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theatre - Page 9

  • A court de forme 1-1 : Qui a peur de Sylvia Plath ?

    A Court de Forme: c'est lancé, avec 4 essais cette semaine, en enchaînement ponctué par les complaintes post-réalistes du moony band....

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    Pour jouer le jeu, c'est en moins de vingt lignes qu'il faut rendre compte de la première de ces propositions de 20 minutes. Le temps juste que la pièce capte et fruste, et bien peu pour raconter la vie-même courte- d'un poète...Qui connaît Sylvia Plath? Donc pas de temps à perdre, pas de décor superflu. Le personnage, femme encore-est elle déja poétesse-, attaque le spectateur d'emblée à voix brute et d'un regard intense, d'abord se cherche. Pour le reste: juste un pardessus qui évoque le père perdu. La mère est présente, attentive et inaccessible. On en vient vite à la colère et la souffrance, passé un moment de répit amoureux, déjà condamné, d'une sensualité elliptique. Avant scène de ménage et tromperies. La révélation de la poésie nous est faite sur le tard: alors l'actrice danse les mots de Plath avec justesse. On est au coeur du sujet et du texte, fasciné, en conclusion d'un exposé qui reste sobre et direct. La douleur est placée en exergue mais le pathos est évité. Pour autant, ne peut y avoir que des poètes maudits? Et c'est déjà fini, un désir est né.

    C'était Une Ombre familière d'après l'œuvre de Sylvia Plath, mise en scène Suzanne Marrot / avec Raphaël Bascoul-Gauthier, Sylvie Feit, Sarah Siré/ lumière : Anne Vaglio. A l'Etoile du Nord, avec A court de Forme.

    Guy

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    photo de Nicolas Grandi avec l'aimable autorisation du théatre de l'Etoile du Nord

  • Le Retour du Court

      

    Flash-back: quand on s'est hasardé à ce blog, c'était il y a près de 3 ans, et en écrivant un tout premier billet à propos du festival A court de forme, millésisme 2006, à l'Etoile du Nord- qu'on aura l'indulgence d'oublier (le billet, pas le festival).

     

    On y a pris goût et on est revenu en 2008, ici et là. Captivé ou réticent, attiré ou opposé, mais toujours surpris et intéressé.... Ces courts remuent.

    Tout naturellement on y revient cette année, comme à un anniversaire.

     

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    Nouveauté 2009: avec l'aide de l'Etoile du Nord on recueille sur un Soir Ou Un Autre les réactions des spectateurs: réagissez nombreux!

     

    Pour ceux qui n'auraient la moindre idée de ce qu'est A Court de Forme, on a prié l'organisateur,  Julien Kosselek (compagnie Estrarre), de s'expliquer. En forme de reponses courtes, evidemment.

     

    Pourquoi des formes courtes?

     « 20 mn » est un format plein de possibles. et plein de pièges.

     

    Pourquoi ce festival?

    pour travailler ensemble, mais en toute indépendance. pour découvrir et faire découvrir au public sur un temps court, mais dense. enfin j’espère.

     

    Qu'elles sont les troupes?

    Il y a des groupes formés depuis quelques temps, des groupes formés autour du projet A Court de Forme.

     

    Qui les choisit?

    Je choisis les metteurs en scène et eux choisissent le reste.

     

    Il y a t il des auteurs vivants?

    Des auteurs de textes comme Esinencu, Siméon, Durif, et puis les auteurs du plateau, metteurs en scène, acteurs… ils écrivent quelque chose aussi.

     

    Il y a t il des auteurs morts?

    Quelques uns sans importance : Shakespeare, Ovide, Césaire…

     

    Mots relevés dans le programme: "mort" (5 fois)"folie"(2 fois), "obsédé", "monstrueux" , "chaotique", "dévoré", "colère"...Pourquoi?

    J’aime les gens en colère, l’étant moi-même beaucoup. mais dans le programme, il y a aussi amour, énergie, joyeux, travail, chanson ; c'est-à-dire la même chose dit autrement. il me semble que tous ces mots sont de possibles point de départ de l’art.

     

    Combien de temps dure la version d'Hamlet?

    C’est 20 minutes maximum pour tout le monde. même pour monsieur shakespeare.

     

    Quoi de neuf depuis 2008?

    Le menu est plus varié et plus conséquent. plus de formes courtes, et beaucoup plus de choses à 19 heures.

     

    Pourquoi à l'Etoile du Nord ?

     « Estrarre » y est en résidence. et s’y sent très bien.

     

    Pourquoi venir?

    La curiosité amène les spectateurs. curiosité pour cet ensemble très hétéroclite, et curiosité pour chaque proposition.

     

    Formes courtes = théâtre au rabais ?

    10 euros la soirée, 20 euros l’entrée illimitée au festival, c'est-à-dire 1 euro la proposition. nous ne pouvons pas faire mieux.

     

    Va-t-on rire?

    Plus que d’habitude il me semble. les artistes sont de plus en plus cruels, vous savez…

     

    Va-t-on pleurer?

    Ce n’est pas la même question ?

     

    Tout est il prêt?

    non, rien du tout. on ne sera prêt qu’avec vous, avant on ne fait que vous attendre.

     

    Tout est il inédit ?

    quasi. à part une forme courte et « der lauf der dinge », qui s’est joué il y a dix ans. donc je pense qu’ils vont changer quelques trucs quand même…

     

    Quoi ne pas manquer?

    moi je le sais, mais je ne vous le dirai pas.

     

    Et après?

    le festival « ON n’arrête pas le théâtre » en juillet. et toutes les autres compagnies ont des actualités.

     

    A quoi sert le théâtre?

    je cherche, je cherche.

     

    N'oublions pas le programme:

     

    du 27 au 31 janvier à 20 heures 30


    HAMLET (fragments)

    Librement inspiré de la tragédie de Shakespeare
    mise en scène et adaptation Vincent Brunol / avec Nicolas Fustier, Elise Lahouassa et Mathias Robinet / lumière Elise Lahouassa

    A(II)Rh+
    de Nicoleta Esinencu
    traduction Mirella Patureau
    mise en scène Michèle Harfaut / avec Miglen Mirtchev / scénographie Loraine Djidi / lumière Julien Kosellek

    AKUN
    Regroupement de textes autour de la mort dans le théâtre antique
    création de Quentin Delorme et Amélie Gouzon / avec Julie Audrain, Gorka Berden, Luc Martin, Elise Pradinas, Laure Espinat, Florent Dorin, Philippe Renault, Étienne Rousseau

    Une Ombre Familière
    d'après l'œuvre de Sylvia Plath
    mise en scène Suzanne Marrot / avec Raphaël Bascoul-Gauthier, Sylvie Feit, Sarah Siré / lumière : Anne Vaglio

    le 29 janvier à 19 heures projection Good Morning, Mankind
    un film de Luc Martin / avec Nicolas Grandi, Gorka Berden, Julie Audrain, Slimane Yefsah

    le 30 janvier à 19 heures concert Folk the World.
    le 31 janvier à 19 heures concert Zaza Fournier

    du 3 au 7 février à 20 heures 30

    Cannibalisme tenace
    auteurs Aimé Césaire, The Coasters, Henri Varna ...
    mise en scène Sandrine Lanno / avec Mélanie Menu / collaboration artistique Isabelle Mateu et Nathalie Savary / lumière Xavier Hollebecq

    Le mage aux fiats 500
    de Christian Siméon
    mise en scène Jean Macqueron / avec Christophe Garcia, Thomas Matalou

    Un presque rien
    création à partir de textes d’Ovide
    mise en scène Elise Lahouassa / avec Vincent Brunol, Coraline Chambet, SophieMourousi et Serge Ryschenkow

    le 5 février à 19 heures
    l'espace du dedans
    d'après Henri Michaux.
    Mise en scène et jeu: Raouf Raïs / avec la participation de Stéphane Auvray Nauroy, Elisa Benslimane, Eugène Durif, Ava Hervier et Eram Sobhani / costumes Patrick Cavalié / création lumière, photo et vidéo Ludovic Bourgeois et Guillaume Parra.

    le 6 février à 19 heures lecture
    Les Charmilles et les Morts
    de Jean-Michel Rabeux par Cédric Orain

    le 7 février à 19 heures concert Moony Band

    du 10 au 14 février à 20 heures 30

    Ce qui peut coûter la tête à quelqu’un
    conception et mise en scène Stéphane Auvray-Nauroy / avec Aurélia Arto et Julien Kosellek / assistant à la mise en scène Sébastien Siroux / création son Samuel Mazzotti / lumière Xavier Hollebecq / création vidéo Anne-Bénédicte Girot

    La brûlure du regard
    ciné-performance
    texte Eugène Durif / mise en scène Karelle Prugnaud / film Tito Gonzalez et Karelle Prugnaud / musique Tito Gonzalez et Bob X / costumes Pierre-André Weitz et Nina Benslimane / avec Elisa Benslimane, Cécile Chatignoux, Anna Gorensztejn, Mélanie Menu, Karelle Prugnaud

    Memento Mori (Vanité 1)

    conception et mise en scène : Guillaume Clayssen / avec : Aurélia Arto, Frederik Hufnagel, Mélanie Menu / assistante à la mise en scène : Marie Delaître / maquillage : Isabelle Vernus / scénographie et costumes : Delphine Brouard / lumière : Elsa Revol

    Paroles affolées
    mise en scene SophieMourousi / avec Mathilde Lecarpentier et Julien Varin
    les 12, 13 et 14 février à 19 heures

    Der Lauf der Dinge
    création de Xavier Hollebecq / avec Christophe Sauger

    pendant toute la durée d’A Court de Forme exposition du travail de Anne-Bénédicte Girot

    information et réservation 01 42 26 47 47

    tarif unique : 10 € évènement de 19 heures + spectacle de 20h30

    pass : 20 € accès illimité à l’ensemble d’A Court de Forme

     + d’infos sur www.etoiledunord-theatre.com et sur www.estrarre.fr,

    Donc à mardi!

    Guy

     

  • La jeune Fille, le diable et le moulin: le théatre résilient de Py

    Olivier Py fait du théatre pour les enfants comme on devrait le faire systématiquement: avec autant de respect que s'agissant de théatre destiné aux adultes. Ce qui implique, pour commencer, de ne rien cacher aux jeunes spectateurs de la cruauté du monde. Donc ne rien édulcorer de la violence des contes de Grimm: ici le meunier, abusé par le diable, coupe de sa hache les mains de sa fille.

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    Sans ne jamais laisser tout à fait oublier qu'il s'agit d'une représentation: la belle scènographie se montre comme telle, avec des miroirs, des décors tournants, des trétaux, et des centaines d'ampoules. Dans la voix des acteurs le recit est autant conté que joué. Chanté souvent, avec les couleurs de complainte des cuivres et de l'accordeon. Le diable entonne" Que la guerre est jolie", les enfants, qui ne sont pas idiots, ne sont pas dupes non plus. L'art: "c'est de dire d'un mot la mort avec la joie". Un ange gardien veille sur la fille du meunier, surtout l'espoir la porte. Pour qu'à la fin chaque chose revienne à sa place- au théatre même les mains peuvent repousser- pour montrer aux enfants que la violence qui est montrée et dite, peut être surmontée.

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    C'était La jeune Fille, le diable et le moulin d'aprés les frères Grimm, adapté et mis en scène par Olivier Py, musique de Stéphane Leach, décor, costume et maquilllages de Pierre André Weitz. Avec Celine Chéénne, Samuel Churin, Sylvie Magand, Thomas Matalou, Antoine Philippot, Benjamin Ritter.

    A l'Odeon (Ateliers Berthier), jusqu'au 18 janvier, en alternance avec 2 autres contes. A partir de 7 ans.

    Guy

    Photos d'Alain Fonteray avec l'aimable autorisation du théatre de l'Odéon

  • Le Corps Furieux de Rabeux: affreux, sales, émouvants

    Ils sont affreux, sales, pas méchants pour autant. Nus et beaux en prologue, juste pour un instant. Puis franchement moches après, habillés S.D.F.. De fringues dépareillées, accumulées comme pour lutter contre le gel de janvier. Ou de seuls sous-vêtements hideux. 

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    Ainsi à l’évidence fragiles et vrais, leurs corps de jeunes, leurs corps de vieux. Et bien contourné, le piège de la nudité. Pour pauvres accessoires (à l'opposé du dispositif très élaboré vu dans une autre tentative de théâtre sans texte): poubelles, sac plastiques et caddies -que l'on préfère ici ce soir d'hiver plutôt qu'une nuit d'été. C'est bien: l'humanité est libérée du superbe, peut respirer un peu. Plus obligée de performer (au sens économique), pour mettre le spectateur face au plaisir de la performance (au sens anglo saxon du terme). Acteurs et public sont séparés par une barrière symbolique: un ruban plastique tel ceux utilisés pour délimiter le lieu d'un accident ou d'un crime, ou pour isoler un chantier. On est donc protégé de leur contagion, tout de même ici forcé de les regarder, alors que dans la rue l'on peut éviter de voir ceux qui comme eux maintenant dorment sur des cartons... La crise est passée, ils persistent. Et ronflent en prime. Puis la vie les agite, de gestes et de sons. Faire du théâtre sans texte, c'est ici s'amuser à tricher un peu, sur les bords, à force d'exclamations, d'onomatopées, de langues étrangères, d'improvisations, de chansons (1). Les individus sont loin d'être muets et la voix elle-même devient le message, pour ouvrir vers l'essentiel. Même, ce théâtre est toujours au bord de lui-même, rigolard et ému. Avec des acteurs qui semblent venir d'ailleurs, déformatés: une acrobate, un ancien caviste, un ancien prof d'art plastique... qui offrent fausse maladresse et vraie tendresse, inattendus et imparfaits. Les corps se montrent tout autant burlesques que furieux, passent du coq à l'âne, rient, pleurent, paradent, crânent, s'amusent, se disputent, accouchent, exagèrent, se cherchent, se trouvent, se tuent. Les personnages peuvent devenir féroces aussi, attablés pour un festin dont une femme est le plat. Soulagement : elle s’échappe en acrobaties et contorsions, mieux vaut être livrée en spectacle que littéralement dévorée. Morale: les corps ne sont jamais emphatiques: révoltés et ironiques jusque dans l'agonie... En conclusion une belle vengeance: les corps morts et parfaits des mannequins sont brocardés, maculés de peinture pour leur prêter un peu d'humanité, mais que la pluie emporte.

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    C'était Le Corps Furieux de Jean Michel Rabeux, avec Elena Antsiferova, Corinne Cicolari, Georges Edmont, Juliette Flipo, Kate France, Marc Mérigot, Laurent Nennig, Franco Senica. A la MC 93 Bobigny, jusqu'au 27 janvier.

    Guy Degeorges 

    A lire: le spectateur turbulent et neigeàtokyo

    Photos de Denis Arlot, avec l'aimable autorisation de la compagnie Jean Michel Rabeux

    (1) C'est regrettable, mais un peu dans la tendance de l'époque, que les chansons ne soient pas citées sur la feuille de salle. Quand même, on a cru identifier: Istanbul Constantinople de Dario Moreno, Comme un petit coquelicot de Mouloudji Rock' roll suicide de Davide Bowie, un blue peut être des Rolling Stone, Raindrops Keep fallin' on my head de Burt Bacharach en v.f. et a capella... Et une déchirante compilation de chanson française 70/80: ballade des gens heureux, Le chanteur, Ou sont les femmes, j'ai encore révé d'elle, la cage des oiseaux...

     

  • Corneille: Just an Illusion...

    Galin Stoev se fait discret derrière Corneille: la modernité ce soir a près de quatre siècles. Avec L'Illusion Comique, l'essentiel est déja exposé, de la relation entre le spectateur et la pièce de théatre. Le coup de génie de Corneille (1606-1684), c'est de déplacer cette relation sur scène, de la mettre en abîme, sous observation. Avec la pièce dans la pièce. Pour mieux démonter les mécanismes essentiels du théatre...mais tout en gardant le spectateur sous l'effet de l'illusion de la comédie. Toutes les cartes ne sont pas retournées. Pour dire les choses autrement: il est vrai que quelque soit le spectacle, le spectateur est toujours dupe et complice à la fois. Mais l'originalité de L'Illusion Comique est d'amener le spectateur à réfléchir sur cette situation même. Pour autant, même demystifiée, la pièce "fonctionne". Aprés cela, manifestement, Pirandello en était réduit à faire des remakes.

    L'argument: Primadant regrette d'avoir bani son fils Clindor. Désire si fort le retrouver et connaître son sort, qu'il en croit aux mirages, à la magie d'Alcandre(A ce stade est ce vraisemblable? ...et pourtant déja on accepte ce postulat!). Pourtant quand Primadant, désormais à la fois personnage et spectateur, observe son fils dans ses aventures... voit-il les ombres mais de la réalité? Ou s'agit-il (mais en quoi consiste au fond la différence?) d'une pièce de théatre qui serait jouée devant lui?

    Partant de celà, la mise en scène joue avec les ambiguités. Tout semble flou, rien de carré. Jusqu'à crisper ainsi beaucoup de critiques, celui du Le Figaro  en particulier, qui juge que texte en est rendu incompréhensible. Pourtant c'est justement dans cette apparente intermination que se situe le principal intérêt de la proposition, un parti pris plutôt humble et qui ne viole pas le texte, loin de là. Il faut accepter d'être déconcerté. Le décor dévoile petit à petit ses pontentialités. Une lumière se fait, Lyse nettoie une vitre.... Un décor compartimenté, à tiroirs, avec des angles morts qui, selon les points de vus, jusqu'à la fin resteront mystérieux. Tant mieux. On comprend l'intrigue, qui va emprunter à beaucoup de genres, comique, tragique, épique, amoureux...On suit, puis on l'oublie. Là n'est pas l'enjeu. L'important c'est qu'on y croit alors, et de plus en plus, placés malgré nous dans l'illusion, incertains aussi. Les codes de jeu bougent à vue, dans un sens incertains. Les alexandrins ne datent pas, acrobatiques et insolents, jamais forcés. les acteurs passent d'un rôle à l'autre sans préavis. Herve Pierre est un mage à nouveau, jupitérien, entre autorité et bonhomie. Denis Polyades  joue Matamore, un mythomane impénitent, interprete permanent d'une fiction à laquelle personne ne croit, même parmi les personnages de la pièce qui elle-même est dans la pièce...Les acteurs glissent, d'acte en acte, de la distance-parlant face au public-, jusqu'à l'incarnation. Même lors du devoilement final, un poil désabusé, la pièce reste ouverte...

    C'était L'Illusion Comique de Corneille, mis en scéne par Galin Stoev, à la Comédie Française jusqu'à fin juin prochain.

    Guy

    P.S. Dans ce jeu avec la convention acceptée par le spectateur, il y avait tout de même (au moins!) un précedent : la scène du Roi Lear (1606) où nous croyons voir Kent, guidé par son fils, se jetter du haut d'une falaise. C'est du moins ce que nous croyons, par convention, lorsque l'acteur fait sur scène un saut d'une dizaine de centimètres... Avant de comprendre que le saut du personnage "dans la piece" est de la même hauteur que celui fait par l'acteur: Kent, aveugle, abusé par son fils, a été victime de la même illusion que nous!

    Lire aussi Libération et Culturofil.

     

  • Five days in March: ma voisine et Okada

    La salle est comble pour Okada, avec la présence d'une importante minorité asiatique. Japonaise, on présume. Ce qui n'est pas le cas de ma voisine de gauche, elle plutôt gênée par le phrasé japonais surtitré.

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    Pas tant par le fait que la pièce soit jouée dans une langue étrangère- ma voisine, très parisienne, a l'habitude- mais par quelque chose d'indéterminé qui revient toujours dans la musique et le rythme des monologues, et dialogues. Une scansion courte, régulière, sans que ma voisine puisse apprécier ce qui dans ce ton serait ou non affecté, par rapport aux normes d'une discussion japonaise. Ma voisine cherche des correspondances dans les mots répétés en sur-titres, échoue. Alors comment voient-ils, entendent-ils cette pièce, les japonais autour de nous? On pourrait supposer qu'ils vivent en ce moment les mêmes sensations que nous-mêmes, quand ici-même nous regardions Le début de l'A. (de Pascal Rambert, le directeur du théâtre de Gennevilliers). Quand nous regardions la version française, pas l'adaptation japonaise surtitrée. Dans la mesure où la mise en scène partage le même parti pris de minimalisme. Mais l'analogie a ses limites: dans Le début de l'A. le jeu était retenu, milimétré, mais tout de même incarné. Ce soir les acteurs rentrent sur scéne sans jouer, puis racontent qu'ils racontent. Et ils bougent. Je repense à un autre voisin- ce soir absent- mais quelques mois avant séduit par le langage de leurs gestes. Cette gestuelle des acteurs est déconnectée du récit. Les mouvements hésitent, en déséquilibre, ânonnent, se repêtent. Avant- arrière. Debout-assis. Devant-derrière. Je comprends l'intention, je ne saisis pas le sens. C'est à dire que je conçois qu'il y ait là une manière d'envisager différement les rapports entre corps et texte, mais je ne ressens aucune des correspondances qui pourraient être initiées. Ma voisine de gauche en est presque oppressée, ressent ces mouvements comme étriqués, à l'échèlle de l'espace confiné de la chambre de Love Hotel dont il est question dans le récit.

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    A l'entracte ma voisine de gauche- quand j'écris "ma voisine de gauche", c'est un raccourci: il faut comprendre "la voisine qui est assise à ma gauche", sans aucune implication politique- lit le programme: Okada raconte qu'il a assisté, le jour de l'offensive de la coalition contre l'Irak, à un concert, comme le font les personnages de la pièce. Mais l'auteur écrit que la suite est fictive, dés le moment où la fille et le garçon qui se sont rencontré au concert s'enferment tous deux pour cinq jours dans un love hotel. Ma voisine, pragmatique, suppose que l'écriture de la pièce à quelque chose à voir avec la frustration de l'auteur qui est donc rentré seul du concert. Bien vu. La frustration est un puissant moteur de création. 

    La pièce reprend. Avec les mots la même musique. Avec les mêmes balancements. Quelques instants d'assoupissement. Ma voisine veille...............................................Reveil. On reprend. Pour être honnête, il y a plus ici que l'histoire d'un couple qui se fait plaisir durant cinq jours en mars dans la chambre d'un love hotel. On saisit vite l'opposition montrée entre le vécu hédoniste d'une génération, et les échos de l'histoire, la guerre vue à la télévision, croisée par hasard lors d'une manifestation. La dilution du collectif dans l'individuel. Le constat est juste, et franchement déprimant. Toshiki Okada est-il le David Bobée japonais? On comprend vite le principe du récit, on en revient insensiblement à surtout en observer la forme. On s'y fait. Des répétitions qui bercent, les acteurs vont et viennent pour raconter, des points de vue variés sur les mêmes évènements. Mais on reste trés loin de Pirandello, même adapté en Rashomon. A force d'être médiocres, les personnages en deviennent attachants, et à leur exemple on oublie la guerre au dehors. L'évocation des chambres sans fenêtres du Love hotel influe sur notre perception du temps, nocturne et dilué. Dans toute la salle il y a un seul spectateur, qui rit tout au long. Il est absolument le seul à rire, il n'est pas asiatique et c'est mon voisin de droite. Ma voisine de gauche ne rit pas, elle rumine sa prochaine attaque. Prend note de la désinvolture très étudiée des lumières. D'une simplicité affectée, à l'image de tout le reste. Nous sortons, pensifs, et prenons quelques minutes et quelques discussion pour arrêter notre jugement. "Prétentieux" dit-elle. Le couperet est tombé.

    C'était Five Days In March de Toshiki Okada au Théatre de Gennevilliers.

    Guy

    photos par Naoki Onjo avec l'aimable autorisation du Théatre de Gennevilliers

  • Denis Chabroullet: l'Azur au neon

    Il faut oser (du moins d'un point de vue de parisien...). D'abord trouver Lieusaint, entre autoroute, lotissements et friches, entre Senart et Melun, oser braver les sens interdits et les rond-points, les panneaux attention travaux, s'accrocher à la certitude qu'il y a quelqu'un de vivant au bout du noir et du froid en se souvenant de la gentille voix au téléphone ("surtout ne rebroussez pas chemin"), ensuite éviter engins de chantiers, plots de beton, le long du chemin défoncé, chercher la "Serre" à la lueur des phares, les derniers mêtres acueilli par des guirlandes lumineuses, mais pas encore de lampions.

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    Il faut oser ensuite faire l'expérience du théâtre sans paroles, après avoir été le spectateur intéressé d'une danse parlée. Peut-on vraiment? D'abord plongé dans une ambiance de glapissements animaux, de fumée décomposée et d'odeurs de sciure. Puis le quatrième mur fait un retour spectaculaire: c'est un long mur circulaire, un grand enclos de bois, avec de larges meurtrières. Ils sont à l'intérieur. (1) Des corps dedans, nous à l'extérieur, des yeux. Il faut oser trouver sa place, et être libre d'en changer, ou y être obligé quand l'une de ces fenêtres brutalement est fermée. Oser s'approcher au plus prés des personnages, mais toujours séparé d'eux. Notre point de vue de spectateur en est efficacement renouvelé, et déja coupable, posé sur les étranges spécimens d'un zoo humain. Le dispositif scénique déjà suggère-plutôt impose-une interprétation d'ensemble: celle d'un groupe humain en vase clos. Condamné à répêter drames et situations, privé de langage et de sens. A-t-on jamais prété un dessein, une intention, à un tigre ou à un singe qui tourne en cage? Sont-ils enfermés là depuis longtemps? Le calendrier semble déchiré à la page d'une France d'avant les années soixante-dix: bistrot, casquette et bretelles, flipper, robes aux couleurs de rideaux délavés, pompe à essence, rutilances rouillées. L'eau qui croupit au sol, où surnagent des épaves, témoigne de la stagnation et de la decadence générale. Plus c'est crasseux et déglingué, plus cela parait vrai. Puis, à la reflexion, trop vrai pour vraiment l'être: plutôt parfaitement archétypal, aux couleurs recomposées de notre mémoire collective, comme s'agissant des reconstitutions d'époque dans les parcs d'attraction. Mais les parades sont ici bien sombres, violentes et fantasmées. 

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    Que font-ils en rond, pieds dans l'eau, sous les lumières glauques? Rien de très beau quand le langage leur fait défaut. Rien de beau, moralement s'entend, esthétiquement c'est autre chose. Ne reste à cette humanité en boite, muette et avinée, que noirceurs, pulsions, et sales habitudes. Et quelques grammes d'amour noyés dans l'huile et la boue. Pour des scènes chocs et découpées dans le vif, qui capturent le regard, sans espoir d'évasion. Les cris s'entrechoquent mais les mots restent enfermés, les coups volent, les concupiscences suintent, les idiots rient, la pin-up se pâme par à-coups au flipper, la fille en bas résilles se languit, les faibles sont brutalisés et humiliés, des rondeurs humides et impudiques débordent d'un tub, les personnages boivent un coup et s'en mettent partout, ils se vautrent, se bagarrent, hurlent, tortillent du bide ou de la croupe, font les beaux, glissent et s'abiment dans la flotte, dansent un rock 'n roll abatardi, martyrisent les victimes, betifient pour noël, sortent un tank de sa bâche, et le coq empaillé, jouent à la guerre, se tuent. Tout s'enchaine et tourne, grotesque et désesperé, tout est fort et tout s'oublie vite. Avec la frustration de penser qu'on en garde bien moins que tout ce qui y a été mis. Les partis pris scéniques étant ce qu'ils sont, on a bien du mal à suivre la narration, ou à l'organiser nous même. Etrangement, nous sommes moins préparés à faire ce travail ce soir que lorsque nous regardons de la danse. Un travail à prolonger? Surement. Mais nous-mêmes tournons autour du mur, privé de langage nous aussi, pour un temps. Soudain, la palissade cède....

    C'était Côte d'Azur de Denis Chabroullet du théâtre de la Mezzanine, à La Serre de Lieusaint

    les lundis, vendredis et samedis, jusqu'au 8 décembre.

    Guy

    (1) Pourquoi, avant que les volets ne soient soulevés, ne voit on que des spectatrices qui essaient de zeuiter entre deux planches?

    Photos par Christophe Raynaud de Lage avec l'aimable autorisation du Théatre de la Mezzanine


  • Les Trompettes de la Mort (ne pas s'arréter au titre)

    Il y a la France d'en bas, des c.d. de Julio Eglesias et des secrétaires -comptables surexploitées, des bibelots sur les étagères et des napperons sur les tables, des catalogues de la Redoute et des portes verrouillées à triple tour, des déjà vieilles filles qui reviennent chez maman tous les dimanches, la France qui ne va pas au théâtre et part en voyage organisé, la France qui voit les années passer et ne sait pas ou ne sait plus comment rêver.

    trompettes.JPGEt il y a la France branchée (à défaut de la France d'en haut), des intellos en surface- actrice médiocre et journaliste raté- qui s'enivre de suractivité, qui se doit de mépriser la France des ploucs afin d'oublier sa propre vacuité. Il faut choisir son camp.

    Sur scène, la confrontation de ces deux France est cruellement drôle. Réjouissante et grinçante. Trop pleine d'attentes muettes d'un coté, violente de dédain et méchanceté de l'autre. Aurore Monicard, dans le premier de ces deux camps, étonne une fois de plus, en actrice des silences. Et des silences il y en a, autant que de moments de solitude, autant que de moments d'incommunicabilité avec les deux autres personnages: Françoua Garrigues et Sandra Moreno, qui jouent parfait à l'exact inverse dans le genre odieux et sur-agité. En sublimant les stéréotypes, tant il est clair qu'au cours de cette rencontre impossible les personnages eux-mêmes sont condamnés à jouer un rôle pour exister vis à vis des autres, pour exister tout court. 

    C'était Les Trompettes de la Mort, de Tilly , mis en scène par Thibault Joulié (Compagnie Infraktus) avec Françoua Garrigues, Aurore Monicard, Sandra Moreno. Au Centre d'Animation Les Halles - Le Marais. Jusqu'à vendredi.

    Guy

  • David Bobée: Devant D'abord Fanny

    Le rouge est mis, en trois bandes lumineuses d'annonces désynchronisés: des brèves d'humanité, pas gaies. Devant, sur podium, figée: Fany Catel-Chanet. C'est tout et cela est bien ainsi, dans un parti pris de simplicité qui ressemble à un défi. Approche au laser et qui évoque celle de Pascal Rambert , jusqu'à dans l'usage du même costume le plus neutre qui soit: jean et t-shirt blanc... mais pour une thématique tout à l'opposée. Pour dire l'adolescence, la solitude, les mensonges à soi-même.

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    L'attention se détourne d'abord des mots qui s'accumulent, allusifs, pour se focaliser fascinée sur l'actrice. Qui porte tout les risques. Seul(e). Elle est "David". Bouge au féminin, parle au masculin... ligne suivante: a-t-on envie de la voir nue? La réponse ne va pas de soi, tant l'actrice exprime une belle mais troublante, dangereuse androgynéité. Elle reste frêle, chuchote amplifiée, après s'emporte, voix déformée, le décor sonore et lumineux s'agite instable et pèse, les gestes frappent, durs et millimétrés. La pièce s'impose, forte et ramassée, autant que Cannibales nous semblait se disperser. Trés loin derrière toujours s'égrenne en courtes phrases la vie des autres, étrangère et dépourvue de sens. Les mots dits devant, dans cet espace de jeu confiné, se rassemblent pour constituer une fiction adolescente, mélangée et opposée à une réalité aux recoins sordides et ténébreux. On comprend qu'était nécessaire la plate naïveté de ces mots qui nous irritaient d'abord. Les mouvements suivent les poses de la vie revée d'une rock star. Fausses confidences, masques, omissions, fantasmes et aveux, mais Fanny-David s'abandonne ou se laisse deviner, insinue et livre ce qu'on ne voudrait surtout pas entendre. Donne à voir mais surtout l'ambiguité. On lit qui défile en arrière fond "Julie a un rapport compliqué avec son corps": devant on voit un corps qui se dévoile un peu plus en une beauté étrange, fragile et musculeuse, telle qu'on ne rencontre qu'en danse. Sa danse s'emballe, onaniste et désespérée.

    C'était Dedans Dehors David m.e.s. par David Bobée d'aprés Closer de Dennis Cooper avec Fanny Catel-Chanet. Au Théatre de la Cité Internationale, jusqu'au 25 octobre.

    Guy

    Photo (Droits Réservés) avec l'aimable autorisation du Théatre de la Cité Internationale

    A lire (plus à distance) Sarah Barreda sur Clochettes

  • Bruno Geslin: La Chair est Triste

    Mon cher Pascal

    Je ne te dis pas merci.

    Rassure toi, je te t'écris pas du train, mais du Parc Montsouris. Donc: tu sais que nous avons rarement l'occasion d'aller voir des spectacles ensemble. Déja, la dernière fois à Marseille, le Brecht que tu avais choisi n'était pas inoubliable. Hier, Kiss Me Quick m'a endormi. Je sais bien que tout l'intérêt du jeu est de prendre des risques, mais désolé, je crois que c'est toi qui porte la poisse...  Dedans, Dehors, David  vu vendredi en compagnie de notre amie Sarah, c'était beaucoup mieux (Ce préambule est aussi un pretexte pour rappeler que nous nous sommes tous réunis au TCI hier, on en reparlera plus tard). Et pourtant tu trouves bien en PACA (tout le temps et quand je n'y suis pas) des spectacles passionnants! Mais je ne t'en veux pas, on essaiera de faire mieux la prochaine fois.

    Pour en revenir à hier à la Bastille, c'etait un gâchis. Pas besoin d'aller chercher loin les explications, l'idée de départ était périlleuse. Adapter à la scène des interviews de strip-teaseuses, ça n'était pas gagné. C'est dommage car beaucoup de soin était consacré à la mise en scène, à la scénographie, aux éclairages, à la vidéo, à la musique... mais le texte plombait le tout. On en revenait toujours à des confidences plates et languissantes entre deux mises à nue, pour un résultat qui n'avait pas beaucoup d'intérêt. Et lent...Le pire est que ce spectacle est de nature à nourrir les préjugés de tous ceux qui ricanent en nous disant que les pièces de théâtre contemporain ne sont que prétextes intellectuels pour montrer des seins et des fesses. Dans ce cas précis on est bien obligé de leur donner raison. Entre deux platitudes à propos de leur triste condition, ces dames nous resservent des numéros de strip-tease forain. Ne parlons pas de second degré ou de mise en perspective, c'est du cul, point final. Et comme par hasard, l'actrice la moins jeune des trois se dévoile le moins. On est exactement dans une logique de documentaire télévisé voyeur et misérabiliste: interview-vérité complaisante des pauvres travailleuses du nu, entrecoupés d'extraits d'effeuillage parce qu'il faut montrer de quoi on parle, dans un soit-disant souci informatif. Rappelle toi des sketchs de Nightshade: là au moins le thème du strip tease était traité pour ce qu'il était, la recherche artistique mise en oeuvre aboutissait à des résultats plus ou moins réussis, mais personne ne cherchait d'alibi. Et en fin de compte ce travail permettait une réflexion plus riche sur le phénomène.

    Donc hier on s'est beaucoup ennuyé, et il sera également ennuyeux d'écrire chacun de notre coté la même chose, ou à peu prés. C'est quand même beaucoup plus intéressant quant nous ne sommes pas d'accord. Dans le cas de Kiss Me Quick, que peux tu écrire de très différent de ce que je viens de raconter en premier?... bon courage! Plus ennuyeux encore, si tu vas dans mon sens, cela pourrait donner l'impression que l'on se serait mis d'accord, quelle horreur! Reste un espoir, raconter à notre ami Jeromequ'il s'agit d'un spectacle de danse (en appuyant sur le coté visuel, les rapports entre strip tease et danse, et tout ce genre de chose,...), et le persuader d'aller voir, que par miracle il soit d'un avis différent. Ou, bien mieux, il y a surement des spectacteurs de Kiss Me Quick qui ont trouvé des raisons d'apprécier. Des gens ont applaudi hier. Qu'ils laissent ici des commentaires pour me prouver que j'ai tout faux!

    Amitiés et bon retour sur Aix

    Guy 

    C'était Kiss Me Quick m.e.s par Bruno Geslin, dramaturgie et texte d'Ishem Bailey à partir d'entretiens réalisés par Susan Meiselas. Au Théatre de la Bastille avec le Festival d'Automne à Paris. Jusqu'au 17 octobre.