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danse - Page 29

  • Eleonore Didier de A à Z

    Sur la feuille de salle de LAISSERVENIR, Eléonore Didier  suggère un abécédaire. Hélas réduit à 16 lettres (dont 2 "D" et 3 "E"). Propositions 74264464.jpgpour un alphabet complet:

    • A comme Anorak, à même la peau, couleur de pauvreté, d'une remarquable laideur. Une manière de prendre ses distances avec la beauté dansée?
    • B comme Basculement, leitmotiv dans le vocabulaire gestuel mis à contribution, au sol ou sur/sous/dessous/dessus/autour de l'Echelle.
    • C comme Chaussettes à tête de mort. Eléonore Didier n'en porte pas (s'en tient au strict Anorak). Ce qui clos une longue contreverse interprétative avec J.D.
    • D comme Danse?. Ou autre chose? C'est une question qui rapidement passe au second plan.
    • E comme Echelle. (Ou Escabeau). Un accessoire vulgaire par excellence. Qui ancre la performance dans la banalité du quotidien. Aussi dur et froid que chaude est la peau. Mais qui est théâtralisé durant la performance en une pure forme pyramidale, un terrain de jeu, un lieu dans le lieu.
    • F comme Frustration: (voir quinze Minutes)
    • G comme patins à Glace, le seul accessoire absent de  la matrice de Paris Possible. Un outil d'instabilité?
    • H comme Humour. Qui surprend au détour. Par le détournement du quotidien. 
    • I comme Imaginaire. Stimulé. 
    • J comme Jeu avec notre regard. Dirigé. 
    • K comme Kafkaien. La performance fait qu'on s'y perd peu à peu. L'espace parait hostile. La danseuse porte son Échelle, il semble qu'elle hésite avant de trouver l'endroit pour l'installer.
    • L comme LAISSEZVENIR. Pourquoi Ce titre en un seul mot? Est ce une allusion au dualisme activité/passivité?
    • M comme quinze Minutes à comparer aux deux heures de Paris Possible. Donc tout a changé. Quinze minutes qui sont irritantes et passionnantes. C'est entendu. Mais c'est beaucoup, beaucoup trop court.
    • N comme Nue.
    • O comme Oser. A tous points de vue.
    • P comme Paris Possible. Formellement, LAISSEZVENIR est une variation à partir de Paris Possible . Pour l'essentiel une variation à partir de ses dernières minutes. Mais dans son format de quinze Minutes, LAISSERVENIR devient tout autre chose. Et, paradoxalement, c'est plutôt dans Solide, Lisboa qu'on retrouve l'esprit de Paris Possible. Et l'expérience d'instants étirés.
    • Q comme Cul Écrivons-le net et sans précautions, car c'est peu de dire que le sexe se donne à voir cru sous l'Anorak, sans distance esthétisante, tranquillement provocateur. Et de manière tout à fait anti-conventionnelle, c'est l'essentiel.
    • R comme Rythme. Volontairement cassé, détourné, étiré, trompé. Toujours au bord de s'arrêter.
    • S comme Sans-dessus dessous, jambes en l'air, tête en bas, Anorak flottant, fesses au milieu. Une recherche- dans l'inquiétude- vers de nouveaux équilibres? Vers l'envol?
    • T comme Triangle, formé par l'échelle. Image d'un phallus ou d'un triangle pubien? L'ambiguïté de l'identité sexuelle, par rapport aux rôles actifs/passifs, serait au coeur des intentions de la pièce.
    • U comme Universalité. Ce qui est permis par la sobriété et le dépouillement. Par le silence, Par l'ambiguïté. Par l'humanité?
    • V comme Variations. Vers l'épuisement des positions. Peut on trouver sa place sur une Échelle? Même symbolique?
    • W comme Variations au carré.
    • X comme X: a-t-on pensé à écrire plus haut que l'érotisme est plus que présent dans la pièce?
    • Y comme Yoga: de long moments immobilisés. Sans lasser.
    • Z comme...?

    C'était LAISSERVENIR ♥♥♥♥ de et par Eleonore Didier, à Mains d'Oeuvres. Hier, et aujourd'hui samedi encore.

    Guy 

    A lire: laisser venir revisité, juin 2009

  • Eleonore Didier, entre les gestes

    Aveu1Petit.jpgCe qui ne se produit pas ou qui n'est pas vu est aussi important que ce qui se produit en apparence. En cela, ce solo créé à Lisbonne en 2005 est le digne grand frère de Paris Possible, performance pour un spectateur unique (en principe), mûrie à Point Éphémère l'an dernier. Eléonore Didier, plus qu'elle ne danse, ce soir invente des mouvements inquiets, d'abord en arpentant raz le sol, puis en sauts bas, de la lenteur vers presque la panique, l'espace blanc jusqu'à l'épuisement de celui-ci. 

    Passée debout elle construit l'espace de son regard, crée une forte attente vers la suite. Puis les habits vides de corps, comme dessinant une présence abandonnée, sont soigneusement rangés à terre- pour ne laisser à ce corps que la sincérité du dépouillement. Corps qu'on voit, tout en surface, rien qu'en surface. Lent, mais sans intentions lisibles: qu'y voir après vraiment? Rêver? Répétés, des instants suspendus sont précieux, des arrêts sur images quasi photographiques. La danseuse parvient ici, tout autant que durant les deux heures de Paris Possible, à faire durer quelques moments d'éternité. D'une rare qualité d'immobilité. Pleins de la tentation de l'abolition de la danse? L'"image" suivante a la force et l'incongruité d'un déjeuner sur l'herbe de Manet ou d'un tableau pré-surréaliste: un jeune homme assis immobile et la femme sans vêtements, sa tête cachée, souvent, tous deux d'abord dos au public, tournés vers le mur immaculé. La danseuse passe en revue l'inconfort des positions qu'elle peut avec table et chaise, laissée déjà loin derrière elle sa sobre impudeur. Les arrêts se tiennent en déséquilibre, elle succombe à la chute. A la fin-tendresse?- le garçon sera enlacé.

    Guy

    C'était Solides, Lisboa, de et avec Eleonore Didier, vu à Mains d'Oeuvre.

    Voir les photos de Vincent Jeannot.

    Lire aussi Images de danses, et -la critique professionnelle s'inéressant enfin à Eléonore Didier- Mouvement, l'année d'aprés...Il ne s'agissait pas d'une "création" à faits d'hiver, comme Gérard Mayen l'écrit dans son article, comme peut-être chaque fois qu'il découvre une pièce :-) . 

     

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  • Cannibales: à boire et à manger

    523409649.jpgDans le désordre: une déclaration d'amour drôle et émouvante à force d'être perdue d'avance, un salon/espace social (après la salle de bain solitaire et régressive de "Fées"),un plateau blême pour le portrait d'une unième génération perdue, l'élégance des gestes circassiens, une caméra sous la couette, de lassantes énumérations, une immolation par le feu( après le quasi-suicide par noyade de "Fées"), quelques rires, pas mal d'embarras, de spectaculaires acrobaties à la perche, du no-future en boucle, des chansons trop générationnelles, un couple embarrassant à rester planté au micro comme pour un discours de mariage, de belles répétitions de gestes, un peu de danse(juste un peu), trop de mots, mais sans beaucoup expliquer, du ton faux, (comme dans "Fées") des dizaines de flacons de produits de beauté, des longueurs et des bâillements, un rap remarquable, des beaux moments, une fête à tous danser sur le lit mais à laquelle on ne se sent pas invité, un spiderman, des groupes comme des additions de solitudes, des sous-vêtements noir et blancs, une sincérité touchante, de l'angoisse et de la précarité, des clins d'oeil téléphonés, de la jonglerie, des pas brusques et des luttes à la T.R.A.S.H., l'explication de la différence entre la blennorragie et la myxomatose, des projections d'images urbaines, une longue complainte de la gauche désabusée, des cascades en transparences, de la verticalité (après l'horizontalité de Fées), de la déprime à la tonne, une fin surprenante (un espace enfin approprié?)

    Au final, une ambiance: les trentenaires parlent des trentenaires aux trentenaires. On a compris. Et pour les autres?

    C'était Cannibales, ♥♥♥ texte de Ronan Chéneau, mise en scène de David Bobée, au Théatre de la Cité Internationale, jusqu'au 5 avril.

    Guy

  • Mildred Rambaud, au coeur de la matière

    Il arrive rarement, trop rarement, qu'une performance s'impose brusquement à l'oeil et au coeur avec la force et la beauté de l'évidence. 57115615.jpgÉvènement insoupçonné l'instant d'avant, indispensable dés la première seconde, ensuite 15 minutes essentielles. Qui n'auraient pu être autrement, avec une telle simplicité. La danseuse debout, portant bras au dessus de la tête un vase lourd et humide de terre, à la forme féminine. Cette matière encore instable vit et se courbe, et les épaules sous le poids. L'eau de la terre suinte le long de la robe brune contre la peau. Le corps de la femme devient matière originelle, la terre sur la peau glisse par devant et s'affaisse, s'éffrite, se rompt, par fragments sur le corps vers la bas, les jambes se plient, le regard part au delà. La terre s'assèche, les gestes sont douloureux. C'est une lente fusion organique, une métamorphose jusqu'à terre, un retour tout près de l'être avant qu'il ne se relève. L'ensemble ne se voit plus en gestes que le regard critique pourrait appréhender, mais en en états élémentaires. Ne transporte plus ni joie ni douleur. Une sérénité première?

    C'était Pot, ♥♥♥♥♥♥  de et avec Mildred Rambaud, présentée par Moeno Wakamatsu, et durant la même soirée: Kiyoko Kashiwagi (Métamorphose),  tombo (Atari) Chirstos Vlassis avec Gen Shimaoka (Kreonta), et Moeno Wakamatsu.

    Ce soir encore, à la Fond'action Boris Vian

    Guy

  • Angelin Preljocaj: mythes et légendes

    A promettre une danse narrative, et au sujet bien défini, ne risque de décevoir des attentes trop précises? Surtout avec un thème aussi intimidant 177395499.jpgque l'Annonciation. Moment fondateur du Nouveau Testament, à la source de la nativité et de la rédemption. Fra Angelico, Filippo Lippi, Leonard de Vinci et des centaines d'autres maîtres en ont offert des représentation picturales aux richesses qui ne se laissent pas épuiser. Mais qui figent l'évènement dans le cadre de certaines conventions. Comment représenter ce thème par le mouvement? C'est bien tout le défi. Ici les fondamentaux sont respectés: les deux protagonistes- Marie et l'Ange Gabriel- sont présents, un rayon de lumière frappe Marie à la manière dont est traditionnellement représentée la parole divine sur les tableaux de la renaissance. La présence coporelle, puissante, permet la naissance de moments intenses et fulgurants. Qui vont au delà de ce qui est montré, traditionnellement. Quand il y a baiser, quand il y a enlacement, quand l'imposition des mains de l'Ange d'un coup pétrifie Marie. C'est juste parfois affadi par les effets exaspérants d'une musique tapageuse. Et d'autres passages déconcertent celui qui y recherche un sens trop précis: pourquoi les deux personnages dansent ils à l'unisson, comment est- il possible de suggérer une égalité de rôles, une symétrie entre eux? Ces perplexités empêchent d'apprécier selon ses mérites cette danse fluide, comme en apesanteur, sans grandiloquence, peut-être aurait-on préféré voir la proposition sans en connaître le titre. Et quitte à voir des annonciations retourner à Florence, aux Offices ou au couvent Saint Marco.

    En amont de la tradition chrétienne, est ensuite proposé un point de départ mythologique: les Centaures. Le thème est plus large. Plus libre? 731313247.jpgLa problématique spirituelle ne peut être spirituelle encore, on est tenté de voir ici l'émergence ambiguë d'êtres mi-homme, mi bêtes. Mais l'accent est plus mis sur les rapports entre les créatures que sur leurs combats intérieurs. Ce duo masculin, poitrines et cranes nus, évolue tout en muscles et virilité. Les contacts se transforment tout autant en étreintes qu'en chocs, les bras et jambes s'entremêlent pour redonner naissance à un seul être primitif et fusionnel, les affrontements eux-mêmes se résolvent pour laisser place à des moments d'oubli animal. Ces phases toujours soutenues par un subtil tempo, sous jacent. Le travail des jambes est admirable, ce qui est bienvenu s'agissant de centaures. Le tout aboutit à un résultat d'un beau classicisme, dont on a du mal à départager s'il est sage ou innovant.

    Avec Eldorado, on se retrouve transporté dans un dispositif à la Stonehedge. 12 monolithes, chaque danseur au départ immobile devant son bloc, qui laissera derrière lui sa silhouette lumineuse inscrite sur la pierre. Sont-ils les voyageurs d'un vaisseau 1160682842.jpgspatial antique venus peupler une planète? La musique de Stockhausen est elle même d'un futurisme un peu daté. On lit sur le programme que le compositeur a proposé sa musique à Preljocaj, qui avoue avoir hésité devant la difficulté. Doit on comprendre qu'il n'a pas osé refuser? Mais abstraction faite des périls esthétique, la partition propose de beaux défis rythmiques au chorégraphe, qui s'était aussi attaqué au Sacre du Printemps. Sur ce plan, c'est un beau sans-475066573.jpgfautes. Les danseurs enchaînent duos, trios, ensembles, avec rigueur et géométrie, on imagine que rien ne peut les arrêter dans ce crescendo, on s'attend presque à une orgie finale. C'est que le risque de trop de cunnighamisme inhérent à une construction trop formelle est tempéré par une salutaire sensualité, discrète mais qu'on ne peut nier. Le sexe est toujours là, invisible mais présent. Suggéré, comme dans les deux pièces précédentes. Tant mieux.

    C'étaient, d'Angelin Preljocaj, Annociation (1995) ♥♥♥, Centaures (1992-1998) ♥♥♥♥♥, et Eldorado (Sonntags-Abschied) ♥♥♥ sur une création musicale de Karlheinz Stockhausen, avec 12 danseurs, au Théatre de la Ville.

    jusqu'au 8 mars

    Guy

    P.S.: sur Scenes 2.0. les points de vue du Tadorne, de Danse à Montpellier et de Clochettes

    Re P.S. : voir le reportage photo, sur Photodanse

  • T.R.A.S.H. chapitre 2

    Quand vont-ils commencer pour de bon à s'abimer à terre, ou contre les murs? La pièce a commencé plutôt feutrée, d'une nervosité encore souterraine, mais on sait bien que cela ne durera pas, car on a vu Pork-in-loop des mêmes l'an dernier, ici 79f90021f87b1c776a830f787ba73cb7.jpgmême en Artdanthé. Donc on se tient sur ses gardes, pour ne pas se laisser surprendre à froid, sursauter au premier impact. Enfin: une chute, le bruit mat de l'impact. Après, des heurts à deux, des danseuses projetées....

    Quand même, on jugera vite la performance moins chocs et bosses que lors du chapitre précèdent. Ou s'habitue t'on? Objectivement, les crises de corps jouent ce soir plus coté malaise que brutalité, avec les anti-depresseurs plutôt qu'avec la testostérone. Ce soir l'agressivité se retourne en dedans, déborde vers l'autre juste par accès. La violence la plus constante reste celle infligée par la couleur de teinture de la danseuse rousse, le rouge à lèvres de la danseuse brune. Dans l'exécution de cette danse de l'absurde ou de la pathologie, par tensions, contradictions, mouvements nerveux, sauts maîtrisés, adresses au publics yeux dans les yeux et interjections en plusieurs langues, on retrouve à l'oeuvre le même vocabulaire, la même distribution (enfin il nous semble) que de dans Pork in loop. Et le même appui musical, structurant l'ensemble, aussi sage et maquillé classique que les danseurs semblent déjantés. Mais l'effet de surprise en moins. Ce serait pourtant injuste d'être blasé, tant les performances physiques impressionnent, à un niveau circassien. Tant tout est précisément exécuté, avec des mouvements d'ensemble rigoureux dans le débordement. Mais on se pose vite la question de l'articulation des deux pièces. Et-conséquemment- de l'utilité de celle qu'on est en train de regarder.

    Car de quoi nous parle-t-on? De l'âpreté des rapports humains? Des rapports de couple? De la sexualité? Les hommes s'affrontent ou s'éprouvent, l'homme porte la femme, une femme objet peut être, mais un objet à toute épreuve, en caoutchouc, anti-choc. Nous refait-on le coup du jugement dernier? C'est ce que laisse entendre la feuille de salle, mais qui donne surtout une bonne idée de ce que l'on obtient avec une traduction google du néerlandais vers le français sans que personne ne vienne corriger après. Nous parle-t-on de folie? Sans doute: les conflits se dépriment vite ou s'évitent, jusqu'à l'effondrement. Après l'excitation la dépression, l'exposé des pathologies. avec toute la gamme des stupeurs et tremblements. C'est à ce niveau de perception que la proposition se banalise un peu. On voit bien plus souvent sur scène angoisse et folie que bonheur et sérénité. Corps en crise, malades, névrosés. Mais, avec Alain Platel, Christie Lehuédé, Louise Bédard, et bien d'autres en passant par Piétragalla, c'est un terrain déjà beaucoup- et souvent trés bien- exploré. Si on changeait un peu ? On attend avec impatience, dans le même lieu, "La mélodie du bonheur" -rebaptisée Julie entre autres-version Hermann Diephus.

    C'était To File For Chapter 11 ♥♥♥ de Kristel Van Issum et T.R.A.S.H. , avec Tegest Pecht Guido, Lucie Petrusova, Alexandre Tissot, Guillherme Miotto, Yonel Castilla Serrano, José Agudo. dans le cadre du festival Artdanthé.

    Guy

     

  • Boris Charmatz: Retour sur Herses?

    Revoir Herses intéresse, fascine, mais sans rien éclaircir. On est pas plus avancé. Et encore moins à relire nos réflexions d'il y a un an. Naïvetés. On voit, on est frappé, mais sans en comprendre les raisons. Doit on renoncer à chercher un sens, d'ensemble? Tout juste persister à traquer des indices, pas plus? Pour commencer, on relit la feuille de salle: "Traversée critique des utopies (...) du corps naturel, du couple, de la communauté." Là on a quelques pistes: des oppositions. La seule approche possible serait-elle de tenter des définitions de la chose... mais en négatif? Par fragments. Sauf déja qu'il s'agit de danse, de toute évidence. Voilà pour le le positif. Mais à part ça? D'abord de quoi ne s'agit il pas?

    Aucune narration déjà. Ce qui est peut-être une bonne chose, un espoir de durer. Pas d' "histoire de". Juste au début quelques gestes de semeurs (?), mimés, sans explication. Pas de métaphore forcée, ni Dieu, ni tragédie, ni évocation d'un destin, ni dénonciation. Juste quatre, cinq corps qui ne seraient qu'eux-mêmes. Jusqu'à la nudité? Mais pour quelle raison? Cette nudité est inexpressive. En soit il semble qu'elle ne vaut rien: ramenée presque à l'absence de costumes. Comme un refus. Le corps n'est pas glorifié. Plutôt pataud. Sans s'affirmer jusque dans le ridicule. Cette nudité peut elle être vue comme une représentation de la naissance? De l'innocence? On avait cru voir cela chez d'autres, ici on ne voit rien de tout cela. Il faudrait que les gestes soient simples, émergents, vierges, en découverte, en explorations de leur vérité. Mais ce soir ce n'est pas le cas, on distingue du maniérisme, accompli avec gaucherie. Des postures tarabiscotées et jambe en l'air, mais qui auraient oublié leur achèvement. On tient enfin le début de quelque chose: des souvenirs d'autres danses, mais comme engourdies, léthargiques. Le printemps ne s'éveille jamais pour de bon. Se suivent des mouvements qui ne mènent à rien, courses gauches seins en main, tout le superbe reste en plan. Pas d'envolée. Des débris esthétiques, qui ne seraient pas posés là par hasard...mais pourquoi?

    Pour le second mouvement, toujours hasardeux, les corps se rencontrent. Un peu, mais dans une flagrante indifférence. Vagues frôlements, sans réactions, contacts incertains, rapprochements sans intentions. Tout sauf une représentation de l'attirance, de l'empathie, ni d'aucun autre sentiment. Puis des duos portés mous, danseuse balancée sur l'épaule comme un sac de linge. A nouveau une anti convention? Encore le refus du beau geste? Le pire pour finir: l'affalement de l'un sur l'autre, en une proximité inexpréssive, pour montrer ce qui ne se passe quand même pas quand le plus de peau s'épouse. Puis enfin le mouvement de groupe, mais en grappes. Les corps agglutinés et lents, englués ensemble. Tout au long-c'est un refus de plus- les lumières s'interdisent de montrer vraiment, économes jusque parfois aux limites de l'obscurité, pourtant créant à mi-parcours un soudain contraste, alors crues et blanches. Le véritable éclairage vient de la performance au violoncelle, qui pour l'essentiel prend place, après la danse. Une provocation comme le reste, provocation pas nécessairement à comprendre dans le sens agressif du terme, un dernier refus de l'interaction communément convenue entre la musique et le geste. Car pourtant les deux actes artistiques s'expliquent sans se rencontrer: comme chez Jean Pierre Robert l'instrument est utilisé au delà des approches  classiques, en explorant de nouvelles résonances, de nouvelles attaques, aux limites des cordes et du bois, de même que les gestes se jouent dans d'autres sens.  

    C'est fini, pour nous une seconde fois, on est pas plus avancé, et le contraste est frappant de par hasard revivre cette expérience juste après avoir vu Pietragalla. Dans Sade, il y a des audaces, de la créativité, mais solidement installées sur un socle d'expressivité, une base de romantisme, irréfutable et rassurante. On sait où on est, où du moins on sait d'où on part. Avec Charmatz, table rase des conventions, et là dessus reprise de fragments de langage déja-vu, ou d'anti-langage, dénoncé, c'est selon. C'est délicieusement intriguant et laisse sur une intéressante insatisfaction. Mais où va t'on? Est ce un nouveau vocabulaire qui est en construction, ou juste la déconstruction de l'ancien qui est montrée? Peut être faudrait il continuer à représenter Herses tous les 10 ans, pour sortir de l'engourdissement, et recommencer.

    C'était encore Herses(une lente introduction) ♥♥♥, de et avec Boris Charmatz, avec aussi Audrey Gaisan, Christophe Ives, Latifa laabissi, Alain Michard, cette fois avec Artdanthé.

    Guy

    P.S. : Boris Charmatz vient au Jeu de Paume (1 place de la Concorde Paris) présenter son film "Une Lente Introduction" mardi prochain 12 février à 19H, et en discuter. Avec les images de la création de Herses par la première distribution.  Et en attendant, Boris Charmatz s'explique un peu au CND .

    Re-P.S. Les musiques étaient d'Helmut Lachenmann, au violoncelle Andreas Lindenbaum

    PS. Aatt enen tionon est ici

  • Pietragalla: encore un effort pour être revolutionnaire!

    Avec Sade, il y a un vrai sujet. Pour s'aventurer dans les dédales pré- psychanalytiques vers la liberté absolue, et vers bien d'autres gouffres. Mais il y a de vrais e78fdb22ea05ec815b42ab9691f8e5c4.jpgrisques aussi. D'en faire trop, ou trop peu. D'en arriver, confronté à l'impossibilité de montrer l'insoutenable, à manier des substitus trop convenus. Marie-Claude Pietragalla doit être consciente de ces difficultés, qui fait une entrée forte, entravée d'un voile-linceul sur lequel sont inscrit les écrits du marquis.

    Las! Sade, pour commencer, est enfermé chez les fous: ce n'est pas faux, historiquement, mais doit-on pour autant cantonner Sade dans le registre de la folie?. Et ces fous, forcement, sont des gars en haillons, qui grognent et se grattent l'oreille, courent et copulent contre le mur. Ni transposition ni re-création, on reste enfermé dans la représentation, littérale sans pouvoir l'être vraiment non plus. Résultat: le propos en ressort affadi, et la chair cliché, un peu buto-bateau de trop de fond de teint blanc. Suivent d'autres poncifs d'ancien régime, dans le style club privé S.M. haut de gamme. La bande-son appuie sur le clou, à coups de massue et de décibels. Est il nécessaire d'être très explicite pour produire en danse un spectacle populaire?

    Heureusement, Pietragalla est une danseuse (c'est une litote, par exellence!). Il suffit qu'elle commence à danser pour qu'on oublie cage, fouets, chaînes et tout l'attirail. Et qu'elle nous parle de Sade d'une manière plus convaincante. Grace à un langage éperdu, rude, ample, s'égarant généreusement dans le vertige et la jouissance, à en ébranler les murs de l'asile. Autour d'elle, de même. Quand ils oublient de mimer la folie, les danseurs la traduisent en mouvements, font des duos des combats, font des moments d'ensemble des batailles ou des orgies sans pitié. Tout alors tombe juste dans la démesure. La question de juger si cela est ou non de la "belle" danse est tout à fait dépassée, ce qui change agréablement du contemporain pur et dur. Et la mise en scène finit par toucher au vif quant elle délaisse les lieux communs pour oser s'aventurer aux limites avant l'in-montrable. Empêchée alors justement de montrer elle suggère enfin, dans quelques tableaux qui se jouent et se blessent aux frontières des tabous. Pour rappeler, après un meurtre fondateur, aprés une cruxifiction nue et sans rédemption, que l'exercice de la liberté , de la jouissance sans freins, ne se résout que par le sacrifice des faibles, des innocents. Tout finit dans le sang, la révolution.

     

     

    C'était Sade-Le théatre des fous, ♥♥♥ de Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault, avec Aurore di Bianco, Julien Derouault, Nam Kiung Kim, Sébastien Perrault, Marie-Claude Pietragalla, François Przybylski, Yoham Tete et Claire Tran, musique de Laurent Garnier, avec la voix d' Alain Delon, à l'Espace Pierre Cardin. Et Alain Delon en vrai pour la générale de presse ( mais sans toge, ni lauriers)

    Jusqu'au 10 février (mais sans Alain Delon).

    Guy 

    P.S. : quelques paroles ici et quelques images chez Laurent Pallier et la video-promo

  • Ali Fekih ouvre les portes

    Ce vendredi soir, Faits d'hivers est à quelques heures de retourner hiberner. A 19H c'est le dernier moment des découvertes. Commençant par l'exploration d'une salle obscure avec Jean-Pierre Bonomo. Juste à peine éclairée par quelques lampes de poche, et encore, placées face aux murs. Quelque part dans cette pièce il y a une danseuse, que l'on voit peu, par éclipses de lumière dévoilant des tableaux figés. C'est sûrement dans cette frustration, dans l'attente et la parcimonie, en déplacements furtifs, que se joue le concept, chic et plastique. Soit. C'est vrai qu'on est toujours chaque fois curieux de la nouvelle position que l'on découvre, en suivant pas à pas l'inconnue jusqu'à ce qu'elle  émerge entre deux obscurcissements. A terre. Contre le mur. Debout. Inerte. Vivante. Au milieu de la pièce. Les membres étayés de planches. Habillée. Torse nu. Le dos envahi de plastique. Affublée d'un nez rouge démesuré, qui mute en béquille. Équipée d'ampoules. La belle bleue, la belle rouge! Joli. Interpellant. Mais à chaque extinction des feux, on revient au tout début. Pour une nouvelle, toute belle, image fixe... sans scénario? On cherche sa place. On finit par s'asseoir, prés de là où la danseuse finira bien par venir poser. Et cela continue, chic et relaxant, où sont les petits fours?

    Après cette performance en pointillés et clair-obscur, détonne la présence frontale, évidente, atypique et assumée d'Ali Fekih. Qui se paye le 975308699.jpgluxe d'attaquer son solo par un face à face silencieux avec le public. Est ce pour affirmer une fois pour toutes: "Je suis bien là"? C'est vrai qu'il est très improbable que le personnage ait pu arriver jusque sur une scène de danse contemporaine, avec sa dégaine à lui demander ses papiers, avec sa polio et sa patte folle, avec sa taille en dessous des normes. Mais Ali est bien là, avec ses béquilles, ses expériences tous-terrains, et pas mal de crânerie. Sans ses masques ce soir. Il est là, et tant mieux. Dés cette entrée la partie est en passe d'être gagnée. Aucune baisse de tension ne déçoit ensuite, le danseur se joue des styles pour devenir marionnettiste, animant par moulinets de béquilles des personnages de papier de journal. La même élégance est mise en oeuvre quand le solo en revient à la danse. A un corps inhabituel, un nouveau vocabulaire chorégraphique à inventer, qui exploite ses particularités physiques, un style marqué par une énergie bien mise en évidence. Puissance du torse, lutte de la force et de la souplesse contre les contraintes physiques. Contre la vulnérabilité. Ce combat-vérité est organisé avec le souci du spectaculaire, et un sens infaillible du tempo. "Il est fou Ali!" répète un enfant au premier rang. On a notre hypothèse pour expliquer cette efficacité. L'artiste vient de l'école du spectacle de rue et cumule sûrement bien plus d'heures de travail-sans filet et face au public- que beaucoup de ses camarades confinés aux seuls studios. On se lamentait en choeur, il y a quelques temps, à l'initiative de Faits d'Hiver et en présence de Nicolas Maloufi et d'Ali Fekih justement, sur la grande misère de la danse contemporaine, et toutes les difficultés à faire connaître la discipline au delà d'un milieu d'initiés. Que les gens d'Uterpan  poussent la logique jusqu'au point 0, l'hara-kiri artistique, est symptomatique. Mais qu'Ali Fekih, ovni dans ce milieu, soit accueilli ici, qu'il puisse ouvrir les portes, pour aérer le genre, est un signe beaucoup plus encourageant. Et il reste un malentendu à éviter: Ali Fekih n'a pas besoin de son handicap pour être un danseur remarquable. C'est plutôt sa danse qui nous fait voir le handicap autrement.

    C'était Ceci est mon corps ♥♥, de Jean-Pierre Bonomo, avec Vanessa Tadjine  (ou Tiana Delome?), et Des équilibres... à quoi ça tient ♥♥♥♥♥, de et avec Ali Fekih,co-mis en scéne par Anne-Catherine Nicoladzé, à 650845841.jpgMicadanses dans le cadre du festival Faits d'hiver, clos ce vendredi 1er fevrier.

    Guy

    Post scriptum le lendemain, samedi, quelque part dans Paris. Une fête d'école, mais d'une école pas tout à fait comme les autres. Réunissant des enfants scolarisés à la maison grâce au dévouement de leurs enseignants et de bénévoles. D'autres béquilles, des chaises roulantes, ou dans beaucoup de petites têtes de grosses difficultés à trouver les moyens d'affronter le monde. Certains ne peuvent venir, on pense à eux. Suivent des spectacles, préparés avec coeur et sérieux: certains enfants montent sur scène, pour se montrer à tous autrement, pour quelques instants. Souvenirs de la veille. La danse aide a comprendre la vie.

    photo d'Ali Fekih avec l'aimable autorisation de Jerome Delatour-Images de Danse

  • Ay Pepito!: la madeleine de Xavier Lot

    Pour Xavier Lot, le pepito de Belin a quelque chose de la madeleine de Proust. Mais, dés les premiers mots on est  prevenu contre le goût trompeur de la nostalgie. Malgré les saveurs du biscuit, tout n'était pas mieux avant. La 3169cd4a848f9efd956d11788f1eefdc.jpgpièce, 100% autobiographique, est racontée en habits de ville- en habits de vie- de l'enfance ouvrière à Chateau-Thierry jusqu'à la quarantaine d'aujourd'hui, entre les deux une jeunesse française qui s'ouvre sur la danse et sur l'Afrique. Et la rencontre avec Bienvenue Bazié.

    Le ton est sec, vrai, physique. Xavier Lot marche son texte, devant lui pousse une table, la tire, comme tout le poids de ses souvenirs, la renverse, l'escalade, parfois jusqu'à être emporté par le déséquilibre. Sur les points de repères collectifs (avec quelques surprenantes approximations de dates.. -Est ce un effet du flou de la mémoire?- Ce qui amène à faire le constat plus général que le texte gagnerait à être encore travaillé.) se tisse le déroulement de l'histoire personnelle. Le "Et moi, et moi, et moi" s'enrichit de "200 millions d'africains". C'est bienvenu, pour éviter tout enlisement dans le nombrilisme. C'est logique, tant la marche du monde marque toujours l'expérience individuelle. On le sait bien depuis "Je me souviens". Ces évènements sont autant de disparitions d'un monde qui part en lambeaux- ou un monde de plus en plus difficile à lire- la danse se crée en marchant tout au long de ce solo pour redonner du corps et du sens à ces souvenirs. Leur conférer de la beauté. A la répétition sans fin des gestes accomplis par l'ouvrier des années soixante répond celle des exercices interminables du danseur. La danse commence des bras tendus, pour manipuler d'invisibles outils.

    La danse aussi se réfléchit. Xavier Lot mène l'exercice biographique avec assez de force et de lucidité pour s'obliger à une reflexion sur son art, sur sa portée. S'interroge sur les nouveaux académismes, les pesanteurs acquises qui entravent ses aspirations à l'envol. Les doutes, les échecs, ne sont pas occultés. Car c'est aussi un constat de la quarantaine, sans auto complaisance, d'une féroce honnêteté. Les souvenirs- si sensibles soient ils- peinent à se reconstruire en un tout, à s'ordonner. Sinon à dessiner un tableau plutôt dépressif, aussi pessimiste que tous les bilans que l'état du monde peut inspirer, sur un fond de mondialisation. Alors que les ex-usines Belin se vident.

    Xavier Lot nous fait aussi remarquer que, s'agissant des papilles, la saveur sucrée se découvre dès l'enfance, mais l'amertume à quarante ans. Pas avant. C'est le goût-fort et troublant- qu'Ay Pepito nous laisse dans la bouche.

    C'était Ay Pepito! ♥♥♥♥, de et avec Xavier Lot, sur un texte de Ronan Chéneau et Xavier Lot, au Théâtre de Vanves, avec le festival Artdanthé

    Guy