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theatre - Page 10

  • Pascal Rambert: les histoires d'amour commencent bien

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    Les mots naissent émerveillés, d'une simplicité qui ne laisse pas le choix. De même eux-deux sur scène: lui, elle, les rangées de néons dessus, le tapis blanc dessous, au milieu d'eux une moto rutilante de rouge. Ce n'est presque rien, c'est tout. C'est le début: ils s'aiment, ils parlent, mais ils ne bougent pas. Pétrifiés. Au commencement, yeux fermés. N'osant y croire. Parlent l'un de l'autre, parlent l'un à l'autre, séparés au coeur de juillet de Brooklyn à la place Clichy. Entre eux deux on entend l'avion qui décolle. Evidence: c'est dans l'espace du désir et de l'absence que naît le début de l'Amour. Qui n'a jamais eu la chance d'être-un peu!-séparé de l'être aimé n'a pu jouir de ces conditions idéales pour créer dans l'attente son image rêvée. Déjà, l'inquiétude est là, lancinante, de savoir que ce merveilleux commencement peut un jour s'achever. Par moments il n'y a rien d'autre à dire, que s'arreter et chantonner le début de l'A. Les sensations brûlantes deviennent des souvenirs aussitôt. D'un continent l'autre les mots baisent beaucoup, trés joyeusement, empressés, d'un rythme enivrant. Les corps ne se touchent pas, bougent à peine. Sauf un court moment, au milieu, undressing/dressing des deux pour au milieu un baiser nu qui n'en finit jamais- en vrai une minute ou deux? Au present comme l'amour. Puis chacun renvoyé à la place et dans les habits de l'autre. Ce cantique des cantiques post- moderne et cru défile avec grâce et d'un souffle. Jamais appuyé. L'émotion est portée par les légères nuances, en texte et jeu, sans lesquelles le tout ne pourrait former qu'un exercice plat. C'est si gonflé de parler d'amour, si exposé au ridicule et pourtant si indispensable. Ici, on y croit, parceque c'est lui, parceque c'est elle, parceque c'est nous, c'est notre histoire à tous. Tout simplement, je crois.

    C'était Le Début de l'A. , écrit et mis en scène par Pascal Rambert, avec Alexandre Pavloff et Audrey Bonnet, créé à la comédie Française.

    Vu aThéatre2genevilliersjusqu'au 5 octobre. Et, puisque l'amour ne connait pas de frontières, à nouveau au t2g du 15 au 19 octobre avec Yuri Ogino et Hideki Nagai, en japonais et surtitres français. 

    Guy

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    Photos par Cosimo Mirco Magliocca, avec l'aimable autorisation du théâtre de Genevilliers

    P.s. : le théatre2genevilliers est un lieu calme et accueillant, avec plein d'ordinateurs en libre service, qui font jouer de la musique à un pleyel dans une pièce à coté quand on touche le clavier. 

    des chroniques de spectateurs, ici et , et encore ici, en japonais surtitré.

  • Tartuffe: à l'Odeon Orgon s'enfonce.

    Vraiment épatant, tout le monde l'a bien remarqué, ce décor qui, acte après acte, s'élève, pour laisser les personnages s'enfoncer dans des bas-fonds aux murs lézardés. C'est bien connu: dans le cauchemar la maison figure la personnalité. Et celle d'Orgon est de plus en Tartuffe.jpgplus délabrée. Chacun ici perd ses repères: Orgon flou et absent à lui même. Et- moins évident- Tartuffe plutôt vulnérable, victime de ses passions, qu'expert en manipulation. Perdu nous aussi on l'est un peu dans les codes de jeux. Les deux personnages principaux évoluent dans les demi-teintes de la subtilité et de l'inattendu. Mais Dorine en rajoute des tonnes de bon sens et de gouaille. Non sans drolerie, mais où sommes nous? Dans les rimes, dans le non-dit, ou dans les conventions d'un théâtre naturaliste, voire celles d'une comédie de boulevard? C'est peut-être l'hébétude adolescente de Mariane qui réussit à nous surprendre. Et la belle neutralité d'Elmire, qui laisse la sensualité se deviner par transparences. Chacune des partitions- prise à part- est bien réglée. Mais on n'apprend rien de plus qui nous permettrait de mieux comprendre la folie d'Orgon, qui gagne toute la maison. On est pas plus avancé: on s'enfonce. Le décor vient de grimper d'un étage, et les portes aussi: Damis tient son effet et fait rire la salle à bon compte, en ne pouvant sortir par où il est rentré. Justement, on ne sait plus où l'on est. On reconnait l'extraordinaire, implacable, texte de Molière. Rien à dire: impeccablement articulé, respecté à la lettre. Traité avec trop de respect? On n'arrive pas à s'en contenter, sans un engagement vraiment affirmé dans la mise en scène. L'ambiguité géne plus qu'elle ne stimule. Pourquoi ce choix de l'indécision, ce retoilettage de l'oeuvre, par touches de brillant effets? Orgon s'effondre, les murs continuent à s'élever, les personnages à accompagner la chute de la maison Usher. En haut le ciel, en bas l'enfer? Pourtant, il est plus question de folie que de religion, même si Tartuffe finira précipité par une trappe plus bas encore. D'ailleurs on ne sait plus vraiment de quoi il est question. En tout cas, quand on est tombé tout au fond du trou, guêre d'espoir en vue, le Roi justicier et omnipotent nous apparait dans le même costume puritain new look que celui de Tartuffe et d'Orgon. Dans ce décor qui, vu de loin, semble une boite qui nous laisse enfermé.

    C'était Tartuffe de Molière, mis en scène par Stéphane Braunschweig, au Théâtre de l'Odéon. Jusqu'au 25 octobre.

    Guy

    P.S. : La programmation de Tartuffe par Olivier Py en début de saison à l'Odéon est elle une réponse au procés d'intention qui lui avait été fait à sa nomination par Libération sous l'accusation de prosélitisme catholique? 

  • Tartuffe, acte 1

    Dans quelques mois, l'Eglise de Scientologie  sera convoquée en tant que personne morale devant le tribunal correctionnel de Paris pour répondre de l'accusation d'escroquerie en bande organisée. Tartuffe, quant à lui, court toujours. Pas toujours évident de reconnaitre l'escroc: il y a depuis Molière, des tartuffes gros et des tartuffes maigres. Jerome Keen, saississant dans le rôle titre, appartient sans doute possible à la seconde famille: plus effrayant que comique, sombre, emancié, sévère, le crâne rasé, de même que la mise en scène colle ici au Molière TNO.jpgtexte d'une manière on ne peut plus efficace, intense et austère. Avec, comme les bons soirs au T.N.O, proximité entre le public et les comédiens, absence de décor, sobriété intemporelle de costumes tendance avant guerre. Pas si facile non plus de juger l'arbre à ses fruits: l'aveuglement d'Orgon, la victime, reste le principal ressort comique et dramatique de la pièce. Porté à l'extrème quant il faut que sa femme Elmire manque de se faire violer sous ses yeux par Tartuffe, afin qu'enfin ceux ci ne se dessillent. Comme quoi les femmes y voient clair bien avant les hommes, n'en déplaise à MMe Laure Adler qui expliquait il y a trois jours sur Arte que chez Molière les personnages féminins étaient ridicules ou insignifiants. Mais l'auteur ne dit rien ou presque des raisons de la folie d'Orgon, de la soif spirituelle dont il doit forcement souffrir au point de se livrer corps et âme à l'imposteur, lui offrir cet amour indécent et sa fille en prime. Sauf à admettre que richesses et plaisirs terrestres déaltèrent si peu qu'il faille les sacrifier aux faux prophêtes. Malgré les efforts de la justice, Tartuffe a de beaux jours devant lui.

    C'était Tartuffe ou l'imposteur, de Molière, m.e.s. par Edith Garraud, au Théatre du Nord Ouest, en alternance dans le cadre de l'intégrale Molière jusqu'au 8 mars 2008

    Guy

  • Deux jumeaux peuvent en cacher des autres

    Pas de vraie intrigue sans jumeaux: ils sont nombreux et depuis des siècles, les auteurs de théâtre à avoir tiré sur ces ficelles à force usées, pour faire apparaître et disparaître des jumeaux- vrais ou faux, doubles, sosies, imposteurs de toute nature. Brecht en bas de la liste, pour une version dialectique-marxiste plutôt indigeste. Chaque fois, c'est la virtuosité dans les substitutions et ces tours de passe-passe, l'enchaînement crescendo des quiproquos, qui dans un premier temps épate. Puis on se dit qu'est révèle quelque chose d'essentiel du théâtre dans ces jeux de géméllités, d'usurpations, d'échanges d'identités. De caractérisations contrastés qui ne s'avèrent être que trompeuses apparences.

    medecin volant.jpgDans le Médecin Volant, Sganarelle se dédouble. S'improvise médecin pour tirer d'embarras une ingénue. Puis piégé par sa propre imposture, doit s'inventer un frère jumeau moins honorable, jusqu'à rencontrer de plus en plus de difficultés pour jouer les deux personnages à la fois. Il prouve au moins en passant qu'il suffit d'être pédant pour apparaître comme un médecin compétent. Etre aux yeux des autres ce qu'il n'est pas vraiment. Les ingrédients des grandes tragi- comedies qui suivront sont déja présents... mais quand il écrit le Médecin Volant (1645), Molière (1622-1673) n'est pas encore vraiment Molière, apparemment. Il se fait les dents. Se contente d'être bouffon. Les effets tombent, lourds, et peinent. Ce Sganarelle semble à tout bout de champ effrayé par sa propre imposture, sa gène devient communicative. La troupe peine ce soir à animer le texte tel quel, et n'ose pas ré-inventer.

    Juste retour à la comedia dell' arte qui avait inspiré Molière: les Jumeaux Venitiens (1747), de son suiveur Goldoni (1707-1793), sont quant à eux des jumeaux pour de vrai. Mais de caractères opposés et que l'on prend sans arrêt l'un jumeaux.jpgpour l'autre. L'un est noble et raffiné, l'autre veule et idiot, à 100 % gouverné par ses instincts. Comme deux faces irréconciables d'une même personnalité. L'intrigue est échevelée et irrésumable. La comédie de moeurs glisse insensiblement vers la noirceur, sans renoncer à un enjouement enfantin. Voire. On ne peut que s'effrayer que chacun des actes de l'un des jumeaux engage la vie-voire la mort-de l'autre. La comédie de l'argent et de l'amour ne connait pas de pitié, la société change pour un cynisme assumé, le siècle finira par s'effondrer. Interprété sur tréteaux en pleine ville par un dimanche ensoilellé, c'est une belle illustration de ce que peut offrir le théatre édudiant, avec vigueur et sincérité, mais avec justesse pourtant.

    Reste à se demander si on peut aujourd'hui encore nous faire le coup des jumeaux: Depuis le temps de Martin Guerre le contrôle social fait que l'identité officielle est de plus en plus placée sous contrôle. Ce n'est plus aujourd'hui que sur le territoire virtuel du net que l'on peut encore redéfinir ses rôles et ses apparences.

    C'était Le medecin volant de Molière, mis en scène par Valérie Thériau, au Théatre du Nord Ouest, dans le cadre de l'intégrale Molière en alternance jusqu'au 8 mars. Et Les Jumeaux Venitiens de Goldoni mis en scène par Alexis Roque, vu en juin en plein air, avec les scènes d'été du Théâtre 13.

    Guy

  • Durif: Textes hors Champ

    Quand dehors et sur les écrans se donnent à voir toutes les horreurs, à quoi servent encore les tragédies, et les poètes aussi? L'actrice, hors de scène, nous réserve ce soir un accueil bousculé s25791726041_4381.jpgà nous demander si l'on connait l'histoire d'Oreste- et d'ailleurs peu importe- puis à nous placer d'autorité sur un coin de banquette. Tout est ici question de place ou de point de vue: le texte aussi joue à être dedans et dehors à la fois, à s'étonner de nos attentes. Les meurtres ne seront pas montrés, ni ceux d'avant, ni ceux d'après. Plus besoin. Pour mieux s'attarder sur ce qui en chemin peut- on non- se passer. D'une langue délicieusement incorrecte, qui ose la liberté, tout en chocs, ruptures et fausses pistes, en ironie désabusée. Les rôles sont allusifs, Oreste erre dans ce labyrinthe de la fatalité, où ne le guident pas la Fille et le Guide Coryphée. Souffre et baise en chemin, mais l'érotisme est à jamais interrogatif, douloureux. Cassandre- en rouge appuyé- ne sait plus au juste pourquoi pleurer, mais sait bien encore comment, imprévisible, et peut-être trop triste pour se prendre au sérieux. Musiques et surprises se heurtent sur un mode mélancolique et grotesque, étonnent sans expliquer. On nous interpelle droit dans les yeux pour nous rappeler que tout celà n'est qu'un jeu. La mise en scène est encore verte, quoique plutôt moite aussi. C'est qu'il y a un poil trop d'idées et d'impatience, et l'envie de tout essayer. Mais on les suit sur ce chemin aussi. Tant les outrances forment un tout juste, et étonnamment joyeux.  

    C'était Meurtres Hors Champ d' Eugène Durif, mis en scène et interprété par Sophie Anselme, Clémence Labatut,  Clément Bayart, Sophie Berneyron, à l'AKTEON THEATRE avec le festival d'été jeunes compagnies. Jusqu'à samedi.

  • L'enfer, c'est Feydeau

    Confusion: le sol de la scéne est jonché de livres. On craindrait se retrouver à nouveau plongé dans le cauchemar éveillé de Das Chrom + & Du. On est soulagé: c'est bien du Feydeau (1862-1921). Mais dans la mise en scène de ce soir, d'un bout à l'autre, tout est délicieusement terrifiant. Il ne s'agit plus d'un attentat vaudevillesque contre l'ordre bourgeois: on est pas loin du théâtre de l'absurde. Pour exposer toute l'horreur de la vulgarité, qui n'est pas tant le fait d'aborder des sujets on n arrete pas le théatre.jpgintestinaux, mais de dénier, avec brutalité, tout signification au langage, tout ordre au monde, le réduire à la seule corporalité.

    Quand Mme Follavoine hausse la voix, pour rendre impossible tout consensus avec son mari sur le sens des mots, on reste pétrifié dans son siège. Monsieur Follavoine est une victime erberluée, dont les rêves se brisent aussi cruellement que ses pots de chambre pourtant incassables. Voit son espace physique et mental envahi par les eaux sales de madame, alors qu'il tente de créer un ailleurs en imaginant les îles "zébrides". Dans le désordre de ses livres épars, y réussirait il d'ailleurs même sans cette opposition quasi démoniaque? Pas moyen de réconcilier corps et mots. Toto, l'enfant-roi, dépasse les parents d'une bonne tête, et hurle à les faire trembler. La bonne est ailleurs, hallucinée, perdue dans les chansons. Monsieur Choilloux est maladif et hystérique, et -pire- n'affiche pas d'hostilité ouverte en reaction aux agressions dont il est victime. Donc est d'une angoissante imprévisibilité, à l'inverse mesure des grandes attentes de Follavoine. Madame Choilloux et son amant viennent porter le coup de grâce avec les manifestations agressives d'une sexualité débordante, au bord de violer mari, femme, bonne et enfant. Madame Follavoine anéantit toutes les constructions sociales précaires d'un seul "Cocu" vulgaire et retentissant. On est bouche bée, le jeu est porté au delà des limites raisonnables de l'exagération: c'est hilarant, subtil pourtant, et dévastateur tout autant.

    C'était On Purge Bébé, de Georges Feydeau, m.e.s. par Stéphane Auvray-Nauvroy , avec Aurélia Arto, Selim Clayssen, Johanna Cohen, Dianko Diaoune, Michèle Harfaut, Julien Kosellek, Eram Sobhani, au Théâtre de l'Etoile du Nord, avec On arrête Pas le Théâtre.

    Jusqu'à dimanche, et aprés c'est fini.

    Guy 

     

  • 4.48: Sarah Kane en vie?

    Le suicide est un acte essentiellement paradoxal. Dans 4.48 Psychose, Sarah Kane dit cela on ne peut mieux: "I have become so depressed by the fact of my mortality that I have decided to commit suicide."Elle mettra effectivement fin à ses jours en 1999 dans un hôpital. A l'âge de 28 ans. Les 4. 48.jpgraisons du geste telles qu'exprimées par le personnage dans la piece ne pourront être jamais les bonnes- plutôt ce ne seront sans doute pas les vraies. Mais pourtant tout est là, avoué à vif, ressenti: en ce qu'il dit et ce qu'il ne dit pas, 4.48 est donc un classique immédiat et posthume. Qu'il est possible de massacrer à force de distance. Ou de porter à un niveau rare de beauté et de desespérance à force de crudité. Ici, et même avec gravité, la mise en scène fait jaillir au jour tout ce qu'il y a d'insolent, de vif, de drôle, d'amoureux dans le texte. C'est un choix intéressant, au coeur même des contradictions de cet appel à l'aide ou cet adieu vindicatif au médecin, au père, à l'amant, à Dieu. L'interprétation se fait à deux voix avec de précieux moments de silence où les corps se mettent en danger. Se livrent à quelque chose entre une danse de mort et une danse de séduction, une concession aux pulsions du sexe et de la vie. On en douterait de l'issue.

    C'était 4.48 Psychose de Sarah Kane, mis en scène par Benjamin Tanguy, avec Jennifer Dapilly et Clémence Labatut, au Théatre des deux Rèves. Lundi et mardi encore.

    Guy

  • Isabelle Esposito: Nuit Sénile

    Il y a cinq corps et six lits. Manque donc un corps... ou est-il déjà mort? Pour ce que valent les six autres corps, qui bougent comme malgré eux... Dans ce mouroir ou cette maison de fou, les six lits sont ramassés au milieu de la scène. Un espace terminal. Pas moyen de s'en échapper. Les personnages sont engoncés dans des dentelles vieillottes et des chemises de nuits blanc cassé à collerettes. Blanchis et amidonnés, êtres abandonnés, gardiens d'eux mêmes. Leurs gestes sont en morceaux. Nus du superbe du pathétique. Les mouvements s'oublient, dé-cordonnés, se répètent. Plus d'intention, les pièces du jeu d'échec sont dispersées. Les paroles sont déphasées des actions, tournées vers l'intérieur. Ouvrent des Sunset Boulevard désespérés et solitaires. La poésie est triste, belle, inattendue. C'est sans concessions ni musique, le silence pèse sur les impuissances.

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    L'expérience s'étire, oppressante, audacieuse, douloureuse. Certains dans le public préfèrent rejoindre dehors le jour. C'est long. Mais la vieillesse sera plus longue encore, et pénible. Nous ne sommes pas tous fous peut-être, nous serons tous morts ou vieux. Nous touchent déja les résonances de nos propres moments blessés. Puis de soudaines agitations rassemblent ces errances eparses. Les fous prennent conscience les uns des autres, les sénilités s'agitent dans tous sens. Les fous imposent aux objets de nouvelles possibilités. Une bataille de polochons commence, la plus hagarde qui soit. La drôlerie gagne, irrésistible et grinçante, sans qu'on ose vraiment rire. Les fous sont encore vivants, malgré tout, nous aussi.

    C'était Vieille Nuit d' Isabelle Esposito, avec Anne-Sophie Aubin, Thomas Laroppe, Isabel Oed, Maxence Rey, Sylvain Wallet, à Gare au Théatre, avec "Nous n'irons pas à Avignon"

    Guy

    P.S. du 24: nouvelle photo avec l'aimable autorisation d'Isabelle Esposito (on aura reconnu Maxence Rey, vue en mai avec Kataline Patkai)

  • Embarras...

    On aurait aimé refaire connaissance avec Cécile Saint-Paulcroisée il y a longtemps, faire connaissance avec l'artiste. Ce fût un rendez vous manqué. D'ailleurs prédit en toutes lettres sur la feuille de salle: "Il y a des abîmes entre les gens. Quelques espoirs déçus. Des rencontres manquées entre les gens. Des attentes". En raison de cette infranchissable distance, déjà entre le spectateur penché en avant et les silouettes perdues dans l'obscurité du fond de cette terrible scène-hangar? Tout semble trop loin de nous et égaré dans les intentions. Ce théâtre a renoncé à la narration et au naturalisme- soit- mais sans atteindre l'évidence de la danse-même qui se frotte les yeux-, ni faire naître d'autres vraies tensions. A commencer avec les fragments d'un discours publicitaire pourtant là prés du public, mais dont les répétitions impatientent plutôt que de suciter une réaction. La tentative voisine commise à la Villette par Patricia Allio et Eléonore Weber était, à tout prendre, plus stimulante. Ensuite se succédent différentes ambiances minimales mais élaborées: recits sonores, guitare saturée, video, collage d'affiche, recitatif... Mais ces suites se dispersent hors champs, le sens se recherche à la lampe torche d'un bout à l'autre du plateau. A l'épreuve des souvenir d'une dizaine de jours plus tard ces épisodes sans liens semblent diverger de plus en plus sur l'océan des trop vastes ambitions. Dommage. A bientôt.

    C'était Embarras, de Cécile Saint Paul, à Gare Au Théatre, avec "Nous n'irons pas à Avignon".

    Guy

  • Le cabaret Durif

    "On n'arrête pas le théâtre" lit -on ce juillet sur les affiches de l'Etoile du Nord. C'est une évidence bienvenue, tant la pièce de ce soir se situe dans la continuité irrespectueuse d'un théâtre qui vient d'il y a longtemps, et depuis lors s'obstine à exister. Putains et mauvais garçons semblent sortir droit de l'Opéra de Quatre Sous; ukukulélé et accordéon rythment à l'unisson des complaintes décalées. C'est alors une bonne surprise que la gouaille distanciée ne sente ni le moisi, ni le fabriqué. Le jeu est moqueur, bien vivant, les archétypes flagrants, les phrasés exagérés. Surtout, si les poètes mentent mal, il est certain que ces poètes écrivent bien, et qu'ils renouvellent le genre, ouvrent grand les fenêtres. Car dans le texte d'Eugène Durif  il y a une vraie poésie, d'un potentiel presque populaire. On est trés rassuré, qu'il reste des poètes vivants. Dans la pièce, de quoi est il question? Plutôt d'amour et de désillusions, mais on perd vite le fil, les faits divers partent dans tous les sens et reste surtout le plaisir, avec des beaux dialogues deglingués et des épisodes déshabillés, une abondance de clins d'oeil et de références en coins, un grand bol d'air frais.

    Dommage que le format soit un poil court, on reste sur sa faim et la piece finit sur une pirouette. La mise en abime finale- derniers épisodes lus faute de temps et passage d'aspirateur sur le plateau- tourne un peu à l'exercice de style. S'agit il (une fois de plus) de se demander si la représentation est encore possible, puisque que l'on évoque la mort des utopies, politiques et amoureuses? Mais la chose est menée avec telle absence de serieux-en apparence-qu'on peut la supporter, voire bien mieux. Surtout avec assez de jeunesse, d'isolence et d'insouciance. En tout cas c'est pardonné volontiers, car tout finit par une chanson.

    C'était Les Poètes mentent mal d'Eugène Durif, m.e.s. par Sophie Loucacchevsky, au Théatre de l'Etoile du nord, avec "On arrête pas le théâtre".

    Et c'est encore ce soir, et Dimanche.

    Guy