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  • Unger et Ferron: Short, cygnes, poupées

    A la lecture, les intentions énoncées par les plumitifs d' Etant Donné pour ce Show Case Trilogie paraissent un poil sérieuses et auto-centrées ("Explorer les notions constitutives du spectacle: l'idée de la beauté, l'idée du temps, l'idée de vacuité"). Elles laissent craindre un pensum sur la représentation représentée. Mais, soulagement, les chorégraphes mettent ces intentions sur le tapis avec une fraîcheur bienvenue.

    45db99de8175a7866221297499373b42.jpgDémonstration faite avec l'attaque de Let's Dance. Le tapis blanc immaculé apparaît comme un gouffre un peu effrayant dans lequel nos trois danseurs n'osent s'engager, avant de trouver un moyen- joliment enfantin- de d'y risquer. On a vu manière plus ennuyeuse de remettre en perspective l'espace scénique. C'est autant de distance ironique partagée vis à vis de ce qui pourra s'y dérouler ensuite: l'attaque en règle d'un morceau de choix de la matière-répertoire. Tchaikovsky en prend pour son grade, les irréprochables figures classiques en ressortent blessées à mort, même si les cygnes bougent encore. Les décalages sont parfois nets- des gags musicaux dans un esprit cartoon-, parfois installés avec plus de légèreté. Même si on atteint pas les sommets pince-sans-rire qu'ont explorés les Delgado-Fuchs. Mais dans ce jeu, très précis et élaboré, des quatre coins, la jubilation se fait complice. On pense un peu à la phrase de Charles B. (1821-1867) : "Le génie est l'enfance douée d'organes adultes pour s'exprimer".

    En seconde position, Laps est le type même de la pièce urticante. D'un coté il est toujours intéressant de s'intéresser au 9633b6ff6c941e427e5ae6dcab2fd4c9.jpgtemps, de l'autre on reste tout de même très loin de Saint Augustin. D'un coté le sous-titre est remarquable-"solo pour un danseur en short"-, de l'autre on se dit, passées presque cinq minutes de course sur place, que les plaisanteries les plus courtes sont les moins longues. D'un coté on a rarement vu sur scène quelque chose d'aussi sublimement laid que les chaussettes rouges et jaunes de Jerôme Ferron, de l'autre l'usage répété de l'aquarium apparaît d'une gratuité assez lassante. D'un coté il est approprié que Ravel soit la seconde victime, avec un bolero qui ne semble ne jamais commencer, de l'autre la performance ne semble pas parvenir à résoudre la difficulté qu'il y a à montrer l'attente tout en s'interdisant de suggérer plus que le commencement d'autre chose.

    De Beauté plastique, on a déja parlé ici l'an dernier de manière raisonnée. Non sans mérite car les belles Frédérique Unger et Emily Mézière n'arrêtent pas de déshabiller, ce qui trouble un peu le recul critique. Mais ce qui ne nous distrait pas, il est vrai, du sujet en lui 042956ed89810172b731a81f6c60b1f8.jpgmême: l'expérience de la beauté. La pièce gagne encore en cohérence quand ici elle conclue la trilogie: la saturation de notre espace de vision par les poupées (style) barbies prend une nouvelle force en vis à vis du vide aveuglant du tout début. Et la performance en froide efficacité: cette fois pas plus de 3 poupées renversées. La pièce persiste à être la plus construite et équilibrée des trois, et même la plus féroce. Pour autant  l'ensemble reste cohérent et ludique. Quitte sans doute à risquer, pour cette raison même, plus d'un procés en superficialité et insignifiance... Acquitté!

    C'était Show Case trilogie: Let's Dance..., Laps (solo pour un danseur en short), et Beauté Plastique ♥♥♥♥ , de et par Jérome  Ferron et Frédérike Unger (Etant Donné), avec aussi  Emily Mézières, à Micadances, avec le festival Faits d'hiver

    Guy

    Photos avec l'aimable autorisation de Jérome Delatour- Images de Danse

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    C''était X-event 0 de Annie Vigier/ Franck Apertet- Les Gens d'Uterpan, à Micadanse, avec le festival Faits d'Hiver

    Guy

    photos: merci à Jérome Delatour

  • Marion Ballester, la femme à la tête de vache.

    La scène est construite d'un rectangle de cartons, à plat. Mais on en reste là. Ou pas beaucoup plus loin. L'image pourrait être forte, riche de développements, on s'attend à une explication, même juste à une piste. Non. Cela reste flou, autant que la bande son est nette (Grâce à Alain Buffard, on connaît Joy Division). Yuval Pick  n'émerge pas de ce qui au sol devient sa prison, nous communique vaguement une sensation d'étouffement, mais nous en laisse nous évader, trop loin. Il enchaîne une succession de rudes tentatives d'élévations(évasions?) et de chutes. Non sans souffle. Mais lutte-t-il contre l'ivresse, contre lui-même, contre le monde? Contre les cartons? Qui toujours l'attirent au sol? On ne sait. Et on a l'impression d'attendre quelque chose qui ne vient jamais.

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    La femme d'après a une tête de vache. Depuis les salades vivantes de Jesus Sevari, on évolue du végétal au ruminant. La bête nous considère de ses yeux vides, et se promène, au son des cloches, animale et maniérée. D'une gestuelle bovine et précise en talons rouges aiguilles. Effet masque: on prête à la tête taxidermée et inerte tout les états d'émotion que le corps fait jouer. L'expérience est envoûtante et cocasse, bien qu'on ne comprenne pas très bien en quoi il s'agit d'un portrait de l'interprète, Marion Ballester. Ou alors, un portrait très, très loin ancré dans l'imaginaire. Puis la minotaure dépose sa tête, pour tout changer. La danse semble ensuite partir des épaules, pour une déambulation qui se transforme en une belle course, intrigante et graduée, un récit sans redites. Étourdi par le crescendo de la bande son, signée Denis Gambiez  qui nous plonge au coeur de la respiration remixée de la danseuse, de ses halètements et autres bruits organiques. L'effet est, à y repenser, tout à fait impudique.

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    C'était Living in pieces ♥♥, de Yuval Pick, puis From...ages mains tenant  ♥♥♥♥ de Osman Khelili avec Marion Ballester, à Micadanses avec le festival Faits d'Hiver.

    Guy

    Merci à Faits d'hiver pour la photo de Marion Ballester.

  • Cindy Van Acker: Temps 0

    Pour cet acte III de Faits d'hiver, evanouis les fantômes, et non plus nulle d'apparition d'un corps fantôme, qui par définition se manifesterait durant l'aprés du corps vivant. Place plutôt au corps d'avant, au corps de l'origine. Ce Corps 00.00 qui nous fascine plus que la pourtant belle virtuosité d'enchainements au sol d'Obvie.

    917554058.jpgCe corps fascine, jusqu'à vite faire oublier les aspects technologiques du projet, les stimulateurs électriques et autres fils, jusqu'à ce qu'on s'approprie la chose autrement. Pour formuler d'abord que Cindy Van Acker  ose sereinement une danse à risque, dans le sens où il s'agit d'une danse au bord toujours d'être trop abstraite, trop épurée. Non sans évoquer ce que fût parfois le buto. Une danse développée dans la lenteur, organique, concentrée et solitaire, introvertie, vierge de développement narratif, insouciante de tout rapport à l'autre. Dans un sens une danse d'avant l'histoire, tous repères effacés, d'avant le temps. On veut comprendre ainsi le titre: Corps 00.00. Cette piece est portée par un corps presque nu, comme d'avant la conscience sociale, et au tout début de la conscience de soi. Cette presque nudité ne se charge d'aucun érotisme, se laisse voir comme une nudité d'innocence toute proche de la naissance. Parce que de cette danseuse se dégage une forte, évidente, qualité de sérénité, Perrine Vallisemble toute destinée à incarner ce rôle. Dans une lumière de presque l'aube. Sous l'influence de musiques incertaines, qui émergent juste de la neutralité harmonique, dont les rythmes flous semblent à peine esquisser l'invention du temps. Perchée en hauteur, la danseuse chute deux fois, comme chaque fois accouchée. Le câble électrique auquel elle est relié devient ombilical. A terre, elle commence à inventer son chemin. L'existence s'impose peu à peu par l'action, par le geste, par la mesure du corps. Sans heurts. En évidences. L'espace est géométriquement exploré, comme il se doit pour un commencement, par les bras souvent tendus, et à l'aide de mouvements qui explorent les limites de l'équilibre. La danseuse aborde un parcours, dont des marques au sol imposent la progression des pieds et des mains. Elle l'exécute plusieurs fois, accéléré. Le récit commence ainsi à être, et avec lui l'ébauche d'un temps premier, défini par des évènements plusieurs fois répétés. Aux dernières secondes surprend un effet de lumière chaude. La danseuse est debout, immobile, éclairée comme une femme enfin. Face aux autres. Pour une vraie naissance.

    C'était, de Cindy Van Acker, Corps 00.00 ♥♥♥♥♥  avec Perrine Valli, et Obvie ♥♥♥♥, avec Tamara Bacci, à Mains d'Oeuvres, avec le festival Faits d'Hiver.

    Guy

     


    Corps 00:00
    envoyé par julienmdo

    Obvie
    envoyé par julienmdo

    video a voir sur le site de Julien saglio

    En quelle manière sont donc ces deux temps: le passé, et l'avenir; puisque le passé n'est plus et que l'avenir n'est pas encore? Et quant au présent, s'il était toujours présent, et qu'en s'écoulant il ne devint point un temps passé, ce ne serait plus le temps, mais l'eternité. Si donc le présent n'est un temps que parcequ'il s'écoule et devient un temps passé, comment pouvons nous dire qu'une chose soit, laquelle n'a d'autre cause que son être, sinon qu'elle ne sera plus? De sorte que nous ne pouvons dire avec vérité que le temps soit, sinon parce qu'il tend à n'être plus. Saint Augustin.

    photo de Cindy von Acker avec l'aimable autorisation de Jerome Delatour

  • Brecht avance masqué

    Peut on assister à une pièce de Brecht sans s'empoisonner d'avance l'esprit avec la sempiternelle question de la distanciation? Avec plus d'appréhension encore dés lors que l'on comprend que les comédiens porteront des masques.... 8f57b96b98c3895337088b19daab9011.jpgMais on oublie toutes inquiétudes dix minutes après le commencement, juste le temps de se souvenir que cette fameuse distanciation brechtienne ne fût sans doute à l'origine appliquée que relativement, même à en relire Roland Barthes. Qui voyait dans le théatre de Brecht un art permettant un certain recul permettant des prises de conscience, non un art froid et désincarné. Mais peut être ce débat est il oublié, et si les acteurs portent ce soir des masques, c'est qu'ils jouent une farce. Dans une tradition de comedia dell'arte. Avec un esprit de caricature, des voix déformées, des costumes bariolés, des accessoires loufoques, des courses, des chutes et des chansons.

    La farce est toute au service d'une morale sociale, on s'en serait douté. Le patron Puntilla, quand il est soul, est le meilleur des hommes. Quand il est saoul seulement. Car à jeun il redevient ce qu'il est simplement: un patron. Capable de tout, et seulement du pire évidemment. Le truc du personnage à la double personnalité, source de riches péripéties, ne devait pas être nouveau même len 1940 lorsque la pièce fût écrite. Mais il prend ici une signification trés politique: on aura beau être un homme bon, on sera toujours un mauvais patron. Le plus surprenant avec Omar Porras est que l'exposé de cette dialectique n'est jamais pesant ni ennuyeux. L'énergie tornadesque ici mise en oeuvre, avec une précision vocale et chorégraphique sans défauts, permet que les opposés se recontrent. Après 2H20 de beau spectacle, on est devenu marxiste à 100 %, et tout le peuple du Théâtre de La Ville à nos cotés. Quand bien même, on ne peut être insensible à l'éternelle actualité du texte. Le Valet Matti en conclusion appelle de ses voeux des temps heureux où chacun sera son propre maître. On peut attendre longtemps.

    C'était Maitre Puntila et son valet Matti de Bertold Brecht, mis en scène par Omar Porras, au Théâtre de la Ville.  Avec Jean-Luc Couchard (Puntilla) et Juliette Plumecocq-Mech (Matti), etc... Complet jusqu'au 26 janvier.

    Guy

  • Jean Gaudin et la Maison Hantée

    On avait la veille été témoin fasciné de l'apparition/disparition de spectres inspirés d'Emily Dickinson ("One need not be a chamber to be haunted"). C'etait As Far As d'Alban Richard.

    La sensation d'étrangeté flotte ce soir à nouveau, dans le décor renaissance toc et boisé du Théâtre du Ranelagh. L'arrière scène est ouverte sur un désordre défraîchi, comme d'un décor abandonné depuis des lustres. Des bruits hors contexte s'en échappent, et aussi des quatre coins du lieu, voire de partout ailleurs: en coulisse, en arrière vers l'entrée, en provenance des balcons. C'est quand apparaissent quatre individus hagards que l'on peut pour de bon s'inquiéter. Ces personnages sont habillés trop démodés-chic façon tweed années 30- pour être vrais. Ni vivants. Il leur manque une case, manifestement. Ou pire. Démarche raide et saccadée, agités de tics, ils vont droit devant eux jusqu'à se cogner aux murs. Mal barrés. Tournent et sautillent. Leurs regards se perdent vers des objets qui nous échappent. Plus qu'une explication: ils sont possédés. Par des esprits? Si c'est le cas, ces derniers ne tardent pas à prendre possession du reste de la scène: des créatures virtuelles se dessinent en effet en ombres sur les murs. Pour des danses endiablées. Toutes les dimensions du réel et du reste commencent à se télescoper, en un joli désordre.

    Tout cela déconcerte, met un peu de temps à s'installer. Mais les esprits prennent peu à peu le contrôle absolu de la salle. Des petites figures lumineuses et espiègles s'installent sur tous les murs du lieu. Les quatre décérébrés courent animés par des forces invisibles dans les travées, pratiquent des langages inédits, frayent avec les vivants. Ces danseurs ont du être danseurs dans une vie antérieure avant d'être zombies: ils dansent par éclats qui se laissent juste deviner. Heureusement, ils sont plus pittoresques qu'inquiétants, cocasses même. Les esprits deviennent franchement farceurs. Tout finira en un foxtrot endiablé, au son d'une très improbable yiddish swing music. On peut finalement s'habituer à vivre avec les esprits, s'ils sont de bonne compagnie.

    C'était fluXS.2  ♥♥♥  de Jean Gaudin, avec Bruno Dizien, Claudia Gradinger, Anna Rodriguez, Robert Seyfried, au Théâtre du Ranelagh dans le cadre du festival Faits d'Hiver

    Guy 

    P.S.:  une video, ici.

  • Ne vous laissez pas youtuber

    Les nouveaux Tartuffes sevissent sur le web commercial: le chorégraphe Gilles Jobin vient de voir ses vidéos interdites de You Tube. Plus de détails sur Images de Danse.

    Guy

  • Alain Buffard: qui connait les chansons?

    1. I Wanna Be Your Dog (1969), d' Iggy Pop et des proto-punk The Stooges, ouvre le bal de (Not) A Love Song. Sur les trois accords habituels et à quatre pattes, pas besoin de traduction: il n'y a pas grand chose de plus dans les paroles que dans le titre. Retenons qu'on va parler d'amour avec humour, de passion avec distanciation. Tout un programme. Et Vera Mantero,  à défaut de faire star dans ce contexte, est très drôle quand elle fait le chien. Aux dernières nouvelles et contre toute logique, Iggy Pop est toujours vivant.
    2. S'installe ensuite, nonchalamment, la Femme Fatale (1966) de Lou Reed.  La chanson fut crée par l'anti-chanteuse Christa Päffgen, plus connue sous le nom de Nico (1943-1988). Dans l'album avec une banane en couverture. Sans ici dépayser: des Stooges au Velvet Underground, il n'y guère plus que la distance de quelques blocs du New-York de la fin des années soixante. La sophistication fait quand même la différence, et plus encore la caution snob d'Andy Warohl. Cette ballade aurait été inspirée à Lou Reed par l'actrice et mannequin à la trajectoire météorite Edie Sedgwick (1943-1971). Personnage également évoqué dans "Just like a woman" d'un certain Bob Dylan. Etre immortalisée par deux tubes planétaires, est- ce une raison pour disparaitre à 28 ans? Glamour, staritude, destinée tragique, cette sélection était en tout cas un must pour rentrer en plein dans la thématique de la pièce. Mais Lou Reed, comme Iggy Pop, survit.
    3. l'immense It's A Man's Man's World (1966) de l'immense James Brown (1933-2006), scie dont chacun pourrait réciter les paroles à l'endroit et à l'envers, s'avère ensuite un choix très -trop? - fédérateur. On pardonne pour deux raisons. D'abord l'interprétation par Claudia Triozzi  et sa partenaire est destructurée à l'extrême. Ensuite on a affaire, peut être, au premier hit féministe: Yes, it's a man world indeed, but it sure would be nothing without a woman or a girl. That's right, James.
    4. On ne rajeunit pas, avec Die Ballade Von Der Sexuellen Hörigkeit (1928) de Bertold Brecht (1898-1955) et Kurt Weill (1900-1950). Il était temps d'un peu s'aventurer musicalement hors des U.S.A.. Mais on est vite obligé de retourner là-bas, tant l'oeuvre commune aux deux allemands- qui s'exilèrent, mais séparement, en des temps dramatiques outre-atlantique  -a été acclimatée par les yankees. Mack The knife scatté par Louis Armstrong ou Ella Fitzgerald, Alabama Song électrifié par Jim Morrison, avant que le titre ne soit recyclé par un futur goncourt en chapeau d'une bio des Fitzgerald (Zelda et Scott, pas Ella). Jusqu'à Lou Reed qui s'est obligé à un September Song (de Weil sans Brecht) dans le bel hommage collectif Lost in the stars. Mais de quoi parlait cette "ballade de l'asservissement sexuel", dans le détail ? On a bien une petite idée, mais quelqu'un aurait il un Opera de Quatre Sous en V.F. sous la main? 
    5. Les paroles de Be My Husband (1966) de Nina Simone(1933-2003)- créditées à son mari Andy Stroud- sont juste un degré au dessus dans la complexité que celle de "I wanna be your dog". Quand même nettement au dessus sur le plan de la dignité. Une complainte en blues, un cri de désir, de passion déja déçue- on reste dans le sujet de la pièce- car on comprend vite que le mari en question ne va pas être digne de l'amour offert. Mais Nina Simone était une femme en colère, peut être parcequ'elle ne fut jamais la star qu'enfant elle aurait rêvée d'être. Doit on rappeler qu'elle était noire? Coup de théatre: on découvre que Nina aimait chanter Pirate Jenny et Alabama Song, écrits par nos vieilles connaissances Brecht et Weil. Il y a décidément beaucoup de correspondances dans cette playlist, cela ne doit sûrement rien au hasard...
    6. On revient dans les seventies, et sur notre continent, avec She's Lost Control (1979) de Ian Curtis (1956-1980) et des post-punk Joy Division. Alain Buffard joue avec les contrastes. Même si les arrangements reconstituent au tout une juste cohérence. Surprise: le groupe reprenait volontiers sur scène le Sister Ray de ses ancètres du Velvet Underground. Le nom "Joy Division" faisait référence aux femmes placées en situation de sexuellen Hörigkeit  par les nazi dans les camps. Tout à coup on ne rit plus. Oublions. Retenons plutôt que Ian Curtis choisit de mourir plus jeune encore qu'Edie Sedgwick. Plus jeune que Lou Reed et Iggy Pop, parce qu'eux sont toujours vivants. Quant à la chanson, elle nous rappelle qu'il n'y a pas de star sans une part d'hysterie et de déraison. Selon la morale dominante, un prix à payer.
    7. Avec La Macorina d'Alfonso Camin (1890-1982),  Chavela Vargas (née en 1919) fait, par évocation, son entrée sur scène. Enfin une star absolue. Parce que facinante et unique, dans sa manière de troubler la définition des genres sexuels. Non pas en raison de son homosexualité, que la chanteuse a d'ailleurs attendue 81 ans avant de rendre publique. Non pas en raison de sa liason avec Frida Khalo. Mais parceque Chavela s'habillait, fumait, chantait- chante toujours- comme un homme, s'appropriant attributs et repertoire masculin. Ce qui définit une star, c'est d'une façon ou d'une autre, la singularité.
    8. You're My Thrill fut composé par Jay Gorney (1894-1990). Comme Kurt Weil, un immigrant à Broadway et hollywood. Un juif ayant fuit les pogrom de sa Russie natale, mais rapportant au moins dans ses bagages l'ébauche de la mélodie de "Brother, Can You Spare a Dime" devenu l'hymme officiel de la grande dépréssion des années trente, et que chantonnait encore Billy T. Jones au Louvre, il y a quelques mois. Jay Gorney n'était pas une star, c'était juste un auteur, et vit sa carrière brisée par le maccartysme. Dans la chanson, aux parôles écrites par Sidney Clare (1892-1972), interprétée entre toutes par Billy Holliday, de quoi on parle-t-on? D'amour, quelle surprise!
    9. I'll be your mirror (1966) est, comme "Femme Fatale", à Lou Reed-période-Velvet-chanté-par-Nico.  Avec une nouvelle chanson indispensable, forcement (mais il y avait sans doute quelques milliers de chansons indspensables que Buffard aurait pu choisir parmi quelques millions de chansons d'amour). Quoiqu'il en soit,  pas de portrait de star sans son miroir, essentiel accessoire. Pas d'amour sans narcissisme et le reflet de soi même dans l'oeil de l'être aimé. Pas de play-list de Buffard sans deux morceaux de Lou Reed
    10. On ne pouvait non plus faire l'impasse sur Fame (1975) de David Bowie. Pour plusieurs raisons: David Bowie était (est toujours ?) une star moderne, a émergé en tant qu'icone androgyne, cultivant le mauvais genre comme Chavela Varas ou Lou Reed. Il fût l'artisan de plusieurs resurrections artistiques d'un autre monstre sacré: Iggy Pop. La star cynique au secours de la star maudite, en un beau dédoublement de personnalité. Fame théorise sardoniquement la célébrité éphémere, avec le soutien vocal de John Lennon, qui s'y connaissait en célébrité. Et sur un rythme irrésistiblement funky, pour faire bondir et sauter Miguel Guitierrez et ses deux partenaires, ce qui ne gache rien.
    11. Le choix de Moi j'm'Ennuie de Camille François et  Wal Berg (1910-1994) pose un serieux problême: la chanson a été reprise par Arielle Dombasle. L'oeuvre survivra surement à cette mésaventure, car elle en a connu d'autres depuis sa création qui se perd dans les années trente. Avant d'abandonner notre enquête on a quand même rencontré sur notre chemin la starissime Marlene Dietrich, qui se situe par ailleurs à la source de plusieurs inspirations  cinématographiques du spectacle, l'Ange Bleu, etc...  
    12. Avec (This is not) a love song (1983) de John Lyndon (ex Johnny Rotten) avec Public Image Limited(et non avec The Sex Pistols), a au moins été trouvé un titre- paradoxal- pour le spectacle (titre d'une originalité relative: vient d'être édité un roman français intitulé pareillement). Surtout c'est un pretexte commer un autre pour permettre à l'excellent instrumentiste Vincent Séal de s'époummoner 3 minutes.
    13. All Tomorrow's parties (1966) est du à Lou Reed. Toujours issu du même disque velvet, on craque un peu. On commence à se douter de ce qu'on doit trouver sur l'Ipod d'Alain Buffard, et on se réjouit d'avoir échappé à Walk on the Wild Side. Mais au hasard d'une consultation d'un forum de discussion, on lit un défenseur de Nico comparer son chant las à celui de...Ian Curtis. Troublant.
    14. Mais on assiste à un beau rétablissement final avec Je ne t'aime pas (1934) collaboration de l'écrivain (un peu) maudit Maurice Magre (1877-1941) et de Kurt Weil, lors de son passage à Paris. On répond "Moi si".  On retrouve tout l'emportement désuet de la chanson réaliste française, complainte, tristes reflets dans l'eau du caniveau, et grandiloquence. Merci d'avoir osé.

     

     

    Et tout au long du spectacle, des extraits de "Des orchidées au clair de lune” (1984) de Carlos Fuentes, écrivain et diplomate mexicain. Dernier ouvrage paru en France: "En inquiétante Companie"  (Gallimard).

    Conclusion: le temps de (Not) a love song, la danse post-moderne-post-non-danse contemporaine se ressource, se sur-référence, s'abreuve d'images, de littérature, de culture populaire, de chansons. Se guérit de la sécheresse du nombrilisme conceptuel. Tant mieux. Vera Mantero est habillée par Chanel, Claudia Triozzi par Christian Lacroix, et Alain Buffard inspiré par Broadway et par un répertoire musical à prépondérance anglo saxonne. Toute l'équipe artistique emmène la qualité vocale, chorégraphique, musicale, scénique, à haut niveau. Avec ce qu'il faut de recul et d'ironie. Pour aller vers des lendemains qui chantent? On voit ce soir- ce n'est pas par hasard- des personnages qui pleurent de ne plus être star (ou peut être de ne jamais l'avoir été ). Ne nous demandons même plus s'il s'agit ou non de divertissement, c'est de la possibilité même de l'enchantement dont il est question ici.

    P.S. : Et Sunset Boulevard... Il etait plus question, dans les interviews, de Sunset Boulevard que des autres sources d'inspiration cinématographiques. Et pourtant...si Alain Buffard voulait au départ s'inspirer de Sunset Boulevard, le projet a surement depuis évolué. Et pour cause: Sunset Boulevard (1950) n'est pas reproductible: l'essence du projet de Billy Wilder était de faire interpréter une fiction par les personnages mêmes. Que cruellement fiction et réalité se confondent: le rôle de Norma Desmond, ex star du cinéma muet, était interprété par Gloria Swanson, véritable ex star du muet. Norma Desmond vivant dans les réves de sa splendeur passée, et regardant, dans sa salle de cinéma privée, Queen Kelly. Queen Kelly, film megalo-sado-masoshiste réalisé à l'aube du parlant par Eric Von Stroheim, avant qu'on ne ne lui retire, et qu'il ne puisse plus jamais tourner. Eric Von Stroheim interprete bien evidemment, dans Sunset Boulevard, le rôle de Max von Mayerling, ex metteur en scène de Gloria Swanson, ex mari de Gloria Swanson, et desormais son domestique dévoué. Cecil De Mille joue son propre rôle, et Buster Keaton vient jouer aux cartes avec Gloria, sans desormais se soucier de ne faire rire qui que se soit.... Tout cela pour dire que ni Vera Mantero ni Claudia Triozzi ne peuvent être Norma Desmond/Gloria Swanson: elle ne peuvent être que Vera Mantero et Claudia Triozzi- ce qui déja est beaucoup- et jouer à être star dans le miroir.

    C'était (l'an dernier déja), (Not) A love Song  ♥♥ d'Alain Buffard, avec Miguel Gutierrez , Vera Mantero, Claudia Triozzi , Vincent Ségal au Centre Georges Pompidou, avec le Festival d'automne à Paris

    Guy

    L'article du Tadorne ici, et un extrait sur images de danse, l'article de Clochette bientôt

  • Place Saint Michel: Gyohei Zaitsu en archange

    La Place Saint Michel  est toujours au même endroit, et ce depuis pas mal de temps, déja à cet endroit même du temps où les téléphones 1268075405.jpgportables n'existaient pas. Alors, tout ce que la rive gauche comptait comme lycéens et étudiants devait s'accorder à l'avance sur des lieux de rendez-vous. C'était donc toujours à la sortie du métro Odéon, ou place Saint-Michel. Au choix. Ou on y traînait à tout hasard, pour rencontrer ceux qui avaient oublié de prendre rendez vous. Ou rencontrer celles à qui d'autres avaient posé là un lapin. Bien plus tard, en 2007, ce soir, la place Saint Michel est toujours là, froide, humide et fébrile comme un 31 décembre, et encore à jamais autant entourée. Mais plus de touristes que d'étudiants qu'avant peut-être, qui s'arrêtent quelques instant pour photographier à coups de téléphones la fontaine, les dragons qui ce soir ne crachent plus d'eau, la statue aux grandes ailes et à l'épée, alors même que Gyohei Zaitsu n'y est pas encore perché.

    Ce soir on est pas là par hasard: on attend Gyohei Zaitsu, qui a e-mailé rendez vous. D'autres disséminés dans la foule l'attendent aussi mais dont beaucoup d'entre eux qui ne se connaissent pas. Juste discrètement rassemblés par des indices de jubilation anticipés. On reconnaît Maki derrière un arbre. Gyohei Zaitsu, enfin, se matérialise, non devant la fontaine, mais sur le trottoir (ouest) opposé. Comme échappé d'autre part. Maquillé de blanc et d'un filet de sang, avec le sourire béat d'être en liberté. Court vetu, jambes nues, manifestement venu d'un pays où il fait plus chaud les 31 décembre. Mine de rien, il danse. Tombe à terre, se tend, bondit, bras au ciel. Deux, trois allées-retours vers la statue, pour que tout l'espace soit conquis, l'étrangeté installée entre deux passage de bus. Faire démentir que dans la rue rien ne peut plus surprendre, ni un fou, ni un artiste. Gyohei danse et la place change. Peu à peu l'attroupement s'est formé, plus dense que justifierait une affluence ordinaire. Constitué par ceux qui étaient venu le voir, et parmi ceux qu'il prend par surprise, ceux qu'il arrive à retenir. En tout, déjà plus de publics qu'habituellement à Bertin Poiré. Le buto doit il pour de bon s'aventurer hors des caves, continuer à plus se montrer dans la rue? Deux touristes italiennes, jeunes et enthousiastes, le photographient. Sans doute jamais ne sauront elles qui il était. Un policier vient évaluer la situation d'un oeil blasé, deux dames agées sont captivées. Alors que Gyohei Zaitsu plonge dans les eaux mortes de la fontaine, elles spéculent sur la pneumonie qui le guette. S'interrogent sur la réalité du filet de sang. Surtout restent là, regarder. Un jeune homme sûrement venu exprès tente de convaincre avec de doctes explications sa compagne plutôt réservée qu'il y aurait un rapport entre Hiroshima et le buto. 

    Comme depuis 150 ans, l'archange sculpté par Francisque-Joseph Duret brandit son épée, toujours prête à s'abattre, figé pour l'éternité. 643385189.JPGGyohei s'élance à sa rencontre, part à l'escalade du socle, toujours l'air d'un bienheureux, mais plus aventureux. Se balance d'une main, joue l'équilibre en danseur. Parvient en haut, soudain très grand, dressé avec superbe, pour un instant héroïque, suspendu entre ciel et terre, dans le rôle de l'idiot magnifique. Plus proche de l'esprit et de la pierre que Billy T. Jones  de toutes les statues du Louvre. Se laisse retombe en quelques bonds, plus bas, dans l'eau glacée, toujours innocent, joyeux.

    La place Saint Michel est toujours là, au même endroit, mais son souvenir transformé. Applaudissements, dans quelques heures, c'est le réveillon. Et après, de nouvelles résolutions.

    Très bonne année à tous.

    Guy

    C'était Gyohei Zaitsu, place Saint Michel (Paris, V° arrondissement), à 17H le 31 décembre 2007.

    1ere photo, en haut à gauche, avec l'aimable autorisation de Ralph Louzon , d'autres sont à voir ici

    2nd photo, en bas à droite, avec l'aimable autorisation de Kaori Isogai.

    P.S. du 15 mai: la suite à la République, c'est ici