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Danse - Page 6

  • le corps témoigne

    Des fleurs, et elle à terre. Enfermée d’une robe noire,  émaciée, yeux clos et sourire aux lèvres, reve son être ? Le silence, quelques mouvements: une joie intérieure qui irradie sous la lenteur de son envol. C’est l’état, non l’action que l’on ressent-pourquoi ?-, comme une irrésistible évidence. La robe tombe, le corps noué, et le tissu qui colle comme une seconde peau. A terre, comme dans la boue, son voyage de quelques mètres dans cette cave parisienne résonne comme le récit émerveillé de belles rencontres, d’autres voyages sur d’autres continents, dont elle aurait ramené des peuples invisibles, et leur bonheur d’exister, l’intensité. Par quels gestes ? Le corps témoigne, à la fois vulnérable et fort, se plie et se disloque, se heurte aux limites, meurt et renait. Doigts tordus, de douleur peut-être, le temps que des notes de piano s’égrènent. Pour nous permettre de deviner  à la fois la monstruosité et l’humanité, elle au milieu comme un fil tendu entre les deux. L’extase est dépouillée comme la peau nue, d’une misère absolue,  une offrande  comme seule expression de l’universel. Elle montre l’autre. Au sol, les fleurs. Elle donne.

    C’était La Femme Ailée de Jean Daniel Fricker et Céline Angèle, dansé par Céline Angèle, à l’espace Bertin Poirée

    Guy

  • Dix ans : ailleurs mais maintenant

    Dix ans c’est le temps de l’oubli, souvent. Des souvenirs épars, des rêves et du vent. Ce qu’il en reste, de 10 ans de danse à Mains d’œuvres ? Ca dépend... A chacun ses 10 ans. Pour ma part moins de dix: cela commence vers fin 2006, devant Perrine Valli.  Aussitôt étonné par cette sage- ou pas si sage- géométrie. Une première leçon de patience.  Ou encore: cela prend feu l’hiver auparavant, alors je n’avais pas encore cédé à l’utopie d’écrire (pour essayer d’un peu moins oublier). Avec Kataline Patkaï-, Appropriate clothing... Il faut imaginer la violence du choc pour quelqu’un de peu préparé à ce que se permet la danse contemporaine: c'est-à-dire à peu prêt tout.  Et ici à ce point de vue si détaché, d’une lenteur clinique, sur les gestes de l’érotisme. Tout est donc possible: je reviens…

    Rarement déçu par la suite- un puzzle de sensations- et toujours étonné. 10 ans ne font pas un bloc, un récit ou fil, mais une addition de tous ces moments, de ces libertés, de ces dons d’artistes qui échappent à mes attentes. Les robots de Geisha Fontaine et Pierre Cottreau qui fondent  un nouvel ordre, ou désordre, inquiétant en noir et blanc. Le délire baroque de Jesus Sevari. Les fleurs et la fraicheur de Marie-Jo Faggianelli.  L’absolue étrangeté de Sofia Fitas, son corps recombiné. La drôlerie grinçante d’Isabelle Esposito. La gravité d’Olivier Renouf. Le magnétisme de Maxence Rey. Le trouble de Camille Mutel. L’ironie de Leila Gaudin…

    Je crois que ce que l’on trouve ici, à Mains d’œuvres, c’est le temps. 10 ans, font bien plus.  Pour les artistes le temps de créer. Un temps essentiel, élastique, dilué, muri, perdu, en extension, accéléré…  Je pense à Éléonore Didier qui transporte dans ses pièces même toute la substance de ce temps que ne peuvent mesurer les chronomètres, qui dissout d’audaces nos impatiences.  Car pour le spectateur c’est un temps d’ailleurs: j’ai l’impression inexplicable d’être à Mains d’œuvres loin de tout et du reste, en dehors et libéré, dans ce lieu familier, brut de béton, moins intimidant qu’un espace de représentation.  Pas prêt d’être rattrapé par quoique ce soit, à pouvoir n’y rien faire d’obligé pendant des heures. Avec le temps de rencontrer et d’échanger : des écrits croisés avec Jerome Delatour, Pascal Bely…  Angela Conquet m’invite dans son cercle des regards, pour discuter avec les chorégraphes en amont. Je ne sais ce qu’ils en font… pour ma part j’apprends alors encore à regarder, yeux ouverts tout accepter, et gouter à la drôlerie des incompréhensions et des appropriations (la liberté).

    10 ans. Qu’en reste-t-il ? Le courage de laisser les souvenirs s’envoler comme des tourbillons de feuilles mortes. Surtout la confiance, l’envie, le désir, d’y revenir, d’y découvrir. 10 ans de plus.

    Guy Degeorges- contribution pour 10 ans de danse à Mains d'Oeuvres

  • Sur les plateaux la danse sort des cases

    Coïncidence ou focalisation: quelques jours après avoir découvert un opéra presque en BD, je vois aux plateaux du Cdc du Val de Marne des chorégraphes tenter eux aussi des rencontres avec le dessin...

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    D’abord une première pièce avec une drôle de fille sexy qui danse en boucle dans une cage de plexiglas, comme dans une case en 3 D.  Au plafond: des lampes de saloon. « Lucky Luck », la filiation avec le cow-boy de Morris est donc revendiquée dans le titre. Visuellement, c’est plus allusif, détourné. En tailleur et talons aiguilles, l’héroine ne semble pas vraiment venir du Far West. Des dessins sur les cotés du cube, comme en surimpression, mettent en commentaires la perplexité de l’interprète par rapport à son rôle et son costume. Mais elle assume, sur une drôle de partition de percussions, joue par gestes un duel au soleil dans les règles: tir, pistolet fumant et corps qui ploie avant de s’effondrer. Ce corps tombe comme fait de caoutchouc pour rappeler les inspirations cartoon du modèle. Et semble condamné à répéter sans cesse les mêmes séquences aux quatre coins de la case. Puisque que l’exercice reste court, c’est drôle et léger.

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    L’autre proposition est plus consistante: In the beginning. Donc au commencement: du blanc. La vie à venir comme une page blanche, et devant un corps immobile, lui aussi immaculé, tous les possibles désormais. Le mouvement commence d’un geste, ou d’un trait. La main de la dessinatrice, son crayon et le papier, sont filmés d’en haut, sont projetés sur un écran: c'est aussi l’espace de jeu de la danseuse. Qui des deux pense, qui obéit à l’idée? La main sur l’écran suit le corps en dessinant, en pose le contour, le réinvente très schématiquement. Le corps ne se laisse pas enfermer pour autant, se déplace avec son ombre, suivi par le crayon. Son passé est conservé (ou trahi ?), tracé, dans son emplacement d’ici, de maintenant et d’avant. Le mouvement est ainsi, plus ou moins, matérialisé. Le corps bouge, cela devient peu à peu une course poursuite. Je pense à toute la difficulté, dans la vie personnelle, sociale, professionnelle de satisfaire l’intellect, sans laisser le corps de coté, ignoré, sacrifié même. Ici le corps souvent dément l’idée, ne se laisse pas vraiment réduire, semble résister volontairement aux définitions, aux schématisations en noir et blanc. Un dialogue s’instaure, en un équilibre périlleux, dans la rationalisation des mouvements ou la projection des pensées. Les gestes, les arrêts suspendent le crayon, de marche en sauts. Il y a des accélérations, des retours en arrière. La femme court, le papier se déroule, nerveusement. La main rature. L’échange est excité. Il y a des pâtés noirs, sales, crachés, énervés. La vie en accéléré sur cette page blanche ne se laisse pas si facilement décrire d’un point A à un point B. La page blanche est devenu brouillon, presque illisible, vers une page noire, et le corps semble excédé, épuisé. La main noircit le corps au pinceau, réduit l’être à son ombre, jusqu’à l’anéantissement, la saturation.

    C’était Lucky Luck (extrait de la trilogie Archipel) d'Emilio Calcagno dansé par Marie barbotin, musique d’Aurelien Richard.

    et

    In the beginning d’Andrea Bozic (danse) et Julia Willms (dessin live)

    vus aux plateaux du Centre de developpement chorégraphique du Val de Marne.

    Guy

    photo 1 (Lucky Luck ) de Pascal Tomi avec l'aimable autorisation de la compagnie, photo 2(In the beginning) d'Anna von Kooij avec l'aimable autorisation de la compagnie

  • De quoi sommes nous faits?

    Dessiner un squelette, pas si évident! Je m'y essaie cependant, crayon en main, ainsi que tous les spectateurs présents. Une toile est posée sur celui qui, présent sur scène, aurait pu nous servir de modèle. Carlo Locatelli, sans donner de réponse, nous guide de ses indications: sur la dimension des différentes vertèbres jusqu'à l'assise du bassin, les fonctions, les dynamiques, les appuis, les accroches, les pivots... Il nous met en garde contre les idées reçues, nous rappelle que les mains descendent jusqu'aux cuisses, plus bas que leur idéalisation.... Nous incite à penser le corps dans sa globalité, comme un système complexe dont le squelette n'est qu'un élément. Nous nous laissons aussi stimuler par ces images projetées, il y a quelques instants, de corps tels qu'envisagés à travers les siècles et les civilisations, chaque fois reconstruits par le raisonnement autant que l'observation, repensés. Nous aide le souvenir du duo anatomique proposé par deux danseurs en introduction, que nous regrettons maintenant de ne pas avoir mieux observé. Surtout nous nous s'interrogeons nous même du toucher, pour redécouvrir sous la peau, deviner, côtes, bassin, os des épaules.... Au final, mon dessin évoque plutôt un pyithécanthrope de dessin animé, un robot peu avenant.

     

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     (evidemment, pas osé mettre mon dessin, ceci est une planche trouvée sur le net)

     

    Peu importe, reste l'interrogation. Comment tout cela fonctionne-t-il? Jusqu'au mouvement, jusqu'à la danse, vers le sens et l'émotion.... Les deux danseurs reprennent une improvisation, que l'on voit maintenant bien différement. Au delà de la surface.

    C'était Le corps anatomique- la globalité de Carlo Locatelli, avec Carlo Locatelli, Laura Frigato, Michal Ohannessian et un squelette, première de plusieurs étapes de travail présentées en septembre à Micadanses.

    Guy

     

  • Un peu d'air

    Mains d'Oeuvres s'ouvre, comme souvent, sur ses résidents: ce soir pas moins de cinq à la suite. J'aime toujours ce lieu, familier, patiné, jamais intimidant. On déambule ce soir de surprises en découvertes (toujours breves, format oblige) Mais entre temps toujours un moment pour boire un verre, discuter. Avant tout respirer: c'est le thême...

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    Question respirations, le hasard vient bien à propos: me permet de commencer la soirée avec Inari Salmivaara. Un grand bol d'air. En voix off: un songe de nature avec les accents d'un conte, d'une femme univers, d'un monde qui s'installe sur son rêve. Douceur et évidence. Le corps replace l'image, en douceur, sensations appaisées, sans émerger du sommeil. Jusqu'à un eveil en relaxation, façon position de yoga. C'est une agréable introduction aux voyages imaginaires.

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    Vers le Quebec d'abord, pour deux équipées dans les territoires de l'expressif et du bizarre. SSperance de la compagnie l'eau du bain déjoue les interprétations, croise les moyens d'expressions (corps, musique, textes, objets) pour exprimer ce que je reçois comme de l'inquiétude, l'exaspération du quotidien et de la relation. Un couple et des pierres, le corps comme instrument de musique electronique, mais qui sous les doigts de l'interprête et de son compagnon n'offre pas le même son. Des dialogues dans cette langue presque étrangère, hors contexte. De quoi charge-t-elle son corps avec cette pluie de pierres? De la promesse d''un enfant, d'un désir masculin? Tout semble souvent au bord de se diluer. La lutte amoureuse laisse des zones d'ombres, un goût de poésie âpre et d'inachevé, d'espoir renoncé, me laisse en état de curiosité.

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    On plonge dans une autre étrange déprime avec Alexis O'Hara, lui aussi de Montréal, qui brouille le show et le genre. La nuit chavire, douteuse et délavée. Ce personnage désabusé, Guizot la Nuit, supposé masculin, bricole au micro et à la console des romances lancinantes. Le chanteur au charme usé, semble atteint d'un spleen incurable, flotte entre deux airs et deux eaux, livre un concert déconcertant à force de boucles et d'échos surdosés et de monologues, cet l'assemblage toujours au bord d'imploser. Le principal intérêt du show et de placer sans repos et avec un humour plus que décalé le spectateur à contre pied, à ne jamais savoir qui parle et vers où, si le show commence ou est terminé. Aprés recherche il apparaît qu'Alexis O'hara serait généralement une femme. En entracte les metteuses en scène de la compagnie ACM proposent de sourire en partageant quelques affres de la préparation de leur Casimir et Caroline, présenté ici à la rentrée.

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     Camille Mutel retient notre respiration, laisse souffle coupé. La soliste poursuit une quête vers cet impossible: dénouer le paradoxe du dévoilement érotique, faire du neuf avec du nu. Son mouvement vient du buto, s'y appuie et s'en détache, maintenant d'un autre spectaculaire. Plus cérébral, plus distancié? Depuis l'offrande-manifeste, brûlante et tetanisée du Sceau de Kali (vu il y a 5 ans), le corps maintenant absolu explore en lui-même les ressources pour se montrer et se dérober dans le même geste. Se laissent deviner des visions archaïques, entre éclairs, torsions et chuchotements. Le corps pur jouet de la lumière, émancié à l'essentiel, se plie sous le regard et impudique glisse, lisse, puis se dérobe en équilibres arachnéens, se déconstruit vers l'abstrait. Visage confisqué par un masque, la personnalité est abdiquée, et la surface offerte. Le corps blanc et vertebreux, ni en chair ni voluptueux, se fixe en un objet érotique chargé d'irréel, de sensation vénéneuses, en désirs et en creux. Avant d'à nouveau s'échapper d'un lent renversement en une forme concentrée, comme trahi par l'effroi de sa propre vacuité.

    à suivre...

    C'était la première soirée de Respirations, à Mains d'Oeuvres, avec Inari Salmivaara (I am Lying), L'Eau du bain (Ssperances), Alexis O'Hara (The ce soir Show), groupe ACM (Je voulais juste manger une glace), Camille Mutel (Effraction de l'Oubli-extrait).

    Respirations continue ce dimanche avec encore Camille Mutel, Alexis O'hara, Inari Salmivaara, L'eau du bain, et aussi Mario Batista, Leila Gaudin, Cie Ginko, François Laroche Valière.

    Guy

    Photos (Inari Salmivaara par Pedro Alves, L'eau du Bain, Alexis O'hara, Camille Mutel par A.V. Tisserand ), avec l'aimable autorisation de Mains d'Oeuvres

     

  • La dimension cachée

    Il y a ici beaucoup de suite dans la danse, dans les idées. Des sillons sont creusés d'année en année dans l'obstination, de semailles en récoltes, en floraisons.

    olivier reouf,erika zueneli,regard du cygne

    Cet épisode encore en esquisse-Terre suspendue-suit obstiné le chemin de Champs, vu il y a trois ans. Grave les rapports sourds entre l'homme, le groupe, la terre, la matière. Je suis d'abord decontenancé: par des mouvements d'araignée, des personnages dispersés, perdus, d'autres mouvements tendus comme des prières, des notes de piano qui s'égrennent. Je retrouve de la force à l'ensemble alors qu'il semble emporté par les mouvements lourds d'un sac suspendu au plafond. Comme une épée de Damoclés. Celui-ci perturbe les équilibres, les polarise, d'une inquiétante gravité semble attirer les corps jusqu'alors épars au dessous. Certains courent, d'autres succombent. Quand le sac est crevé, la terre s'écoule, comme la vie, l'homme renversé.

    olivier reouf,erika zueneli,regard du cygne

    Incontri fait écho à Incontro vu il y a deux ans. Le subtil face à face des deux femmes fait ici place à un duo masculin plus abrupt, qui s'organise autour de la même table pivot. Dans une même dynamique. Circulent et rebondissent dans cet espace jeux et enjeux, mimétisme et arrières pensées, rapports de forces au tac au tac. D'un pas en avant à un pas en arrière, au bras de fer, se dessinent les règles d'une drôle de proxémie. C'est l'invisible et l'essentiel des rapports humains-au plus profond en passant par des cris de chien, la défense du territoire, les manifestations élémentaires de soumission- qui est mis à jour de quelques gestes, dans un langage universel. Dans le public un enfant rit, incrédule. La grâce intempestive, contagieuse, de son intervention nous fait toucher dans cette performance tout le comique. D'autres éclats fusent. Avec lui, avec eux, on jubile.

     C'était Terre Suspendue d'Olivier Renouf et Incontri d'Erika Zueneli, compagnie L'Yeuse, vus en mai 2011 au Regard du Cygne.

    Guy

    Incontri est un extrait de Tournois, prochaines représentations:

    Incontri
    Le 23 septembre aux Plateau de la Biennale du Val de Marne www.alabriqueterie.com

    Tournois
    -Le 18 octobre Festival Odyssée de l'Espace www.espace-1789.com
    et
    Du 22 au 26 novembre À la chapelle des Brigittines (Biennale de Charleroi danses)
    www.brigittines.be / www.charleroi-danses.be

     

  • Ici, là et ailleurs

    Sont ici présentées deux pièces en simultané, une pour les oreilles, l’autre pour les yeux. Assister juste à l’une ou juste à l’autre de ces pièces serait déjà non dénué d’intérêt. Mais c’est leur juxtaposition volontaire en ce lieu, cette rencontre sans guère plus d’explication, loin des évidences, qui me mets aux aguets, ouvre les sens et la réflexion.

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    Je vois ce duo féminin, les danseuses elles-mêmes jouent à un peu se déphaser l’une de l’autre. J’entends un reportage radio, la tranche de vie de deux ambulanciers qui procèdent à l’hospitalisation d’office d’une vieille femme. Ici, là, quoi de commun? Ici entendre l’histoire d’une femme prisonnière d’une folie légère, qui s’évade en dedans en fredonnant, pour bientôt perdre sa liberté, hors de la société. Pour être protégée ? Voir là les danseuses dessiner des figures résolument affranchies de toute représentation de la vie, de toute utilité première, de toute convention. On entend les voix des personnages d’une histoire vraie, et l’on voit une danse qui s’abstrait de toute narration. Deux corps qui doucement rassemblent et brassent l’invisible sur des rythmes souples, en légères torsions. Le concret s’entend, invisible mais comme écrit d’avance, les jeunes danseuses sont absolument vraies et évoluent tout prêt de nous-le public assis, des deux cotés, sur le tapis-  mais leurs visages sont absents et leurs gestes surprenants. Nous sommes venus accepter leur mystère, que personne ici ne qualifiera de folie. La vieille femme s’évade, entouré de sollicitude par les ambulanciers. Converge des deux cotés la même rêverie ancrée au cœur d’un inexorable quotidien. Je me surprends à imaginer les danseuses au plus profond de l'imagination de la vieille dame, et l’inverse tout autant.

    C’était Une chanson douce  d’Aurelie Berland  avec Claire Malchrowicz et Pauline Vautrin sur le documentaire  « Dans l’ambulance » de Claire Hauter, présenté à Micadanses dans le cadre de la soirée CNSMDP.

    photo de Begum Lerot avec l'aimable autorisation d'Aurelie Berland

  • Fans de nus ? (réponse tardive à "l'épiphanie du nu" de Jerome Delatour)

    Des silhouettes féminines se laissent deviner derrière les rideaux, par morceaux, évaporées dans les rumeurs de la ville. Des chairs floues, déformées, précisées en un lent dévoilement, puis par un brusque éblouissement… Nu absolu: la couleur est annoncée. C'était le cas pour la performance présentée aux plateaux de la biennale il y a quelques mois. Et c’est toute la force et tout le problème de la proposition, un traité du nu en six études…

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    Sur le sujet du nu en général, je ne partage pas tout à fait l’analyse sociétale de mon ami Jérome Delatour (dans sa- trop rare- chronique à lire sur Images de Danse). Dans notre espace public, sur les écrans, les plages, les pelouses, les affiches, les corps me semblent plus que jamais (1) s’épanouir sans complexe, il est vrai à la concession prés du cache-sexe. Et c’est peu de dire que, dans l’espace du spectacle vivant, l’interdit est depuis longtemps tombé (disons depuis plus ou moins 68), ce qui reste toujours reçu diversement selon le contexte et le public. Il n’en reste pas moins que la nudité, quand elle se manifeste dans ce contexte, est rarement anodine ou innocente, d’une force qui ne se laisse pas épuiser…et surtout toujours un peu suspecte d’être instrumentalisée comme simple procédé de séduction, d’aucuns diraient de racolage. A bien les écouter on entend que les artistes sont loin d’être les derniers conscients de ce levier ou de ce risque…. On cède soi-même un peu à cette logique en partageant ici les photos prétées par la compagnie… Il faudrait toujours, dans les propositions concernées, un geste artistique fort et évident pour permettre de dépasser la relation d’exhibition et voyeurisme qui tendrait à s’établir entre artiste et public (je repense au passionnant Magical d’Annie Dorsen et Anne Juren): avec Who too d’United-C, c’est  parfois mais pas toujours le cas.

    En intégral et six chapitres, la nudité ne se laisse pas oublier, à l’avant plan. Fil rouge des propositions: cérébrale, sexuelle, académique, naturaliste, c’est selon. Il est en premier abord dérangeant, mais à la réflexion rassurant, que ces parties prises ensemble ne semblent pas pour autant former un tout homogène, l’inattendu dépassant parfois le parti pris de départ. Pour lire des impressions mieux ordonnées, on se reportera encore à Images de Danse. Je rejoins Jérome pour mettre à part des autres deux scènes qui s'en distinguent par la singularité du point de vue adopté.

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    D’abord Am I big, solo que je vois concentré sur la conscience de soi, matérialisée en monologue parlé. Pièce gorgée d’angoisse et traversée de panique, la femme saisit sa chair par poignées, tyrannisée par les normes. Puis Photograph, pièce dominée par la conscience des autres, la conscience du public. Les deux jeunes femmes sont assises immobiles et de coté sur des fauteuils, sexes dérobés à notre vue. Notre regard est interrogé par leur inactivité, trompé par des gestes d’une l'extrême lenteur. Est ce un défi, un refus, une lassitude? Une femme habillée vient, qui les détaille, nous regarde. Concession à notre attente, des mouvements des mains des danseuses immobiles annoncent d'imperceptibles affaissements, jusqu’à, enfin, la chute.

    Les autres pieces sont gagnées en commun par la violence des mouvements. Circulaires, répétés, urgents et traversés d’énergie. L’exécution d’une pièce à l’autre est inégale, mais c’est cette brutalité partagée et première qui gagne mon intérêt, cohérente avec la charge visuelle du nu, tout en parvenant par moment à s’en échapper. L’âpreté des gestes contraste avec la vulnérabilité des corps des danseuses, étourdies et étourdissantes. L’une d’entre elle évoque un archétype juvénile de Cranach, c’est de saison. Les soli se transforment en ensembles, entre décharges et temps lents, de la transe à l’unisson, sous le regard sévère et intermittent d’une femme habillée, qui semble jeter sur ce spectacle un regard sévère et distancié du haut de siècles de civilisation, pour jauger et accuser. Des mouvements incessants tournoient à contre jour. La fureur ou la frustration manifestent, s’épuisent en chutes, les jambes rougissent et la peau marque. Dans la mise à l’épreuve de l’interprète, on approche quelque chose de l’ordre de la performance, aussi vrai que la chair dévoilée. Si les corps présentés en eux-mêmes ne laissent plus rien imaginer, les gestes font deviner les tempêtes qui les agitent en dedans. Avec détermination, La danse apparait ici tout sauf sophistiquée: frustre et corporelle à un point qui peut troubler, voire susciter le rejet. D’un dépouillement entêté, l’énergie travaille le sujet jusqu’à l’épuisement, pratique une politique de terre brulée. C’est à prendre ou à laisser.

    Guy

    C’était Who Too d’United C, présenté en Mars à Vanves au festival Artdanthé

    Photo de Van Der Put avec l’aimable autorisation de la companie

  • Square Caulaincourt-2

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    Gyohei Zaitzu- Square Calaincourt Paris- lund 11 avril 2011 14H30