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Un Soir Ou Un Autre - Page 76

  • Salut les filles

    D'un malabar rose géant émerge une femme nue, qui se transforme en Jeanne d'Arc un peu plus tard, mais telle qu'on ne la verra surement jamais au T.N.O., puis encore des signaux qui clignotent violemment, une esclave enchainée, un drapeau qu'on agite, du feu, une épée, une tête qui gonfle, des personnages menaçants, un homme coiffé d'un haut de forme....

    medium_file_47_heygirl2.jpg

    Images chic et choc, trés plastiques. Plutôt metalliques à la réflèxion. 

    Mais que met-on en jeu au juste, ce soir, sous nos yeux? La lecture du livret ne nous sera d'aucune aide pour trouver un début de réponse. On y apprendra quand même que les hotesses d'accueil sont habillées par Agnes B.

    C'est brumeux, au sens propre d'abord, et lent, trés lent, et même plus lent encore, mais pourquoi pas.

    Oublions le sens: pas le choix. Au moins comprend on qu'au delà des images, c'est le regard sur ces images même qui est mis en scène. Mais l'on ne garde que cette question en mémoire, le théâtre a-t -il encore besoin de sens pour exister? Alors qu'il y a bien longtemps que l'on a dispensé la danse du devoir de narration.

    Reste la manière: Romeo Castelllucciest un illusionniste doué, ni plus ni moins que cela. Et un fieffé menteur, bien sur,lorsqu'il prétend que sa création part "d'une amnésie essentielle du théâtre".

    Tout est trés professionnel au contraire, bien construit et réglé, avec beaucoup de moyens et de budget, maitrisé, savamment dosé, avec de l'attente et des surprises, impeccablement technique, des lumières aux effets spéciaux, des explosions aux pleurs. 

    Ce n'est pas rien alors que d'autres- tels Vera Mantero- deconstruisent jusqu'à la forme.

    Beaucoup de savoir-faire, mais au service de quoi?

     Hey Girl ! c'est au Theatre de l' Odeon Ateliers Berthier, jusqu'à fin novembre.

    Avec le festival d'automne encore

    Guy 

  • Vera Mantero: 1/10 (pour les costumes)

    Dieu  est decidement tendance en novembre. Avec ce soir: "Jusqu'à ce que Dieu soit détruit par l'extrême exercice de la Beauté"

    Pourquoi pas...

    Mais après ce qu'on a vu ce soir, on peut être rassuré (ou déçu): Dieu a encore de beaux jours devant Lui. A moins que Dieu Lui-même puisse mourir d’ennui. 

    A en croire certains, Dieu aime par dessus tout les enfants et les faibles d’esprit. Dans ce cas, il peut se réjouir en observant les activités d’école maternelle auxquelles se livrent Vera Mantero  et ses invités. Cela s'appelle "le chef d'orchestre". L'un des six bienheureux- ils sont tous assis en rang d'oignon- prononce une syllabe et puis une autre après, et chacun d'ânonner la phrase à sa suite- une généralité comme tirée d'un manuel d'anglais pour touriste pressé- et de mimer avec lui. Si vous vous ennuyez, ne vous reste qu'à deviner qui a parlé le premier.

    Et sur scène, quand on se lasse, on bouge les chaises. Et après on recommence, puis on re-bouge les chaises encore. Autour d'une météorite géante, posée là sur la scène, sublime forcement.

    C'était Jusqu'à ce que Dieu soit détruit par l'extrême exercice de la Beauté" au Centre Georges Pompidou - est il vraiment besoin de le préciser?

    Avec la bénédiction du Festival d'Automne à Paris.  Demain soir à nouveau, et encore le soir d'après.

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  • Sans Dieu ni Maitre

    On ecoute: on est surpris.

    medium_mort.jpgEt l'on doute. Est-ce vraiment Montherlant qui est l'auteur de ce "Don Juan"? Ou alors un Montherlant qui aurait renoncé à sa manière, à ce style brillant, trés entre-deux-guerres. Pour s'aventurer du coté de la dérision, de l'ellipse, du second degré, de l'urgence. Pour sonner très contemporain, soudain.

    On est surpris, on est pas déçu. On avait écrit icique Montherlant ne savait pas faire rire. On se trompait. C'est un jeu de massacre, très méchant. Montherlant prend le mythe à contre-pied, tire sur la statue du commandeur à boulets rouges, secoue la thématique en tous sens. Pourtant on se se refait pas: Montherlant et Don Juan étaient fait pour se rencontrer. Le thème central reste la foi, et donc son absence, sa négation plutôt, l'instant terrible où l'on blasphème mais pourtant rien ne se passe. Ni foudre ni tremblement de terre. Juste libération ou désolation.

    Ne reste à Don Juan qu'à se livrer à une course effrénée de conquêtes, pour habiter le présent et nier le néant.

    Dom Juan éructe donc, cours, tombe, rie, sue, s'enivre- Le "Baal" de Brechta trouvé un sérieux concurrent, un peu plus propre sur lui quand même- insulte le ciel en vain. Et il ne se trouve pas un personnage pour lui apporter la contradiction, la statue du commandeur n'est que l'effet d'une plaisanterie douteuse. Comme si Montherlant avait enfin cessé de faire semblant de croire en Dieu.

    C'est "La Mort qui fait le trottoir (Don juan)" m.e.s. par Sylvain Ledda, toujours jusqu'à fin décembre, toujours au T.N.O.

    Guy

  • La Ville des Enfants Perdus

    Il faut ouvrir les portes de "La Ville dont le Prince est un Enfant", entrer sur la pointe des pieds dans cet espace clos, aujourd’hui disparu, une institution catholique d'avant guerre. Un lieu confiné, masculin des maîtres aux élèves, un lieu codifié, les règles y sont dites, ou seulement implicites. Lieu d’abnégations, de devoir, de dévouement, de pouvoir, et d'abus de pouvoir. medium_Montherlant.3.jpg

    Un lieu où l'on forge les âmes, où l'on contrôle les cœurs, et les amitiés. Les enfants sont insouciants parfois, terriblement graves le plus souvent, presque autant que leurs maîtres. Ces amitiés naissent et s’enflamment, particulières parfois, tout est dans la litote, mais rien ne porte ici à ricaner. Car quelle est la vraie nature de l'amour ? Et qui sera autorisé à dire, qui sera autorisé à décider, si cet amour est pur, ou condamnable? Celui qui en juge sera appelé plus tard à lui-même être jugé.

    Il faudra toute la pièce pour que cette réflexion- à chaque réplique sous-jacente, s'exprime au grand jour. Mais de manière assez subtile et ambiguë alors, pour que chacun puisse en tirer sa propre morale.

    Pourtant, comme toujours chez Montherlant, l'amour- qu’il soit filial, ou presque, ou non- se vit en terme de pouvoir. Cet amour est emprunt de dureté, toujours dangereusement proche de la déception et du mépris. Les personnages de Montherlant, décidément, ne savent aimer sans vaincre, ou sinon tout perdre, muets, meurtris, foudroyés. La religion est ici tout sauf une consolation, bien au contraire. Plutôt une manière de vivre le sacrifice que l’on fait ou que l’on vous impose, dans le dépassement de soi, sinon dans l'amertume et le regret.

    La construction est rigoureuse, linéaire, acétique. Le texte est joué sans affectation, au plus prés de la vérité, et en oubliant tout le reste, par trois générations de comédiens qui s'affrontent ici en duels successifs, jusqu'au final. Trois âges de l’acteur: de tout jeunes gens fougueux qui incarnent les élèves, Pascal Parsat(l'abbé de Pradts), dans la force de l’art et de l’age, technique, physique, hallucinant, enfin Robert Marcy (le père supérieur) imposant de retenue et d'intensité, à qui il suffit d’un regard pour jouer une situation.

    Au T.N.O. encore, et toujours dans le cadre de l’intégrale Montherlant, mis en scène par Jean-Luc Jeener.

    Guy

  • Lisbeth, Hermione et Winifred sont dans un bateau...

    Ces trois filles là font toutes jeunes encore, mais elles ont déjà tout des grandes, et le quatrième -le jardinier- essaie brievement de danser Buto, un très bon point; on pourra tout lui pardonner ensuite. C'est au final sans reproche et sincère, juste encore un peu trop d'impatience medium_flyerlisbeth.jpgpeut-être, péché vertueux, l'envie de tout dire tout de suite, et fort, il manque juste encore un peu de silence ici et là.

    Pourtant qui va les voir chaque soir, pas loin derrière la place du Colonel Fabien? Qui va donc les voir, quand ce n'est pas l'anniversaire du technicien lumière? Les passants? C'est bien Winifred qui hier dans la rue nous a abordé pour venir voir le spectacle, trop tard on avait déjà réservé, attiré par le titre peut-être- " Lisbeth est completement pétée" -et par les yeux sur l'affiche aussi. 

    Quoiqu'il en soit, on entre et on écoute le texte d'Armando Llamas (1950-2003), une écriture excessive, violente, innocemment provocatrice, et l'on pense à Copi,en plus adulte -pourquoi? Les mêmes origines argentines? Une proximité partagée avec la mort en tout cas, qui ronge un monde gagné par une entropie croissante, ivre d'un trop plein de biens matériels et de références culturelles. Ici plus contemporaines que seventies. Mais la chanson reste la même.

    Guy

     

  • Inbal Fichman: buto casher?

    "Je suis Japonaise", dit-elle...

    Pourtant Inbal Fichmanest israelienne. Même quand elle bride les yeux, en quête d'un ailleurs, d'une nouvelle identité.

    Mais israélienne en premier lieu, de tout cet héritage, pas vraiment facile à porter. En témoignent ces symboles qui marquent la peau: l'étoile de David d'abord, mais d'autres aussi qui évoquent les drames indicibles. Il faut alors solliciter toutes les ressources de la danse, du buto, du mime, du chant, du théâtre d'objet, pour traiter le sujet, ainsi mis à distance, et rendu supportable, d'une transformation à l'autre, en en gardant intacte l'émotion.

    C'est évidemment passionnant. c'est inévitablement étrange, c'est bien sur émouvant. Peut-être sommes nous tous des juives nipponnes dansant à Paris, déchirées entre notre passé, notre vecu et notre imaginaire. Essayant de nous rappeler qui nous sommes, et attirés par l'Autre et sa culture, dans les salles de spectacle en premier lieu.

    C'est à l'Espace Falguière, jusqu'à mi novembre.

    Guy

  • Moeno vers le Ciel

    Il fut un moment, très particulier, et jamais ressenti jusque là, où peut-être toute la beauté de cette pièce se concentrait soudain, quand Moeno s'était relevée, étirée, et a tendu le bras, la main, le doigt, le regard s'envolant au delà, trés loin.

    C'était "Proserpina et la mort", dernière -jusqu'à l'an prochain ?- des étapes de ce Project Ovid à Paris, c'était toujours toujours au même endroit.

    Guy

     

  • Incompris et tant mieux

    Depuis un peu trop longtemps, on avait négligé Montherlant. Et l'intégrale qui lui est consacrée, au T.N.O.

    Mais l'inconvenient des intégrales, c'est qu'il y faut tout jouer, justement. Y compris les pièces que sinon on aurait volontiers oubliées.

    medium_thumb_sp_9977_p.jpg"Un Incompris"appartient à cette catégorie. Jugeons-en d'après l'argument: un jeune maniaque de la ponctualité quitte sa bien aimée, coupable de retards répétés... Sujet surprenant, et même pas une fausse bonne idée, Question texte on reste très très en dessous de "La Reine Morte"-est-il besoin de le préciser? - et question interprétation également. Mais pour les acteurs c'est une gageure. On admire par ailleurs les drames de Montherlant, et encore ailleurs son humour désespéré et grinçant. Mais quand l'auteur s'essaie à faire dans le léger, on découvre que cela ne sonne pas très convaincant. Avec- on ne se refait pas- au détour du texte quelques dérapages plus graves et misanthropes. Les jeunes acteurs, désorientés, sur-jouent un peu pour le coup. Au mieux bravo à eux d'avoir osé.

    Mais l'avantage des intégrales, c'est de nous amener à mettre en perspective ce que l'on aurait ignoré sinon. Ce protagoniste intransigeant, qui devant son entourage exaspéré sacrifie son bonheur-et celui des autres- sur l'autel de ses principes, nous est familier.

    Prenons le personnage, reculons de quelques siècles, rajoutons lui trente ans et un peu de religion. Révélation: C'est Don Alvaro version sitcom d'avant le J.T. - trois quart d'heures, c'est exactement le format.

    Pour ceux qui aiment les curiosités....

    Guy

  • Moeno Wakamatsu: voyage aux enfers

    Comme chaque fois que Moeno Wakamatsudanse, c'est un chemin lancinant qui est tracé, accidenté, avec des suspens de douleur et d'épuisement, mais sans retour en arrière. Jusqu'au bout. Un voyage toujours, tragique mais jamais le même. Ce soir la cour de la "fondaction medium_Moeno_20BV.2.jpgBoris Vian", au delà des grandes portes-fenêtres, devenait la scène. Dans cette cour, mort peut-être déja, Orpheus gisait, chairs meurtries contre la pierre. Le voyage de ce soir était celui d'Orphée aux enfers, le retour d'Orphée sans doute, Eurydice perdue deux fois, Orphée rubans aux pieds, à l'extrémité une lourde pierre à traîner.

    Peut être la plus grande beauté de cette danse réside-t-elle là, dans un intense et impossible équilibre sur une seule main et sur la seule pointe d'un pied, un effort continu qui engage tout le corps, et l'âme. Ou dans une chute. La chair éprouvée contre le sol rugueux.

    Aprés un maitre - Masaki Iwana- pour invité la semaine d'avant, cette fois une novice (une élève ?): Noura Ferroudj. Elle résoud vite et trés radicalement l'épineux problème du costume de scène. Mais même encore habillée des "Z'ailes du désir"il lui reste toujours ces cordes-souvenir de rite Shinto ?- qui l'étranglent, elle comme nous comme vous et comme chacun, ces maudites cordes dont il faut prendre le temps un jour de se libérer.

    Pièce structurée en pyramide: ascension-paroxysme-descente, rien de ce coté qui ne surprenne. Et en effet c'est joli, ainsi que l'accompagnement boisé de clarinette, les amples mouvements qui s'offrent, les beaux effets de lumière rasante sur le corps presque allongé. Tout cela est joli, comme une rêverie étrange, même un peu acidulée, même parfois un peu agitée. Aux acres parfums du moyen-orient. Tout cela reste encore sans doute en deça des ambitions du projet. Rien n'apparait vraiment tragique, encore. Le corps est là, mais un corps ne laisse pas deviner cette tension qui recule les limites de la danse. Un corps nu mais qui semble plus serein qu'inquiet, qui se met en jeu entier, généreusement, mais sans oser le hors jeu. Mais il est vrai: on avait vu Moeno avant.

    Quoiqu'il en soit mercredi prochain Noura Ferroudj s'envole à nouveau- encore plus haut peut être- au même endroit -Boris Vian Cité Veron - un indice: c'est à coté du Moulin Rouge-, et avec bien sur Moeno, métamorphosée en Dryoped' Ovide à nouveau.

    Guy

  • Carnet de Baal

    Et si le meilleur de Bertolt Brecht (1898-1956), c'était Kurt Weil? Même si Baal (1919) montré ici est une oeuvre de jeunesse, avant l'Opéra de Quatre Sous.Mais ici déjà, ou rajoutés après, beaucoup de chansons tristes, des complaintes de cabaret medium_file_155_big_gaff_baal.jpgque Kurt Weilaurait pu composer, style spreech-gesang décadent, des histoires de filles perdues mais pieuses et de marins. 

    Mais qui est Baal? Cela serait trop long, trop fastidieux à expliquer. Disons seulement que sur scène il y avait une douzaine d'acteurs, et deux musiciens, un dispositif scénique impressionnant: à gauche de la scène, enchevêtrés, un bistrot et son comptoir, une chambre, un grand mur tagé- pas celui de Berlin-, une cabine téléphonique, un piano, une batterie, une baignoire, un lit, un banc public, un salle à manger, à droite un grand espace vide où errer, bref beaucoup de moyens et de budget pour du théâtre social. Mais un théâtre- de quelle couleur, celui là ?- qui a le bon goût ce soir de ne pas trop se prendre au sérieux, le jeune Bertolt n'était pas encore devenu tout à fait Brecht en 1919, et le metteur en scène -  Sylvain CREUZEVAULT- a refusé de prendre en compte les versions postérieures de la pièce.

    Il reste aujourd'hui de l'essai un peu incohérent- juxtaposition de scènes- juste ce qu'il fautd'outrance, de provocation-tant pis pour le premier rang-, de grincements, de sauvagerie, de confusion, de grotesque et de débraillé. On rit beaucoup, potentiellement, enfin pour peu qu'on puisse en juger au vu d'une première partie seulement (non pas qu'on se soit vraiment ennuyé, mais trois heures et demi c'était beaucoup trop long, biologiquement, et il y a a nouveau demain Moeno).

    A voir encore beaucoup de soirs au Theatre de l'Odeon - Ateliers Berthier. Pas la vraie salle dans le quartier de l'Odéon mais l'atelier réformé, boulevard Berthier. C'est à dire la salle où le théâtre de l'Odéon s'était réfugié les années quand l'Odéon- le vrai- était en travaux. Et qu'ils n'ont pas voulu ou osé fermer quand l'Odéon a rouvert à nouveau. On en parle, c'est Baal au Festival d'Automneet c'est plein à craquer, évidemment.

    Guy