au bout d'un temps à durer un peu longtemps, surtout au milieu. 

    Une seconde pièce commence opportunement sur un nouveau rythme avec l'irruption tonitruante en ce lieu du pouvoir temporel de l'archevêque medium_champaigne_exvoto.2.jpgde Paris- Hardouin de Péréfixe (Jean Claude Sachot)-. Rouge écarlate, corpulent et volume sonore réglé à fond. L'adversaire se montre enfin, brutal ou patelin, qui empoigne littéralement les soeurs ou les embrasse avec effusion. Mais obligé d'utiliser la force faute de convaincre, réduit à perdre pour l'emporter. Et les soeurs confrontées à la question centrale de la pièce: souffrir jusqu'au martyr cette persécution est il le sublime accomplissement de leur démarche spirituelle? Ou n'est ce que folie et désobéissance, péché d'orgueil? Ou pire encore, en l'absence de Dieu, une vaine douleur. Heureusement on est chez Montherlant: on reste libre de penser et de conclure comme on le veut.

    C'est Port Royal de Montherlant, mis en scène par Jean Luc Jeener, au T.N.O.

    Guy

    Portrait de Mere Angélique et Ex votopar Philippe de Champaigne (1602-1674)

  • Van Gogh à Téhéran

    On a l'opportunité, pour quelques jours encore, de voir une troupe de théâtre expérimental iranien jouer à Paris. Et c'est medium_Vincent_Willem_van_Gogh_107.jpgau T.N.O.. On s'en serait voulu de manquer cette expérience, même si elle est un peu exigeante, déjà en raison de la barrière de la langue persane. Obstacle que ne lève pas la mise en oeuvre d'un sur-titrage déroutant. Mais à l'oeil et au timbre, il s'agit bien de théâtre contemporain, guère de doutes à ce sujet. Dans une version radicale et austère: voix blanches, stylisation extrême, dépersonnalisation des rôles, mouvements trés chorégraphiés, actions déroutantes et usage de divers objets et substances répandus sur scène.

    La matière première est occidentale: la correspondance de Vincent Van Gogh,un sujet universel il est vrai. Van Gogh aux portes de la mort, en proie aux tourments métaphysiques. Mais digne, dure, tendue, déroulée sur un rythme funèbre, l'évocation du peintre manque ainsi cruellement de couleurs. Sauf à deux occasions, quand du safran est éparpillé à terre, quand les actrices déploient des rubans multicolores. Car les actrices restent vêtues de noir et leurs cheveux cachés sous des pièces de tissus. Ce qui, à en rester à l'expérience de cette seule performance, marque une première singularité du théâtre expérimental iranien.

    C'est "Le Joug et le Papillon" de Mohammad Charmshir par la Cie virgule Performing Arts (Téhéran) et la cie du théatre de l'Epi d'or, au T.N.O. dans le cadre du festival "Le Coeur et l'Esprit"

    Guy

  • Hell: et l'enfer dans tout ça?

    C'est assez branché pour être programmé au Théâtre de la Ville, assez consensuel pour ne pas en faire fuir plus d'une vingtaine de spectateurs, assez malin pour faire applaudir tous les autres à plusieurs reprises en cours de spectacle, assez gonflé pour commencer avant que ces spectateurs ne soient installés, assez italo-néerlandais pour devenir tout à fait parisien, assez énigmatique pour faire intelligent, assez intelligent pour qu'on ne puisse plus en douter, assez sérieux pour s'attirer les éloges de Rosita Boisseau, assez riche en genres musicaux différents pour vous réveiller toutes les dix minutes, assez court de toute façon pour éviter que l'on s'endorme, assez long pour ne pas sembler fumiste, assez virtuose pour contraindre à l'admiration, assez varié dans son déroulement pour ne pas lasser, assez érudit pour ravir les connaisseurs, assez riche en terme de vocabulaire chorégraphique pour intéresser même les profanes, assez déshabillé pour émoustiller les spectateurs de toutes préférences, assez rusé pour surprendre, assez doté en danseurs, en effets sonores et visuels, en budget pour qu'on en ait pour son argent, assez travaillé pour mériter le respect, assez sombre pour paraître profond, assez drôle et second degré pour qu'il soit moralement permis de se détendre.

    Un professionnalisme digne de Broadway au service de la danse contemporaine, tel semble être le concept mis en oeuvre par Emio Greco. Le secret du succès. 

    D'où vient alors, qu'on se dit qu'assez, c'est trop ou trop peu, qu'on n'est pas totalement satisfait ? Qu'on aurait presque préféré, un peu d'imperfection? Est ce parce qu'on est jamais content, comme un enfant gâté ?

    Mais au fait, ça parlait de quoi?

    C'est Hell  , d'Emio Greco et Pieter C. Scholten, au Théâtre de la ville, ce soir encore.

    Guy

    P.S. Le regard d'images de danse, ici

  • Dona Juana mon amour

    S'agissant de spectacle vivant- autour de Molière, du Buto, du Schubert, de quoique ce soit d'autre- il faut donc tout essayer.

    Essayer par exemple de faire de Don juanune femme. D'inverser le genre sexuel de tous les personnages de la pièce: Don Elvir trahi et éploré, la statue de la Commandeuse, et douze cavalières au loin.

    Contre toute attente, cela fonctionne.

    Et cela fonctionne très bien même: le texte, qu'on ré-ecoute soudain des deux oreilles, se déplace du masculin au féminin, mais revient vite quelque part au milieu, chargé de toute l'électricité des deux pôles. Cette Dona Juana(Christel Willemez) qui veut aimer tous les hommes dégage un charme ambigu, puissant, vénéneux, une autorité inquiète, qui attire et effraye sa bonne et simple Sganarella(Johanne Thibaut).

    Dépoussiérage, éclairage inédit, judicieux à une époque où les stéréotypes masculins et féminins sont moins figés que jamais (Myra Breckinridge, es tu là ?). La comédienne, après la représentation, confiait pourtant au public toute la difficulté qu'elle avait eu à jouer, en tant que Dona Juana, une scène de séduction très "active". Et à lutter contre un atavisme plutôt féminin: inciter l'autre à venir séduit vers elle.

    De notre point de vue, elle jouait des deux cotés à la fois, et c'était délicieux.

    Mais plus encore que le "don-juanisme", ce sont les thèmes premiers de la pièce qui profitent de cette cure de jouvence: le rationalisme du "un et un font deux" opposé à la religion, le libertinage au sens philosophique du terme. Thèmes qui brûlent de toute la modernité du texte de Molière (1622-1673), dèja en avance de prés d'un siècle sur l'idéologie des lumières, thèmes plus qu'encore d'actualité, évidemment.

    Le résultat est drôle et nerveux, et malgré le surprenant postulat de départ, trés respectueux du texte dans l'esprit et la lettre. Le tout reste plus sage et classique à tout prendre, que le Don Juande Montherlant que l'on peut encore voir au T.N.O.

    Sage, mais un peu coquin quand même, pimenté par ces intermèdes dansés en fond de scène, voilé d'un onirique très à propos, contrepoints mi-sados mi-technos aux scènes à texte. Pas explicites vraiment, comparés par exemple aux exercices récents d'Ann liv Young, et artistiquement c'est tant mieux. Assez implicites quand même pour recaptiver l'attention des lycéens franchement dissipés: au moins reviendront-ils peut-être un jour écouter Molière.

    C'est Don(a) Juan(a), par le Theatre ephéméride, mis en scène par Patrick Verschueren, au Théatre du Lierrejusqu'à mi-decembre.

    Guy

  • Vera Mantero: 1/10 (pour les costumes)

    Dieu  est decidement tendance en novembre. Avec ce soir: "Jusqu'à ce que Dieu soit détruit par l'extrême exercice de la Beauté"

    Pourquoi pas...

    Mais après ce qu'on a vu ce soir, on peut être rassuré (ou déçu): Dieu a encore de beaux jours devant Lui. A moins que Dieu Lui-même puisse mourir d’ennui. 

    A en croire certains, Dieu aime par dessus tout les enfants et les faibles d’esprit. Dans ce cas, il peut se réjouir en observant les activités d’école maternelle auxquelles se livrent Vera Mantero  et ses invités. Cela s'appelle "le chef d'orchestre". L'un des six bienheureux- ils sont tous assis en rang d'oignon- prononce une syllabe et puis une autre après, et chacun d'ânonner la phrase à sa suite- une généralité comme tirée d'un manuel d'anglais pour touriste pressé- et de mimer avec lui. Si vous vous ennuyez, ne vous reste qu'à deviner qui a parlé le premier.

    Et sur scène, quand on se lasse, on bouge les chaises. Et après on recommence, puis on re-bouge les chaises encore. Autour d'une météorite géante, posée là sur la scène, sublime forcement.

    C'était Jusqu'à ce que Dieu soit détruit par l'extrême exercice de la Beauté" au Centre Georges Pompidou - est il vraiment besoin de le préciser?

    Avec la bénédiction du Festival d'Automne à Paris.  Demain soir à nouveau, et encore le soir d'après.

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  • Sans Dieu ni Maitre

    On ecoute: on est surpris.

    medium_mort.jpgEt l'on doute. Est-ce vraiment Montherlant qui est l'auteur de ce "Don Juan"? Ou alors un Montherlant qui aurait renoncé à sa manière, à ce style brillant, trés entre-deux-guerres. Pour s'aventurer du coté de la dérision, de l'ellipse, du second degré, de l'urgence. Pour sonner très contemporain, soudain.

    On est surpris, on est pas déçu. On avait écrit icique Montherlant ne savait pas faire rire. On se trompait. C'est un jeu de massacre, très méchant. Montherlant prend le mythe à contre-pied, tire sur la statue du commandeur à boulets rouges, secoue la thématique en tous sens. Pourtant on se se refait pas: Montherlant et Don Juan étaient fait pour se rencontrer. Le thème central reste la foi, et donc son absence, sa négation plutôt, l'instant terrible où l'on blasphème mais pourtant rien ne se passe. Ni foudre ni tremblement de terre. Juste libération ou désolation.

    Ne reste à Don Juan qu'à se livrer à une course effrénée de conquêtes, pour habiter le présent et nier le néant.

    Dom Juan éructe donc, cours, tombe, rie, sue, s'enivre- Le "Baal" de Brechta trouvé un sérieux concurrent, un peu plus propre sur lui quand même- insulte le ciel en vain. Et il ne se trouve pas un personnage pour lui apporter la contradiction, la statue du commandeur n'est que l'effet d'une plaisanterie douteuse. Comme si Montherlant avait enfin cessé de faire semblant de croire en Dieu.

    C'est "La Mort qui fait le trottoir (Don juan)" m.e.s. par Sylvain Ledda, toujours jusqu'à fin décembre, toujours au T.N.O.

    Guy

  • Des choses cachées...

    "Je dirai, puisque tu le veux, la rose. Qu'est-ce que la rose?

    Ô rose !
    Eh quoi ! Lorsque nous respirons cette odeur qui fait vivre les dieux, n'arriverons-nous qu'à ce petit cœur insubsistant qui, dès qu'on le saisit entre ses doigts, s'effeuille et fond, comme d'une chair sur elle-même toute en son propre baiser mille fois resserrée et repliée?
    Ah, je vous le dis, ce n'est point la rose! C'est son odeur, une seconde respirée qui est éternelle!
    Non le parfum de la rose ! c'est celui de toute la Chose que Dieu a faite en son été !
    Aucune rose ! mais cette parole parfaite en une circonférence ineffable
    En qui toute chose enfin pour un moment à cette heure suprême est née !"

    medium_affiche_cantate.jpgSoyons franc, un peu: passé les premiers instants on renonce à vraiment saisir le sens de ce texte de Paul Claudel (1868-1955). Tant mieux: on abdique, et bientôt on se laisse emporter au fil des mots de "La Cantate à Trois Voix", yeux grands ouverts, au gré des images que ces voix nous évoquent. On accepte tout alors, de même qu'on a accepté de descendre et se laisser guider au plus profond le long des couloirs surplombés par voutes cachées sous l'église Saint Sulpice.

    Pour entendre: "Ô paradis dans les ténèbres !
    C'est la réalité un instant pour nous qui éclôt sous ces voiles fragiles et la profonde délice à notre âme de toute chose que Dieu a faite !
    Quoi de plus mortel à exhaler pour un être périssable que l'éternelle essence et pour une seconde l'inépuisable odeur de la rose ?
    Plus une chose meurt, plus elle arrive au bout d'elle-même, Plus elle expire de ce mot qu'elle ne peut dire et de ce secret qui la tire ! Ah, qu'au milieu de l'année cet instant de l'éternité est fragile, extrême et suspendu !
    _ Et nous trois, Laeta, Fausta, Beata, n'appartenons-nous pas à ce jardin aussi, à ce moment qui est entre le printemps et l'été (...) Ah, l'important n'est pas de vivre, mais de mourir et d'être consommé !
    Et de savoir en un autre cœur ce lieu d'où le retour est perdu, aussi fragile à un touchement de la main que la rose qui s'évanouit entre les doigts! (...)
    Mais toi, mon âme, dis : Je ne suis pas née en vain et celui qui est appelé à me cueillir existe !
    Ah, qu'il reste un peu à l'écart ! je le veux, qu'il reste encore un peu de temps à l'écart !
    Puisque où serait la foi, s'il était là? où serait le temps? où le risque? où serait le désir? et comment devenir pleinement, s'il était là, une rose ?
    C'est son absence seule qui nous fait naître"

    Il fallait sans doute beaucoup d'inconscience ou de témérité à ceux d'Heautontimorouménos pour s'attaquer à ce monument. D'une poésie qui nous parait déjà si lointaine, rare, étrange, surannée, comme si le rapport au monde qu'elle induisait ici était hors de notre atteinte de bien plus que d'un siècle.

    Mener à bien ce projet, ne serait ce que techniquement, inspire déja en soi le respect. Les trois interprêtes, et si jeunes pourtant, n'en paraissent presque pas intimidées. Elles dialoguent, chantent avec chacune leur timbre propre leur part de ce long poème. Citons les: Camille Cobbi, Clémentine Marmey, Clémentine Pons.

    Leur chant d'abord importe, porté par ces trois corps, autour d'elle un espace sobre nourri d'une lumière mesurée qui laisse sa place au mystère, et le reste est une question de séduction. Entre mélancolie, amour, foi, ferveur, mysticisme, rapport à la terre, absence de l'être aimé, éternel retour des saisons, dans cette profusion de significations est fait ici le choix de la sensualité. 

    Jusqu'à mi octobre, presque tous les soirs et pour pas moins de 12 spectateurs à la fois, à la Crypte Saint Sulpice.

    Guy

  • Le Maitre de Santiago

    On hésitait un peu, on n'osait pas vraiment, mais on s'est enfin décidé: à suivre hier soir Montherlant,sur la pointe des pieds, le long des chemins les plus austères, ceux qui mènent aux sommets les plus élevés. On a vu le Maitre de Santiago. Et on aura du mal, après, à oublier.

    medium_Montherlant.jpgLe contexte: l'Espagne du début XV°, juste libérée de la domination maure, tendue vers la conquête des Amériques, et de son or.

    Le sujet: Don Alvaro, héros de la bataille de Grenade, maître de l'ordre chevaleresque de Santagio, est sollicité pour partir s'enrichir dans le nouveau monde. Qu'il puisse ainsi doter sa fille Mariana, afin qu'elle se marie avec son bien aimé. Mais Don Alvaro refuse. Tout dans ce siècle ne lui inspire que dégoût, et plus que tout la vanité d'avides conquêtes, vouées à l'échec. Il n'aspire qu'au silence, qu'à la pauvreté et à la prière. Quitte à entrainer Mariana avec lui dans la voie de l'extrème dépouillement. Jusque vers le renoncement au monde, vers l'absolu, vers Dieu ou le néant.

    La religion est donc ici évoquée dans son acceptation la plus mystique, la plus austère, la plus pure. La plus dure et intransigeante aussi. Avec un texte grave, brillant, mais d'une clarté acérée. En aucun cas un plaidoyer ou une condamnation univoque. Dans la tradition du grand théâtre d'idées, se confrontent les positions morales par la voix des personnages. Les compagnons de Don Alvaro ne se privent pas de lui dire à quel point sa recherche solitaire du salut s'accompagne de froideur et d'égoïsme, d'indifférence vis à vis du prochain, y compris vis à vis de sa fille. De lui montrer à quel point sa charité ressemble à du mépris. Mais le spectateur est adulte, à lui de méditer, et de trancher. S'il peut.

    Mais il ne s'agit pas d'un débat froid et abstrait, il s'agit de doute et de souffrance. Jean Luc Jeener, le directeur du T.N.O., incarne Don Alvaro. Aurait-il organisé le cycle Montherlant dans son théâtre qu'à ce seul effet qu'on ne pourrait lui donner tort. S'il met de tout son corps en évidence la fragilité du personnage, ce que Don Alvaro a aussi d'effrayant, d'extrême, de presque monstrueux n'est pas pour autant occulté.

    Le texte est traité ici avec un grand respect, mais il ne pouvait être fait d'autre choix en vérité. La mise en lumière est admirable, l'espace organisé sur une diagonale avec en son extrémité une croix immense, vers laquelle jusqu'à la fin les personnage tendent.

    Guy

  • Jeanne d'Arc (de Maeterlinck)- l'épisode final

    Il est temps que le cycle "Jeanne d'Arc et d'autres femmes" (au T.N.O.) s'achève. C'est passionnant mais à la 4° Jeanne on s'y perd un peu, on commençe à croire voir des pucelles qui dansent du Buto.

    medium_jeanne_dreyer_1.3.jpgC'est sans doute par cette Jeanne là (version Pierre Pirol) qu'on aurait du commencer.

    Qui nous emmene droit au coeur de la thématique, sans s'égarer. Un théâtre intense mais stylisé qui ne perd pas un temps trop précieux à rechercher le réalisme. Parti pris dés l'introduction, quasi plasmodiée par un frere Martin saississant, puis à la première rencontre entre Jeanne et le Dauphin, confrontation traitée comme une scène d'amour sublimée. Un théâtre à hauteur d'homme, où la stricte narration s'assume en tant que telle, où l'émotion n'est jamais galvaudée, où la voix ne s'élève vraiment que quand il est temps. Mais alors elle porte vraiment.

    Et enfin un theatre servi par un vrai texte, depuis le temps qu'on attendait ça.

    Un vrai texte de scène, dont les répliques vont à l'essentiel: "Mon roi, il ne faut pas pendre les hommes: ils peuvent en mourir". 

    Un texte adapté de Maurice Maeterlinck(1862-1949), poète, dramaturge symboliste, ami de Rodin, Verlaine et Oscar Wilde, nègre de Salazar, prix Nobel de littérature, et belge aussi (Si,si ! On vous entend penser d'ici mais on confirme, il était tout ça à la fois).

    Mais Maeterlinck procède à de larges emprunts à une autre version: celle de Jeanne elle même, selon ses dépositions.  Ceux qui auront la chance d'assister cette semaine aux dernières du "Procés de Jeanne d'Arc" directement tiré par J.L. Jeener des minutes authentiques, pourront le confirmer.

    Extraits: - Question du juge: "Saint Michel vous est -il apparu nu ?" Réponse de Jeanne "Pensez vous que Dieu n'ait pas medium_jeanne_anais_ancel.gifde quoi le vêtir?" Le Juge"Etes vous en état de grâce?" Jeanne "Si je n'y suis, Dieu m'y mette. Si j'y suis, Dieu m'y tienne."

    Le bûcher nous a privé, à l'âge de 19 ans, d'un grand auteur de théâtre. De quoi rendre tout adaptateur modeste!

    Mais hier, le dernier prodige de Jeanne d'Arc était de rassembler, pour écouter un texte trés loin de toute mode, prés d'une centaine de personnes, des étudiants aux retraités, un lundi soir dans une salle exiguë et surchauffée.

    Guy

    P.S. : on avait pas de visuel, sauf de Mr Maeterlinck, beaucoup moins photogénique que Rénée Falconetti ( dans "La passion de Jeanne d'Arc" Dreyer, 1928, mais vous avez complété de vous même).

    P.P.S. Cela donne envie d'aller voir "Alladine et Palomides" du même Maeterlinck, cette semaine au Theatre de l'Opprimé. En tout cas on va essayer, rien que pour le titre.

    P.P.P.S du 26 février 2007: on s'est découvert un peu recopié mais pas cité ici. On est trés mal placé pour donner des leçons de propriété intellectuelle, ayant soi -même pillé tout plein d'images un peu partout avant de s'assagir un peu. Mais en représailles, on prend en otage une photo d'Anais Ancel, ravissante Jeanne. Na! Et on profite de l'occasion pour nommer Claude-Henri Rocquet , dont on ignorait jusqu'àlors le rôle d'adaptateur.