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Danse - Page 11

  • En suspensions

    S'ils touchent terre, les circassiens de Mathurin Bolze-dans la Grande halle de la Villette- tombent-ils en enfer? Ils ont d'abord manqué d'être aplatis par la descente inexorable du plafond- souvenirs de vieux feuilletons-, avant d'embarquer ensemble sur cette petite planête qui s'élève et pas moyen d'en descendre en route. Il s'agit plutot un radeau de fortune, une terre en miniature, aux mouvements aussi incompréhensibles que ceux de la vraie terre, sur laquelle il faut vivre quand même. Si les lois de la gravité y deviennent toutes relatives, les lois du coeur y perdurent, avec les mêmes élans mais magnifiés: amour, humour et disputes. Solidarité aussi. Le tout en gestes et reconstitué sur quelques mêtres carrés précaires et sans cesse remodelés, animés par la poésie virtuose et imprévisible des cinq acrobates. Tout s'y exprime avec une précision légère. On est d'abord fasciné par le vide vertigineux de 50 centimetres de haut dans lequel ils manquent de tomber (un vide aussi illusoire et spectaculaire qu'au bord de la falaise du Roi Lear). Le radeau ensuite s'envolera bien plus haut pour de plus fortes sensations. Pour affronter la haute mer et enivrer les gestes. Les fausses chutes sont d'une irresistible tristesse, les gags merveilleux et mélancoliques. Les plages lentes font place à des accélérations frénétiques. Tout enfin se déglingue dans ce Titanic pret à basculer en free jazz. Quand tout tangue, où va-t-on, comment vit on?

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    Dans le ventre d'une autre baleine culturelle, le 104 endormi, Maria Donato d'Urso , elle non plus ne touche pas terre. Ne touche pas l'eau plutôt en suspend en dessous d'elle, son corps cruellement échoué sur un étrange navire de trois mats et de voiles. La toile vaporeuse à la fois nous la dérobe et l'expose. De ses gestes ecartelés elle fait se renverser les trois axes aux angles aigus qui la traversent, en de nouvelles combinaisons instables et impossibles. Les bruits sont lourds et la toile respire, projetés sur cette toile les mots sont blancs et ces mots rêvent. La lenteur rêgne, la langueur inquiète, sans repos. Lus en linéaire les mots convainquent moins que lorsque que projetés: alors un poème dermatologique. C'est pourtant une belle et laconique performance, enivrante et surprenante, dans la continuité et le difficile renouvellement de ses précedentes mises en situation.

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    Danseurs, acrobates, tous sont ici des athletes de la beauté.

    C'était Du Goudron et des Plumes, m.e.s. par Mathurin Bolze à la Grande Halle de la Villette, jusqu'au 25 avril, et pleine peau- strata etude de Maria Donata d'Urso avec un texte de sophie Loizeau au 104, pour la cloture de Concordan(s)e.

    Guy

    1ere photo: (Christophe Raynaud De Lage) avec l'aimable autorisation de la Villette

    2eme photo (LAURA ARLOTTI) avec l'aimable autorisation de Maria Donata d'Urso

  • Poules, cochons, lapins, biches, chattes, minous

    Ce soir à Artdanthé, le ton est franchement animalier. Il y a cette performance de volailles plutôt volatile d'Ayelen Parolin. Annoncée pourtant sérieusement, en tant que représentation sociologique du fonctionnement d'un groupe d'amis, copains comme cochons. A un point qu'on se sent vite de trop, à regarder ces quatre personnages sur canapé, trop connivents et vus de profil. Leur entre-soi est abscons, je donne vite ma langue au chat. Je suis remis énergiquement dans le jeu par Viviana Moin qui m'atterrit dessus -mais gentiment- au premier rang, au terme d'un déchainement destructeur et saisissant. Cette action est la conséquence d'un pari perdu. Et dans ce petit groupe il s'agit donc de cela (au detour de quelques confidences sexuelles désenchantées): bizutage, petits jeux de pouvoir-l'homme est un loup pour l'homme!-, humiliations consenties, vagues excitations, defis potache. Des gages qui tournent mal (ou bien question de point de vue?): car bientôt tous tout nus, plume dans le cul.

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    Dés lors on a passé un point de non retour, les personnages désormais dépourvus de toute humanité. Dit autrement: ces pouffes sont réduites à des poules à poils. qui se cambrent et caquettent menton dans le cou et croupion en arrière. Privées de parôle.La démonstration est courageuse, longue et appuyée...D'un coté on se dit que cette performance radicale mérite le respect à défaut d'adhésion. On rit nerveusement. Mais ça fiche un peu la chair de poule. Je m'interroge sur la dimension possiblement kafkaienne de cette métamorphose. Caricature, satire, justice immanente...en tout cas ça donne le cafard. Pourtant je ne crois pas qu'on nous prenne pour des pigeons, au début il avait un projet. Et c'est dommage, mieux construite la piece aurait pu être chouette. Que lui manque-t-elle? D'être, au choix, plus drôle ou plus cruelle?

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    Heureusement, deux heures auparavant, Kataline Patkai et Yves Noël Genod  ne nous avaient pas posé de lapin. Les cochons étaient de retour à Artdanthé, un anniversaire offert comme un beau cadeau d'au revoir pour cette fin de festival. Je goute ce moment qui revient, d'une délectable inconsistance, le temps évaporé en volutes. Plein de riens qui apaisent. Kataline, Yvonnick Muller  béat et leur ménagerie semblent glisser sans toucher terre en cet eden et entrainent autour eux une irresistible douceur, par nappes et revêries. La neige fond doucement tout au fond flou des paysages d'hiver et Y.N.G. plâne quelque part derrière nous au micro dans la salle, en retrait. On croirait par moment qu'il n'ose parler, muet comme une carpe, chuchote à tout prendre. Je repense à cette évidence que je formulais la veille en compagnie de deux écrivains de romans: le texte de théatre se nourrit de silences. La nouveauté de ce texte ci est éventée, mais les redites s'offrent simples et modestes. Les notes de piano de Pierre Courcelle  se perdent en cercle, le lapin, le chat et autres bestioles de la ferme se promènent quant à eux sans affolement sur la scène calme. La curiosité ne tue pas le chat. Kataline est nue, Kataline est belle. D'une dangereuse candeur. Sa voix douce, nouvellement assurée. La beauté, comme la nature, est cruelle: Kataline plume un pigeon, desosse un civet. Sucitant l'indignation de certaines, mais les chiens aboient et la caravane passe: elle le plume avec tendresse. Puis elle revient, contre son sein un petit homme qui était absent l'année d'avant, on ne peut resister au suprenant partage de cette intimité, ce bonheur osé ici.

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    C'était SMS & Loved'Ayelen Parolin et C'est pas pour les cochons, avec les mêmes que l'année d'avant. Au théatre de vanves, pour cloturer une saison d'Artdanthé.

    Guy

    photo de Jérome Delatour - images de danse.

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  • Sous le voile

    Plein écran en fond de scène, en réponse à une requète google portant sur le niquab plane un nuage oppressant de mots et d'images, de non-dits et d'arrières pensées. En pleine confusion, le corps répond. En s'engageant résolument dans l'expérience de ce voyage dansé sous voile intégral. Héla Fattoumi se livre sans équivoque ici à un acte politique, dont on comprend vite le sens et les convictions. Peut-il s'agir dans le même temps un véritable acte artistique? Je le crois.

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    Pourtant un moment j'en doute, alors que nous sont lentement infligées, denoncées, ces sourates, reglements d'une étouffante précision, précis d'interdit et de contingentement du corps féminin. Mais j'en suis persuadé, quand ce corps lutte et s'exprime: une forme à deviner dans le tissu, qui joue avec ambiguité (des coudes, ou des fesses, ou des hanches ?) une danse du ventre invisible sur un air de disco arabisante. Une icone chrétienne. Un long moment de face à face impuissant avec un regard prisonnier, d'où rien ne s'échappe, que des larmes perlées. Ce visage confisqué. Un affaissement comme animal, effrayant, en tas destructuré. Une bouche qui se devine, s'asphyxiant lentement d'une respiration opressée. Une origine du monde fulgurante. Une main qui s'échappe, mutine, qui vers nous trouve son chemin. Toujours la révolte et l'impuissance. Clandestinement, la statue de la liberté. Une séance de pliage résigné de tissus sans sens. Surtout en toute beauté un corps féminin qui s'exacerbe en transparence, trouve malgré tout sa voie impudique et et souveraine rendue au soi. Un aveuglement soudain. Jusqu'au déchaînement, comme au sens premier du terme, jusqu'à l'épuisement alors, mais aussi la libération. Pour fionir avec ce chant d'hommage aux femmes qui se révoltent dans un monde d'hommes. Ces images fortes m'engagent, même si de tous ces tissus je perds parfois le fil.

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    Je vois et je ressens les beaux gestes engagées d'une femme libre. Je ne sais si elle pourra convaincre au delà d'évidences déja partagées par les uns, mais je sais que ses simples gestes sont courageux.

    C'était Manta, d'Héla Fattoumi et Eric Lamoureux, au Théatre de la Cité Internationale jusqu'au 16 avril.

    avec, samedi 10 avril, une table ronde avec Héla Fattoumi à 17H, et à 16H et 20H VIP défilé de Majida Khattari.

    Guy

    photos de L.Philippe avec l'aimable autorisation du TCI

    A lire: le tadorne , Le monde, critiphotodanse, lunettes rouges

  • Performances ?

    Les performeurs de New York City débarquent ce soir à Vanves, sur une "plate-forme transatlantique de performances". En premier: Trajal Harrell. Je suis rebuté par la feuille de salle, hermétique et ultra-référencée: "Que se serait-il passé en 1963 si un participant de la scène voguing de Harlem s'était présenté dowton pour se produire aux côtés des premiers post-modernes du Judson?" Il est vrai que je ne m'étais jamais posé cette question avant. Je n'ai pas la réponse en regardant le performer se rhabiller 20 fois d'affilée pour se composer un nouveau look à chaque fois. Cela dure 50 minutes. Ce systématisme conceptuel me parait au début assommant. Las quand je constate que l'on en est qu'au 3° carton seulement. Mais je retrouve de l'intérêt à l'exercice au moment où Trajal Harell s'incarne dans ses rôles avec une intensité communicative: alors il joue, il mime, il danse....

    Milka Djordjevich  est sur scène dans le noir. Silhouette blanche et deviné, elle éclaire d'une lampe de poche des fragments de sa nudité. D'un bout à l'autre du plateau, arrétées, des poses minuscules. On s'habitue à l'obscurité. Puis la lumière se fait. Le plateau est nu, la performeuse est habillée. La suite, c'est de la danse (contemporaine). Et toujours bienvenue.

    Idem pour Liz santoro et Gilles Polet,  en un duo qui part d'un balancement lent pour aller crescendo, corps ondulant et regards fixes, et se poursuit sur un rythme déglingué à tenter de se faire tomber l'un l'autre....Mais je regarde et à chaque nouvelle proposition la question de la classification continue à me parasiter. C'est assez obligé, de la manière spécifique dont a été annoncée la soirée. Si on me demande ce qui caractérise une performance, je ne saurais pas l'expliquer rigoureusement. Les définitions, je les laisse à mes amis universitaires distingués. Ou à tout volontaire plus bas en commentaire. Cependant je pense pouvoir plus ou moins reconnaitre ce qu'est une performance, ou non. Quand Gaël Depauw fait maquiller son corps nu en huis clos par un spectateur à la fois, c'est de la performance. Quand Eléonore Didier danse deux heures (nue ou pas) pour un spectateur unique, c'est de la danse, je crois. Même si beaucoup s'appliquent encore à lui expliquer qu'elle fait des performances.

    Puis, comme par intrusion, un jeune homme se tord et chancèle, torse nu, bouche baillonnée, mains comme ensanglantées. Il tombe, éperdument. Sur son corps le rouge se répand, on entend des bruits de manifestation, de colère, de coups de feu, il s'obstine à se relever. Un appel à la prière et des sons de tambours: il tourne sur lui-même à l'infini, arrache son bâillon et crie "liberté". Afshin Ghaffarian, torturé là- bas et réfugié ici, vient d'Iran où il lui est interdit de danser. Une performance, je ne sais pas. C'est vie, la vraie.  

     

    Guy

    C'était la soirée Focus NY d'avalanche sur Pompéi d'Artdanthé, avec "twenty looks or Paris is burning at the Judson Church(s)" de Trajal Harrell dramaturgé par Gérard Mayen, Study N°1 (light), (kris kross) & (action) de Milka Djordjevich, En Dash de Liz Santoro & Gilles Polet, et Afshin Ghaffarian.

  • La soirée de la femme

    La femme porte des siecles en elle, la mémoire dans les gestes, tout le fardeau des archétypes du passée. Le corps de Naomi Muto se tord dans les affres d'un imaginaire moyenâgeux. Silhouette avortée, et doigts crochus, en forme d'araignée toute ramassée, un animal de vieilles dentelles. Avec entre ses jambes torves une boule de cristal: une vieille sorcière de Shakespeare telle que Kurosawa l'aurait réssucitée. Prête pourtant à se métamorphoser en belle, grâces déliées, jambes qui claquent, elle danse comme des vagues nées du vent. Vieille à nouveau, elle reste bouche bée, et nous également.

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    La femme est quotidienne, d'hier seulement: Maki Watanabe en paysanne, telle une vieille enfant à la robe fannée. Innocente, malhabile. En mouvements entravés. Surtout humaine: tout est là et tout est dit, émouvant. Puis elle parle, des mots simples. Cette terrible humanité rend superbe même l'idiotie. Et montre, poignant, ce déchirement entre la trivialité et des rêves étoilés.

    C'était " Persistance de la Mémoire " de et avec Naomi Muto, avec Laurent Paris (guitare) et "Coucou, je danse comme toi" de Maki Watanabé avec le soutien de Gyohei Zaitsu.

    A Bertin Poirée, Dans le cadre du festival Danse Box

    Guy

    photo (sauf rapport direct avec la performance): Maki Watanabe

    A venir à Bertin Poiré: Marguerite Papazoglou et Claude Parle " The breakfast of the sea-dragon " le 11 et 12 mars, Cie Patricia NOVOA
    " Médée " le 18 et 19 mars

  • Et pourtant elles causent

    Ce n'est pas d'aujourd'hui que l'on entend beaucoup parler sur les scènes de danse. A tort et à travers? D'aucuns jugeraient, mais jugeraient un peu vite, que le discours est la négation même de la danse, rien qu'un processus d'intellectualisation s'exerçant à rebours du corps. Les choses sont moins tranchées, heureusement, et les frontières d'un flou salutaire: il existe du théâtre sans texte également. N'empêche. Trans-discipliner n'est pas transcender. Qu'ils soient rangés dans la case «théâtre » ou la case « danse » telles que définies dans les programmes des lieux culturels, un Jan Fabre ou un Rodrigo Garcia se rencontrent au milieu du gué pour se noyer dans le même didactisme pesant. Les mots alors utilisés pour en remettre une couche à la destination de ceux pour qui l'image n'aura pas suffit pour comprendre.... D'autres chorégraphes considèrent le texte comme un moyen supplémentaire et expressif dont ils auraient tort de se priver. Mais sans toujours savoir le manier ; leurs pièces s'enrayent souvent en route d'une parole tentée au mauvais moment, mal maitrisée, et peinent à redémarrer. Là voix et gestes dissonent. Plus prudente, Maxence Rey (Les bois de l'ombre) choisit de parler... mais sans un son, lèvres ouvertes sur le mystère, offrant le sens à l'imagination... Ce qui semble nouveau dans des pièces tentées par quelques chorégraphes féminins vues ces derniers mois, c'est le parti pris de mettre paroles et gestes à égalité, assumés au service d'une narration organisée. Elles racontent des histoires...

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    Aude Lachaise ose quelque chose (Marlon)qui ressemble dangereusement de part ses codes à un One-woman show. Circonstances aggravantes: elle parle de cul et de cœur, d'elle et d'hommes. Avec le "je' de rigueur et l'apparence des confidences. Pire: elle est drôle. L'effet de surprise passé dans un contexte de lieu de danse, la tentative fonctionne tout à fait. Et ce qui passe inaperçue à la première vision au profit du récit c'est toute la précision du travail chorégraphique. Il faut sans doute revenir sur les photos pour mesurer à quel point le geste s'intègre au récit. Parler et bouger ainsi, c'est s'offrir deux fois.

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    Sophie Boquet(Golden Girl) raconte une histoire de blonde. Mais l'histoire d'une blonde triste. D'une fille simplette et aux rêves de star, qui va au devant d'inévitables désillusions. L'approche est inhabituellement sociologique, et la place de la danse singulière, puisque celle-ci intervient en complément du récit, selon les situations. Ainsi c'est bien le personnage et non l'interprète qui fait son numéro de danse disco ou de danse sexy dans une boite de nuit, etc.... La danse tient pour ainsi dire pour l'héroine le rôle de leurre, la fait exposer son corps en marchandise. Le récit est doux amer, sans qu'on ne sache toujours à quel degré le prendre, à quelle distance se situer, nous laisse entre tristesse et tendresse. 

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    A l'opposé, la narration de Viviana Moin est purement poétique. Cette femme peuple à elle seule la scène de personnages impossibles et drolatiques: Billy (l'escargot), Mme Gonsalvez (au piano)... Se dévoue corps et atours à un sens aiguisé du ridicule, de l'absurde et de l'autodérision. Avec la même beauté mélancolique qu'ont les magiciens qui ratent toujours leur tour. La parole, chargée d'accent outre atlantique, est hésitante forcement, vite hilarante, d'une maladresse calculée qui fait déraper le récit, et ose entraîner la danse vers des situations très incongrues.

     

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    Et pour finir il n'y a peut-être pas tant de différences que cela entre une danseuse qui parle et une actrice qui danse. Marie Delmares gravit son sentier de dépendance en tutu. Pour un monologue sentimental avec un sens de l'espace bien senti et une franchise crue.

    Guy

    En photos:  Aude Lachaise(par Jerome Delatour) dans Marlon vu à Point Eméphère, Sophie Boquet (par Gaëlle Maegder) dans Golden Girl vu à Artdanthé , Viviana Moin( ici par Jérome Delatour dans Mme Gonsalvez), encore ce soir à Artdanthé  avec Kataline Patkai et Marie Delmares (par Gérard Marché) dans Sentier de dépendance en ce moment au Lucernaire

     

  • Le code a changé

    Ils dansent et jouent, mais leur jeu obéit à des règles aléatoires. Sur un plateau noir, dont l'image est projetée au mur, sont à intervalles réguliers par les uns ou les autres posés des objets: lettres, bonshommes, canards, voitures... A ces consignes codées et inattendues obéissent les danseurs, les musiciens et l'éclairagiste. On revoit ainsi souvent de mêmes séquences revenir, réagencées différement. De tels procédés les oulipiens ont fait un usage jubilatoire en littérature. Ces derniers s'éfforçaient à partir de contraintes inextricables de restituer aux oeuvres ainsi produites mouvement et sens. Mais ce soir, le code m'est inintelligible. Je ne comprends rien aux symboles posés sur le plateau. Je ne comprends pas l'enjeu d'obéir à ces consignes, ou de les détourner, et rien non plus ou résultat. A la matière dansée, riches en frictions, je pourrais m'intéresser, mais le cadre me rebute. En matière de danse, je suis pourtant rarement en demande d'explications, ni rationaliste à tout prix. Mais ce soir il y a un sens caché à l'aide d'un procédé élaboré et j'y suis étranger. Je me sens franchement de trop, frustré de sens.

    C'était Sur Faces, de Julien Monty et Michaël Pomero, au Colombier de Bagnolet, dans le cadre du festival Jamai(s) Vu!s

    Guy

  • Des regrets: Blanche Neige de Preljocaj

    Les vrais gens sont heureux: rappels, bravos et ovation, joie et felicité, et pour moi un grand moment de solitude: je me sens cerné. Avec la mauvaise conscience de ne pas avoir aimé, de faire ainsi insulte aux braves gens, rejeté vers l'elitisme, bunkerisé dans le snobisme.

     

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    Mais, malgré toute ma bonne volonté, agacé dès les premières scènes: le grand bal au palais avec tous les figurants, danse de salon avec le roi, les courtisans et la princesse, et même les méchants. Méchants en noir, gentils en blanc. C'est peut-être cela qui me gêne, cette lisibilité organisée à l'extrême, cette narration transparente et aussi le soucis permanent d'en mettre plein les yeux. Dans le même temps je me sens mal à l'aise de reprocher à Preljocaj de vouloir être compris à tout prix. N'empêche, me reviennent les images de shows à Disneyland, aussi explicites: d'autres princesses dans d'autres ballets, et des méchants tout aussi visiblement méchants, avec la différence que chez Disney on peut manger ou lire en regardant. Partant de là, toute cette belle danse, je ne parviens pas à m'y intéresser, je ne vois que le clinquant des costumes de J.P. Gaultier, les beaux décors et les belles diagonales, les effets de fumée, et la maîtrise éprouvée des artifices. Tel le miroir avec les reflets vivants, un vieux truc de music hall, déja usé chez les Marx Brothers et même par Max Linder encore avant. La musique de Mahler est omniprésente, dramatisation redondante, sans respiration. Je vois qu'évidence, et nulle profondeur. Preljocaj pourtant semble s'intéresser à l'exploration des contes et des mythes- je me souviens du Stonehedge d'il y a deux ans- j'attends en vain qu'il cherche la clef pour ouvrir avec moi des portes interdites, me fasse entrevoir des choses troublantes dans l'obscurité de l'inconscient (peut-être suis je le seul à attendre, les autres spectateurs se contentant du "Beau" et je ne peux pas le leur reprocher). Dommage. Avec Blanche Neige et sa marâtre, il y a à faire et explorer (Walser l'a déja fait). Sur le mode allusif on a droit ici tout au plus quelques coquineries, l'air de ne pas y toucher: l'attirail SM de la méchante reine et de ses esclaves en catwomen (cage, cuirs et fouets), une blanche neige courte vêtue qui doit se faire respecter par ses nains, la cruelle traque collective de la biche dans la forêt. On s'arrête là dans le genre émoustillant et tant mieux, on en a soupé avec Ann Liv Young. Je goute une consolation en conclusion, comme dans la pièce d'Howard Baker la reine danse dans ses petits souliers chauffés à blanc, et nous replonge un court moment dans les obscurs mystères du conte. Mais peu importe, comme avec Pietragalla  (plus audacieuse à tout prendre) presque tout le monde est content. Pas moi, non par tant par snobisme que parceque sans doute m'ennuient les histoires trop évidentes.

    C'était Blanche Neige d'Angelin Preljocaj au Theâtre National de Chaillot.

    Guy

    photo de JC Carbonne avec l'aimable autorisation du théatre de Chaillot

     

  • Elle et le vide

    Mon ami François a vu barbara Fuchs, il m'écrit:

    Organisation du temps et de l'espace ? La trame des post-it, évidente, pour l'espace ; l'organisation du temps suggérée par la voix-off qui au début égrène les nombres comme une horloge scande les secondes et les minutes, et ensuite lit les messages des post-it, supports de souvenirs, repères du passé et de l'avenir.

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    Sortir de la trame imposée ? Le quadrillage impose ses repères orthonormés, des règles pour les déplacements mais la danseuse y crée un trou, une aberration dans le bel ordonnancement géométrique, où son mouvement sera peu à peu plus libre. Elle se retire même hors de la matrice pendant un moment mais pour y rencontrer un autre obstacle, le mur, vertical celui-là. Une zone libérée au sein de la trame sera le point de départ d'un mouvement devenu horizontal, moins heurté, créé par un corps devenu nu, plus malléable, plus courbe, ignorant les post-its auparavant repoussoirs.

    Identité ? Virtuel ? Qui est cette femme devant nous ?  Barbara, un personnage robotisé au regard d'un bleu lointain, un body-builder, un personnage aux multiples parures, une femme soumise au cycle menstruel, un être asexué au corps contorsionné comme dans un tableau de Bacon, une créature animale à l'enveloppe-jupe se muant en une infinité de formes ?

    Les éléments naturels ? Le vent, l'eau des rivières , le piaillement des oiseaux que l'on imagine dans une campagne idéale n'ont pas disparu. Peut-être qu'un souvenir finalement. Peut-être un ailleurs. Peut-être là vraiment. Peut-être une perturbation.

    François

    Je dirais aussi: ....Au sol mille cinq cent post-it, inévitablement pour se souvenir de quelque chose, mais de quoi au juste? De consignes inutiles, de résolutions oubliables... Elle me semble régressive, en dérive d'identitée, caractères sexuels effacés, remplacés par des signes muets. Elle effacée jusqu'à une enfance incertaine, à tenir sa jupe et marcher en évitant de à chaque pas de marcher sur ces post-it.,  A terre elle dessine un espace vierge, dans une mémoire trouée. ne subsiste que le corps dépouillé, qui joue à cache cache avec la nudité. Cette danse est assez oppressante et honnête. Où est elle enfermée? 

    C'était It de Barbara Fuchs au Colombier dans le cadre du festival "Jamai(s) vu!

    Le festival continue mardi et mercredi avec Julien Monty et Michael Pomero au Colombier à Bagnolet (reservations 01 43 60 72 81) 

    Guy 

  • Pina c'est moi

    Pina es tu là? C'est Viviana Moin qui vend la mèche: hantée dans sa loge par d'intimidants revenants, de Fellini au Che- mais de Pina point. Ces fantômes la distraient d'enfiler sa belle robe style Pina à temps et nous épargnent un hommage trop convenu.

     

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    C'est que les trente artistes ou plus qui viennent ici évoquer Pina Bausch, finissent par parler surtout d'eux. C'est normal, c'est tant mieux. Le deuil rassemble. Fait aller de l'avant. C'est à cela que servent les enterrements. Que les biens vivants puissent se partager les dépouilles des disparus, leurs images, leurs rêves, leurs trésors et leurs idées. Fouiller les placards pour en ressortir beaux souvenirs et costumes inattendus, s'en parer, tous se retrouver, pleurer un coup et finir en fous rires. Pour commencer avec Kataline Patkaï emplumée, qui me fait franchement rire pour la première fois. Julien Lacroix teinte l'humour vers le noir, laisse au crabe le dernier mot. Guesch Patti en fait fort et peu, ne chante pas. Chacun est d'abord fidèle à lui-même. Andrea Sitter valse avec la pudeur et le ridicule, et l'enjouement feint. Marie Jo Faggiannelli danse avec ses fleurs. Yves Noël Genod fait semblant d'improviser, et parle d'Yves Noël Genod. Thomas Lebrun est digne, superbe et hilarant. L'allusion en reste au jeu de mots, avec Gaël Depauw qui gouaille et tient des pines. Adrien Béal souligne ironiquement la fuite des souvenirs. D'autres artistes, plus visuellement, parfois gravement, dessinent le modèle d'un seul trait: un geste délié, le port altier d'une robe...un sceau d'eau renversé... Les exercices, hétéroclites, s'enchaînent sans se contredire ni se heurter. L'effet est moins crispé que celui produits par arrêts sur images que proposait Boris Charmatz pour évoquer Cunningham. Les minutes tombent à plat parfois, sans porter à conséquence: au suivant ! Mais ces quatre minutes pour chacun suffisent pour nous entraîner dans une vision, souvent. On oublie les noms, on confond joyeusement, tout cela finit  par former le portrait chinois, brouillon et vivant, non de madame P.B. mais d'une génération qui ne renie pas ses influences et cet héritage particulier. Et se transformer en un hommage mérité au travail et à la programmation de José Alfarroba, initiateur de la soirée et patron d'Artdanthé. Ici il y a encore 2/3 ans il n'y avait pas foule, ce soir on ne pourrait plus mettre un œuf. Le deuil est passé, c'est des artistes vivants, de l'avenir, dont on se soucie maintenant. Parmi tous ceux qui ensemble reviennent saluer, un beau bébé essaie d'ouvrir les yeux.

    C'était PINA B. vue par... [Montre-moi (ta) Pina] avec Nabih Amaraoui & Matthieu Burner / Adrien Béal / Lucie Berelowitsch / Jeanne Candel / Josselin Carré / Cédric Charron & Annabelle Chambon / Raphaël Cottin / Herman Diephuis / Marie-Jo Faggiannelli / Geisha Fontaine & Pierre Cottreau / Ami Garmon / Mr X & Mr J / Marta Izquierdo-Muñoz / Thomas Lebrun / Leonard & Jeroen / Kataline Patkaï / Clément Layes & Jasna Layes-Vinovrsky / Yves-Noël Genod / Waldemar Kretchkowsky / Fabrice Lambert / Julien Lacroix / Mylène Lauzon / Viviana Moin / Thomas Quillardet / Ellen Rijk / Gaël Sesboué / Andréa Sitter / Arpad Schilling / Collectif TV, Isabelle Catalan, Guesh Patti, ... au théatre de Vanves , en ouverture du festival Artdanthé.

    Guy

    Photo de Jerome Delatour

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