Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Un Soir Ou Un Autre - Page 79

  • Yumi Fujinati- Kao (en 3 D)

    3 souris aveugles, comme dans la comptine. Elles trottinent, affolées, incertaines, fébriles. Visages cachés sous des bonnets qu'elles medium_lierre.3.jpgn'osent relever. Peut-être ont-elles compris, pas tout à fait folles, que le monde est effrayant et cruel. Ou est-ce tout au fond d'elles-mêmes, qu'elles n'osent regarder? Heureusement, nos personnages découvrent vite que le sexe console et distrait.

    Du Kao version Fujitani-solo, qu'on avait vu en mai à l'Akteon, à ce Kao en trio hier sur le beau plateau du Théatre du Lierre, on a changé de mode.

    Le thème du visage...masqué, est le même. Mais il ne reste que des échos de la violence primale que l'on avait ressentie à l'origine, place ici à une ironie distanciée. On ne s'effraie plus, on sourit complice. Malgré la gravité du propos un spectacle donc burlesque, mais il y aura un moment très poignant, quand les trois visages se découvriront, justement.

    Autant dire que tout est changé. Dans cette réadaptation pour 3 jeunes danseuses et comédiennes du solo d'origine, dirigée par sa créatrice Yumi Fujitani, tout est plus chorégraphié, plus construit, réinventé, de la bande son expressive à l'ambiance vidéo. Comme un premier aperçu d'un buto policé. "Néo-buto", ecrivent-elles...


    Kao Cie3Garances
    envoyé par G-mO

    Du spectacle on pourra avoir une idée, mais très réductrice, grâce à quelques extraits, ici(les trois garances)

    C'était Kao de Yumi Fujitani avec Elise Hénault,Céline Angèle, Sibylle Jounot.

    Guy 

    P.S. Jusqu'à la fin du mois, les soirées seront bien occupées. Le kao s'intalle au Lierre, encore pour ce soir et le soir d'aprés. Le festival bertin Poiré bat son plein , on y verra la semaine prochaine Moeno Wakamatsu rejoindre Masaki Iwana sur scène. Dans le même temps, Maki Watanabe et Gyohei Zaitsu danseront Esse de Karry kama Karry au Café de la Danse. Même l'entrée du parc Montsouris sera investie dimanche soir par Regina Goeger.

    Vertige...

    Exprimez vous: vous pouvez laisser un commentaire... et/ou voter ici!

  • Arias -2 fois Sumako Koseki

    Sumako Kosekiondule et grimace, grimée, accroupie à terre, mime-araignée. L'ample robe à plis et à la couleur passée se déploie pour permettre toutes les excentricités, et à Sumako de changer subtilement de formes sous une lumière économe. Longtemps après encore elle évolue station debout en ironiques équilibres, pour incarner différentes facettes d'une folie douce de trop d'humanité désuète. Pour cela à nouveau Sumako gonfle les joues et s'enlaidit, accélère insensiblement le rythme très lent jusque-là, s'agite en gestes de poupée mécanique, et prend le parti du grotesque plutôt que celui du tragique.

    Noir et reprise. Sumako au sol à nouveau, la robe glisse un peu comme du serpent la peau. Retournements et reptations. Mais-hésitation- la mue est avortée et Sumako reste habillée. La suite semble plus inquiète. Le son, posé en avant plan, a aussi son importance, ni tout à fait bruitage ni tout à fait musique.

    Noir a nouveau, cette fois Sumako revient en robe rouge. Est ce la dernière partie d'un tout ou un nouveau solo? En tout cas il se manifeste plus contemporain de forme, moins "buto". Sumako tient à grand peine un long miroir entre les bras, s'en cache glace dirigée vers les spectateurs, et l'enserre entre ses jambes, pour y ouvrir un espace de reflets. Quel message la danseuse veut-elle ainsi nous renvoyer? Quoiqu'il en soit, quand plus tard ce miroir est perdu, Sumako erre telle une âme en peine à la recherche de son image disparue. Pour qu'on s'y égare un peu aussi, cet accessoire ne nous a pas permis d'atteindre tout à fait l'essentiel. Jusqu'à ce que la pièce se conclue. Aprés 60 minutes de solo, dont bien peu de perdues.

    C'était "Arias", c'était ce soir et c'est demain encore à Bertin Poiree

    Guy

  • Voyage au bout de Copi- La Nuit de Madame Lucienne

    On avait promis, on a tenu: aprés Gabegie, ce soir on a vu "La Nuit de Madame Lucienne". De Copi (1940-1987). Cela change de Jeanne d'Arc. Cela change beaucoup, même. medium_affiche_lucienne.jpg

    Tout dans le ton, dans le visuel est criard, vulgaire, baclé, laid, cruel. A dessein. Façon de plonger dans l'univers de Copi, rats, références seventies, carton-pâte, dégoût et hystérie, travesti. 

    Non-histoire: on répète une pièce, et quelqu'un a tué Madame Lucienne. Juste un prétexte pour malmener les conventions du theatre de boulevard et de la pièce policière, étirées, mises à mal, retournées, distendues. On rit au premier degré-un peu, ou on rit jaune, ou on ne rit pas du tout, car comme souvent la parodie menace toujours de trop ressembler à son modèle. La machine ricane et tourne sur elle-même jusqu'à s'épuiser, mécanismes mis à nu. Seules quelques parenthèses musicales et moqueuses ré-enchantent la scène. 

    Jusqu'à ce que, de mise en abîmes en variations piradeliennes, nos derniers repères soient perdus. Et que Madame Lucienne surgisse, pour tuer le théâtre, d'un faux coup de revolver.

    Ce coup là, qui laisse un goût amer, trop dangereux, trop désespère, trop cynique, on n'a le droit de nous le faire qu'une fois.

    Mais la représentation était unique, c'était juste pour ce soir là.

    Soit.

    Guy

  • Indigestion a l'Echangeur

    Hier soir menu varié à l’Echangeur, avec quatre danseurs, quatre soli.

    L' entrée en matière est pourtant un peu maigre avec les « Peaux » de Pedro Pauwels. Qui nous propose un régime très conceptuel et contemporain, impossible rébus sur une esthétique de déambulations/immobilisations et bâches plastiques.

    On est quand même séduit en seconde partie, par le tutu mélancolique et le projecteur à main, manié avec une pudeur qui laisse deviner une immense sensibilité, à fleur de peau justement. Le tout avec une remarquable économie de moyens.     

    En guise de plat de résistance, Erika Zueneli danse « Noon », pour évoquer Edward Hopper. La ressemblance est saisissante, dés le premier tableau. Mais il faut bien que la danseuse danse ensuite, et tant mieux, car ce point de départ n'a sans doute été que prétexte pour développer, sur une partition de Denis Chouillet, des variations plus personnelles. Où il est question de confrontation au social, de frénésie, de spasmes et de tensions, de désirs et de frustrations, de troubles émotions. Après divers dérèglements, on conclut par un nouveau tableau immobile, tout naturellement.

    Mais comme souvent, tout se gâte au dessert pour que l’on reste sur sa faim.

    D’abord huit minutes encore trop indigestes, à regarder Hélène Marquié larmoyer, et à subir en boucle la même chanson de Colette Magny. Le procédé est exaspérant: est-ce pour bien s’assurer que l’on comprenne? Où pour nous distraire de cette progression pathétique, ponctuée d’un triste dégagé de décolleté. Déjà le titre agaçait: « Vos lacunes font émerger nos rêves »Qui est le Vous ? Qui est le Nous? Peut-être nous-mêmes, hermétiques, et qui ne remercions pas l’Unesco, pour avoir commandé ce chef- d’œuvre. Qui a pour ambition d’évoquer les violences faites aux femmes, elles s’en sont sûrement trouvés réconfortées.

    Cela ecrit, comme on n'a pas été trés gentil, ceux qui voudront en juger par eux-même, pourront regarder ici.

    Quant à Yukiko Nakamura….On aurait du fuir dés la lecture du programme : « …Et encore au loin regarde une vue de mon dos. Elle regarde quelqu’un qui n’est plus là. Et moi non plus ».Hélas on est resté, à regarder, et elle aussi, au loin.

     Guy 

    P.S. Le programme continue ce w.e. avec changements de plats. Et entre autres Elena de Renzio, pour "Ah! Ah!", qu’on avait aimé une autre soirée cette année à Bertin Poirée.

  • Jeanne d'Arc (de Maeterlinck)- l'épisode final

    Il est temps que le cycle "Jeanne d'Arc et d'autres femmes" (au T.N.O.) s'achève. C'est passionnant mais à la 4° Jeanne on s'y perd un peu, on commençe à croire voir des pucelles qui dansent du Buto.

    medium_jeanne_dreyer_1.3.jpgC'est sans doute par cette Jeanne là (version Pierre Pirol) qu'on aurait du commencer.

    Qui nous emmene droit au coeur de la thématique, sans s'égarer. Un théâtre intense mais stylisé qui ne perd pas un temps trop précieux à rechercher le réalisme. Parti pris dés l'introduction, quasi plasmodiée par un frere Martin saississant, puis à la première rencontre entre Jeanne et le Dauphin, confrontation traitée comme une scène d'amour sublimée. Un théâtre à hauteur d'homme, où la stricte narration s'assume en tant que telle, où l'émotion n'est jamais galvaudée, où la voix ne s'élève vraiment que quand il est temps. Mais alors elle porte vraiment.

    Et enfin un theatre servi par un vrai texte, depuis le temps qu'on attendait ça.

    Un vrai texte de scène, dont les répliques vont à l'essentiel: "Mon roi, il ne faut pas pendre les hommes: ils peuvent en mourir". 

    Un texte adapté de Maurice Maeterlinck(1862-1949), poète, dramaturge symboliste, ami de Rodin, Verlaine et Oscar Wilde, nègre de Salazar, prix Nobel de littérature, et belge aussi (Si,si ! On vous entend penser d'ici mais on confirme, il était tout ça à la fois).

    Mais Maeterlinck procède à de larges emprunts à une autre version: celle de Jeanne elle même, selon ses dépositions.  Ceux qui auront la chance d'assister cette semaine aux dernières du "Procés de Jeanne d'Arc" directement tiré par J.L. Jeener des minutes authentiques, pourront le confirmer.

    Extraits: - Question du juge: "Saint Michel vous est -il apparu nu ?" Réponse de Jeanne "Pensez vous que Dieu n'ait pas medium_jeanne_anais_ancel.gifde quoi le vêtir?" Le Juge"Etes vous en état de grâce?" Jeanne "Si je n'y suis, Dieu m'y mette. Si j'y suis, Dieu m'y tienne."

    Le bûcher nous a privé, à l'âge de 19 ans, d'un grand auteur de théâtre. De quoi rendre tout adaptateur modeste!

    Mais hier, le dernier prodige de Jeanne d'Arc était de rassembler, pour écouter un texte trés loin de toute mode, prés d'une centaine de personnes, des étudiants aux retraités, un lundi soir dans une salle exiguë et surchauffée.

    Guy

    P.S. : on avait pas de visuel, sauf de Mr Maeterlinck, beaucoup moins photogénique que Rénée Falconetti ( dans "La passion de Jeanne d'Arc" Dreyer, 1928, mais vous avez complété de vous même).

    P.P.S. Cela donne envie d'aller voir "Alladine et Palomides" du même Maeterlinck, cette semaine au Theatre de l'Opprimé. En tout cas on va essayer, rien que pour le titre.

    P.P.P.S du 26 février 2007: on s'est découvert un peu recopié mais pas cité ici. On est trés mal placé pour donner des leçons de propriété intellectuelle, ayant soi -même pillé tout plein d'images un peu partout avant de s'assagir un peu. Mais en représailles, on prend en otage une photo d'Anais Ancel, ravissante Jeanne. Na! Et on profite de l'occasion pour nommer Claude-Henri Rocquet , dont on ignorait jusqu'àlors le rôle d'adaptateur.

  • Moeno Wakamatsu, Gyohei Zatsu - chronique d'une rencontre annoncée

    Est-ce bien un ange, blanc de lumière, qui yeux clos rêve? Un ange blafard et torse osseux à se briser, qui déploie lentement des bras aux manches telles des ailes démesurées puis qui se replient en dedans?

     

    Dés cette apparition s'installe une tension souffle coupé pour ne plus se relâcher, en un équilibre douloureux dans chaque mouvement appuyé sur la pointe des pieds. Tout au long du parcours accidenté, le temps se distend comme le corps de Moeno, jusqu’à l’immersion finale dans le vin. Absolu don ou abandon.

    Rien de faux, rien de vulgaire, rien de déplacé, rien d’inutile, rien d’insignifiant.

    On se souvient de Yumi Fujitanidans Kao, explosant en violentes éruptions. Ici tout reste retenu, intense et intérieur, au bord de la rupture, pour nous tenir en suspend.

     

    Difficile, après cette Annonciation, de reconstituer des réserves de concentration pour communier medium_002.jpgavec le danseur Gyohei Zaitsu, qui nous dit -"Il y a de l'amour". Ancré dans la tradition, campé au sol, mime triste et abstrait, d’une humanité travestie, pour une danse grotesque et tragique qui refuse toute facilité.

     

    Deux jeunes artistes pourtant d’une grave maturité, qui distance de très loin l’énergie encore brouillonne d’ In Between.

    C’était bien sur à l 'Espace Bertin Poiré.

    Et ce soir encore, pour le festival qui s'enchaîne jusqu’à la fin du mois.

     

    Guy

     

    P.S. Il semble qu' on reverra Gyohei Zaitsu, ainsi que Maki Watanabe et d'autres dans une création de Karry Kamal Karry au Café de la Danse les 29 et 30 juin

  • Something in between- (voire bien au delà)

    On aime les lieux qui ressemblent à tout sauf à des salles de spectacles: dans cette catégorie Les Voutes méritent une mention spéciale . Allez y, vous comprendrez.

    Donc un lieu improbable et adequat pour y présenter du Buto. S'il s'agit encore vraiment de Buto, mais qu'importe. Présenté par "In Between" compagnie transnationale et européenne.

    "Bacon R'us" pour commencer. 3 figures chacune isolée sous une voute, jeux d'ombres et de sonorités, improbables interactions. Mais la vraie surprise vient de Claude Parle.Qu'on avait déjà vu, en d'autres lieux, soutenir Moeno.Annoncé comme musicien, il s'impose ici comme performer. Au naturel. D'abord en une création de Francis Bacon incarnée, en relief, débordante. Puis qui fait subir des traitements extrêmes à son accordéon. Une présence énorme. Qui focalise l'attention. Les deux autres (vrais) danseurs ont beau se tordre, c'est injuste mais rien n'y fait.

    Pour "In between" en seconde partie, Claude Parle s'abstient, et en un sens tant mieux. 4 danseurs pour représenter la folie, en 4 trajectoires simultanées. Le dispositif est saisissant, les interprètes assument tous les risques de l'expérimentation et du débordement.

    Tout au long d'un voyage intense pour peu que l'on accepte de les accompagner. Pour retrouver, au delà des codes bien connus-corps défigurés et lenteur torturée- l'esprit du Buto.

    Pour de vrai.

    Guy

    P.S. Cet évènement préludait au 7° festival de de danse Buto à partir du 6 juin. A l 'Espace culturel Bertin Poirée, bien sur.

     

  • Jehanne, Une Fille en Prison: la Chair, le Sang et l'Esprit- beaucoup de verbe aussi

    On est retourné voir Jeanne d'Arc.

    Après déjà deux belles pièces, on n'allait tout de même pas lâchement l'abandonner. Jeanne est toujours en prison, et même plus que jamais. Cette fois ci les nuits, seule avec ses gardiens. Va-t-on assister à l'envers du procès?

    Non, car les gardiens bien sûr n'ont rien à dire, hormis ce que leur inspire de plus évident leur promiscuité avec la pucelle. Comme cela ne prend pas 2 heures à expliquer, ils se mettent donc bientôt à parler, entre deux visites aux latrines, comme parlent les juges et les théologiens. Et Jeanne leur répond. Admettons.

    Résultat: tout en brutalisant Jeanne, on refait le procès. Sur un texte contemporain, défendu par la troupe (Habaquq)avec fougue et conviction. De la Chair et du Sang, il est beaucoup question. De l'Esprit également, avec des préoccupations évidemment contemporaines, telles les droits de Jeanne en tant que "chrétienne et citoyenne". On concédera que l'anachronisme, disons la relecture du sujet, est un exercice imposé. Encore que cela sonne plus étrangement que d'entendre par exemple un texte du début XX° plaqué sur ce contexte moyenâgeux. Ce texte là nous réserve de belles envolées, peut être est-ce la fraîcheur de l'actrice qui nous convainc. Mais des lourdeurs aussi, on se surprend parfois même à regretter Thierry Maulnier.

    Le nouveau théâtre chrétien, qu'on se le dise, n'a pas peur des mots crus et des situations scabreuses. Surement pour ne pas paraître en reste par rapport au théâtre contemporain. Ou pour nous rappeler que l'esprit n'est rien sans la chair, et que c'est de la chair maltraitée dont on parle ici. Mais rien de nouveau sous le soleil: souvenons nous des peintures renaissance qui détaillent avec complaisance le martyre de Sainte Agathe dénudée.

    Et tout cela est très violent, plus violent même que "Jeanne et les juges"de Maulnier. Et à la différence de la "Jeanne"chantée de Jeener, définitivement pas pour les enfants. Les insultes fusent, les coups volent au son des ricanements. Oppressés avec Jeanne par cette atmosphère de virilité menaçante, on respire un peu lors de la visite de la duchesse anglaise. Une brise de féminité, la pièce y retrouve un nouvel intérêt. Mais la duchesse repart, nous restons avec les gardiens. Entrainés dans la surenchère, jusqu'à la fin nous abîmer tous ensemble dans le grotesque absolu: l'homme au masque de fer et au sexe d'acier s'est trompé de siècle et de pièce. Soyons bienveillants, oublions. Sans avoir compris pourquoi et comment Jeanne reprit l'habit d'homme après l'abjuration.

    Le nouveau théâtre chrétien a encore du chemin à faire. Tant mieux, car ils y croient, ils sont jeunes et ont tout le temps du monde, ils sont beaux, et on les applaudit à la fin.

    Cela se joue encore un peu jusqu'à mi-juin, au Theatre du nord ouest,c'est un festival, on vous l'a déja dit.

    Guy

  • Jeanne: mais ils vont la bruler!

    On a revu Jeanne ce dimanche, cette fois en version chantée. Celle de Jean Luc JeenerOn a réussi à ne pas pleurer, il est vrai qu'on connaissait déjà la fin, ayant vu "Jeanne et les juges"avant. Mais les petits, auxquels cette pièce était plutôt destinée, avaient les yeux embués. Les enfants ont de la chance: le chant d'une bergère suffit à les faire rêver. Mais ils sont exigeants aussi: ils n'auraient supporté ni fausse note, ni temps morts, ni rien de bêtifiant. 

    C'était toujours au Théatre du Nord Ouest.

    Guy

    P.S. : On a trouvé le site de la troupe de la "Torche Ardente", qui a monté "Jeanne et les Juges"de Maulnier . Avec entre autres choses des photos de la pièce, comme ci-contre.

     

     

  • Jeanne et les juges- l'éternel procés

    C’est bien en prison que nous pénétrons, conduit par un garde, pour y rejoindre Jeanne et les juges. Une prison intemporelle. L'interrogatoire a déja commencé. Celui de Jeanne d’Arc, prisonnière politique, aveuglée par une lumière crue, questionnée, rudoyée, maltraitée, chaînes aux pieds. 

    medium_Jeanne_et_les_juges.jpgC’est bien en prison que nous sommes: Jeanne n'échappe que de très peu à la torture, puis au viol, mais non aux brutalités infligées à son corps par les geôliers. Ni, plus encore, à toute la violence que l'on fait à son esprit. Mais elle résiste.

    Rien dans le texte n’est anachronique, mais ce sont pourtant les juges des procès staliniens que nous voyons à l'oeuvre, ceux aussi de toutes les dictatures et des démocraties qui renient leurs principes, les mêmes juges de tous les procès politiques, acharnés à briser l'âme de l'ennemie.

    Possédés par la même logique pervertie, usant de toutes les mêmes et terribles stratégies. Il ne s’agit pas de faire avouer, ni même de punir. Il s’agit d'amener la rebelle à rejoindre le troupeau. En échange de la vie sauve. Publiquement, pour en permettre l'exploitation politique. Mais surtout qu'elle soit convaincue de ses fautes, le cœur vaincu. Et qu'elle renonce à sa relation personnelle avec Dieu.

    Dieu, à chaque instant présent dans la bouche de Jeanne. Qui en termes premiers, répète sa foi, son innocence, son bon droit. Mais les anges n’apparaissent désormais qu’au public, et sans jamais venir en aide à la pucelle. Pour nous expliquer que le temps est venu pour la sainte de vivre seule l'épreuve, de souffrir et de douter. Elle doute donc. Et souffre. Et doute tant qu'elle abjure.

    Mais après cette défaite qui la laisse humiliée, dépossédée de tout sauf de la vie, une apparition permet à Jeanne de retrouver sa dignité, de se réconcilier tragiquement avec elle-même. Jusqu'au bûcher. Mais non pas l’apparition d’un ange: celle du double de Jeanne, de son image idéale, rêvée. Une fois encore, le ciel est resté muet.

    Le sujet est donc terrible, l’interprétation, évidemment enflammée, en est presque digne. L'espace contemporain et sobrement maîtrisé, le traitement dur et dramatique, on l'a bien compris. Avec alternances d’audaces bienvenues et de regrettables lourdeurs. La faute au texte de l’académicien Thierry Maulnier (1908-1988), justement par moments trop académique et explicatif. N’est pas Montherlant qui veut.

    Guy

    P.S. : Jeanne d’Arc est déclinée sous la forme de plus d'une dizaine de pièces jusqu’au 18 juin au Théâtre du Nord Ouest. C’est incroyable et pourtant vrai. On y reviendra.