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theatre - Page 4

  • La douleur et la mémoire

    Ce sang ne sèche jamais vraiment, le sang des victimes des occupants nazi et de leurs complices. Les noms des otages et résistants sont arrachés ce soir à l’oubli en une furieuse litanie, d’une voix rageuse, sans merci. Les feuilles de papier tombent à terre au fur et à mesure de la lecture, mais les images persistent, des crimes et des supplices, intolérables, obsédants. Pas de place ici pour la distance, encore moins pour l’élégance. A prendre comme un bloc, l’engagement total de Nadège Prugnard, qui se heurte à l’indicible, yeux endeuillés de noir, qui crie et pleure ce texte et cette révolte sans reprendre son souffle. Les mots s’abiment et souffrent comme les corps humiliés sous les coups, évoquent les larmes, la sueur, la merde, la terre, la peur, haissent et demandent justice, et aiment comme l’amour éperdu, sans retour, des amants arrachés l'un à l'autre par l’Histoire. L’expérience du spectateur n’est ce soir pas plaisante, la performance salutairement excessive, à rendre bien d’autres propositions dérisoires. Faudrait-il oublier tout cela comme de l’histoire ancienne, noyée dans l’inflation des génocides? Ou se souvenir encore ces crimes, toujours imprescriptibles, refuser la banalisation, déjà à l’œuvre quand un ancien fonctionnaire chargé des question juives siégeait au gouvernement de la France dans les années 70, quand l’un des organisateurs de la rafle du vel’d’hiv’ avait dans les années 80 ses entrées à l’Elysée, alors, qu’il n’y a pas si longtemps, le leader d’un parti politique français jugeait que l’occupation allemande n’avait pas été particulièrement inhumaine.

    C'était Suzanne takes you down de et par Nadège Prugnard, au Lavoir Moderne Parisien.

    Guy

  • Bon appétit!

    texte initialement mis en ligne le 7 octobre 2010: Une Raclette est servie à nouveau au Théatre de Vanves du 11 au 13 janvier.

    Bien sur qu'on peut rire de tout (et, avant tout, de soi-même), c'est pourtant trop rare devant une piéce contemporaine. Mais surprise: ici cela fonctionne, d'autant que la forme n'est pas dupe d'elle-même et relativise ses propres prétentions dés le prologue (cela devient alors surement du théatre méta-contemporain).

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    On craint durant un laps de temps un entre-soi trop étroit, trop catégoriel, lorsque dans la salle comble commence l'appel des spectateurs pour vérifier si on peut commencer la piéce: Mélanie Chéreau (présente), Thibaud Croisy (présent), etc... C'est juste une concession clin d'oeil et factice à la participation du public (et peut-être seulement pour le soir de la première: tout fait si improvisé...), et le grand sujet est bientôt mis sur la table: la bétise. Alors c'est grand, c'est beau, et c'est universel (Ont-ils relu, de Flaubert, le dictionnaire des idées reçues?). Avant tout trés drôle, bien ammené (dommage, j'aurais sinon titré "Indigeste!"). Tellement universel, ce traité de la vacuité, qu'on se voit soi-même sur scène en tics, à enfiler des perles, tel en gros plan le beauf qui en nous sommeille, attablé comme à un repas entre voisins ou plus ou moins pôtes, bien digéré dans cette Raclette. Nous dinons avec eux, par délégation. Une amie était à la sortie décue de ne pas trouver cela assez "politique": voire... La férocité semble se nourrir de la tradition du café théatre, et la dépasse allégrement par échappées soudaines tous azimuth que se permettent  ces sales gosses jusque-boutistes. Ca fuse et ça pétille et tombe souvent juste, entre un beau babil intelligible, et blancs idiots, et rires sociaux. Surtout tout est possible, le rêve libéré, finalement dépassées les intentions brocardées au début. Malgré ou grâce aux ratés, plans de partouze un peu forcés, et sorties de route, la piece est portée par l'inattendu (spoiler:qui aurait prévu d'assister au viol de la maitresse de maison par une carotte géante? fin du spoiler) et une suite d'autres moments aussi surprenants et poétiques, mais n'allons pas tout deflorer... Et il y a ces moments, pas forcement les plus exubérants, où soudain la réalité bascule et se fige dans le silence ou dans l'absurde, comme la matérialisation objective de ces instants où tout en assistant à l'evenement social on sombre trés profond et sans retour dans ses pensées. Samedi nous recevons des amis pour diner: est ce encore possible?

    C'était Une Raclette des Chiens de Navarre mis en scène par mise en scène par Jean Christophe Meurisse au théatre de Vanves pour l'ouverture de la saison théatre d'Artdanthé. 

    Encore ce vendredi et ce samedi.

    Guy

    lire aussi Neige au théatre

    photo (©Balthazar Maisch) avec l'aimable autorisation de la compagnie

  • Levons notre verre!

    Voyons-les entretenir leurs corps, tout d'abord, dans un même mouvement, suer ensemble sur le stepper. Ce n'est pas le lieu mais ils jouent le jeu, positifs, enthousiastes. Et ce spectacle ne ressemble pas un spectacle, la drolerie s'introduit déja par cet espace. Puis regardons les, une fois attablés, lever plus ensemble que jamais leur verre à l'amitié entre les peuples, à la paix, à la fraternité, à la construction de l'Europe. Parler et parler encore, considérer avec incrédulité les errances du passé, et les horreurs de la guerre. Jouer collectif. Entre deux évidences, rassurantes, entonnons avec eux l'Hymne à la Joie, confiants en l'avenir, rassemblés sur la route de l'humanité en direction du progrés, prêts, tous amis, à celebrer l'union entre les hommes de bonne volonté, et l'art et les artistes. Et tout en souriant, danser, reprendre un verre, ignorer les différences et dépasser les préjugés. Leurs mots nous décapent sans pitié, bons clients et bon public, et citoyens vraiment citoyens, politiquement corrects et absolument ridicules à communier en bonne conscience dans le confort intellectuel et dans le grand n'importe quoi, l'idéo- magma.

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    Mais le rire, en grincant, ne s'est pas épuisé: la célébration bégaye et se répete du tout début, amnésique, altérée et plus absurde encore, avec le sentiment de moins en moins réfutable d'avoir perdu quelque chose en route depuis bien des années dans l'évidence de nos convictions, la conviction que l'important se passait ailleurs que sur les banderoles agitées devant nos yeux. Ces acteurs nous le rappellent, oublions un moment et etonnons devant les errances des champignons géants, une chanson absurde ou une colère irraisonnée, regardons les partir à poil dans la neige, dehors, et rions en plutot!

    Bonne et heureuse année à tous, paix et prosperité!

    D'aprés Une Autruche peut -elle mourir d'une crise cardiaque en entedant le bruit d'une tondeuse à gazon de Jean Christophe Meurisse et les Chiens de Navarre, vu à la Ménagerie de Verre.

    Les Chiens de Navarre rejouent Une Raclette, du 11 au 13 janvier au théatre de Vanves

    Guy

    photo par Balthazar Maisch avec l'aimable autorisation de la compagnie

  • Retour aux classiques

    Un mercredi blanc de neige et Paris au bord de la paralysie: c’est le moment de se souvenir que le Théâtre de Vanves n’est qu’à cinq minutes du métro, donc le trajet le plus court pour repartir en Villégiature, même juste le temps d’une soirée… Cette pièce est admirable. Beaucoup le savent, depuis deux siècles et demi, même pour moi ce n’est pas une surprise: je partageais ici tout mon enthousiasme en 2009. Nous avons presque passé 2010 mais la crise s’accroche, Goldoni reste donc actuel plus que jamais (et pas moins que Copi), avec ses riches impécunieux prêts à tout pour sauver les apparences. Les revenus fondent, les dettes s’accrochent,  on tient malgré tout à partir en vacances quand même, tous esclaves de la ronde des modes et des convenances, et de  l’argent bien sur.  

    La mise en scène de ce soir semble le résultat- heureux à l’arrivée- d’un compromis, entre des tentations contemporaines (la stylisation de la première partie située en ville et jouée plaquée avec frénésie à l’avant-scène avant que le décor ne tombe pour ouvrir l’espace sur l’aisance et le calme de la résidence d’été,  les didascalies dites face au public, les changements de rôles sans artifice…) et une jubilation à jouer pleinement les personnages et les intrigues. La pièce ne s’en porte pas plus mal, énergique et rythmée. Et ne sont pas sacrifiés pour autant la clarté des situations, sous la drôlerie l’acuité des observations sociologiques. En vérité j’oublie la mise en scène et suis emporté, y crois (en particulier épaté par Filippo- Olivier Achard, la bonhomie et naïveté faite homme). Frustré pourtant que la trilogie soit amputée de l’épisode du retour, avant qu’il ne faille soi-même repartir dans le froid…

    Un peu bas que Vanves, sous encore plus de neige, se trouve Clamart, deux jours plus tard, pour Macbeth. Se pose à moi un cas de conscience, car à force d’être refroidi, je ne me trouve plus dans des conditions de santé propices pour apprécier cette fois ci la performance et moins encore pour en parler…  Mais impossible de ne pas tout de suite saluer l’énergie et l’enthousiasme de cette troupe qui sans décors ni budget visible, sur un plateau de salle des fêtes, ranime de force Shakespeare avec bruit et fureur. C’est un antidote efficace à la sinistrose culturelle ambiante !

     C’était la Villégiature de Goldoni, mise en scène par Thomas Quillardet et Jeanne Candel, vue au théatre de Vanves, et Macbeth de Shakespeare, mis en scène par Thomas Adam-Garnung à l’Espace saint Jo

  • Copi 2010

    Le génie de Copi, c’est peut-être de savoir comment, jusqu’où et encore repousser les limites,  tabous tombés, nous faire accepter le mauvais goût porté au sublime. On rit jaune, mais on rit, en assistant à ce réveillon qui donne déjà la gueule de bois. Au menu très arrosé: anus de boa truffé aux couilles de rat, sur fond d’infanticide.

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    Dans la Tour de la Défense est suggéré un paysage mental seventies, s’y rencontrent les marginaux de l’époque: toxico, pédé, arabe, travelo…  comme dans un refrain de Gainsbourg/Dutronc. Ivres et paumés, bêtes et méchants, désespérés, attachants: dur de les faire exister en se réglant au bon niveau de caricature, mais cette toute jeune troupe réussit à ne pas faire regretter la pourtant mémorable version des lucioles. C’est ce soir brut et direct, emporté voire plus: douches chaudes, sexe, cris, larmes, danse, pied nus et verres cassés. Joué avec le juste ton dans l’inclassable, alors que dans la pièce sont recyclés et transgressés les codes du mélo, du tragique, du boulevard, du polard et du réalisme. Les mots osent et jouissent, les rebondissements emportent le jeu dans la transe et l’hystérie, sont alors bienvenus ces beaux soli en aparté, qui donnent soudain aux personnages une autre épaisseur en mode onirique: la jeune femme juste vêtue d’un grand collier de perles, le garçon qui chante France Gall pathétique… Avant de tous se replonger dans cette fête apocalyptique, rencontre sans issue de noirceurs et d’égoïsmes, jusqu’au denoument-forcement- tragique. La pièce, de 1977, contient en pure insolence, liberté, démesure, ce qui fut Copi-collé par des dizaines de suiveurs audiovisuels, en simple vulgarité. La charge ici est intacte, prête à exploser, laisse encore incrédule. Bon réveillon à tous !

    C’était La Tour De La Défense, de Copi, m.e.s. par Florian Pautasso et Maya Peillon.

    A la Loge, encore les 21/22/23 décembre.

    Guy

    lire aussi: le souffleur

     

  • Nue

    texte mis en ligne pour la première fois le 18/06/2009, Strip Tease est rejoué au Théatre de la Bastille du 3 au 17 décembre.

    Il y a, à la fin, un moment vertigineux, éperdu: robe abandonnée, le corps dénudé tournoie autour de la barre de strip-tease, repête en boucle les mêmes figures, persiste à s'offrir, se plie et se déplie, s'expose, s'entête et s'épuise de fatigue, et force notre désir à s'épuiser aussi, vaincu par l'empathie. Le regard demande pitié pour le nu...

    Striptease© Denis Arlot.JPG

    C'est- tous doubles sens autorisés -l'exposé le plus pénétrant auquel on ait assisté au sujet du strip-tease. Le professeur Céline Milliat-Baumgartner (1) fait la part belle aux travaux pratiques. L'actice emmène l'auditoire où elle veut, d'un bout à l'autre suspendu à ses lèvres. Avec l'habileté d'abord de le rassurer en se laissant passer pour une ravissante decerébrée, de suciter son hilarité complice, avant de le questionner à chaud sur ses motivations... La prise de pouvoir s'effectue en douceur! La conférencière annonce en un clin d'œil appuyé la problématique obligée: « c'est long, hein ! ». D'évidence, tout est ici question d'attente! Si la démonstration est généreuse, les exemples pertinents, la théorie n'est pas sacrifiée pour autant, documentée aux meilleures sources, le petit Georges Bataille bien assimilé. La langue caresse patiemment des évidences, mais qui sont bienvenues. L'effeuillage étant donc l'art de détourner le regard de l'obscur objet du désir. Cet objet restant par essence inaccessible, au cours du dévoilement toujours plus loin vers les profondeurs du corps reculé. Et de re-diriger ce regard vers les signes qui exacerbent l'érotisme, laissent les pensées s'emboiter: plans rapprochés sur les longs gants noirs de Rita Hayworth devoilant des mains lisses, sur une croupe tendue et soulignée par le tissu, sur des cambrements aigus et des talons aiguilles, sur des méches de cheveux soudain incontrolés, vers la convergence jupes courtes de jambes dénudées, sur un regard chaviré ou des lèvres entre-ouvertes, sur la rougeur d'une joue ou à fleur de peau une perle de sueur, sur le glissement d'un string le long de chevilles écartées, le dessin d'un sein ou la naissance d'une toison comme un chemin en biseau, l'ombre d'un teton dressé dans l'imaginaire et l'obscurité confondus, le contre-champ flagrant et implicite d'une pose impudique, l'aperçu entre-ouvert de chairs à contre jour. . Jusqu'à la brève contre-démonstration, faite et parfaite, que le cul sous une lumière cru, n'a (sur le plan du désir) pas grand chose à montrer: un vrai cul-de-sac. Mais que du récit naît l'érotisme: avec une chanson gorgée de promesses, par l'évocation en frisson du mythe du strip-tease originel- un accident de nudité qui aurait laissé spectateurs et danseuse médusés, vaincus par l'inconcevable, érotisés par l'innatendu, privés de volonté...

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    Tout est très sensuellement montré et démontré, remis à neuf, virginisé. Et à intelligemment déshabiller le regard du spectateur, c'est au bout du compte la strip-teaseuse- et la question de la réalité de son désir - qui s'en retrouvent occultées. « Foufoune Darling », « Lili la Pudeur »: on écoute la lithanie de ces noms de scène exotiques qui semblent autant de cache sexes sémantiques... Dites, « Mademoiselle Céline », en montrant tout de votre corps, ne gardez vous pas le plus précieux de votre pouvoir, de votre mystère?   

    C'était Striptease, création et jeu de Céline Milliat-Baumgartner, texte et mise en scène de Cédric Orain. Dans le cadre de Trans, au théatre de la Bastille, ce soir encore. Précédé de Manque et de Blanche Neige.

    TRans se poursuit avec Un presque Rien, Quel chemin reste-t-il que celui du sang ?, laboratoire, Phèdre, pauvre folle , Hamlet (fragments), Toujours le même fantasme.

    Guy 

    photos par Denis Arlot, avec l'aimable autorisation de la compagnie Jean Michel Rabeux

    Ailleurs: Rue 89

    (1) Vue dans Le Cas Blanche Neige et d'autres mises en scène de Cédric Orain: la Nuit des rois, Notre Père

  • La bête est cachée

    La nouvelle d’Henry James – «La bête dans la jungle »- nous raconte la vie d’un homme-John- convaincu d’avoir un Destin. Un événement majeur, mais indéfini, devrait un jour dans sa vie survenir. On assiste à ses discussions répétées, années après années, avec une amie nommée May. Des spéculations à propos de cette survenance, plutôt de cette non survenance. Le texte donc parle d’attente. Mais la pièce elle-même devient l'attente. L’objectif est atteint, et je suis déçu. Malgré d’infinies nuances, de glissements narratifs, de suspends, de possibilités d’émotions. J’ai l’impression de voir deux acteurs, une heure durant, s’expliquer leurs personnages, en s’appelant par leurs vrais noms. Ils jouent au lieu de jouer, parlent au lieu de parler. A coté.  La bande son d’un Bunuel en arrière fond pour mieux combattre l’illusion théâtrale. Une manière pour le metteur en scène, Jan Ritsema, de dire que le vieux théâtre à personnages est mort, victime de « l’esthétique de l’émotion ». Mais ce théâtre ci, défini comme « un exercice de pensée » ne me semble guère plus vivant. La morale de l’histoire est qu’à la mort de May, John ressent peut-être mais trop tard que l’événement absent n'était d'autre que l’amour de sa confidente, une chance qu’il n’a pas saisie. Parralellement, la pièce se révéle à elle-même les 10 dernières minutes. Cette expérience théâtrale ne me révèle pas le sens de la vie, au moins ne me prend- elle à moi qu’une heure. Dans ce parfait exercice de distance et d’assèchement Nathalie Richard et Gérard Watkins se montrent admirables de subtilité, souvent drôles, et c’est à peu près inutile. Et le tout est d’une terrible fidélité au texte d’Henry James, dont la grande valeur littéraire tient, parait-il, pour beaucoup à son insaisissabilité.

    C’était ça, de Jan Ritsema, d’après La Bête dans la jungle de Henry James, au Théâtre de la Cité Internationale jusqu’au 10 décembre.

    Guy

  • L'absence intangible

    Quelque chose se perd ici par trop de pudeur, l’essentiel je le crains, mis à trop de distance. Je suis vite découragé par la lecture blanche de ces lettres d’amour, de prison et de manque, rescapées d’une Palestine non nommée, puis par d’autres textes trop dispersés, en arabe, en français, en anglais. Aussi par cette danse qui se contente d’abord de n’être que fragilité, au mur par des images obscures, et par ce bruit de fond qui renonce à se faire entendre. Le recours à cette pluridisciplinarité ne me semble pas faire sens, chaque voix trop faible pour dialoguer avec les autres. L’accumulation s’annule. Il s’agit certes tout le long de perte et d’absence, de la mémoire des lieux et des gens mutilée par l’histoire. Mais ce minimalisme au départ courageux finit par ressembler à de l’affection, économe et asséchée. A entendre chaque histoire, on se rapproche de l’empathie, mais sans vraie compréhension.

    Se détache pourtant un moment très beau d’émotion, et qui échappe aux pièges d'un militantisme univoque pour nous faire toucher l’universalité. D’un malheur qui ne peut pas ne pas se partager. L’évocation d’une maison détruite, ses souvenirs d'une vie réduits à néant. Si fort soit le texte, il ne suffit plus. La danse vient alors au secours des mots. Sans ne pouvoir rien expliquer, mais pour tenter de soigner cette perte. Les tambours de Max Roach se révoltent. C’est un moment assez beau pour suffire à ne pas nous faire regretter toute l’expérience.

    C’était le Tangible, du collectif tg STAN et Frank Vercruyssen, sur des textes de divers auteurs, au théâtre de la Bastille jusqu’au 14 novembre.

    lire aussi  Neige à Tokyo, Théatre du blog.  , un fauteuil pour l'orchestre , Théatrorama

    Guy 

  • Je me souviens d'Anouilh.

    Je me souviens d’avoir été aussi jeune et affamé que les ados qui s’emparent ce soir de la scène de la Comédie Nation, avec peur de rien et l’envie de jouer à très haute voix, de tout être à la fois. J’aurai aimé rencontrer alors un bon professeur. Ce soir, il ne faut pas plus longtemps que la première seconde à chacun de ces jeunes acteurs pour exister à 100%. Chaque personnage sitôt dessiné. Pour rester après dans le rythme et aussi féroces que le texte. Pour parler vrai, j’aime voir enfin jouer des amateurs sans craindre de les voir jouer faux.

    Je me souviens d’avoir bizarrement lu d’Anouilh, trop tôt et il y a très longtemps, les pièces roses, pièces noires et pièces grinçantes, avant même de comprendre que tout théâtre était avant tout fait pour être joué sur scène. Avant de savoir qu’Antigone avait d’abord été écrit par Sophocle. En lisant les pièces, je commençais au moins à comprendre le sens de l’ironie, la politesse du désespoir. Toute mise en scène d’Anouilh balance sans doute entre deux feux, c’est ce soir en surface moins noir que drôle, même burlesque. Quoiqu’à gratter un peu…

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    Je me souviens avoir vu une seule des ses pièces, la dernière (le Nombril) en 1981. Un jour Anouilh mourut- puis longtemps aprés, mon père- trente ans durant ses pièces disparurent des scènes. Trop écrites, trop datées, trop peu flexibles? Cette année il a 100 ans, il est temps. J’aime voir ce soir Anouilh non trahi mais un peu détourné, joué comme du Feydeau, en crescendo, tous quiproquos télescopés. J’aime le contraste entre le contexte suranné de l’après guerre (les « cher maitre », les réquisitions de m2 carrés), et l’énergie contemporaine, jubilatoire, cartoonesque des très jeunes acteurs. Pas de temps à perdre pour tout s’approprier: ils n’ont qu’une heure! J’aime voir une pièce qui fait rire sur un si grave sujet : les emmerdeurs…. Pour nous étourdir dans l’éternel tourbillon des égoïsmes.

    Je me souviens de « Léon » (ne pas confondre avec « Léon »). Ca marche à tous les coups. Et j’aime voir mes propres fils rire pour la première fois des mots d’Anouilh. Je crois qu’ils s’en souviendront. L’un d’eux m’explique ce que le costume du plombier doit à Super Mario.

    Je me souviens d’avoir lu (vers 1975 ?), trop tôt encore, les entretiens de Numa Sadoul avec Gotlib. Adolescent alors, découvrant pour la première fois que des œuvres pouvaient non seulement se lire avec plaisir, mais s’interpréter. Ignorant toutes les années d’après jusqu’à presque maintenant que l’interlocuteur sur papier d’Hergé, Franquin, Moebius, Tardi et les autres, mettait aussi le mouvement en scène, et Anouilh qui plus est. J’aime quand les univers sortent des cases.

    Je me souviendrai d’Episodes de la vie d’un auteur, de Jean Anouilh, interprété par les Enfants Terribles et mis en scène par Numa Sadoul, à la Comedie Nation.

    C’était hier soir samedi, et encore aujourd’hui.

    Guy

  • En V.O.

    As we hear the first lines, we're surprised! The theatre did let us know the performance was in english language, but it appears the french subtiles (that were announced on the program) are, for some technical reason, actually missing....Well, We've all got to adapt, and focus. As watching a danse performance. I remember reading that Orson Wells once said he rather attend a show in a language he didn't knew, to let him fully envoy the playing of the actors... The consistency and musicality of the work of the two actress on stage are indeed attractive. But I am frustrated. I sure miss a great part of the subtility of the play. I've got the feeling to always stay far behinds the meanings, being always to slow, unable to catch all of possible implications. Thanks to Barker's writing style, some words and sentences are often repeated. On the other side, placed into an accurated state on attention, I've to let my imagination work, forced to fill the gaps. Being aware that Barker's theatre can be interprated in many ways. All things considered, It's tonight quite an interesting expérience to live.

    In addition, according to Barker's habits, the time and place of the plot are all but explicit. What did I hear, what did I see? It's as confused as the words I use to express it. After a mysterious "alteration", a catastrophe of some kind, they're only two women left on stage (and in the world?): that is a former contess and her servant. Lost in a no man's world, maybe in a no male's world. The relationships betweens these two women seem to be have been reversed, now upside-down. The former servant rules (but the situation is much more twisted than it seems at first glance). She wants her husband to have her former mistress (in a sexual way). The whole play is built on this strange request. But I'm not sure the invisible husband really exists off the stage, maybe he's only the expression of the two women's desire. Of the former servant thurst of social revenge, or of the former mistress secret fears and fantasy. It's no surprise we feel an heavy erotic atmosphère all along. The play deals strongly with social power, desire, dignity, dependence and cruallty. Sometimes a mecanic dogs appears, to claim some contess clothes, have her partly undressed. The dogs is beautifully played by a man, he frighteens the two women, it seems he is send by the husband. I ask myself if the dog could be the husband himself. There is a strong contrast between the elegance of the lines and pronunciation and the violence of their very physical relationships. What the language may be, the two women litteraly fight each other. I enjoy this harscheness. Most interesting, the former contess appears, by her way of speaking, not to be a victim, she dosn't act as submitted. The former servant domination is full of doubts. At last, the former contess disapears off the stage to have forced intercourses with the invisible husband. Or maybe it was just an fantasy. Anyway, she returns form this encounter placed an upper position. The dog nows obeys her, the roles are again reversed. The play could continue in a circular way from now on, with further alterations. Only one thing is sure: the two women need each other. It may have political implication, beyond phsycological meanings. I'm out of words now, so that'll be all, and sorry for the many mistakes. If anybody saw another story he's welcome to tell it.

    Guy

    Howard Barker's Deep wifes, shallow animals , directed by  Patrick Vershueren, at Gare au Théatre (cup of theater festival).

    lire aussi: Dona Juana