Dernière semaine pour le festival de Gare au théâtre , le programme d'hier soir (et qui se répetera jusqu'à dimanche) ne pouvait pas laisser indifférent.
On a d'abord tendu l'oreille pour écouter "Alpe! Alpe! ou le cri du cochon dans la nuit d’hiver" de la compagnie Etcha Dvornik. Mais sans parvenir à entendre quoique ce soit d'intelligible. On s'est juste trouvé rétrospectivement bien sévère d'avoir jugé, dans le même lieu, Murmurs trop confus. Au moins la pièce de Furymoon avait-elle ses moments.
Ici rien qui tienne debout et pourtant tout y passe: récitatifs graves et d'une naïveté désarmante, déhanchements douloureux, danse en transe, effondrements tragiques, visites dans les rangs du public, heurts contre les murs, entrées et sorties incessantes, accessoires à la pelle-pelles justement, râteaux et brouettes à volontés comme en fin de soldes au B.H.V.-, nudité intégrale comme par obligation syndicale, perruques et déguisements sans sens, effet de fesses et de seins, courses interminables et bruyantes perdues en fond de scène- le plateau de Gare au Théatre est hélas assez grand pour inspirer aux chorégraphes toujours les mêmes facilités- bref tout le bric à brac de la transgression convenue, et tout cela sans une seule fois nous surprendre.
Heureusement le temps fait tout oublier: on retrouvera sûrement à la rentrée l'envie de voir de la danse.
On poursuivait avec la Tentative Intime de Sabine Revillet, laquelle avait mobilisé pas moins de cinq metteurs en scène pour son projet. Qui consistait à adapter ses journaux intimes écrits depuis l'âge de douze ans. Pour confirmer ce que l'on a pu déjà souvent constater: dés qu'on voit écrit le mot "intime"s'agissant d'un spectacle, ce n'est pas très bon signe. Car, malgré tous nos efforts pour accepter nous aussi la naïveté assumée du concept, moins de vingt quatre heures après avoir entendu un texte de Montherlant, le contraste était cruel.
Cela dit, on souriait quand même. On appréciait la distance ironique que l'actrice établissait avec son auto-sujet, et dans le même temps l'empathie qu'elle suscitait. On saisissait de bon coeur les rubans de robe qu'elle nous tendait. En un mot on se laissait émouvoir. Mais sans réussir à entrevoir, quoi que soit d'universel.
Heureusement à 20 heures, décollai(en)t Loretta Strong.
La Loretta Strong de Copi (1940-1987),mais au pluriel, en la personne de 6 actrices à la fois, pour saisir ensemble le rôle à bras le corps et l'agiter en tous sens, le répandre sur le plateau membre par membre. En une folie démultipliée, en une hystérie croissante, version cours de récréation après que les enfants aient étranglé les surveillants, pour nous faire partager une heure de terrible régression.
Car la troupe- Infraktus-, en une surenchère parfaitement réglée de ballons en plastiques, de bruitages, de hurlements, d'éructations, de contorsions, de chewing-gums, de positions grotesques, de mimiques appuyées, de tirs de pistolets jouets, réussit à situer la pièce à sa juste place: dans le domaine de l'enfance.
L'enfance des peurs indicibles, de la peur de se perdre, celle du sexe, de la mort, de la dévoration, de la mutilation. Transposées en aventures spatiales, grotesques et obscènes, de Loretta Strong, perdue dans un espace paniqué où tout s'effondre et disparait en de sanglantes explosions. Jusqu'en dernier son corps. Tout cela suscite un ricanement qui s'étrangle dans la gorge.
Mais pourrait il en être autrement? Les histoires que nous racontent les enfants ne nous font jamais rire, et celle là encore moins. Surtout ce soir parfaitement mise en mouvements, en une performance physique étonnante et tout à fait maîtrisée. Et on a eu personnellement le plaisir d'être affublé quelques instants de la perruque verte de Linda. On était content, car on avait rien porté de tel depuis mai 1986. Mais il s'agissait d'une autre soirée, évidemment...