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danse - Page 34

  • Moeno Wakamatsu à fleur de peau

    Moeno Wakamatsudanse, et cette danse a comme irrésistible effet de faire oublier, pour le temps qu'elle existe, ce qui a précedé, tout ce qui est extérieur à elle. C'est sans appel et sans regrets. Au ralenti une déferlante. Un an. Un an et pour rien? On prend soudain conscience que l'on est revenu pas très loin du point de départ, et assez allégé. Revenu au point d'où on etait parti ou sinon juste quelques centimètres au dessus, aprés un an de regards aléatoires sur à peu pres soixante-dix expériences, pour n'évoquer que celles qui se placent plus ou moins dans le champ de la danse contemporaine. Pour chaque soirée une trace laissée ici, une évocation comme à la lueur d'une lampe de torche, pour voir creuser du regard un peu au delà de la barrière des discours de fumée et des attentes sociales, mais c'est à peine plus, ou même un peu moins chaque fois, qu'une capture d'écran floue, une appropriation arbitraire comme seule alternative à l'oubli radical. Pour un an surtout pas de bilan anniversaire, juste cette évidence qu'on abandonne en passant: c'était un an d'imprévisibilités, une explosion en rafales de formes chaque fois différentes, d'énergies généreuses et de talents obstinés. Merci. Autant pour les déclinologues qui soupirent à chaque saison, pour les entomologistes de tempérament, pour les faiseurs de jugements à l'emporte pièce: le spectacle reste indéfinissable, insaisissable et vivant. Mais ce soir, aprés un an de propositions en tous sens, certaines très scénarisées, d'autres concentrées à percevoir leur propre respiration, collectives ou solitaires, discrètes ou bruyantes, techniques ou basiques, pudiques ou provocatrices, généreuses ou désabusées, enflées ou modestes, bavardes ou elliptiques, naives ou conceptuelles, et certaines qui à forces de surcharges ou de discours nous avaient alors un peu éloigné du corps, on y revient, en plein. On revient à quelque chose de fondamental et inexpliqué. On revient à Moeno. Un an après. Mais qui elle va depuis bien plus loin.

    "Obscurité de verre": c'est un bel oxymore. Plus signifiant qu'il y parait d'abord. Plus immédiatement l'épure s'impose à la conscience, dénudée et transparente, plus le mystère persiste, impénétrable plus que jamais. La performance sera intense et dépouillée, et déja littéralement. Cette nudité qui n'est pas sans risques, non pas tant une question de pudeur ou de provocation, mais plus simplement en termes artistiques: accessoires et ornements qui pourraient accrocher le regard, esquisser comme un scénario, et distraire de l'essentiel, sont ici vite abandonnés, comme cette peau déja morte. Une fois tout ce qui est de l'ordre du social extirpé, que reste t il? Une sourde animalité clouée au sol, qui échoue à s'extraire d'un corps contraint, tous membres étirés en tensions contraires? Ou un réceptacle creux de douleur, lentement ouvert à toutes les forces invisibles prêtes à le traverser? Les interprétations s'épuisent contre le temps et s'évanouissent jusqu'au renoncement. Reste le mouvement: la forme, de foetale devient diaphane, dans un effort décharné se renverse d'un coté puis de l'autre, développée à l'extrême du méconnaissable, visage contre le sol, yeux entre-ouverts qui n'appartiennent plus à personne. Les yeux de la danseuse osent enfin se lever en direction du ciel et le corps debout les suivre. Ce n'est pas la conclusion, pourtant, c'est une nouvelle étape, qui perdure, miraculeuse. On a laché prise mais voit-on mieux, notre regard un peu éduqué à force d'expérience? Rien n'est moins sûr. L'émotion est toujours première, irréfléchie, et cette danse porte en elle même sa résolution. Jamais répétée. Plus forte que toutes les tentatives d'accumulation, elle laisse derrière elle une page blanche. On a rien appris, depuis un an sauf que cette danse s'est encore élevée. On venait d'ici. C'est ici où l'on revient, au tout début, quand les lumières s'éteignent, amnésique, l'inquiétude déjà avivée, saisi par le vertige de tous les possibilités.

    C'était Fleur de Peau contaminée par Moeno Wakamatsu, accompagnée de Claude Parle. 1er épisode du cycle Obscurité de verre en huit parties, tous les mercredis à la fond'action Boris Vian.

    Guy

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  • Claudia Triozzi: Vers le haut

    On se sent dés après les premières minutes un brin intimidé par le travail de Claudia Triozzi. En lui reconnaissant le mérite de se situer d'emblée loin au delà de la danse. De la danse tel qu'elle est généralement présupposée, telle qu'elle nous est donnée à voir, le plus souvent. Ici pour une fois au moins, parler de recherche n'est pas un vain mot. Comme dans "Plus ou moins l'infini",mais d'une toute autre manière, l'enjeu se détourne du corps et de ses mouvements, prend du recul. Plan large sur la mise en situation croisée des matériaux scéniques et perceptifs: corps et décors, lumières et sons. Jusque là on reste dans les paramètres ordinaires du spectacle, mais la différence est qu'ils sont ici imbriqués à un rare niveau de sophistication. Et sans progression dramatique, qui s'incarnerait en un sujet, qui s'imposerait vraiment. On met un temps à accepter cette règle du jeu.

    medium_up_to_date.JPGMais que voit on alors? La mise en scène d'états évolutifs et flous d'un milieu contrasté dont la danseuse, de dos le plus souvent, n'est que l'une des composantes. Jusqu'à parfois s'effacer, par effet d'illusion. Durant l'exploration de ce labyrinthe baroque de musiques, de formes et de couleurs, la matière visuelle et sonore mise à contribution est d'une exceptionnelle richesse. Pas de ligne elliptique, mais au contraire de l'accumulation, du tout-plein, du luxueux au luxuriant. Ce sont les modifications de l'environnement- de magnifiques toiles imprimées sur des colonnes qui pivotent, motifs baroques, forêts, cascades, villes, intérieurs bourgeois- qui commandent les transformations de la danseuse. Progressant au vertical sur les degrés du décor, celle-ci abandonne chaque fois sa robe précédente pour en découvrir une nouvelle, imprimée des mêmes motifs que le fond. C'est visuellement troublant, même jusqu'au vertige. Le sonore est au même niveau d'originalité, d'humour froid et d'exigence. Heurté et atypique. Cerébral à l'excès? Selon l'adage, quand on met un caméléon sur une couverture écossaise, il risque d'exploser. Et le déroulement est d'une lenteur obstinée- ce qui nous rappelle avec soudain un peu d'hésitation qu'on ira revoir bientôt Maria Donata D'urso. Mais ce sera une autre soirée, l'enjeu est pour le moment de trouver assez de relaxation, ou d'exigence, pour mériter de regarder.

    C'était Up to Date de ..., au Thêatre de la Commune à Aubervilliers, avec les rencontres chorégraphiques internationales du 9-3.

    Guy

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    P.S. du 11 mai: plus efficace que toutes les tentatives d'explication, plus haut une belle photo, avec l'aimable autorisation de Raphael Pierre

    P.P.S. du 12 mai : voir plus bas le commentaire de Cyril Seguin qui rectifie et precise le rôle des différents intervenants pour la création des décors. On en profite pour proposer un lien sur l'échange entre Claudia Triozzi et Vincent Dupont à propos d'Up to Date sur le site des laboratoires d'Aubervilliers

    PPPS du 13 mai: à la demande des intéréssés, écrivons une fois pour toutes qui fit quoi: 

    Conception, interprétation, scénographie: Claudia
    Triozzi.
    Musique: Haco, Michel Guillet (électronique), Claudia
    Triozzi (voix et textes)
    Costumes: An Breugelmans
    Lumières: Yannick Fouassier
    Conception technique et construction décor: Christophe
    Boisson
    Textures du décor composées par Jacques Ninio.
    Régie Son: Samuel Pajand
    Régie vidéo: Romain Tanguy
    Construction: Damien Arrii

    P.P.P.P.S du 30 septembre: Claudia Trozzi à Nightshade: c'est ici 

  • Alban Richard: passage au noir

    Ils font leur entrée sur le plateau en courant, cinq ensemble, déjà en état d'urgence. Est ce pour cela que l'on ressent, spontané, comme une évidence, le sentiment d'assister à un évènement fort et singulier? État de chocs. Direct. Sans ménager de montée en puissance. États émotionnels soulevés comme par une vérité aveuglante et corps déjà projetés au paroxysme, comme par électrochoc. Notre réflexion vient après, si elle peut jamais. Mais pour l'instant juste quatre minutes trente, car alors ils repartent en coulisses, nus encore, toujours au pas de course. Et, quelques secondes plus tard, reviennent: répétition de la séquence.

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    Et de nouveau les mêmes, trois femmes et deux hommes, sur les mêmes territoires qu'ils s'échangent sans se rencontrer, par mêmes séquences succédées de mêmes durées: pour chacun courses, stupeurs, bonds, brefs états de beauté-ou d'hébétude?-, courtes langueurs, reptations, évanouissements, brusques retours à la conscience, étirements extrêmes, rebonds nerveux. Furieuses recherches d'état d'équilibre, rompus, ou réactions incontrôlées à d'indicibles émotions. Au pluriel. Cinq trajectoires qui d'évidence souffrent, combattent l'invisible, fragiles et instables, mais comme molécules qui pourtant s'ignorent, concentrées sur elles-mêmes: c'est un tourbillon d'essayer de les suivre en ensemble. Et surgit l'évidence de ressentir beaucoup de ce que le buto fait naître souvent, ici développé avec de tout autres moyens de danse. Ces poses dans le sensible font basculer la complète nudité du coté de la vulnérabilité et de l'émouvant. Les corps sont "vrais". S'exposent premiers et entiers, sans apprêts ou intentions. Jeunes ou peut-être un peu moins déjà, l'important est que cela n'importe plus vraiment. A chaque variation de la séquence initiale de quatre minutes trente, la charge émotionnelle rompt ouvertes toutes voies aux interprétations métaphoriques.

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    Mais d'une répétition l'autre, dans les luttes s'épuisent les corps, les lumières se rassemblent au centre et faiblissent, les mouvements se ralentissent pour changer de signification, peut être vaincus dés le début. La musique qui se décharge en flux compacts est trop brouillée pour y accrocher des repères. Cette répétition ad nauseam signifie-t-elle enfermement? Une lutte perdue d'avance? Effets de traumatismes inscrits premiers dans la mémoire immédiate, mais jamais surmontées par la raison ou la volonté, de récurrences en récurrences? Séquences après séquences, de départs en retours, les corps se laissent occulter de pièces de tissu, comme par l'effet d'une contagion par le noir. D'abord tuniques courtes et incongrues qui laissent culs nus ou poitrines découvertes, puis vêtements complets qui étouffent plutôt que de protéger, ensuite robes comme cléricales aux étoffes qui se froissent, enfin pour le pire visages masqués. Les lumières meurent vers le crépusculaire, absorbées par un noir funèbre. Agonies solitaires qui s'agitent encore, presque aveuglées, engourdies par la paralysie. Faute- imagine-t-on- qu'il n'y ait jamais eu rencontres entre eux, qu'ils puissent résister ensemble. Le noir englue. Survivent les faibles ombres des mouvements du début. Seuls survivent les souvenirs de leurs gestes qui agitent les robes noires et raides.

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    C'était la création d' As far as d'Alban Richard-Ensemble l'Abrupt avec Cyril Accorsi, Mélanie Cholet, Max Fossati, Laurie Giordano, Laëtitia Passard, lumières de Valerie Sigward, musique de Laurent Perrier, à la MC93, avec les Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine Saint Denis.

    Guy

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    Photos au coeur du spectacle avec l'aimable autorisation de Vincent Jeannot- Photodance.fr

    A lire aussi: Danzine

  • Simone Aughterlony: peine plancher

    Procès pour flagrant délit.

    Chef d'inculpation: tentative d'assistance à performance malencontreusement subventionnée.

    Verdict: coupable.

    Condamnation: 16 € d'amende et 50 minutes de reclusion.

    1. Fausses entrées de Simone Aughterlony: 10 minutes.
    2. Simone Aughterlony et Thomas Wodianka récitent debout un dialogue à propos d'une performance fictive: 15 minutes
    3. Thomas Wodianka hurle et se tord: 5 minutes
    4. Simone Aughterlony danse en trois pièces et se fait mal : 9 minutes
    5. Simone Aughterlony et Thomas Wodianka gisent: 1 minutes
    6. Thomas Wodianka bouge à poil: 9 minutes et 30 secondes
    7. Aplaudissements: 30 secondes

    Peine purgée. Libération.

    C'était Performers on Trial de Simone Aughterlony avec Simone Aughterlony et Thomas Wodianka, à la MC 93 Bobigny, en ouverture des  Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine Saint Denis.

    Guy

    Pour les récidivistes: extrait vidéo ici

  • Unger & Ferron: Poupées plastiques

    medium_beaute_plastique.gifLes poupées, au masculin ou féminin, se font ces temps ci très présentes sur les scènes contemporaines, depuis Brigittte Seth et Roser Montlo Guberna en passant par Christina Ubl, jusqu'à cette piece de Frédérike Unger & Jérome Ferron. Moqueuses allégories de la condition de l'artiste? Pour autant doit se montrer assez patient pour regarder une danseuse aligner implacablement, une par une, soixante-deux poupées barbies nues sur le plateau, tandis que sa partenaire tente de venir à bout de son solo dans un espace ainsi réduit à sa portion congrue?

    Sûrement, car cet envahissement de l'espace par la blonditude en série détermine toute la suite des évènements. Qui s'imposent aux deux plus grandes poupées vivantes, livrées sans aucun accessoires elles non plus. Enfin plus exactement habillées de fausses fleurs pour une entrée adaptée à ce sacre du printemps. Puis bientôt simples Venus pour arpenter la scène, impavides et sur pointes imaginaires: c'est une littérale exposition de la beauté plastique  du titre. Et froidement méthodique: de face, de dos, de profil. Après, se rhabillant- première rupture- à dessein très pauvrement: couleurs de mauvais gout et survet' déchiré aux fesses-pour le solo de l'une, en progression enchainée par basculements au sol, gestes exagérés de poupée et sourire figé. Eclipsant la laideur vestimentaire s'impose alors justement la beauté du geste. C.Q.F.D.? De même pour le solo de l'autre, d'un classique élégant et glacé, modèle de beauté formelle, calibré tout prés de l'irréprochable et pas loin du parodique.

    Incongru entre ces deux soli, medium_beaute_3.gifun déshabillage encore, arrêt sur image pour une nouvelle exposition assumée. Noir, lumière et toutes deux encore immobiles en nudité, avant échange des mêmes fringues au rabais. Après ces danses le x-ième et dernier passage par l'exhibition préludera à son inéductable décadence en une version grinçante: sous-vêtements couleur-chair qui dessinent une grossière caractérisation sexuelle, quasi-industrialisée, masques maquillés de cils et rouge à lèvres d'un vulgaire obscène. La dépersonnalisation, en une féminité réduite à son plus triste stéréotype: c'est le prix à payer pour s'intégrer incognito chez les poupées barbies. Leur transformation ainsi parfaite en femmes-objets, les deux danseuses progressent entre petites poupées sans renverser celles-ci, de gestes stéréotypés en poses imposées d'un triste imaginaire de séduction. On échappe pas aux poupées de plastique, qui à la fin dansent par images grotesques et saccadées jusque sur le fond d'écran. Les vraies danseuses n'ont alors plus qu'à ramper, avec un embarras qui les rendraient presque à nouveau humaines, dans l'espace que les lumières transforment en un milieu onirique et cauchemardesque. Bilan: seulement 6 ou 7 barbies renversées.

    medium_beaute_2.2.jpgSur le thème de la dictature qu'exercent les images de la beauté, dictature exercée sur celles qui tendent à s'y conformer tant que pour ceux qui les regardent faire et s'aliéner, la démonstration est sans failles. Elle s'appuie sur la mise en oeuvre d'une séduction irrésistible au premier degré, pourtant ambiguë dés la première seconde, pour amener à une prise de distance lors de l'apothéose en douche froide. L'exercice n'est pas d'une originalité ébouriffante, mais pour le moins efficace, affûté, cohérent. Portée par ce scénario sans temps morts la danse entendue au sens strict est loin d'être anecdotique. Pour terminer, le rapport conceptuel avec "Le sacre du printemps"de Stravinsky -version un peu psychédélique et arrondie d'échos-  semble ténu. Mais cela fonctionne, étrangement.

    Sur le papier au moins c'était une bonne idée d'enchainer avec ensuite avec "Ta femme en kit" de la compagnie bobainko, car la thématique à priori voisine: les stéréotypes de la femme idéale. Mais on fut moins convaincu. L'exploration méthodique de divers modes de la culture musicale populaire: chanson sentimentale, valse violoneuse, comédie musicale bas de gamme, punk, rap, etc... nous semblait un peu gratuite et surtout dispersée, malgré de beaux effets de robes à paniers. Et on y a entendu une adaptation en français de "Tell it like it is". Sacrilège. Disqualification. Seul Aaron Neville a le droit de chanter "Tell it like it is". 

    C'était Show case #"1 - Beauté plastique de Fredérike Unger et Jérome Ferron, avec Frederike Unger et Emily Mézière-Compagnie Etant Donné à  l'Etoile du Nord. Suivi de "Ta femme en kit"  de Domitille Blanc, Aurélie Burgeot, Vanessa Morisson et Marie Rual. Jusqu'à samedi encore.

    Guy

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  • Plus ou moins l'infini: la ligne claire

    Flagrante rupture avec l'attitude narcissique, emphatique, sacrificielle, frontale, impudique, à laquelle nous habituent les danseurs. Les artistes circassiens ici s'effacent modestement au profit du geste, pour que celui ci soit simple, efficace, évident, absolu. Droit, net comme les lignes, qui tracent la direction de la pièce. Le corps n'est qu'un moyen du spectacle, en concours avec accessoires et lumières, et non plus son sujet central. Ce n'est pas un hasard si la pièce débute et s'achève en l'absence d'artistes sur scène, sur la mise en mouvements de simples tubes de métal, combinés en figures géométriques qu'animent les lumières. Troublante personnalisation de l'abstrait, tant le mouvement suffit à imposer l'idée de la vie. Les artistes prennent leur place quand même, d'abord une main, puis une tête qu'un corps sans tête poursuit. Les visages restent absents presque, pas des personnages vraiment, juste de fragiles silhouettes. Au service de l'image. Au même plan dramatique que perches, bâtons et ballons. On pense à la puissance expressive, de "La Linéa" ou celle de certains des dessins les plus épurés de Moebius. Attitudes raides, costumes strict comme ceux des musiciens de Krafwerkt, humour et stylisation géométrique.

    Poursuite des lignes de la nostalgie vers le futurisme : malgré le modernisme et les clins d'oeil aux cultures populaires de l'ère moderne -Star Wars, Atari, Space Invaders jusqu'à Matrix-, malgré les mises en situation de personnages confrontés à leurs propres images, réduites à l'essentiel numérique, pour des parties de jeux sur écran, malgré ces mises en abîmes qui- ne serait ce le traitement burlesque- pourraient évoquer le trouble d'une violence banalisée/virtualisée, le cauchemar de rapports humains anesthésiés en 2D, on pense à l'esprit du cinéma muet. En voyant ces acrobates qui progressent à contre courant sur les lignes mouvantes, qui accrochés à leur perche resistent au vertical contre la gravité, sans témoigner de la moindre indignation, sans effort apparent, sans trahir d'émotion. On pense, inévitablement à Buster Keaton, l'immortelle incarnation de la dignité humaine confronté à l'adversité. Le Buster Keaton de Steamboat Junior, fétu de paille au coeur du cyclone, mais frayant son chemin obstiné, chute après chute, contre les élements. Une calme et résolue révolte, d'un absolu géométrique, corps contre lignes, grain de sable, le propre du genre humain.

    C'était Plus ou moins l'infini , conçu et scénographie par Aurelien Bory-Compagnie 111, mis en scène par Phil Soltanoff, au theatre de la Ville.Sur invitation de BNP Paribas, ce qui démontre que le spectacle vivant sait parfois chercher l'argent là ou il est.

    Guy

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  • Thierry Baë danse pour de vrai

    N'est ce pas trop audacieux, d'ouvrir d'emblée cette performance en annonçant l'absence de Thierry Baë qui serait resté en rade en Chine, remplacé sur scène par un amateur? Attaque quasi-suicidaire, qui pose sans préambule la question même de la possibilité du spectacle. Puisqu'on reste là à regarder, le spectacle est quand même, mais l'on plonge droit au coeur du sujet: la perte, l'incertitude, la disparition, le doute, l'inquiétude.

    Mais est ce pour de vrai audacieux? Car on connaît bien ce vieux truc de bateleur: un candide mais comparse qui soit disant remplace la vedette au pied levé, histoire de rafraîchir d'authenticité le spectacle, signifier que tout est vrai à nouveau, que tout peut arriver, et que l'artiste tout à l'heure pourra tomber pour de bon, de trés haut, sans filet. L'amateur de ce soir - Denis Robert, le journaliste de Clearstream- dés le début comme par hasard tombe en dansant. Mais prend bientôt soin de préciser que cette chute était intentionnelle, d'avance répétée. Connivence forcée, les pistes sont brouillées. On ne pourra prétendre qu'on était dupe. Pourtant... Plus tard Denis Robert de raconter que Thierry Bae et lui même, plongés en plein doute créatif, croisent sur une place un S.D.F.. Aprés s'être soulagé, le S.D.F. tombe d'un coup en arrière sur le pavé. "Tu vois: ça c'est de la danse contemporaine" s'exclame le chorégraphe. De l'art à l'état brut? En tout cas un point de départ qui s'ancre dans le réel (ou le vraisemblable?), histoire de vaincre l'angoisse de la page blanche. Et de fait, entre le pas-grand-chose et le presque-rien, quelque chose dans le spectacle finit par exister. Denis Robert, toujours de corvée, sur scène dans le rôle du S.D.F., tombera pour vraiment pour de faux. Fausse chute, et vrais faux documentaires filmés pour évoquer la genèse du projet. Des rencontres cocasses et en impasses avec Mathilde Monnier, La Ribot, etc... qui glissent habilement du vraisemblable au franchement abracadabrant. C'est que, comme dans un documentaire d'Orson Welles, le factice s'insinue et déborde pour mieux mettre à jour une vérité signifiante, l'autofiction a fini par contaminer la danse.

    Denis Robert fait fonction de doublure et commentateur à la fois, relâché à un ton second degré pas toujours de la plus grand finesse, un ton tel que peut s'autoriser un ami d'enfance du danseur (D'ailleurs, sont ils vraiment amis d'enfance, où est-ce une mystification supplémentaire?). Un biais peut-être, pour traiter de manière supportable, sans affect qui viennent nous prendre en otage, les thèmes graves qui affleurent sous le comique de situation: la maladie grave qui menace la pratique artistique et physique, voire la vie même du danseur, son arrivée à l'âge de la maturité à l'âge du jeunisme, et, tout court, la difficulté d'encore créer. De fait, à chaque rencontre filmée que fait le personnage de Thierry Baë, c'est son identité d'artiste qui est remise en question, voir niée, avec toute la gentillesse du monde. Sous le regard amical ou professionnel de l'autre, trop vieux, trop malade, trop faible, trop incertain surtout. Il faut donc bien partir à neuf pour revivre. Loin. Pour y trouver quelque chose à chercher? Très loin. Jusqu'à Taiwan par exemple.

    Le danseur escamoté, que devient la danse? La danse, raréfiée, en devient très précieuse, vraie surtout. Elle survit malgré tout, ombre d'elle même, fragile, remise en doute, fatiguée, hésitante, mais vraie, par sa volonté de vivre, malgré tout. Et...surprise!

    C'était Thierry Baë a disparu , de Thierry Baë, au Centre National de la Danse, avec le festival 100 Dessus Dessous

    Guy 

    P.S. Le Tadorne n'avait pas été convaincu par ce tour de passe-passe, c'est à relire ici

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    P.S. du samedi 28: Thierry Bae présente actuellement son journal d'inquiètude au Théatre de la Bastille, et a droit à une pleine page de l'Express cette semaine.

  • Mette Ingvartsen: à moitié?



    Festivaliers d'un soir, on grimpe en bobo-bus pour une balade le long du canal dans le Parc de la Villette: un transport aux parfums d'excursion du dimanche, passage bon marché dans une autre dimension. Aprés Anne Juren, Mette Ingvartsen nous attend à la Halle aux Grains, de dos et de pied ferme.

    http://www.aisikl.net/mette/pieces/50-50/50-50_video.html

    Action: sur la sono solo à l'enclume du batteur de Deep Purple: c'est à l'état natif assez caricatural pour n'être écouté qu'au second degré. Bande son idéale pour que Mette Ingvartsen nous prouve qu'elle a assimilé à 100 % les glorieux idiomes du rock viril. Contre emploi aussi convaincant que Kataline Patkai en Jim Morrison. Transposition efficace, traduction dynamique par medium_50_50.jpgmouvements du fessier, qui secouent nos repères visuels, gestuelle radicalement réinventée-car on a jamais vu un chanteur de hard rock en femme nue avec une perruque orange et des baskets. Nue certes, mais l'androgénéité s'est installée par le geste. La feminité sacrifiée sans états d'âmes pour les besoins de l'exercice, très loin l'érotisme, le résultat y gagne deliceusement en humour décalé. un peu trop? La suite, coté cirque et opéra, dérape un peu dans un grotesque assumé, beaucoup d'idées mais des changements de tons et de thèmes sur un mode trop bon enfant. Comme elle est drôle et douée, on est complice, mais du même coup trop proche, et qu'à 50 % convaincu. La perruque tombe et le mystère un peu aussi. Logique impitoyable de l'effeuillage? Trop décousu, succombé à la tentation de trop en faire, à l'instar du dernier opus- To Come-de la belle? On avait préféré de très loin le Manual Focusque la jeune chorégraphe danoise exécuta ici même, cette pièce d'alors à 100 % homogène, cohérente, étrange, virtuose, manipulatrice, intrigante.

    C'était 50/50 de Mette Ingvartsen à la Halle aux Grains du Parc de la Villette, avec le festival 100 dessus dessous, hier et aujourd'hui encore à l'instant même. Pour ceux qui en ce moment n'y sont pas, un extrait du meilleurs ici.

    Guy

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  • 50 fois Anne Juren

    Code Series est un solo dans lequel une phrase de danse de 30 secondes est répétée 50 fois de différentes façons. La pièce met en scène ses variations. La chorégraphie initiale n’est jamais montrée et jamais un paramètre n’est répété deux fois. Code Series est un solo dans lequel une phrase de danse de 30 secondes est répétée 50 fois de différentes façons. La pièce met en scène ses variations. La chorégraphie initiale n’est jamais montrée et jamais un paramètre n’est répété deux fois. Code Series est un solo dans lequel une phrase de danse de 30 secondes est répétée 50 fois de différentes façons. La pièce met en scène ses variations. La chorégraphie initiale n’est jamais montrée et jamais un paramètre n’est répété deux fois. Code Series est un solo dans lequel une phrase de danse de 30 secondes est répétée 50 fois de différentes façons. La pièce met en scène ses variations. La chorégraphie initiale n’est jamais montrée et jamais un paramètre n’est répété deux fois. 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    C'était Code series d' Anne Juren à la Halle aux cuirs avec 100 dessus dessous.

     

  • Yumi Fujitani: Kao puissance 8

    Où était donc passé la dame dépitée du peu de buto de mercredi dernier? Qui ce soir aurait été rassurée de voir Gyohei Zaitsu, puis Claude Parle et Maki Watanabe monter en scène: à eux trois souvent pas loin du plus excitant dans le genre. Pour medium_kao_chaos_7danseurs_web.jpgcommencer ici comme en une réverie désinvolte, à prendre possession des lieux. geste après geste. Variations, approches à caresser notre attente et enfin Maki se fige en équilibre à terre-la pose est connue et reconnue- à son coté Gyohei debout, impénétrable observateur, qui campe un personnage déjà inquiétant. Mais se lèvent alors du public cinq nouveaux danseurs, et se figent de dos. Arrêt sur images colorées. La pose de Maki, bras et jambes tendus et suspendus, maintient la tension.

    C'est à partir de ce tableau de contrastes, que le jeu change, s'ouvre sur un imaginaire puissant. Au contre-pied de la juxtaposition de solitudes du kao précédent: un enchainement d'interactions cruelles, paniques et étreintes, désarrois offerts et sourds désirs, défilé de fragiles figures mais le personnage de Gyohei toujours mène le jeu, interroge chacun des yeux ou de la main, fouille chaque inquiétude, éprouve et manipule chair aprés l'autre. Désordre sans incohérence à huit corps, huit voix étranglées qui se succèdent, dont celle de Claude Parle dont l'accordéon est ici un vaisseau furieux, qui s'oppose et s'entrechoque aux mouvements autant qu'il les supporte. Gyohei impitoyable inquiète jusqu'au public dont à nos cotés l'ado boudeur qui a pris le relais de la voisine néphotype. Seule rescapée sur scène: le personnage incarné par Maki, image d'innocence idiote et féline, chants et coups de griffes. Qui ferme le jeu, renvoyant aux limbes en tournoyant autour d'eux les personnages survivants: n'existaient-ils que dans son rêve?

    C'était "Kao-Chaos...tels que nous sommes..."- dansé par Yumi FUJITANI, Gyohei ZAITSU, Maki WATANABE, Elise HENAULT, Sibylle JOUNOT, Bino SAUITZVY, Delphine Brual, et Claude PARLE à l'accordeon. mis en scène par Yumi FUJITANI & Mido OMURA au Proscenium, jusqu'à samedi.

    Guy