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Un Soir Ou Un Autre - Page 75

  • Mamiko Mitsunada, Sosana Marcelino, Camille Mutel: premiers gestes assurés au Kiron

    C'est Philippe Verrièle qui avait signé la programmation de cette soirée au Kiron Espace, une raison suffisante pour medium_thumb_Mamiko_Mitsunaga.jpgcourir découvrir ces "premiers gestes".

    On a pourtant abandonné en chemin Mamiko Mitsunada, belle danseuse aux cheveux roux, et cela presque dés le début de son Rêve. Un solo riche et autant mimé que dansé, accompagné d'une bande son champêtre, puis contemporaine. Mais ses intentions sont perdues entre sa conscience et au moins la notre, quelque part dans le vaste cosmos. Qui dira pourquoi certaines rencontres ne se font pas? Un peu trop de tout à la fois ?

    Sosana Marcelino avait pour sa part déserté la scène, et pris possession de l'espace de la galeriemedium_thumb_Sosana_Marcelino.jpgd'exposition du Kiron. Choix judicieux pour que s'impose d'emblée toute la force de son solo. Peu frileuse et un peu folle, la donzelle transformait ce lieu un peu froid en terrain de jeux espiègles, habité d'amis imaginaires. Et de spectateurs subjugués par sa présence d'une rare évidence, le quatrième mur réduit en miettes. Avant, une fois débarrassée de sa jupe de tulle- était ce le passage à l'âge adulte?- qu'elle n'investisse les dimensions les plus inquiétantes de sa féminité, exprimant cette découverte à force de dérèglements furieux.

    C'était, pour finir, le retour (parisien) de Camille Mutel, cette même danseuse qui avait fait une apparition mémorable lors de son passage il y a un an à Bertin Poiré, pour un solo conclu par un devoilement d'une violence extrème, medium_thumb_Camille_Mutel_Kiron.jpgune soirée qui avait inspiré quelques belles lignes à Philippe Verrièle, justement.

    C'est encore du Sexe avec un grand S dont il était question, plus suggéré que montré cette fois ci, mais, pour cette raison même, non moins intensément présent tout au long de cette danse solo. Un solo trop intense et tragique pour que subsiste la moindre trace de vulgarité, en cet abandon douloureux dans cette position torturée, dos au public et renversée en arrière, écartelée, jambes ouvertes et haletante. Un solo plus construit que ce qu'on avait vu auparavant, ménageant quelques apaisements, alors que le le regard osait enfin cette fois se montrer. 

    C'était le festival premiers gestes danse à l'espace Kiron, c'était un peu Buto et on peut voir les mêmes danser demain (mardi), et puis encore le soir d'après.

    Et Sosana Marcelino reviendra -plus longuement- fin mars au Kiron.

    Guy 

  • Le principe de solitude: 5 fois Heddy Maalem

    On a retrouvé ce soir 5 raisons de ne pas désespérer de la danse (La pure, la vraie danse, celle qui se tient à l'écart de medium_solitude_5.jpgtoute pluridisciplinarité, à la différence par exemple des performances de Roser Montllo Guberna et Brigitte Seth, remarquables mais dans un autre genre). 

    5 expériences passionnées qui nous guident loin des écueils sur lesquels nous nous étions naufragés lors de nos dernières errances: le néant conceptuel d'un coté (Vera Mantero), la démonstration virtuose de l'autre (Emio Greco). 5 solos et pour une seule soirée c'est presque trop, tant à chaque fois tout semble neuf et réinventé.

    5 solos dirigés par Heddy Maalem. Dont deux au moins- "Un petit moment de faiblesse" medium_solitude_3.jpgpar Aline Azcoaga et "Reconstruction de Vénus" par Laia Llorca Lezcano"-seraient sans doute de nature à ravir même les inconditionnels de la danse classique. Pour peu que ceux ci ne soient pas rebutés par les tenues: slip et bonnet de bain excentrique pour la première danseuse, simple nudité par la seconde- on va céder à la facilité et qualifier cette nudité de boticellienne.

    Des styles contrastés pourtant: quand Laia Llorca Lezcanolà virevolte en pas enchaînés sur fond de Vivaldi, puis s'introverti délicatement, Aline Azcoaga joue plutôt en continu sur la décontraction et le rebondissement, évolue en balancements. Pour surprendre d'autant plus lorsqu'elle revient plus tard medium_solitude_1.jpgnous exposer "La formule des hanches": c'est une toute autre atmosphère qu'elle installe, plus abstraite et géométrique- la musique de Stockhausen n'est sans doute pas pour rien dans cette impression-et- même plus surprenant encore- sans alors ennuyer.

    Les garçons- Serge Anagonou et Shush Tenin, trichent et nous font le solo de "La pratique de l'ombre"à deux. A moins qu'il y ait là une énigme à résoudre: on choisira de croire qu'il n'y a qu'un seul personnage qui à force de heurts et de sensualité se découvre en miroir, qu'il est peut être question de gemmeléité.

    Pas moins fascinante et pas seulement pour son physique, Simone Gomis, dans un crescendo athlétique et quasi- medium_solitude_4.jpgterrifiant, qui se résout en un alanguissement final, d'une exceptionnelle charge érotique.

    C'était Le Principe de Solitude d'Heddy Maalem, ce soir au théatre Artistic Athévains, et surtout c'est demain encore.

    Dans le cadre du festival Faits D'hiver dont on saura tout bientôt avec le Tadorne, en blog et en live à la fois.

    Guy

    P.S. : On a rajouté plus haut 4 émouvantes photos (mais comment choisir!), avec l'aimable autorisation de Vincent Jeannot (Photodanse) 

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  • Brigitte Seth et Roser Montllo Guberna: elles tuent

    Elles osent tout, ces deux femmes, et elles ont terriblement raison. Mais sans jamais qu'elles en fassent trop, sans jamais qu'elles ne sonnent faux. Ne se glissent jamais là où on les attend, mais juste un peu à coté, parlent lorsqu'il faudrait qu'elles dansent, interrompent une phrase en français ou catalan pour entamer un pas de danse. Ou laissent la danse s'achever en un geste discret. Ou ne font rien du tout, sinon regarder et écouter intensément leurs musiciens jouer Biber (1644-1704). Avant de casser les violons. 

    Toujours jouer de tout en un mot. Brigitte Seth minaude et se tortille, en personnage de bourgeoise ahurie. Roser Montllo Guberna se suspend enfantine, puis glisse au sol et évolue, sur un mode doux-amer, fausse ingénue.

  • L.M.P. : encore un soir et puis plus d'autres?

    L'Olympic Café, où l'on avait vu Marteau Rouge et Maki Watanabe, ansi que la salle jumelle, le Lavoir Moderne Parisien,font l'objet d'un arrêté de fermeture administrative, notifié par la préfecture de Paris.

    Fermeture motivée par des peccadilles, d'après ce qui est expliqué sur le site. On ne sait pas s'ils font trop de bruit, ou s'ils ont le droit de vendre de la bière ou non, mais on a une petite idée de tout ce qu'ils offrent, soirée après soirée, question danse, musique, théâtre. Et on sait qu'ils sont les seuls à le faire, là où ils le font.

    Communiqué et pétition en ligne ici

    Guy

     

  • Blanka était là

    Les vrais gens étaient là, enfin. Dans la salle des fêtes de la mairie du XIX° arrondissement. Décorée de faux marbres et de dorures, trompes-l'oeil champêtres et colonnes antiques, chaises en plastique, jus d'orange et nappes en papier.

    Avec sur la scène une artiste vivante, contemporaine, et des vrais gens pour la regarder, les mêmes gens que l'on voit au bistrot, dans la rue, au marché, et dans les salles des fêtes justement, toujours devant le buffet, mais alors avec vaguement l'air de se demander s'ils sont là à leur place. Les gens à qui il ne viendrait jamais à l'idée d'aller dans une salle branchée et parisienne, telle la MC 93 à Bobigny par exemple. Les gens à qui nous ressemblons peut-être avec leurs rides, leurs mentons et leurs casquettes, leurs lunettes démodées, leurs enfants et leurs camescopes, leurs fringues en solde, et leurs kilos en trop.

    A la différence de Blanka,princesse d'europe de l'est aux yeux fous, maquillée de noir jusqu'aux lèvres et vetue de blanc flou, tissus et cheveux flottant autour d'une présence fébrile et squelettique, toute droite sortie du bal des vampires. Blankaqui s'autoproclame poète folle, danseuse, chanteuse, actrice, modèle, performeuse, journaliste, musicienne, rien de tout cela à la vérité mais un peu de tout quand même, tant mieux pour l'audace et tant pis pour les cases et les règles.

    Tant pis pour la technique aussi, pour toutes les techniques méprisées avec la désinvolture de la beauté: deux accords de guitare répétés en boucle pour supporter les libres vocalises, puis un obscur monologue sur le mal de vivre et d'être là, dit plus tout à fait en polonais, et pas encore en français vraiment, enfin une danse qui se moque de la virtuosité pour emprunter au flamenco quand Blanka tourne, au buto quand Blanka tombe, une danse parfumée de sensualité mortifère- robe raccourcie en jupe à coups de ciseau par le complice- pour s'achever en une immobilité de plusieurs minutes, de quoi perturber tous les gens, vrais ou pas.    

    Juste ce qu'il fallait pour être poète dans cette salle des fêtes, ouvrir un peu cet espace froid vers un ailleurs rêvé, et mériter quelques applaudissements des vrais gens.

    C'était "Dis-moi, Ophelie crie moi... Ophelie!" de Blanka, dans le cadre de la "fête des urbanités", dans la salle des fêtes de la mairie du XIX° arrondissement.

    Guy

  • Schwab: l'amour tache

    C'est autrichien, c'est décadent: jusque là tout va bien.

    Surtout si l'auteur est Werner Schwab (1958-1994), surtout si la compagnie s'appelle "Dekadent".

    medium_sp_11724_g.jpgHistoire: La putain rencontre l'employé, qui rencontre la coiffeuse, qui rencontre le propriétaire, qui rencontre la secrétaire, qui rencontre le poète, qui rencontre la comédienne, qui rencontre le député, qui rencontre la putain, pour que la ronde soit bouclée. Rencontres au sens sexuel du terme.

    On a reconnu la Ronde de Schnitzler, que Max Olphusporta autrefois à l'écran. Mais ici réadaptée en radicale opposition. déclinée en un inventaire jusqu'à l'écoeurement des rapprochements physiques et sentimentaux, la déclinaison déniaisée des hypocrisies amoureuses, crues et poisseuses, entre des personnages figées dans des postures inconfortables et obligées par les rapports sociaux. 

    L'original de Schnitzler était trouble et cruel, mais d'une subversion si subtile qu'elle pouvait passer pour un acquiescement complice, presque bon enfant. La version Schwab grince de révolte devant tout l'insupportable mis à nu. Pas de pitié pour la laideur de l'amour, qui toujours s'achète et qui se vend, pour les sentiments forcement nauséeux-le poète égocentrique est pire à tout prendre que le propriétaire libidineux-, nulle tolérance comme celle vis à vis des maisons du même nom.

    C'est monté et montré trash-difficile de faire autrement!- mais plutôt gentiment à tout prendre. La langue enfle et s'écoule, pâteuse, parodique et maniérée, manière de mettre en lumière l'absurdité de ce qui est dit et la violence de ce qui est fait. et les rapports de toutes natures. Ceux-ci représentés en allégories drôles et surprenantes, avec des idées et de l'intelligence- mention spéciale pour l'usage systématique dont la coiffeuse fait en second plan du savon à raser.

    C'est d'autant plus dommage que l'ensemble manque un peu de recul, de budget, de maturité, de cohésion, de décors, de lumières, en un mot de mise en scène, pour exister au delà de la suite de numéros d'acteurs. Dommage que cela manque peut-être d'audace encore, comme arrêtée au milieu de l'effort.

    C'est La Ravissante Ronde d'après la Ronde du Ravissant Monsieur Arthur Schnitzler, au théâtre de Nesle, jusqu'à la fin de l'année.

    Guy

  • Hell: et l'enfer dans tout ça?

    C'est assez branché pour être programmé au Théâtre de la Ville, assez consensuel pour ne pas en faire fuir plus d'une vingtaine de spectateurs, assez malin pour faire applaudir tous les autres à plusieurs reprises en cours de spectacle, assez gonflé pour commencer avant que ces spectateurs ne soient installés, assez italo-néerlandais pour devenir tout à fait parisien, assez énigmatique pour faire intelligent, assez intelligent pour qu'on ne puisse plus en douter, assez sérieux pour s'attirer les éloges de Rosita Boisseau, assez riche en genres musicaux différents pour vous réveiller toutes les dix minutes, assez court de toute façon pour éviter que l'on s'endorme, assez long pour ne pas sembler fumiste, assez virtuose pour contraindre à l'admiration, assez varié dans son déroulement pour ne pas lasser, assez érudit pour ravir les connaisseurs, assez riche en terme de vocabulaire chorégraphique pour intéresser même les profanes, assez déshabillé pour émoustiller les spectateurs de toutes préférences, assez rusé pour surprendre, assez doté en danseurs, en effets sonores et visuels, en budget pour qu'on en ait pour son argent, assez travaillé pour mériter le respect, assez sombre pour paraître profond, assez drôle et second degré pour qu'il soit moralement permis de se détendre.

    Un professionnalisme digne de Broadway au service de la danse contemporaine, tel semble être le concept mis en oeuvre par Emio Greco. Le secret du succès. 

    D'où vient alors, qu'on se dit qu'assez, c'est trop ou trop peu, qu'on n'est pas totalement satisfait ? Qu'on aurait presque préféré, un peu d'imperfection? Est ce parce qu'on est jamais content, comme un enfant gâté ?

    Mais au fait, ça parlait de quoi?

    C'est Hell  , d'Emio Greco et Pieter C. Scholten, au Théâtre de la ville, ce soir encore.

    Guy

    P.S. Le regard d'images de danse, ici

  • Avec Maki Watanabe, Marteau Rouge casse ses jouets

    On continue, porté par les encouragements de Florence, mais comment rendre compte de ces souvenirs, d'hier déja?

    medium_06_10_04_Maki-22.2.jpg

    Surtout de ces souvenirs- là, d'impressions que ne soutenaient dans l'instant d'alors aucune narration, de sensations à prendre ou à laisser. Qu'a-t-on vu et entendu? Sûrement pas un groupe accompagnant une danseuse, selon un scénario préétabli, ni une danseuse de buto improvisant sur une musique qui lui aurait été imposée. Les territoires semblaient plus incertains, plus poreux: par sursauts Maki Watanabe hurlait sa plainte, et les musiciens de Marteau Rouge faisaient le spectacle également, se donnaient à voir autant qu'à entendre: gestes délicats et puissants, spectaculaires à dessein du percussionniste (Makoto Sato), posture introvertie du guitariste -(Jean François Pauvros) arquebouté sur l'instrument, le visage caché en avant sous tignasse, position du clavieriste (Jean Marc Foussat)en savant fou, plus qu'inquiétant, triturant des machines dont débordaient des câbles par dizaines. Imagerie d'une mythologie somme toute classique: celle de la possession du musicien par la musique.

    Yeux fermés un triangle musical, une figure riche et idéale, celle de la liberté collective, du risque et de l'improvisation (On a un peu peur d'employer ce dernier mot trop fourre-tout, car il faudrait s'attaquer à l'expliquer). Longs développements, un seul par set. On pourrait appeler le résultat du free jazz, peut-être celui qu'a laissé Coltrane derrière lui au bout de sa course, version bruitiste, versant electrifié. Cela évoque aussi, entre mille autres choses, les moments les plus bruts de King Crimson, époque "Red" justement.
    podcast

    Maki Watanabe est vêtue de noir et ample, seuls le ventre et le visage découverts. Plus qu'un détail: car l'attention se focalise dés lors sur l'économie générale de ses mouvement-sur le corps en son entier-, et sur son visage, extraordinairement expressif soudain. Méconnaissable de blanc, expressif jusqu'à l'effroi, inhumain, trop humain. Quant à cette économie, elle se caractérise plutôt par une dépense contrôlée mais généreuse, à envahir furieusement tout l'espace autour d'elle, sans compter.

    Double improvisation, et faire l'expérience de l'improvisation de l'un nous fait ressentir et comprendre différement l'improvisation de l'autre. A l'exact opposé du "n'importe quoi": il faut obligatoirement maîtriser la technique, toutes ses règles, avant de les transgresser. Connaître ses arpèges sur le bout des doigts avant d'attaquer la guitare du tranchant de la main, ou à l'archet. Dans le trio toujours l'un des instruments-et pas toujours le même- reste dans la structure, afin de permettre aux autres de s'en affranchir. De ce contraste, de cette rupture, naît l'inquiétude et l'excitation.

    Maki Watanabe en offre l'équivalent visuel, surprenante de discipline mise au service de la liberté, de violence, de medium_photo_Maki.jpgrapidité, de justesse. Surtout surprenante tout court. Il y a dans ce qu'on voit matière à 10 soli, sans cesse interrompus, sans cesse repris. Portée par la musique de Marteau Rouge, la danseuse ne tombe pas dans le piège de l'imitation, de la simple transposition du rythme. Elle danse en contre-chant, s'unit à eux dans l'esprit plus que dans la lettre. La musique et la danse investissent tout l'espace des possibles en terme de rythmes, de timbres, de structures, de climats, d'humeurs, de volumes.

    Marteau Rouge casse ses jouets, et maltraite les instruments, Maki Watanabe avec eux met son propre corps en jeu, sans calcul ni prudence. C'est la morale du jouet selon Baudelaire,cet objet détruit, dé-construit, éventré, disséqué, pour l'éclairer du dedans, ici la note ouverte à vif pour en faire jaillir une vérité neuve, et le geste arraché au corps, démarche furieuse et psychanalytique

    C'était Marteau Rouge et Maki Watanabe à l'Olympic Café, au coeur de la goutte d'or.

    Guy


    P.s; On pourra voir Maki et d'autres aux Voûtes, dimanche soir

     

  • Transit: retour aux sources

    Vendredi soir dernier l'Espace Culturel Bertin Poiréefaisait cave pleine (pour ceux qui l'ignoreraient, Bertin Poirée est une enclave nippone au coeur du Paris bobo). Et peut-être même que parmi les spectateurs il n'y avait pas que des danseurs de buto. C'était au moins avéré s'agissant de cette jeune femme à la candeur bienvenue, qui demandait à l'entracte à un chorégraphe au français hésitant quelle histoire racontait au juste la danseuse prostrée au début de son solo, ou si elle cherchait quelque chose qu'elle aurait perdu par terre avant.

    medium_Cinzia_et_Cecile_-_Buto_18_1.jpgMais pour un public "initié", ce solo, celui de Cinzia Menga évoquait ce que l'on peut habituellement voir de sincère et de bon niveau dans cette même salle. Une performance à tout point de vue dépouillée, mis à part les "Grains de Sable"répandus sur le tapis de scène. Dans tout celà le plus original était le corps en lui-même- car c'est de corps dont il s'agissait avant tout, un corps proche de la nudité, un corps aux formes réinventées par la lenteur toute hypnotique des mouvements. Ce corps offrait en premier lieu juste un peu plus de rondeurs que celles que les danseuses s'autorisent généralement. Cela suffisait, exascerbé par le contexte, pour qu'il en devienne charnel à l'extrème. Surtout c'était un corps occidental, et non pas japonais, et sur les mêmes gestes notre regard en était changé.

    Le buto est né bruyamment il y a bientôt 50 ans, au Japon mais fruit des amours illégitimes et passionnées de forcesmedium_1er_fragment.jpg culturelles issus de divers points du globe, et de diverses disciplines. Juste retour aux origines, il est passionnant de voir aujourd'hui en France, aux cotés de Moeno Wakamatsu, de Maki Watanabe, Gyohei Zaitsu,de Yuko Ota, pour n'évoquer que la dernière génération(la 4° ou la 5°, mais on arrêté de compter), des artistes venus d'autres horizons, tels Camille Mutel, Inbal Fichman, Regina Georger, Moh Aroussi , Noura Ferroudj, Céline Angèle, Maléna Murua, Cécile Raymond...

    Ces trois dernières danseuses, de la même compagnie Transit, assuraient la seconde partie, et créaient la surprise. Un ouragan radioactif semblait avoir dévasté, durant l'entracte, la salle de spectacle, envahie désormais de divers reliefs de la société de consommation: sacs plastiques, canettes vides- ne manquait que le polonium 210. Espace habité par trois mutantes, primitives ou post industrielles, pitoyables survivantes de cataclysmes intimes ou planétaires, enlaidies, hagardes, gémissantes, habillées de rebuts en "Fragments", maquillées de projections vidéo et de sons en direct. Elles se tordaient, rampaient, déambulaient imprévisiblement, frayaient leur voie à travers les grappes d'un public privé de sièges et de tout point de repère, pour créer les nouveaux chemins de la laideur et de la beauté.

    Nous étions un peu bousculés, au propre et au figuré, pour regagner ainsi un peu de liberté d'esprit, ce qui n'avait pas de prix.

    C'était la Compagnie Transit, Bertin Poirée.

    Guy

    P.S. : et Kazuo Ohno a eu 100 ans, le 27 octobre dernier.

    P.P.S. du 25/2: On a rajouté, avec l'aimable autorisation de Transit, 2 photos (signées Estelle Fenech) de cette soirée.

  • La Tour de la Défense: Daphné est completement pétée

    Hier soir, la Tour de la Défense se dressait à Bobigny. 1 boulevard Lénine, prés du boulevard Jean Jaurès, avant le boulevard Maurice Thorez.

    medium_tour_01.jpgNon, on plaisantait: cela ne se passait pas vraiment à Bobigny, ou géographiquement tout au plus: c'était plutôt à la MC93-Bobigny, qui est une enclave parisienne et bobo au coeur de la Seine Saint Denis, en compagnie d'un public dont la mixité sociale ne sautait pas aux yeux. Et, pour preuve qu'on n'était pas dans lez 9-3 pour de vrai, précisons qu'on avait acheté notre place via le Festival d'Automne à Paris.  "Parking gratuit et surveillé" nous rassurait la brochure. Alternative au Forum culturel du Blanc Mesnil qui affrète des cars pour aller chercher le public parisien place de la Nation. Mais on aurait pu être à Avignon, où n'importe où ailleurs, on était en tout cas en phase avec le contexte de la pièce: un réveillon bobo-homo de nouvel an, de l'an 1977, année disco.

    Représenté dans un décor, un vrai, splendide et sophistiqué, un décor d'appartement seventies, avec tous les accessoires, même les pires. Ce qui fait tout drôle, tant on s'est habitué au minimalisme contemporain. Réalisme plastique, et intrigue linéaire également, quasi-boulevard ou comédie policière, avec entrées, sorties, exclamations, portes qui claquent et évanouissements à répétition, mais tout est décalé. On croit entendre, en écoutant le texte de l'argentin Copi (1940 -1987) une fascination quasi-enfantine pour la langue française, peut être propre à un étranger qui apprend à la maîtriser, comme un nouveau jouet, et manie cependant cette langue avec une insaisissable étrangeté. 

    Les personnages, comme dans une recherche naîve pour appréhender la complexité de l'existence-c'est perdu d'avance-. enfilent les banalités avec medium_tour_02.jpgune drôlerie déconcertante. Presque une pré-figuration parodique des shows de télé-réalité de nos écrans d'aujourd'hui, promesses sexuelles comprises. Mais d'évidences approximatives en fausses évidences, c'est une manière imparable de nous accoutumer à un glissement très progressif d'un trash presque ordinaire vers l'absurde et l'horreur. Qui se manifestent avec les obsessions habituelles à Copi: rat, serpent, frigo et compagnie, mais aussi par de sinistres prémonitions: hélicoptère s'encastrant dans une tour en feu et enfant congelé au frigo. Soudain on ne rit plus.

    Tous les habitants du 13° étage de cette tour de la défonce sont passionnants, et entre autres Jean(Martial Di Fonzo Bo), étonnant de pédanterie et de de candide brutalité. Mais le pire viendra de Daphné, la seule femme présente, interprétée par Marina Fois, sublime et désinhibée. Daphné d'abord en marge de ce club masculin, celle dont chacun cherche à se débarrasser. Revanche morbide, toute l'action se réorganisera peu à peu autour d'elle. 

    Mais de toute manière, à la fin tout le monde meurt, évidemment.

    C'est "La Tour de la Défense" par la compagnie "les Lucioles", mis en scène par Martial di Fonzo Bo, à la MC93 Bobigny, encore pour quelques soirées

    Guy