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  • Qui crâne?

    Les créations de cette compagnie me posent problème, tant elles me semblent jouer en creux avec les attentes et les réactions du public. Au détriment du fond, de l'affirmation? Ces propositions (provocations?) m'inspirent prolixité, scepticisme, ou emportements polémiques, c'est selon. L'accent étant tant mis sur la relation, risquée et tenue, que le contenu souvent s'évacue, me laisse avec la peur du vide. X-event 0 pousse jusqu'à un point extrême ce déséquilibre. Mais pour le coup ce n'est pas le cas ici, pour un projet on ne peut plus lisible. Le point d'arrivée est d'avance annoncé: la reproduction en corps d'un motif de tête de mort, une vivante vanité (dont on peut considérer les inspirations avec des lunettes rouges). 

    VANITE~1.JPG

    Pas de surprise possible: au mur une video témoigne de la prise d'une photo identique, la cible. Mais c'est la manière complexe et imprévisible dont les danseurs vont parvenir jusqu'à cette image-cible qui constitue la performance en tant que telle, et tout autant nos efforts de spectateurs pour trouver une lisibilité à leurs actions. Dans ce sens l'expérience est ouverte. Le terrain de représentation est constitué d'une salle entière d'exposition, le public en demi cercle, plus ou moins. D'autres spectateurs au balcon. Les sept danseurs tendent à s'échapper du centre, et déborder les espaces d'observations, nous incitant à nous déplacer à notre tour. Ils bougent de temps en temps de quelques mêtres, vers l'immobilité, de stations en stations. Ils s'allongent alors, dans de telles positions, qu'on pourrait croire qu'ils se relaxent ou s'échauffent plutôt qu'ils ne commencent la performance. Il faut avoir la photo du crane en tête pour comprendre que chacun des sept compose déja l'un des élements de cette construction, mais pour le moment séparés. Le public est silencieux, discret, ne se déplace pas vraiment. Il y règne ici plus de recueillement que dans une église pour un enterrement. Le lieu d'art contemporain est blanc comme la mort, dépouillé. Au mur, ou dans la salle, des œuvres raréfiées. Qui passent au second plan derrière les mouvements vivants. Les danseurs sont vétus d'abord, de sportwears colorés. Puis dans un ordre dispersé ôtent et remettent bas et hauts. Leurs déshabillages et rhabillages mesurés font basculer l'entreprise et ses enjeux du coté de l'économie de l'érotisme. D'autant que le nu est attendu, annoncé par la vidéo. Pour s'agencer en un symbole funêbre, c'est la promesse d'une riche opposition. Je ne sais si elle sera tenue. Et les corps en jeu sont jeunes et beaux, filles et garçons. Des corps non désirants pourtant, froids, non agissants, utilisés, ramenés à l'état de matériaux sans cesse ré-agencés dans la construction du tout. Leurs regards absents. Dans cet espace blanc, des signes. Mais que je peine à déchiffrer, de plein pied avec les danseurs. Un mur sépare partiellement la salle en deux, empêche à partir d'un même poste d'observation de tous à la fois les considérer. Est-ce une occasion perdue pour méditer? Mon attention se fixe de moins en moins sur leurs déplacements, se lasse de cette poursuite, je me hasarde à la mezzanine, à la recherche d'un point de vue d'ensemble, plus vertical. Cela me permet distinguer d'en haut les figures, qui tendent plus ou moins vers un agencement. D'ici c'est plus intéressant, organique en sens, ces formes se font et défont, entropiquement, et sans donner le sentiment d'une intention. Plutôt d'obéir à des lois physiques. Il y a à entendre une rythmique sous- jacente, qui berce ces allers-retours, ces répétitions. Mais je m'en lasse aussi, redescends. Pour alors constater qu'une forme est enfin constituée, l'état stable, rassemblé.

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    Sauf que l'image est d'ici intelligible, voire le déclencheur d'interprétations incongrues: une orgie pétrifiée? Des figures animales rassemblées pour se réchauffer? Un charnier? A l'horizontal il n'y a que des nudités et des détails immanimés. Avec retard, je devine le crane sous les chairs. Pour le saisir, je retourne au balcon. Trop tard, les danseurs se dispersent déja, comme repoussés les uns les autres par des forces magnétiques. Seuls.

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    L'image funêbre s'est décomposé. Il ne subsiste que le fantôme de la forme, dans le vide autour de la danseuse du milieu. Gisante. La dissolution ne se produit pas d'un coup, progressivement, les élements survivent un peu, les corps peu à peu rhabillés, de retour vers le quotidien, l'activité. Pour se disperser parmi les spectateurs. C'est un retournement inattendu du symbole. La sensation me faisant toujours un peu défaut, pas déprimé pour autant, ni convaincu de la vacuité de l'existence, je cherche le sens. La morale de cette vanité. Je ne sais si cet art est mort ou vivant.

     C'était piece en sept morceaux, des gens d'Uterpan, au centre d'art contemporain de Bretigny 

    Guy

  • Hier

    Bilan ?

    …Anti-Bilan ?

    … Rapport d’activité ?

    Il est sans doute moins malaisé de commencer par les chiffres? 53 nouveaux spectacles chroniqués cette année 2012, juste au-dessus du seuil symbolique d’un par semaine. Impossible de nier que le rythme se ralentit depuis le début du blog (500 entrées entre mi-2006 et mi-2012). Pourquoi? J’écris lentement  depuis toujours, aujourd'hui plus lentement sans doute. La production au rythme actuel suffit sans doute pour justifier la continuité du blog, compte tenu de contraintes liées à ma vie professionnelle, familiale, personnelle… La lassitude vient parfois, jamais au point de me faire envisager d’arrêter. Tant qu’il y aura de l’étonnement et de l’émotion, et la sensation que l’écriture ensuite réordonne la perception…

    Ce chiffre ne correspond pas au nombre de posts publiés. Certains posts rassemblent plusieurs spectacles, mis en perspective dans le cadre d’un festival (Frasq) ou par choix personnel (Fauve et this is the end autour de la jeunesse). A l’inverse, il y a une bonne vingtaine de spectacles dont je n’ai pas parlé, presque autant de autant de regrets, quand ce n’était pas par manque d’intérêt, mais  par manque de temps ou difficulté dans l’approche.

    Aussi, j’ai rediffusé une dizaine de chroniques (La mort et l’extase, show funèbre à sept voix...) à l’occasion de reprises, encouragé par les remarques d’amis frustrés de ne jamais pouvoir voir des spectacles dont ils ne lisent souvent le compte rendu qu’après la fin des programmations (souvent courtes). Je me rends ainsi compte que je dispose d’un fond de textes, mais qu’en faire?

    L’une des vocations du blog était de découvrir de nouveaux artistes. Le rapport entre propositions d’artistes que je connaissais déjà, et d’artistes que j’ai découvert a été en 2012 de 60%/40%. J’ai dans les faits plutôt privilégié la fidélité au détriment du renouvèlement. J’ai vu cette année deux créations de de Thibaut Croisy, de Laurent Bazin, de Sandra Abouav, des artistes donc prolixes et assez bien programmés. Au moins sont-ils jeunes et émergeants. Il y a des artistes dont je suis les travaux avec passion sur la durée, voire des propositions dont j’ai  rendu compte plusieurs fois à différentes étapes  de la création (Le modèle d’Eléonore Didier, Sous ma peau de Maxence Rey). Les choix sont compliqués. L’offre est si abondante à Paris que je ne peux en embrasser qu’une fraction. Au-delà de mon plaisir et de ma passion, le désir d’être utile vis-à-vis d’artistes entre trop peu connus et de partager constitue un moteur. L’animation cet automne d’un atelier d’écriture en milieu carcéral a été pour moi une expérience forte et féconde.

    Si l’on parle de catégories…. Les choix se portent plutôt vers ce qui est considéré comme de la danse de danse, aussi du théâtre, un peu de cirque, des performances, des lectures, des concerts… en privilégiant des formes mixtes, surprenantes, incisives, qui transcendent les genres, à forte teneur en émotions, incarnées, avec de vrais sujets et utilisant de nouveaux modes narratifs. Les propositions de Viviana Moin (hélas absente cette année) répondent bien à cette définition. Seule contrainte définie dès le départ, ne parler que  ce qui peut être qualifié de spectacle vivant. Je suis tenté, paradoxalement de faire de plus fréquentes incursions dans des genres populaires (théâtre classiques, café-théâtre)… sans y parvenir pour le moment.

    Je me sens bien incapable de tirer un bilan artistique de l’année, ce pour plusieurs raisons. Mon regard sur chaque proposition est singulier, subjectif, et indissociable de circonstances particulières, n’existe que dans le cadre d’une relation à un moment donné avec des artistes. Et surtout, j’assiste qu’à 1% de ce que ce qui est proposé à voir, ne participent pas aux festivals (Avignon) ou saisons (Théâtre de le Ville) qui forment, même en négatif, l’opinion.

    Ma fréquentation se concentre sur certains lieux pour différentes raisons: une confiance en leur programmation, l’habitude d’y rencontrer des personnes avec qui j’au plaisir à échanger, et pour des raisons pratiques et financières tenant aux invitations. J’ai beaucoup fréquenté La Loge (8 fois), ce qui rend justice au développement de ce jeune lieu, sans délaisser des valeurs sures (Théâtre de Vanves et Artdanthé: 7 fois), Etoile du nord (5 fois), les lieux de résidence où se travaillent de jeunes  chorégraphes (Point Ephémère 6 fois à l’occasion des petites formes, Mains d’œuvres, Micadanses 3 fois). J’y vois beaucoup de Solo, duo, trio, des propositions sensibles et intimes, en rapports serrés avec les artistes, au détriment du spéculaire avant grand moyens décors et effectifs. Dans des lieux aux salles à taille humaines à l’exception de la villette (2), du nouveau théâtre de Montreuil (2), de la cité la cité internationale (3), le Rond point (1). Pour être complet, je suis aussi passé par Gennevilliers, Regard du cygne, le colombier, atelier Carolyn Carlson, le centre culturel suisse Ma fréquentation se concentre clairement sur quelques lieux, ce qui porte à réflexion. J'ai cependant assisté à 6 proposition dans des lieux inattendus: Salon de coiffure (Lionel hoche) appartements, lieux publics…

    L’écriture…Elle est toujours difficile à produire, mais me semble plus s’assagir, moins libre dans la forme que ce que je rêverai. Banalisation ou maitrise ? J’ai au moins le sentiment d’assumer ma position de spectateur concerné sans être érudit, ainsi que l’exposé de ma subjectivité, et d’adopter une juste posture entre bienveillance et lucidité.

    Fréquentation: Plusieurs milliers de visites uniques par mois me laissent à penser que je suis lu, ainsi que de nouvelles inscriptions à ma mailing list d’une grosse centaine d’abonnés. Peu de commentaires sont laissés, mais les « j’aime « sur facebook, témoignent de lectures actives plutôt de de visites fortuites. Certains échanges me confirment mon rôle de prescripteur même vis-à-vis de professionnels.

     Vos suggestions?

     Bonne année

    Guy

  • Eleonore Didier: service minimum

    Elle n'a peur de rien et déjà pas d'étirer son solo pas loin de deux heures, et devant si peu d'yeux. Peur de rien; on lit qu'en résidence ici durant un an elle a dansé chaque semaine pour un spectateur seulement. 639f8287cb21d879f422e48938865312.gifConcept radical, à l'évidence intimidant. On regrette de ne pas avoir postulé alors, mais le lundi matin ça n'est pas un horaire. Elle n'a non plus pas peur d'être, plutôt que de faire, de nous laisser seuls remplir le vide de pensées, plutôt que de montrer le plein. On ne peut d'ailleurs plus ici parler de danse, plutôt d'un exposé d'états de corps. A prendre ou à laisser, en deux parties bien contrastées.

    Au début le sujet gît au sol, noyée dans une doudoune d'une couleur douteuse, tête sous la capuche et visage bouffé par les cheveux. En état d'apathie extrême. Ça traîne par terre, ça remue de l'orteil juste alors qu'on commence à désespérer. Une quasi immobilité, de l'intérieur inerte, rien à voir avec l'énergie contenue d'une danseuse de buto. Encéphalogramme plat. Quand même, une jambe bouge et l'autre, et à quoi bon au fond? Retombe. Sans qu'on ait vu très bien comment, elle a rampé presque d'un mètre. S'est retournée sur le dos, se tord vaguement, un doigt agité. C'est qu'elle a manifestement du mal à exister. Est ce par peur, amnésie, doute, lassitude? En tous cas on s'y fait, on s'intéresse. On baille un peu mais on reste. Ou cette passivité apparente est elle l'effet d'une volonté? Peut-être la danseuse résiste-t-elle placidement contre la tentation du mouvement, peut-être lutte-t-elle obstinément contre le temps qui passe et l'impatience. Étrange: elle finit par gagner et nous gagner dans le même temps, elle remporte la première manche dans combat de la non-urgence. Dans cette quête léthargique, l'égarée perd en route pompes et jean. C'est l'effeuillage le plus long et mou de l'histoire de la danse, durablement stabilisé à l'étape doudoune et petite culotte bleue. Les jambes nues dessinent en bas un commencement d'animation, une personnalité s'esquisse, qui lutte contre l'anonymat que fait peser encore sur le haut du corps la doudoune informe. Elle s'agite presque, puis pour de bon, puis plus franchement encore, et on identifie jusqu'à ne plus pouvoir les nier les mouvements subis d'un coit rude et essoufflé, impulsés par un partenaire imaginaire. Après, en récupération, cinq bonnes minutes d'immobilité complète. Rien. Vide. Silence. Blanc. Les sept spectateurs sont disséminés le long de deux des cotés de la salle, aussi visibles que celle au milieu, et qui ne bouge plus. Ceux qui la regardent semblent un peu plus nerveux qu'elle, sans qu'ils n'osent s'interroger du regard pour autant. L'un consulte quand même furtivement sa montre au poignet. Fausse alerte, la performance n'est pas finie: la performeuse a bougé. Se hisse sur une marche d'une fesse hésitante, en glisse et retombe lourdement, inerte. Une heure presque est passé et si on est resté jusqu'à travers ces cinq dernières minutes, on a renoncé à tout. Désormais la danseuse peut parfaire sa victoire en prenant possession de l'espace entier, venant nous frôler les uns et les autres, ainsi les uns après les autres à la somnolence arrachés. Elle est tout à fait réveillée, et réussit le passage au vertical. Maintenant s'ouvre la possibilité du mouvement: hop, et les pieds aux murs, incroyablement spectaculaire et acrobatique par rapport à tout ce qui a précédé. Exploration de l'espace disponible: il y a-t-il une vie possible entre le mur et les cloisons en placo? Disparition dans d'impossibles interstices.

    Réapparition et rupture de ton: la seconde partie partie se dénude franchement et sans manières, face aux fenêtres grandes ouvertes sur le canal Saint Martin, dans la chaleur nonchalente de cette fin d'aprés-midi de juin. Peur de rien décidément, sauf qu'il n'y ne reste en fin de compte ici pas plus de provocation que de pudeur. C'est juste qu'à ce moment elle "est" enfin pour de bon. Libérée de la doudoune et de la culotte bleue, occupée à se définir elle-même. A trouver sa place dans cet espace flou. Un lieu brut et nu, sans espaces nets ni décors, tout de récupération industrielle, où chaque spectateur s'est installé au hasard en rentrant. Un lieu qui mérite bien son nom de Point Ephémère. Eleonore Didier est très occupée, à deux pas d'elle on se sent à peine exister. Devant sept spectateurs, ou un seul, ou aucun, ou juste face aux fenêtres devant toute la berge opposée du canal Saint Martin, son entreprise resterait sans doute la même: seule et affairée, s'examiner imaginaire (s'examiner l'imaginaire? ) à travers la visée d'un appareil photo sur pied, déclencher le retardateur et venir devant l'objectif poser, plaquée contre le mur, sérieuse et laborieuse, dans diverses positions convenues, ou alors beaucoup moins. En tension, plaquée, ou renversée, vers les limites, sang à la tête, l'équilibre forcé. Jusqu'à, à nouveau, essayer de se couler dans les angles perdus du mur, la chair contre le grain du béton. Le naturel forcé. Impasse et peine perdue. La séance photos abandonnée on passe à l'évocation d'un musée vivant, une promenade figée en postures empruntées à la statuaire antique. Comme la recherche d'autant images idéales et rêvées.

    Enfin se répète deux, trois fois un dérisoire épilogue, à nouveau en doudoune mais toujours sans culotte bleue, à poser ci et là une échelle dans les axes successifs de nos points de vue de chacun, et s'y percher pour des acrobaties pendues, lasses et un peu crues. A l'avidité du regard presque un pied de nez.

    Puis E.D se rhabille enfin, prenant son temps jusqu'au bout, de la capuche aux chaussures. Sans marquer la fin, sans solliciter d'applaudissements. S'en va et ne revient plus. Pour une absence tout aussi existentielle que ses présences d'avant.

    Paris Possible? Paris tenu.

    C'était Eléonore Didier pour la création de Paris, possible , à Point Ephémère.

    C'est gratuit et ça recommence au même endroit, mardi prochain le 26 juin, à 19h ou à peu prés.

    Guy

  • Béjart/Huynh/Henry: hier, demain, aujourd'hui?

    L'art éphémère, vivant, begaye- t-il trop souvent? Doit-on lui rafraîchir la mémoire, par transmission d'homme à homme et par hommages organisés? Surtout lorsque beaucoup de créations s'épuisent dans le même temps en surenchères qui n'ont même plus le goût de la provocation, ni celui de la spontanéité. C'est de saison, celle ci avait débuté avec de beaux voyages dans le temps, jusqu'en 1965 déja. 

    L'homme à qui la soirée du T.C.I. est dédiée- Pierre Henry- a 80 ans passés. Il nous invite en arrière jusqu'au début des années 50 pour une visite de ses compositions destinées à Béjart, encadrées par deux chorégraphies utilisant ses musiques. Au total, l'entreprise peut tout autant s'entendre comme un hommage à Maurice Béjart que comme un hommage à Pierre Henry. Elle permet en tous cas de considérer sous divers angles les rapports entre danse et musique. Mais s'agissant du plat de résistance- le concert- la danse brille par son absence. Nul improvisateur -contemporain et un peu kamikaze- ne se risque à dialoguer de son corps avec Arcane (1955) ou Haut Voltage(1956). Est ce stratégie délibérée? Rien à voir et tout à entendre? La scène est prise en otage par un dispositif pour le moins intimidant d'amplificateurs de taille et textures variées, disposés comme dans un show-room pour matériel hi-fi, là tous en joue vers nos oreilles. Le compositeur est assis au premier rang, dos au public face à une console. Pour conduire? Jouer? Interpréter? Mixer? Improviser? Juste déclencher des enregistrements? S'agissant de musique electro-acoustique en quoi consiste au juste l'exécution? On oublie vite cette question. Et l'on oublie l'absence de la danse. Sans éviter de devoir écouter cette musique des deux oreilles à la fois. D'une part pour ce qu'elle est, d'autre part en s'interrogeant sur la manière dont elle se situe historiquement, si on la découvre en candide. De ce dernier point de vue on est assailli à rebours par les réminiscences familières en musique populaire des Beatles à Pink Floyd, en passant par certains jazzmen, jusqu'au mouvement techno. C'est une entrée possible pour les accompagnateurs qui tenteront d'intéresser les scolaires à ce monsieur qui pourrait être l'arrière-grand père de leur D.J. préféré. Peut-être faudrait-il éviter de leur présenter cette musique comme trop sérieuse, et il est vrai qu'elle sonne finalement peu datée, sauf sans doute dans les sons les plus futuristes. Tant la distance s'abolie entre le bruit et la note, dans l'exploration d'une incroyable variété de timbres. Les audaces semblent plus se concentrer sur les textures et les matières sonores que sur les harmonies ou les structures, boucles et répétitions rassurent. Les références familières et culturelles éffusent, entre sonorités d'orchestres classiques ou modernes-mais toujours détournées- et évocations urbaines et concrètes. Comme pour apprivoiser la modernité. C'est un monde entier qui grouille et s'exprime, avec les commentaires ironiques de voix sardoniques. On dirait de la world music sans instruments....

     

    Variation pour une porte et un soupir- photo JL Tanghe.jpg

    La soirée se conclue musicalement sur un mode beaucoup plus minimaliste, mais avec une efficacité incontestable. La porte qui grince, et la respiration- variations pour une porte et un soupir- permettent l'expression de 16 situations différentes: sommeil, éveil, fièvre, chant, etc... C'est le contrepoint proposé par sept interprètes du Ballet de l'Opéra national du Rhin qui pose plus de questions. D'où dansent ils? De la création de Béjart(1965) ne reste que le concept: faire improviser sur chacune de ces séquences certains des danseurs selon des combinaisons tirées chaque soir au sort. S'il s'agit de pure improvisation, peut on parler de ré-création de la pièce de Béjart? Encore qu'un de mes voisins plus expert met en doute ce principe d'improvisation lui même, tant certaines rencontres lui semblent tomber trop justes. S'il y a hommage, il se manifeste plutôt par l'esthétique, par les styles, même plus ou moins audacieux d'une séquence à l'autre. C'est dans l'ensemble lyrique, expressif, figuratif, mais somme toute plus daté que la musique. On en retient qu'on est pas passionné par les post-bejartiens, sans pour autant bouder son plaisir lors des tremblements de la séquence finale (mort), ni lors de certains gags... Et les interactions entre danse et musique évoluent librement, sans soucis de l'imitation rythmique. Mais en comparaison, la recréation de la pièce d'Halprinnous emportait assez vite loin pour qu'on ne soit pas à se poser de manière trop aigue la question de la fidélité.

    Fugato - photo de Toshihiro Shimizu.jpg

     

    Emmanuelle Hyunh, ancienne élève de Mudra- l'école de Béjart à Bruxelle-, ouvre la soirée, et tire étrangement son épingle du jeu. Les rapports de Futago avec Pierre Henry et Maurice Béjart paraissent pour le moins tenus. La choréraphe contourne l'hommage obligé en saturant la pièce de références à l'époque plus qu'aux oeuvres des deux maitres, usant de lumières de boite de nuit psychédelique, de costumes comme issus des swinging sixties. La messe du temps présentest noyée dans le rythme d'un jerk avec force guitare fuzz et carillons. Aprés une entrée en catimini dans l'obscurité, l'une l'ombre de l'autre, les deux jeunes femmes en pull et collants dansent comme au temps de Rio ne repond plus. De la pointe des talons à la pointe des seins, aucun nu ne saurait rivaliser avec cette section sur le terrain de l'érotisme. Puis, comme s'il ne s'agissait que d'un prétexte vite expédié, le projet bifurque, en en oubliant l'articulation en chemin. Vers des thêmes pas in-intéressants. Pour montrer une lutte de corps siamois par les épaules réunies, des tensions symétriques, un accouplement triste, des affrontement de sumo. C'est silencieux et intriguant, troublant, et sans rapports visibles avec le reste de la soirée, avec le sentiment que les choses ne vont cette fois pas tout à fait jusqu'au bout. C'est au moins une promesse pour aprés.

    C'était Futago d'Emmanuelle Huynh, Pierre Henry en concert pour une première partie de l'intégrale de ses compositionspour Maurice Béjart, Variation pour une porte et un soupir sur un concept de Maurice Béjart et une musique de Pierre Henry par le Ballet de l'Opéra national du Rhin.

    Au Théatre de la Cité Internationale, jusqu'au 28 avril.

    Guy(avec ses remerciements à Isabelle et Damien).

    photos de JL Tanghe (variations) et Toshihiro Shimizu (Fugato) avec l'aimable autorisation du théatre de la cité internationale.

    A voir: les photos de Laurent Paillier.

     

  • Herman et Dalila

    Erika Zueneli, nous avait invité, il y a peu, à passer de l'autre coté du cadre avec Edward Hooper. C'est bien plus loin dans lemedium_Samson_and_Delilah_by_Rubens.jpg passé que nous devions remonter avec Herman Diephuis, pour y rencontrer Rubens et Jordaens, à en croire le programme.

    Il ne faut jamais lire les programmes. Ni les dossiers de presse. Ni la presse qui recopie les dossiers.

    Peut-être une fausse piste, cette promenade du coté des primitifs flamands, entrevus le temps de quelques poses dans un clair obscur distancié. Juste un prétexte, une judicieuse inspiration, un point de départ stimulant. Les personnages dès qu'ils s'échappent du tableau, n'en font qu'à leur tête. Dalila surtout, car Samson est un pantin, yeux gagnés par une panique muette, un jouet de chair et caoutchouc manipulé avec gourmandise et  affection par cette femme au corps de matrone. Un corps tel que celui de Dalila Khatir, on en voit rarement sur une scène de danse: le résultat est passionnant, et ceci écrit sans la moindre complaisance. De même qu'on l'entend rarement dans ces mêmes lieux une voix comme la sienne, à nous guérir de notre allergie au lyrique. Coté danse, la répétition des enchaînements se fait commentaire ironique- mais pourquoi le public de la danse ne s'autorise-t-il à rire que très prudemment? Le tout est aussi intelligent et froidement drôle que les dernières performances de Brigitte Seth et Roser Montllo Guberna. Surtout totalement imprévisible, ce qui n'est pas si fréquent que cela, ouvert et surprenant du début à la fin.

    Cette conclusion, l'ancien testament (livre des juges, chapitre 16) ne nous donnera aucune clé pour la comprendre, tant mieux. Pas de tonte, ni de colonnes qui s'écroulent, mais simplement la plus tendre, la plus originale, la plus délicate des mises à nus que l'on se souvient avoir vu.     

    C'était "Dalila et Samson, par exemple" -♥-de et avec Herman Diephuis, avec Dalila Khatir aussi, dans le cadre du festival Artdanthe au Vanves theatre,où on se sent si bien qu'on voudrait s'y installer discrètement dans un coin, jusqu'à fin Mars au moins.

    Guy

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  • Dona Juana mon amour

    S'agissant de spectacle vivant- autour de Molière, du Buto, du Schubert, de quoique ce soit d'autre- il faut donc tout essayer.

    Essayer par exemple de faire de Don juanune femme. D'inverser le genre sexuel de tous les personnages de la pièce: Don Elvir trahi et éploré, la statue de la Commandeuse, et douze cavalières au loin.

    Contre toute attente, cela fonctionne.

    Et cela fonctionne très bien même: le texte, qu'on ré-ecoute soudain des deux oreilles, se déplace du masculin au féminin, mais revient vite quelque part au milieu, chargé de toute l'électricité des deux pôles. Cette Dona Juana(Christel Willemez) qui veut aimer tous les hommes dégage un charme ambigu, puissant, vénéneux, une autorité inquiète, qui attire et effraye sa bonne et simple Sganarella(Johanne Thibaut).

    Dépoussiérage, éclairage inédit, judicieux à une époque où les stéréotypes masculins et féminins sont moins figés que jamais (Myra Breckinridge, es tu là ?). La comédienne, après la représentation, confiait pourtant au public toute la difficulté qu'elle avait eu à jouer, en tant que Dona Juana, une scène de séduction très "active". Et à lutter contre un atavisme plutôt féminin: inciter l'autre à venir séduit vers elle.

    De notre point de vue, elle jouait des deux cotés à la fois, et c'était délicieux.

    Mais plus encore que le "don-juanisme", ce sont les thèmes premiers de la pièce qui profitent de cette cure de jouvence: le rationalisme du "un et un font deux" opposé à la religion, le libertinage au sens philosophique du terme. Thèmes qui brûlent de toute la modernité du texte de Molière (1622-1673), dèja en avance de prés d'un siècle sur l'idéologie des lumières, thèmes plus qu'encore d'actualité, évidemment.

    Le résultat est drôle et nerveux, et malgré le surprenant postulat de départ, trés respectueux du texte dans l'esprit et la lettre. Le tout reste plus sage et classique à tout prendre, que le Don Juande Montherlant que l'on peut encore voir au T.N.O.

    Sage, mais un peu coquin quand même, pimenté par ces intermèdes dansés en fond de scène, voilé d'un onirique très à propos, contrepoints mi-sados mi-technos aux scènes à texte. Pas explicites vraiment, comparés par exemple aux exercices récents d'Ann liv Young, et artistiquement c'est tant mieux. Assez implicites quand même pour recaptiver l'attention des lycéens franchement dissipés: au moins reviendront-ils peut-être un jour écouter Molière.

    C'est Don(a) Juan(a), par le Theatre ephéméride, mis en scène par Patrick Verschueren, au Théatre du Lierrejusqu'à mi-decembre.

    Guy

  • T.R.A.S.H., l'art de la chute

    Au festival Artdanthé, les soirs se suivent mais décidément ne se ressemblent pas. La surprise ce lundi soir vient des Pays-medium_pork_in_loop.jpgBas. Mais plus rien à voir avec Rubens cette fois.

    L'accompagnement live a beau être retenu et acoustique-clarinette basse et violoncelle- l'inspiration est violemment contemporaine. Frénétique même, paniquée, hystérique, énervée. On ressent, dés les premiers instants tendus, que l'énergie sera le maître mot. Sans pouvoir encore se douter jusqu'à quel degré.

    La toute première chute, par sa violence laisse incrédule. Les suivantes aussi- bruits mats du choc des corps contre le sol- et ceci jusqu'à la fin, jusqu'au rire admiratif et nerveux. Portant à medium_trash_1.jpgson point d'exaspération ce commentaire radical, ironique, furieux de l'insupportable quotidien- qu'il soit amoureux, social, médiatique. Mis en évidence par quelques dialogues grotesques- le temps de laisser les corps éprouvés reprendre souffle, après s'être entrechoqués, avoir été renversés, projetés en l'air, précipités contre les murs.

    Rien de désordonné ni de bâclé dans ce jeu de massacre: c'est un langage chorégraphique résolument moderne et cohérent qui s'impose au regard par fragment et ruptures. Qui paradoxalement inspire une impression de rigueur et d'austérité, au delà de sa dimension provocatrice. Toute la différence avec des artistes tel qu' Ann Liv Young, qui bien que s'inspirant de thématiques voisines, en restent- faute de travail?- à une plate imitation du crétinisme contemporain. Rigueurévidente de la part des 7 performeurs, qui d'évidence doivent faire preuve d'une discipline digne des arts du cirque pour accomplir sans risques les prouesses physiques imposées. Avec tant de désinvolture affichée.

    medium_trash2.jpgC'est d'autant plus dommage, que- faute d'une scénarisation assez nette ?- toute cette énergie semble un peu trop se disperser, sans laisser dans notre mémoire, une fois la tempête passée, toute la persistance qu'elle aurait mérité de laisser. Pour que l'on garde vraiment alors le souvenir d'une performance d'exception.

    C'était Pork-in-Loop de T.R.A.S.H. ---dans le cadre du festival Artdanthe, au Vanves Théatre. Où nos voeux de dimanche dernier dernier ont été exaucés; une main anonyme nous a réservé durant la nuit une petite place en 2 dimensions et 24H/24H, sur le mur du fond...

    Guy

    P.S. du 15/2:on a donc inséré deux très dynamiques images capturées par Jean Michel Coubart,on est invité à s'étonner avec leurs 71 voisines, sur son site www.coubart.fr/jmcoubart/ , partie  http://www.coubart.fr/jmcoubart/ardanthe.

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  • Les Printemps de Léveillé

    Extraites du répertoire de Daniel Léveillé, deux pièces jetaient hier soir un regard 20 ans en arrière. Mais deux pièces, qui, de notre point de vue qui n'est pas celui de l'historien, résonnent- comme Herses- plus actuelles que bien des nouveautés. Sauf à considérer qu'il faille du texte ou de la vidéo pour être moderne.

    Or pas même de musique au début du premier solo, Traces N°2. Une lumière simple et une femme- Louise Bédard- un vrai personnage bientôt. Embarrassée d'habits trop grands. Dans ce silence qui de plus en plus pèse, l'interprète exécute brusquement des spasmes comme nerveux. S'installe l'illusion que ces spasmes saisissent malgré lui le personnage ainsi créé. Brèves interruptions, mais pour laisser s'exprimer l'angoisse d'un regard à la dérive. Un visage décomposé. Cris. L'invention hachée et brute d'un nouveau vocabulaire gestuel, violemment inédit. Que Gilles de La Tourette aurait pu composer. Langage sans compromis, qui vient chercher quelque chose très loin dans le corps, pour nous l'imposer. Cela continue. Stupeur et tremblements. Gène, et toujours aucune musique pour l'atténuer.

    C'est une révélation poignante quand, une éternité de 10 minutes plus tard sautillent les premiers accords de guitare de "The girl from Ipanéma", qu'on a entendu mille fois, mais jamais comme cela. Louise Cavallier déambule alors gauchement, comme une danseuse de buto. "But she doesn't see....?" La phase répétée par Stan Getzsur le registre brumeux mais léger du sax ténor installe un contraste pathétique avec ce qui est vu. Mais le dérangement n'en est pas atténué, ni happy end ni rémission.

    On ne parvient pas, après ces émotions, à s'intéresser vraiment au Sacre du Printemps qui suit. Malgré Stravinsky (1882-1971), malgré les toutes les trouvailles, malgré l'énergie et l'excellence des quatre danseurs, rhabillés de la Pudeur des Icebergs. La majorité de l'audience semble pourtant acquise ou conquise, de la pré-ado à couette du premier rang aux mamies expansives derrière. Mais cette pièce va beaucoup moins loin que Traces. C'est simplement de la danse, et les pas sont toujours placés, impeccablement, SUR le tempo.

    C'étaient, de Daniel Léveillé, Traces N°II (1989) -♥-interprété par Louise Bédard, puis Le Sacre du Printemps (1982), interprété par Frédéric Boivin, Mathieu Campeau, Justin Gionet, Emmannuel Prouix. Une fois encore à Vanves Théatre, avec Artdanthé.

    Guy 

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  • Maria Donata d'urso: Lapsus ou répétition?

    Quand on a déja vu une fois Maria Donato D'Ursose fondre morceau par morceau sur/à travers une table truquée, faut-il retourner la voir tourner dans un anneau géant? Pour dire vrai on se disait in petto que non, ne nous y risquant finalement que sur la sollicitation amicale de JD. Moralité: alors que JD, d'avance convaincu, en ressort trés déçu, nous au départ réticent on en revient intéressé. A se mettre les jambes en haut, la tête en bas, puis au milieu et dans tous les sens possibles, elle a finit par tous deux nous retourner.

    Plaidoyer: oui d'accord il n'y a ni recit ni morale. Oui, on frise l'esthétique publicitaire. Oui on constate l'épuisement systématique des procédés. Oui d'accord sur tout, et alors? Il faut accepter de revenir à l'essentiel, écouter cette lente respiration qui nous dit: "arrêtez vous un instant, oubliez et regardez, oubliez que vous voyez un corps comme déja vu cent fois et laissez vous surprendre à voir d'autres choses". On repense aux impressionnistes, aux pointillistes, au cubistes, qui réinventaient la forme humaine et le nu. Ici nait un projet du regard au ralenti, à la fois voisin et à l'exact opposé du travail de Claudia Triozzi. Cette dernière jouait sur le plein, la surcharge et l'accumulation. Maria Donata d'Urso épure jusqu'au presque rien, la rencontre de formes qui se détachent en ombres sur le fond. Après les rondeurs de sa précédente Collection particulière posées sur un plan horizontal, ici des lignes brisées de corps qui naissent d'un point de départ foetal, s'élancent et se replient au sein de la rondeur faciale d'un cercle protecteur. D'une performance l'autre la stratégie visuelle se poursuit mais les effets sont loins de se répéter. Bien sûr, on somnole un peu- la bande son est spatiale et la vision floutée- puis on est réveillé par un éclair opportun ou, à coté de nous, par les manifestations d'impatience de JD. Mais une fois qu'on a renoncé à attendre quoi que ce soit, on accepte que des images apparaissent, contours dessinés par les membres, les replis, les chairs de cette femme nue. Les caractères mystérieux d'un alphabet féminin, les aiguilles d'une horloge organique à contresens du temps, les pinces d'un mollusque indolent, une respiration qui lourde s'impose et fait ressentir l'existence du dedans, une pupille palpitante de lumière au centre d'un oeil géant, un personnage au bord d'être emporté par la tempête, pour finir une femme qui médite perchée sur un croissant de lune. L'anneau est un portail vers d'autres dimensions, comme le savent tous les amateurs de fiction: quand la danseuse disparaît d'un coté, alors qu'elle réapparaît, c'est transformée...

    Tiens, c'est fini, déja ou enfin. Pour la prochaine performance, plutôt que pour le carré on pose un pari sur la sphère transparente et suspendue. Ou le ruban de Moebius.

    C'était Lapsus , par Maria Donata d'Urso, au CND de Montreuil, avec les Rencontres du 9-3

     Guy

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  • Moeno Wakamatsu: voyage aux enfers

    Comme chaque fois que Moeno Wakamatsudanse, c'est un chemin lancinant qui est tracé, accidenté, avec des suspens de douleur et d'épuisement, mais sans retour en arrière. Jusqu'au bout. Un voyage toujours, tragique mais jamais le même. Ce soir la cour de la "fondaction medium_Moeno_20BV.2.jpgBoris Vian", au delà des grandes portes-fenêtres, devenait la scène. Dans cette cour, mort peut-être déja, Orpheus gisait, chairs meurtries contre la pierre. Le voyage de ce soir était celui d'Orphée aux enfers, le retour d'Orphée sans doute, Eurydice perdue deux fois, Orphée rubans aux pieds, à l'extrémité une lourde pierre à traîner.

    Peut être la plus grande beauté de cette danse réside-t-elle là, dans un intense et impossible équilibre sur une seule main et sur la seule pointe d'un pied, un effort continu qui engage tout le corps, et l'âme. Ou dans une chute. La chair éprouvée contre le sol rugueux.

    Aprés un maitre - Masaki Iwana- pour invité la semaine d'avant, cette fois une novice (une élève ?): Noura Ferroudj. Elle résoud vite et trés radicalement l'épineux problème du costume de scène. Mais même encore habillée des "Z'ailes du désir"il lui reste toujours ces cordes-souvenir de rite Shinto ?- qui l'étranglent, elle comme nous comme vous et comme chacun, ces maudites cordes dont il faut prendre le temps un jour de se libérer.

    Pièce structurée en pyramide: ascension-paroxysme-descente, rien de ce coté qui ne surprenne. Et en effet c'est joli, ainsi que l'accompagnement boisé de clarinette, les amples mouvements qui s'offrent, les beaux effets de lumière rasante sur le corps presque allongé. Tout cela est joli, comme une rêverie étrange, même un peu acidulée, même parfois un peu agitée. Aux acres parfums du moyen-orient. Tout cela reste encore sans doute en deça des ambitions du projet. Rien n'apparait vraiment tragique, encore. Le corps est là, mais un corps ne laisse pas deviner cette tension qui recule les limites de la danse. Un corps nu mais qui semble plus serein qu'inquiet, qui se met en jeu entier, généreusement, mais sans oser le hors jeu. Mais il est vrai: on avait vu Moeno avant.

    Quoiqu'il en soit mercredi prochain Noura Ferroudj s'envole à nouveau- encore plus haut peut être- au même endroit -Boris Vian Cité Veron - un indice: c'est à coté du Moulin Rouge-, et avec bien sur Moeno, métamorphosée en Dryoped' Ovide à nouveau.

    Guy