A la lecture, les intentions énoncées par les plumitifs d' Etant Donné pour ce Show Case Trilogie paraissent un poil sérieuses et auto-centrées ("Explorer les notions constitutives du spectacle: l'idée de la beauté, l'idée du temps, l'idée de vacuité"). Elles laissent craindre un pensum sur la représentation représentée. Mais, soulagement, les chorégraphes mettent ces intentions sur le tapis avec une fraîcheur bienvenue.
Démonstration faite avec l'attaque de Let's Dance. Le tapis blanc immaculé apparaît comme un gouffre un peu effrayant dans lequel nos trois danseurs n'osent s'engager, avant de trouver un moyen- joliment enfantin- de d'y risquer. On a vu manière plus ennuyeuse de remettre en perspective l'espace scénique. C'est autant de distance ironique partagée vis à vis de ce qui pourra s'y dérouler ensuite: l'attaque en règle d'un morceau de choix de la matière-répertoire. Tchaikovsky en prend pour son grade, les irréprochables figures classiques en ressortent blessées à mort, même si les cygnes bougent encore. Les décalages sont parfois nets- des gags musicaux dans un esprit cartoon-, parfois installés avec plus de légèreté. Même si on atteint pas les sommets pince-sans-rire qu'ont explorés les Delgado-Fuchs. Mais dans ce jeu, très précis et élaboré, des quatre coins, la jubilation se fait complice. On pense un peu à la phrase de Charles B. (1821-1867) : "Le génie est l'enfance douée d'organes adultes pour s'exprimer".
En seconde position, Laps est le type même de la pièce urticante. D'un coté il est toujours intéressant de s'intéresser au temps, de l'autre on reste tout de même très loin de Saint Augustin. D'un coté le sous-titre est remarquable-"solo pour un danseur en short"-, de l'autre on se dit, passées presque cinq minutes de course sur place, que les plaisanteries les plus courtes sont les moins longues. D'un coté on a rarement vu sur scène quelque chose d'aussi sublimement laid que les chaussettes rouges et jaunes de Jerôme Ferron, de l'autre l'usage répété de l'aquarium apparaît d'une gratuité assez lassante. D'un coté il est approprié que Ravel soit la seconde victime, avec un bolero qui ne semble ne jamais commencer, de l'autre la performance ne semble pas parvenir à résoudre la difficulté qu'il y a à montrer l'attente tout en s'interdisant de suggérer plus que le commencement d'autre chose.
De Beauté plastique, on a déja parlé ici l'an dernier de manière raisonnée. Non sans mérite car les belles Frédérique Unger et Emily Mézière n'arrêtent pas de déshabiller, ce qui trouble un peu le recul critique. Mais ce qui ne nous distrait pas, il est vrai, du sujet en lui même: l'expérience de la beauté. La pièce gagne encore en cohérence quand ici elle conclue la trilogie: la saturation de notre espace de vision par les poupées (style) barbies prend une nouvelle force en vis à vis du vide aveuglant du tout début. Et la performance en froide efficacité: cette fois pas plus de 3 poupées renversées. La pièce persiste à être la plus construite et équilibrée des trois, et même la plus féroce. Pour autant l'ensemble reste cohérent et ludique. Quitte sans doute à risquer, pour cette raison même, plus d'un procés en superficialité et insignifiance... Acquitté!
C'était Show Case trilogie: Let's Dance..., Laps (solo pour un danseur en short), et Beauté Plastique ♥♥♥♥ , de et par Jérome Ferron et Frédérike Unger (Etant Donné), avec aussi Emily Mézières, à Micadances, avec le festival Faits d'hiver
Photos avec l'aimable autorisation de Jérome Delatour- Images de Danse